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Source en allemand : https://panopticon.noblogs.org/post/2025/07/29/israel-palaestina-iran-und-sonstwo-feinde-des-vaterlands-immer-fuer-den-verrat-am-vaterland/
« Les dictatures dissimulent toujours le caractère
économique de la violence et les démocraties toujours le caractère
violent de l’économie. »
Bertolt Brecht
Dans la société capitaliste, où non seulement tous les êtres humains sont en concurrence entre eux, mais également tous les États-nations, nous vivons tous dans un état de guerre permanent. Au niveau militaire, il y a deux formes : soit on est en plein dedans, soit on est dans un état de préparation. Pourquoi (presque) tous les États-nations1 habillent-ils, nourrissent-ils, entraînent-ils, arment-ils, une armée permanente ? La plupart des faux critiques de l’ordre dominant ont fini par penser que ces armées n’étaient qu’un simple ornement à des fins décoratives et qu’elles ne protégeaient pas et n’imposaient pas par les armes les intérêts et la souveraineté de chaque État-nation. Il y a aussi la guerre économique pour la simple survie, dans laquelle d’innombrables prolétaires meurent chaque jour.
La domination du capitalisme est mondiale ; dans la concurrence capitaliste, il n’y a que la victoire ou la défaite ; la guerre, qu’elle soit menée par les armes ou par d’autres moyens, a lieu dans le monde entier. Elle nous concerne et nous touche tous. La guerre n’est pas, comme le disait Clausewitz, « (…) une simple continuation de la politique par d’autres moyens », mais son expression la plus conséquente ; elle n’est pas une anomalie, mais un pilier important de son être (ontologie). C’est pourquoi, comme Clausewitz le disait lui-même, la guerre est « (…) un acte de violence, et il n’y a pas de limites dans l’usage de la violence ». Le gouvernement de l’État moderne n’est rien d’autre qu’un instrument qui gère les affaires de la classe bourgeoise. L’État est l’organisation politique de l’exploitation économique, et pour survivre (préserver et imposer sa souveraineté), il utilisera tous les moyens à sa disposition (lois, monopole de la violence, répression, guerre à l’intérieur du pays comme à l’étranger, etc.). L’État (capitaliste) n’est donc pas neutre, c’est un instrument utilisé par une classe pour en dominer [exploiter] une autre dans une société divisée en classes, et qui tente constamment de le faire par le biais d’idéologies. Dans la société de classes, il y a un conflit irréconciliable, mais l’État tente de les réconcilier par le biais d’idéologies (démocratie, nationalisme, droits de l’homme, etc.), ce qu’il ne parvient pas à faire très souvent.
Plus une guerre dure, plus nous comptons de cadavres ; plus la destruction est grande, plus le désespoir est énorme ; plus les souffrances (physiques et mentales) sont atroces, plus notre avenir est improbable… Deux conceptions antagonistes, diamétralement opposées et même ennemies se répandent, mais l’une est fausse et l’autre est juste.
Soit la haine envers le camp accusé d’être responsable de cette guerre s’intensifie2, soit la nature et la logique du système dans lequel nous sommes contraints de vivre, le capitalisme, et la raison pour laquelle il faut le détruire immédiatement, sont comprises et percées à jour.
La première position est la plus courante, mais c’est la seconde qui a conduit les êtres humains dans l’histoire à retourner leurs armes contre la classe dirigeante et qui a suscité les plus grandes craintes chez cette dernière. Il serait néanmoins fantastique et mystique de penser que les êtres humains deviennent immédiatement ou nécessairement révolutionnaires, mais ils perdent leur élan nationaliste – en particulier pour leur propre État-nation – et c’est une condition préalable et le fondement de la révolution sociale. Ce n’est pas notre propre État-nation qui sert nos intérêts (santé, nourriture, protection de la vie, etc.), mais nous qui servons les intérêts de tel ou tel État-nation.
Mais cela ne se produit pas seulement pour des raisons de conscience, parce que les années précédentes on aurait lu sagement Malatesta et Bonanno, Mattick et Balius, etc., et mené des actions ; ce sont aussi les conditions imposées par le capitalisme qui nous obligent, qu’on le veuille ou non, à devoir lutter contre celui-ci. Nous ne sommes rien d’autre qu’une fonction (création de valeur ajoutée) dans ce système. L’influence des groupes anarchistes et communistes3 peut être et est importante dans la mesure où ils agissent comme une partie inséparable du prolétariat. Si ce n’est pas le cas, ce ne sont que des paroles en l’air !
Nous le voyons dans les conflits actuels et passés, la première position/attitude conduit à dénoncer tous ceux qui luttent contre les guerres du capital comme des traîtres à la patrie – ce qui se passe à Gaza (on a déjà parlé de cinquième colonne, d’agents financés par le Mossad, ceux qui critiquent le Hamas commettent une trahison, etc.), comme en Israël (antisémites, judéophobes), ou en Iran (sionistes, impérialistes), mais aussi dans la guerre en Ukraine, où les uns sont qualifiés soit d’impérialistes russes, soit d’impérialistes de l’OTAN. N’oublions pas la militarisation en marche dans tous les pays de l’OTAN, le service militaire, etc. Tous ceux qui critiquent et dénoncent cela sont aussi des traîtres (car cela ne sert que la Russie). Des traîtres partout. L’accusation de trahison est identique à tous les moments et suit qualitativement la même logique.
C’est pourquoi, il est d’autant plus important d’accorder de l’attention à la deuxième position/attitude sur place et/ou à distance et de la diffuser.
Dans la situation actuelle, comme dans le passé, la gauche (radicale) du capital soutient le récit d’une fraction dominante au lieu de soutenir les intérêts du prolétariat (les opprimés, ceux qui doivent manger de la merde tous les jours). Certes, les manifestations et les actions contre la guerre, les sabotages, les réseaux de déserteurs, les actions contre l’enrôlement (forcé), etc. ne sont un secret pour personne, mais cela n’intéresse pas le récit susmentionné. Pour la gauche (radicale) du capital, qui se soumet et s’aligne sur une fraction dominante dans chaque conflit, il n’y a que des traîtres et, comme cela ne convient pas à son récit, l’existence et l’action de tout déserteur, comme l’existence d’actions et de sabotages contre la guerre, sont soit passées sous silence, soit attribuées à l’ennemi. L’idéologie dominante s’articule parfaitement à travers la gauche (radicale) du capital, dont elle est le porte-parole et la garde prétorienne.
« Patrie, patrie, terre des pères ! Quelle
sanglante dérision pour l’homme privé de sa terre, de sa maison,
de son éducation, privé d’hygiène, privé d’instruction,
réduit à son salaire et contraint encore d’être le défenseur et
le bourreau de ses oppresseurs ! »
Anselmo
Lorenzo, Critère libertaire
A long terme, les alternatives de la garde prétorienne de l’État-nation – c’est-à-dire la gauche (radicale) du capital – sont les suivantes : gestion de la misère et non pas libération de l’humanité du joug de l’esclavage salarié (voir l’Algérie, l’Angola, le Mozambique, l’Afrique du Sud, Cuba, le Venezuela, l’URSS, le Pays basque, la Palestine, le Kurdistan, le Vietnam, et encore une très longue liste de pays qui ont obtenu – ou pas encore – leur « indépendance » au cours des 80 dernières années).
Contrairement à ce que proclame la gauche (radicale) du capital, ce sont les traîtres, les déserteurs et les actions contre la guerre que nous devons soutenir, aussi peu nombreux, ou aussi nombreux qu’ils puissent être. Chaque individu, chaque groupe qui se rebelle et lutte contre la domination du capital est une expression de la tendance à la négation du capitalisme. Comme l’absentéisme, l’oisiveté, la flânerie, etc. dans le travail salarié. Ceux qui font cela ne sont pas pour autant pour le communisme/l’anarchisme, mais font quand même ce qu’il faut. Il est important d’élargir ces luttes et de faire prendre conscience de cette pratique. Des anarchistes comme Malatesta allaient dans les casernes de l’armée pour faire de l’agitation parmi les soldats, pour poser précisément ces questions. Malatesta a bien sûr été immédiatement expulsé.
Que ce soit des habitants de Gaza qui manifestent dans les rues en scandant des slogans contre le Hamas et Israël, ou des habitants d’Israël qui manifestent dans les rues en scandant des slogans contre Israël, les ayatollahs et le Hamas, ou encore des habitants d’Ukraine qui interviennent contre l’enrôlement forcé dans la rue (qui s’apparente en réalité à des enlèvements), ou des sabotages contre des centres de recrutement en Russie, sans parler des révoltes et des affrontements qui ont régulièrement eu lieu en Iran au cours des dernières décennies, nous ne devons pas oublier le courage dont font preuve toutes ces personnes ; en tant que parias, elles sont plus détestées que l’ennemi, car elles sont le véritable ennemi. Si, en tant qu’anarchistes, nous luttons vraiment et réellement contre tous les États-nations, ALORS NOUS SOMMES TOUJOURS ceux qui commettent des TRAHISONS. Car nous luttons pour la vie et non pour la mort comme le font le capitalisme et l’État.
Car les déserteurs pendant la guerre ont décidé qu’il n’était pas correct de devoir choisir sous les ordres de qui ils voulaient être massacrés, qu’il n’était pas correct de devoir choisir sous les ordres de qui ils voulaient être exploités, peu importe au nom de quelle religion, de quelle forme de gouvernement du capital, peu importe dans quelle langue.
Que ce soit à Gaza, en Cisjordanie, en Israël, en Irak, en Turquie, au Liban, en Iran, etc., de nombreuses manifestations ont eu lieu ces dernières décennies (pas toutes avec la même intensité bien sûr) contre la classe dirigeante qui gouverne ces pays. Rappelons que la première Intifada était aussi dirigée contre la classe dirigeante palestinienne (OLP), que les pratiques insurrectionnelles sont très répandues parmi les prolétaires dans presque tous les pays cités.
Nous ne le répéterons jamais assez, la résistance que les prolétaires opposent en Iran, en Palestine, en Israël, en Ukraine, en Russie, etc. n’est pas seulement inspirante, elle doit être défendue partout.
Le problème, comme toujours, c’est que ces luttes ne s’unissent pas et ne mènent pas à une révolution sociale mondiale, seule manière d’abattre le capitalisme à l’échelle mondiale (plus jamais de socialisme dans un seul pays !).
Nous avons lu que « le communisme a toujours été le mouvement de ceux qui ne sont rien et qui doivent être tout, des aliénés qui ne peuvent se libérer qu’en libérant toute la société » ; si cela est vrai, cela doit également être l’expression de nos groupes révolutionnaires, cercles, initiatives, etc., qui agissent et combattent en tant que « mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses ».
Ni la gauche anti-impérialiste ni la gauche (radicale) antideutsch du capital ne peuvent et ne pourront – surtout dans le cas de la Palestine/Israël, mais pas seulement – avoir une réponse révolutionnaire ni une position sur les conflits du capital ; entre autres parce que, premièrement, elles ne veulent pas détruire le capitalisme, les États-nations, et parce que leur objectif explicite est de répondre/conjuguer la question sous la forme dominante (consolidation, formation d’États-nations ; gestion de l’accumulation et de la plus-value, pas son abolition), parce que leur réponse ne peut être que nationaliste et étatiste, soit l’État d’Israël, soit l’État de Palestine ; ce qui signifie en fin de compte que la seule solution pour eux est le capitalisme et ses formes de gestion (de la misère). À cet égard, nous trouvons deux fractions différentes du capital qui se font concurrence, ce qui les place sur un pied d’égalité en termes de contenu pleinement nationaliste et étatiste, bien que ce ne soit pas le même État-nation que chacune de ces fractions soutiennent.
La gauche (radicale) du capital (c’est-à-dire tous ceux qui ne détruisent pas l’État-nation et le capital, mais qui les gèrent différemment – parfois même sans prononcer les termes d’État ou de nation) n’a pas conscience qu’il existe au sein de la société des contradictions et des conflits antagonistes qui, indépendamment de toute autre influence, engendrent des tendances révolutionnaires qui luttent contre l’État-nation et le capital ; cela dépasse manifestement l’imagination, la compréhension des rapports sociaux imposés par le capital de cette même gauche (radicale) du capital. Quel est le projet défendu ici ? Créer de nouveaux États pour les abolir ensuite ? Cela ressemble à un renforcement de l’État pour ensuite l’abolir. N’avons-nous pas déjà entendu cela de la bouche d’un cadavre momifié qui végète encore dans son mausolée ?
La gauche (radicale) du capital est la garde prétorienne de l’État, mais aussi de sa très efficace idéologie appelée nationalisme. Là où la société de classe est supposée ne plus exister, il n’y a plus que des peuples opprimés, des intérêts unifiés, de bonnes petites nations (opprimées) et de bons petits peuples (tout autant opprimés) contre de méchants grands peuples (impérialistes) et de grandes nations (oppressives). La lutte pour la survie de ces petits États-nations, qui ne luttent que pour une place parmi les puissances économiques dominantes, est alors appelée (sans vergogne) « internationalisme ». La gauche (radicale) du capital ne peut que se tourner vers le nationalisme, car son projet est celui de l’État-nation (Algérie, Angola, Mozambique, Afrique du Sud, Cuba, Venezuela, URSS, Pays basque, Palestine, Kurdistan, Vietnam…). Si l’URSS s’est effondrée depuis longtemps dans la lutte concurrentielle capitaliste, ses slogans et ses idéologies ne sont pas morts. Dans la problématique formulée ici, toutes les tendances de la gauche (radicale) du capital (des groupes staliniens aux groupes anarchistes – sic !) se donnent effectivement la main.
La position chauvine et raciste qui consiste à légitimer et à justifier le pays sur la base d’un « nous étions ici avant » est tout aussi idiote et réactionnaire. Est-ce que cela relativise les expulsions de millions de prolétaires des lieux où ils sont nés ? Non, car cela se passe aussi tous les jours sous forme de licenciements, sous forme d’expulsions de logements, mais cela ne semble intéresser personne, alors que cela se passe aussi tous les jours, dans le monde entier et surtout pour une seule classe, le prolétariat.
« Aucun peuple n’a reçu
sa place sur la terre en fonction de droits de propriété légitimes
d’une instance supraterrestre, mais chaque peuple a pris sa place
par la force à un moment ou à un autre de l’histoire ; non
seulement pour des raisons pratiques – parce qu’il n’existe pas
d’instance supraterrestre de répartition équitable –, mais bien
plus encore parce qu’il ne peut y avoir, au sens emphatique, de
droit exclusif pour les Allemands, les Français, les Israéliens de
posséder exclusivement un quelconque coin de terre, et parce qu’il
est injuste que des personnes ne puissent pas vivre sur un quelconque
coin de terre simplement parce qu’elles sont turques,
vietnamiennes, juives ou palestiniennes. Le droit à l’autonomie
nationale et à la souveraineté de l’État n’est qu’un autre
nom pour l’injustice qui consiste à harceler, à expulser, à
déporter des gens sous prétexte qu’ils n’ont pas le bon
passeport ou le bon acte de naissance, et cette injustice n’est pas
une falsification de l’idée d’État-nation, mais son essence
même, certes parfois tempérée par la tolérance de gens
lucides. »
Wolfgang Pohrt, Linksradikalismus und
nationaler Befreiungskampf [Radicalisme de gauche et lutte de
libération nationale] (1982)4
Certains pourraient rétorquer que ce qui est mis en avant ici, c’est le noyau expansionniste, colonial et impérialiste de l’État israélien, car Israël n’a cessé de grandir depuis sa création, en expulsant des dizaines de milliers de prolétaires. Mais ce qui se manifeste ici, c’est en réalité deux choses : l’État (en l’occurrence Israël) s’agrandit parce qu’il le peut – ce que tous les autres pays (dans les deux sens du terme – en tant qu’État et Nation) veulent également – et une question absolument fondamentale se pose à nouveau ici : comment tous les États du monde ont-ils été créés ? Est-ce que cela s’est passé différemment ? Pourquoi l’Arménie et l’Azerbaïdjan se battent-ils à nouveau ? Si l’une des raisons de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est répétée chaque jour, c’est que depuis la chute de l’URSS (qui a entraîné la perte d’énormes territoires, populations, ressources, etc.), la Russie veut retrouver son ancienne « grandeur ». Les médias, en tant que vecteur de la pensée dominante, veulent ainsi nous faire avaler le récit selon lequel la Russie serait très méchante, tout comme la gauche (radicale) du capital qui passe à côté de la réalité. Tous les États du monde sont en concurrence les uns avec les autres et sont donc automatiquement impérialistes. Réduire cela à quelques-uns montre que l’on ne comprend pas l’être (au sens ontologique) de l’État et du capitalisme et que, par conséquent, aucune réponse qui ne soit ni réformiste ni contre-révolutionnaire ne peut être exprimée.
« Or il n’y a pas de nation « plus
impérialiste » parce qu’il est dans l’essence de chaque
nationalisme de rêver de se transformer en empire. L’impérialisme
n’est jamais une question de pays. Toute nation est impérialiste
par définition. Les gauchistes profitent d’une situation où l’un
des concurrents capitalistes est en mauvaise posture pour faire
tomber les imbéciles dans le panneau de la guerre contre la nation
« la plus agressive ». Les fractions gauchistes
constituent ainsi le parfait complément des nationalismes « de
droite » ; le piège se referme et les travailleurs sont
envoyés au massacre. »
[GCI-ICG]
Théorie de la décadence, décadence de la théorie. Le pire
produit de l’impérialisme : l’anti-impérialisme
Une chose doit également être claire : la guerre actuelle n’a commencé ni le 7 octobre 2023, ni avec la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza en 20075, et si l’on veut remonter plus loin dans le temps, avec la chute de l’Empire ottoman lorsque ce territoire est devenu un territoire sous mandat britannique. Ceux qui croient qu’« avant c’était mieux », ce qui est faux d’une manière ou d’une autre, se servent de la logique et de la cohérence des idéologies dominantes que nous appelons, comme chacun sait, le nationalisme. Depuis la chute de ces vestiges d’empires anciens qui rivalisaient pour se faire une place sous le soleil du capital, cette concurrence qu’ils ont perdue sans broncher, et alors que plus rien ne s’opposait à l’expansion capitaliste, ces pays nouvellement créés se sont développés en marge, mais jamais en dehors du capitalisme et de ses impératifs. La construction de l’État moderne (qui est toujours national) est l’union artificielle d’une société divisée en classes. Cela vaut partout, et ni la Palestine ni Israël ne font exception.
Une fois de plus, il est important de dire que nous ne luttons pas pour la paix ; dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de groupe, d’organisation, de parti, d’organisation criminelle ou autre qui n’ait pas pris la paix comme étendard. Mais comme le disait déjà l’anarchiste Galleani, il y a plus de cent ans : « nous n’avons jamais su ce qu’était la paix ». La paix ne peut exister que dans une communauté humaine qui a aboli l’État-nation et le capitalisme.
« Si nous ne mettons pas le feu aux usines et aux
prisons aujourd’hui, ils nous y enfermeront à nouveau
demain. »
Blouson noir
Nous avons à la fois traduit et publié nous-mêmes des textes qui traitent précisément de cette question. Sans avoir recours aux postulats orwelliens, ce que nous faisons néanmoins, il faut sans cesse répéter, sans se lasser, que dans le capitalisme la définition d’Orwell reste d’actualité : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force (…) ». La paix n’est qu’un nouveau cessez-le-feu, mais jamais la fin de la guerre. N’importe laquelle, n’importe où…
C’est à la fois si facile et si difficile pour beaucoup d’en parler ouvertement, justement parce qu’il y a toujours dans l’air la possibilité de se ridiculiser en disant quelque chose de faux. Mais qu’y a-t-il de mal à s’attaquer à l’un des moteurs du capitalisme ? Qu’y a-t-il de mal à lutter contre le capitalisme et ses appareils administratifs (États-nations, partis, monopole de la violence, Droit, démocratie-fascisme, argent, marchandise, valeur, nationalisme, etc.), qui sont à l’origine du massacre quotidien de milliers de prolétaires dans le monde ? Les guerres ne sont pas des anomalies du capitalisme, mais une composante élémentaire de celui-ci. Et pourtant, on en parle de tous côtés et on prétend qu’il s’agit en réalité de la paix. Des régions et des villes entières sont rasées partout dans le monde pour pouvoir vivre en paix. Ce n’est ni paradoxal ni absurde, c’est juste la logique de la paix (sociale) du capitalisme qui est scellée par des montagnes de cadavres. Sans parler du fait que pendant les périodes de paix (sociale), la violence continue d’exister. Partout et sous toutes ses formes. L’essence du capital ne comprend que le plomb et le sang, la mort et le désespoir. La paix (sociale) de quelques-uns est la guerre quotidienne pour le prolétariat.
On nous martèle constamment – par les idéologies dominantes (démocratie, nationalisme, religion, gauche (radicale) et droite (radicale) du capital), par les institutions dominantes (école, famille, esclavage salarié, service militaire, église, gauche et droite du capital) – que les intérêts de notre classe dirigeante et exploitante coïncident avec les nôtres. Que les intérêts du gouvernement, des patrons seraient les mêmes que les nôtres. Travaille plus et pour moins, réponds à l’appel des drapeaux – sinon, tu peux mourir de faim dans le premier cas et on viendra te chercher dans le second – et meurs dans les deux cas. Aucun État ne protège sa population, ne sert et ne satisfait les intérêts et les besoins des êtres humains qui y vivent ; bien au contraire, la réalité est complètement inversée, car tous, essentiellement le prolétariat, servent les intérêts de l’État (en tant que gestionnaire de l’esclavage salarié) comme force de travail et comme chair à canon en temps de guerre. Personne ne doit se faire de faux espoirs : même si nous ne voulons pas aller à la guerre, l’État viendra nous chercher.
Depuis plus de 150 ans, les anarchistes affirment que l’État doit être détruit, mais la plupart d’entre eux ont encore du mal à expliquer ce qu’est réellement l’État, n’ayant tiré aucune leçon de la Première Guerre mondiale (parlementarisme, social-démocratie, socialisme), ni de la Révolution russe (avant-garde, pas de positions claires, territorialisme), ni de la révolution de 1936 (alliances avec des forces réactionnaires, frontisme/campisme, antifascisme). Depuis toujours, malgré la constitution matérielle de la négation de l’État, les anarchistes ont toujours opté pour le « moindre mal ».
Même si la progression rapide de certains cercles « anarchistes » vers un salmigondis de stalinisme, d’anti-impérialisme et de nationalisme (c’est-à-dire la gauche (radicale) du capital) ne peut être ignorée, qu’ils préfèrent parler de peuple plutôt que de classe, de nations opprimées plutôt que d’abolition des nations, qu’ils préfèrent agiter des drapeaux nationaux (l’éternel appel aux drapeaux) plutôt que de les allumer et de faire des danses de joie autour du feu, etc. et qu’ils rendent ainsi certains nerveux dans « leurs propres » rangs, ce n’est pas notre cas !
Nous sommes même très reconnaissants que ces groupes réactionnaires montrent enfin leur vrai visage, mais il y a quand même beaucoup de compagnons et de compagnes qui sont très dépassés par la situation actuelle. Ils ont du mal à qualifier les guerres de conflits entre fractions/puissances capitalistes et considèrent le génocide contre la population de Gaza comme un point central, notamment parce que la guerre à Gaza serait asymétrique. Même aux échecs, la partie n’est pas symétrique, pas plus que les guerres ne l’ont jamais été, elles sont menées soit à partir d’une position (militaire) de supériorité, soit comme un acte de désespoir, mais pour toujours (essayer) d’avoir le dessus à la fin. Tout le reste signifierait que les guerres pourraient être « justes » si la situation de départ était équilibrée, ce qui est évidemment absurde.
On insiste sur le fait que les Palestiniens sont assassinés, mais ceux qui se font massacrer tous les jours ne sont rien d’autre que des prolétaires ; la classe dirigeante, la bourgeoisie, tous ceux qui l’ont pu, ont fui Gaza il y a longtemps ; qui est donc vraiment prisonnier là-bas ? Les Palestiniens ou le prolétariat ?
Il en va de même lorsque l’on tire sur des êtres humains à Ceuta ou Melilla, ou sur des bateaux en Méditerranée, dans le Sahara, à toutes les frontières possibles, dans les ghettos et dans mille autres endroits pour lesquels on ne s’intéresse pas davantage. On dit sans cesse que les gens ne s’intéressent plus à la mort des Palestiniens, mais ce qui n’intéresse vraiment personne dans le monde, c’est l’assassinat quotidien d’innombrables prolétaires.
La gauche (radicale) du capital n’est capable de tout voir qu’à travers le prisme des identités ; donc pour elle, le fait que des gens soient tués ou qu’ils meurent de faim ne dépend que de leur identité religieuse et nationale (que personne ne choisit, qui ont été créées par les idéologies dominantes et peuvent donc être abolies) et non en raison des conditions capitalistes où la majorité de l’humanité survit dans la misère.
L’analogie d’une prison à ciel ouvert, en référence à Gaza, peut être vraie, mais on peut voir ici aussi que les pensées ne sont pas menées à leur terme. Qui est majoritairement en prison ? Les innocents ou les prolétaires ? Sans compter que la société capitaliste est en soi une prison à ciel ouvert, avec tous ses instruments de discipline, de contrôle, de répression, de surveillance et d’aliénation.
Enfin, il ne s’agit pas d’un appel, mais d’un rappel, à savoir que partout dans le monde, il y a toujours eu, et il y a toujours, des personnes qui résistent à leur situation misérable. Il est donc inquiétant de voir que, bien que cette résistance soit réelle et effective, certains préfèrent se rallier au récit dominant, qu’ils font passer pour émancipateur et libérateur, plutôt que de soutenir ceux qui se font massacrer, à savoir le prolétariat. La guerre sociale et de classe ne se déroule pas entre des pays, mais entre les classes, jusqu’à ce que nous ayons enfin aboli cette situation. La ligne de démarcation, c’est-à-dire la confrontation et le conflit théoriques et pratiques, ne se situe pas entre ceux qui veulent le fascisme ou la démocratie, la question n’est pas Palestine ou Israël, ni entre la gauche (radicale) et la droite (radicale) du capital, la ligne de démarcation / la confrontation / le conflit se situe entre ceux qui veulent abolir l’État-nation et le capitalisme et ceux qui les maintiennent. En d’autres termes, entre la révolution sociale et la contre-révolution, entre une communauté libre [Gemeinwesen] par et pour tous les êtres humains et toutes les espèces de cette planète, et l’asservissement de tous les êtres humains par l’esclavage salarié et la destruction de toutes les espèces de cette planète. En d’autres termes, il s’agit de définir, en théorie et en pratique, ce qui distingue la révolution sociale de la contre-révolution, de distinguer « ce qui apparaît » de « ce qui est ». Il n’y a que deux côtés à la barricade de la guerre sociale qui ouvre la voie.
« Le plus haut effort d’héroïsme dont la vieille
société soit encore capable est une guerre nationale ; et il
est maintenant prouvé qu’elle est une pure mystification des
gouvernements, destinée à retarder la lutte des classes, et on se
débarrasse de cette mystification, aussitôt que cette lutte de
classes éclate en guerre civile. La domination de classe ne peut
plus se cacher sous un uniforme national, les gouvernements nationaux
ne font qu’un contre le prolétariat ! »
Karl
Marx, La guerre civile en France
Pour une société sans classes dans le monde entier !
Pour la destruction de tous les États-nations et du capitalisme !
Le communisme ne peut être qu’anarchiste !
L’anarchisme (en tant que courant du prolétariat) ne peut être qu’insurrectionnel !
Contre toutes les avant-gardes [autoproclamées], contre tous les partis [politiques], contre tous les syndicats !
Vive la trahison de la patrie !
Parias de tous les pays, unissons-nous, nous avons un monde à gagner, nous le construirons sur les cendres de l’ancien !
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / Die Freunde des Klassenkriegs
/ GdC / Les quelques mots entre crochets ont été ajoutés par nous à la version originale.
1 Il y a cependant très peu de pays qui n’ont pas d’armée permanente, comme Andorre, Samoa et quelques autres.
2 Dans les guerres, il n’y a pas un camp qui attaque et un autre qui se défend, mais deux fractions dominantes qui ne souhaitent que leur destruction mutuelle. « Du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, il n’y a pas de guerres ‘justes’ ou ‘défensives’. De telles distinctions sont un leurre qui masque le conflit entre les capitaux nationaux et les blocs impérialistes pour le contrôle des marchés de capitaux et des matières premières, des zones d’influence et de la main-d’œuvre bon marché. Chaque camp impliqué dans une guerre présente son rôle comme ‘défensif’ et ‘juste’. Une victoire de l’État le plus faible le rend plus fort et le cercle vicieux recommence, comme l’histoire l’a montré. La défaite d’un pouvoir étatique plus fort implique nécessairement le renforcement de l’État-nation adverse et la mobilisation de la population autour de lui. Toute résistance de classe doit être écrasée pour imposer la paix sociale et l’unité nationale. »
3 Il va de soi qu’il ne s’agit pas ici de groupes/avant-gardes/partis léninistes.
4 Nous avons trouvé cette déclaration de Wolfgang Pohrt très pertinente sur ce sujet, sinon nous n’avons pas particulièrement d’atomes crochus avec lui.
5 Avant cela, c’était l’OLP qui régnait. Le Hamas n’a pas seulement repris toutes les institutions dominantes, il a aussi géré les rapports capitalistes, tout comme l’OLP avant lui. Ou bien n’y a-t-il pas, comme partout ailleurs, du travail salarié, des rapports de propriété (y compris des moyens de production), du droit bourgeois, etc. Même s’il n’y a pas d’industrie lourde dans la bande de Gaza, sauf peut-être pour la construction de tunnels et de missiles, il ne faut pas oublier une chose : dans le capitalisme, on ne produit pas des marchandises parce qu’elles ont une utilité sociale ou qu’elles sont utiles – c’est toujours secondaire –, mais parce qu’elles génèrent des profits, et cela se passe comme partout ailleurs ; donc, même si beaucoup le nient, il existe là aussi une société de classes dans laquelle il y a des positions antagonistes.
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