Pourquoi
il
n'y
a
plus
de
gorilles
dans
le
Grésivaudan
De
Grenoble à Chambéry la vallée du Grésivaudan se déroule entre
les massifs de Chartreuse et de Belledonne, suivant les méandres de
l'Isère. Jusque dans les années 1960 le promeneur y découvrait un
"verger magnifique", une
nature qui
parlait "à
l'imagination
et la
pensée" :
"sous les
vignes courant
en feston
entre les
arbres
fruitiers, se succèdent de petits carrés
de luzerne, blé, chanvre, maïs : une merveille de petite culture."1
Les villages de Crolles et
Bernin, à 20 km de Grenoble, ont aujourd'hui des allures de zone
commerciale américaine – môles commerçants, publicités
criardes, bretelles d'autoroute, parkings et lotissements. Nous
sommes au cœur de la "Silicon Valley à la française",
dans une agglomération de "statut international" dont les
métastases colonisent les derniers prés, où les enfants ignorent
que leurs ancêtres se baignaient dans les chantournes, les vieux
canaux d'irrigation. C'est à Crolles 2, zone industrielle à cheval
sur les deux communes, qu'est implantée "l'Alliance",
unité de production de STMicrolectronics – associé durant
quelques années à Philips et Freescale Semiconductors (Motorola)2.
Crolles 2, ce sont des
investissements colossaux, les plus importants depuis la construction
des dernières centrales nucléaires (2,8 milliards d'euros dont 543
millions d'aides publiques) ; c'est l'importation à grands frais
d'ingénieurs américains et hollandais et son corollaire immobilier,
l'explosion du prix des logements ; le pillage des ressources et la
pollution du voisinage ; les contrôles d'identité à l'entrée de
l'Alliance ; la soumission des chercheurs du Commissariat à
l'Energie Atomique (CEA) de Grenoble et des élus locaux aux
exigences des industriels ; la visite régulière des autorités -
Chirac, Sarkozy, Devedjian, etc.
LA fierté du techno-gratin.
Pour
quoi faire ? Des téléphones portables.
***
"Allo,
c'est moi.
J'suis dans
le bus.
J'arrive. A
tout de
suite."
***
Ne
souriez pas. Si vous trouvez dérisoire le résultat de ces
sacrifices, gaspillages et destructions, c'est que vous n'entendez
rien à la réalité économique.
Le téléphone portable, c'est une innovation,
et comme l'a expliqué Michel Destot, maire de Grenoble, avec
l'innovation "apparaît le développement
des activités économiques qui génère lui-même des emplois pour
l'ensemble de nos concitoyens. Il y a là une véritable mine d'or,
prenons-en conscience."3
Le téléphone portable génère
bien d'autres choses que des emplois et de l'or. Non seulement il
accélère la destruction de la planète, mais il contribue à la
technification totale du monde. Des effets dont jamais les chercheurs
du CEA, sous-traitant de Nokia, ne parlent dans leurs conférences
mensuelles à la Fnac, ce débitant de téléphones prétendûment
"agitateur d'idées".
Semiconducteurs,
maxi-nuisances
Contrairement à ce qu'elle
prétend, la micro-électronique est aussi polluante que bien des
industries low-tech. Derrière sa façade clinquante, le
téléphone portable est un concentré de nuisances. D'abord à cause
de ses puces électroniques. Eric D. Williams, chercheur à
l'université des Nations Unies à Tokyo, a mesuré les éléments
______________
Tableau
de la
géographie de
la France,
Paul Vidal
de La
Blache, 1903,
réédition aux
éditions de
la Table
Ronde en 2000
cf
"Pour
en
finir
avec
Crolles
2",
sur
www.piecesetmaindoeuvre.com
In
L'espace alpin
et la
modernité,
bilan et
perspectives
au tournant
du siècle,
sous la
direction de
Daniel J.
Grange, PUG 2002
nécessaires à la fabrication
d'une puce de 2 grammes. Résultat : 1,7 kg d'énergie fossile, 1 m3
d'azote, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d'eau. Par
comparaison, il faut 1,5 tonne d'énergie fossile pour construire une
voiture de 750 kg. Soit un ratio de 2 pour 1, alors qu'il est de 630
pour 1 pour la puce4.
Comme leurs homologues
guyanais, les orpailleurs high-tech chers au maire de Grenoble
s'enrichissent en pillant les ressources naturelles et en saccageant
l'environnement.
Forfait
illimité en eau et électricité
A
Crolles, l'usine à puces de STMicroelectronics consomme plus de 40
millions de kWh d'électricité (l'équivalent
de 20 000 foyers) et 25
millions de kWh de gaz naturel par an5.
Le monstre se gavant toujours plus, le Réseau de
Transport d'Electricité prévoit de nouvelles lignes à haute
tension : "A
court terme (d'ici 5
à 10
ans) les perspectives de développement
industriel au nord-ouest (Minatec) et au nord-est de Grenoble
(microélectronique du Grésivaudan) nécessiteront que RTE procède
à des évolutions de réseau de façon à accompagner le
développement économique de la zone." 6
Rhône-Alpes, deuxième région de France pour la consommation
d'énergie, subit le plus important maillage de lignes à haute
tension du pays – en plus de ses 32 barrages et de ses 14 centrales
nucléaires. Nokia et le CEA peuvent toujours nous vendre des
"téléphones plus économes" et des chargeurs solaires,
ils oublient de signaler le gouffre énergétique qu'est leur
production.
Pour
nettoyer les plaques de silicium sur lesquelles sont gravés les
circuits électroniques, l'Alliance engloutit 700
m3
d'eau par heure (l'équivalent d'une ville de 50
000 habitants), et soumet les collectivités
locales à ses exigences :
150 000
euros d'amende
par heure
à payer
à l'entreprise
en cas
de défaillance
dans la
fourniture d'eau ;
obligation de
doubler prochainement
les conduites
d'adduction sur
18 kilomètres,
pour un
coût de
25 millions d'euros ;
livraison impérative d'une eau d'excellente qualité, exempte de
chlore même en période de "menace terroriste" – minime
compensation pour les Grenoblois qui échappent sur ce point au
délire sécuritaire au nom de l'intérêt économique supérieur. Si
l'Alliance a choisi le Grésivaudan, c'est aussi pour piller ses
ressources en eau pure, y compris en période de sécheresse et de
canicule. Tandis que les habitants surveillent leur consommation,
STMicroelectronics et ses voisines, start up de micro-électronique
(Soitec, Memscap), éclusent les mètres cubes : "L'année
2006 s'achève sur une baisse de 1 %
de la consommation d'eau des communes alimentées par le Sierg
(Syndicat intercommunal des eaux de la région grenobloise). 26 des
28 communes alimentées, dont la consommation est principalement
"domestique" connaissent une baisse de 3,5
%, tandis que Crolles et Bernin (pour
lesquelles la part industrielle représente plus des 4/5 e)
ont une consommation
en hausse de plus de 8 %".7
Pendant ce temps dans les
massifs alentours, les glaciers fondent à vue d'œil, et avec eux
les réserves d'eau qui ont fait la prospérité du Grésivaudan. Il
est vrai que nous y avons gagné des cristaux liquides.
Téléphoner
pollue
Crolles 2, site Seveso,
consomme des produits toxiques comme la phosphine (hydrogène
phosphoré), le thilane ou l'arsine (mélange hydrogène - arsenic).
"Des gaz de combat", fanfaronnait un salarié lors
d'une visite publique. Les produits chimiques stockés sur place mais
aussi à des kilomètres, comme à Lancey de l'autre côté du
Grésivaudan, circulent chaque jour en camions à travers
l'agglomération. Rappelons que le site est en "zone urbaine",
au milieu des lotissements poussés par dizaines pour loger ses
employés. L'usine, pas plus que les autorités locales, ne précisent
ce qui adviendrait au cas où un avion de tourisme de l'aéroport
voisin du Versoud s'écrasait sur ce réservoir à gaz toxiques. En
revanche une salariée proche de la direction de Memscap, la start up
d'à-côté, se plaît à décrire le "feu d'artifice".
Culture du risque typiquement grenobloise. On ne fait pas
d'innovations sans jouer avec le feu.
Officiellement, en 2002
l'Alliance a rejeté dans l'atmosphère 9 tonnes d'oxydes d'azote, 10
270 tonnes de CO2,
40 tonnes de composés organiques volatiles8.
C'est déjà énorme. Mais un employé confie, sans vouloir en dire
plus, que la teneur en produits polluants des rejets dans
l'atmosphère serait faussée par l'utilisation de gaz pulsés.
Comment le vérifier ? La direction ne communique pas sur les
chiffres.Tout
juste peut-on se référer à ce rapport de visite de la Drire
(Direction régionale de l'industrie, de la recherche et
de l'environnement)
en mars
2003 :
"La société
STMicroélectronics
qui utilise
des chaudières
à tubes
de
_______________
Libération
21/11/02
Déclaration
de l'environnement
2005 de
ST
Schéma
de développement
du réseau
public de
transport d'électricité
– Drire,
juin 2004
La
lettre du
Sierg,
Janvier 2007
d'après
le "Bilan
de l'environnement
industriel en
Rhône-Alpes" de
la DRIRE
fumée
alimentées au gaz naturel (FOD en secours), souhaite que les normes
fixées en NOx par l'arrêté préfectoral du 08.10.01 soient revues
compte tenu des difficultés à respecter la norme fixée (100
mg/Nm3)." Moyennant
quoi "les
valeurs limite
d'émission en
NOx peuvent
être fixées
à 120
mg/Nm(gaz
naturel) et
200 mg/Nm3
(FOD)". Il
est si
simple de
s'arranger, sans
même risquer
de réveiller
les écotechs
Verts ou
Frapna9.
Tant que les normes sont respectées, nos gestionnaires de nuisances
ronflent en paix.
Les
riverains, eux, murmurent que les enfants développent des
pathologies inhabituelles, et que l'eau des chantournes est saturée
de pollution. D'après un site Internet d'habitants de Bernin, "la
chantourne subit depuis plusieurs années une pollution chronique
liée aux rejets des eaux usées industrielles. Sont particulièrement
en cause les taux anormalement élevés en DBO5 (demande biologique
en oxygène sur 5 jours)
et de NH4 (azote ammoniacal)"10.
L’instructif rapport de la Drire permet d'ajouter le cuivre,
utilisé pour la connexion des éléments
électroniques : "il y a lieu de fixer
des normes pour le rejet de ce polluant dans les eaux (Isère). En
application de l'AM (NDR : arrêté
ministériel) du 02.02.98, il est proposé de
fixer une concentration maximale de
0,5 mg/l soit un flux maximal de 4,5 kg/j." Que
sont 1600 kilos de cuivre rejetés à l'Isère chaque année ?
Demandons aux poissons.
Fin 2004 la fédération de
pêche de l'Isère a porté plainte, après que ses adhérents aient
récolté les poissons ventre en l'air dans les chantournes où se
déversaient les effluents toxiques. Réaction vigoureuse des élus :
le budget municipal finança aussitôt le détournement des rejets
vers l'Isère, afin de diluer la pollution dans un plus grand volume
d'eau. C'est à ces trouvailles techniciennes qu'on connaît le génie
dauphinois. Les pêcheurs continuent de dire que "ça pue la
chimie", et les poissons ne sont plus très nombreux pour
témoigner.
Pour compléter les ravages de
l'industrie électronique, il faut se tourner vers le modèle des
décideurs grenoblois : la Silicon Valley californienne.
L'association Silicon Valley
Toxic Cooalition a fait le bilan environnemental et sanitaire de
cinquante ans d'informatique et de microélectronique dans ce qui fut
une vallée aussi fertile que le Grésivaudan. Depuis 1956 et la
première usine d'IBM, la nappe phréatique a été contaminée par
les rejets de xylène, toluène, trichloroéthane chloré. D'après
l'enquête de Jim Fisher pour le magazine en ligne "salon.com"11
la nappe de la Silicon Valley est l'une des plus polluée des
Etats-Unis. Conséquences : 2,5 à 3 fois plus de fausses couches
parmi les femmes enceintes ayant bu cette eau, d'après l'étude du
service de santé de l'Etat au milieu des années 1980, qui entraîna
plus de 250 plaintes et des indemnités faramineuses.
Dans les salles blanches où
l'on produit les tranches de silicium, la situation n'est pas
meilleure. Equipés de combinaisons de pingouin pour éviter de
souiller les précieuses plaques, les "opérateurs"
manipulent les toxiques à longueur de trois-huit. Des dizaines de
plaintes pour cancer professionnel ont été déposées en 1998 à la
Cour supérieure du comté de Santa Clara : IBM, Union Carbide,
Shell, Eastman Kodak avaient caché la toxicité de ces poisons à
leurs salariés.
Pourtant
dès 1992 un ancien médecin d'IMB, Myron Harrison, avait publié un
article, "Les dangers de la production
des
semiconducteurs",
qui dressait
une inquiétante
liste :
"Exposition
des
travailleurs à
l'arsenic dans
la production des plaques de gallium-arsenide, aux acides aérosols
en lithographie, aux gaz toxiques arsine et boron. Il atteste des cas
de brûlures à l'acide hydrofluorique, des expositions aux solvants
corrosifs, à des composants photo-actifs non testés. Il met en
garde contre des accidents catastrophiques dans le remplacement des
cylindres de gaz, l'évacuation et le remplissage des bains
chimiques, les dysfonctionnements des systèmes de ventilation, et
note de fréquents problèmes respiratoires (tels que sinusites,
laryngites et asthme) parmi les travailleurs. Il rapporte des cas
d'exposition au mercure, des feux de produits chimiques "relativement
fréquents" dans les cuves de
stockage, et des fuites de solvants dans les canalisations."12
Quant aux salariés de
STMicroelectronics à Crolles, ils ont ces dernières années diffusé
plus de tracts pour la préservation de leurs emplois sur le site que
pour celle de leur santé. On appelle ça le "modèle
grenoblois".
Il
n'y a plus de gorilles au numéro demandé
Ce n'est pas tout. Outre ses
puces, votre téléphone a besoin de condensateurs en coltan (ou
colombo-tantalite), un minerai malléable, résistant à la chaleur
et à la corrosion. Celui-ci est extrait notamment en République
Démocratique du Congo (RDC), où se trouvent les plus importants
gisements mondiaux.
_________________
Fédération
Rhône-Alpes d'associations
de protection
de la
nature
www.bernin.info
www.salon.com,
30/07/01
cf
"In
their
own
words",
sur
www.piecesetmaindoeuvre.com
Comme
les diamants,
le coltan
a été
au centre
d’une guerre
pour le
contrôle des
ressources qui
a tué
plus de
3,5 millions de personnes
dans sept pays depuis 1998. "Tout une
série d'entreprises se sont créées dans cette zone, en association
avec les grands capitaux transnationaux, les gouvernements locaux et
les forces militaires (de l'Etat ou de la guérilla) qui se disputent
le contrôle de la région concernant l'extraction du coltan et
d'autres minerais. L'ONU n'hésite
pas à
affirmer que
ce minerai
stratégique finance
une guerre
que l'ancienne
Secrétaire d'Etat des Etats-Unis,
Madeleine Albright, a dénommée "la
première guerre mondiale africaine"."13
Au Congo, de nombreux enfants
sont retirés de l’école pour travailler dans les mines de coltan.
Le minerai est acheté aux rebelles et à des compagnies minières
hors-la-loi par des sociétés internationales, dont Cabot Inc. aux
Etats-Unis, HC Starck en Allemagne (filiale de Bayer), et Nigncxia en
Chine. Ces sociétés transforment le minerai en une poudre qu’elles
vendent à Nokia, Motorola, Ericsson, Sony, Siemens et Samsung.14
Conclusion
qui ne figure pas sur la notice de votre portable
: "Il semble évident
que les consommateurs du Nord, soit la majeure partie de la demande
solvable et les derniers maillons de la chaîne, ont en partie
contribué indirectement à la poursuite du conflit en RDC." 15
"
Le journaliste africain Kofi Akosah-Sarpong a même exprimé que "Le
coltan, généralement parlant, n'est pas en
train d'aider les habitants locaux. En réalité, il est la
malédiction du Congo". Il a également
révélé que des évidences de contamination par ce minéral
existent et que celles-ci signalent le rapprochement entre le coltan
et les déformations congénitales des bébés de la zone minière
qui naissent avec les jambes de travers."16
Les mines de coltan sont
situées en majorité dans l'est de la RDC, dans la région du Kivu,
sur le territoire des derniers gorilles des plaines, des okapis et
des éléphants. Bilan de l'activité minière : saccage des forêts
et des cours d'eau et massacres d'animaux. Au rythme actuel, les
spécialistes estiment à 10 ou 15 ans maximum l'espérance de survie
des gorilles.17
Les
rapports publiés en 2001 et 2002 par l'Union internationale de
conservation de la nature et l'ONU dénonçaient l'exploitation
illégale des mines du Kivu et ses ravages. "Des
cours d'eau et des forêts sont en train d'être dégradés, la
subsistance des populations autochtones, les Mbuti, dans la Réserve
de faune à okapis est menacée et la faune sauvage est détruite à
un rythme alarmant. (…) Le coltan exploité dans ces sites est
transporté par avion et vendu à de grandes entreprises
multinationales d’Amérique du Nord, d’Europe et de Russie qui
l'utilisent dans différentes industries de haute technologie. L’UICN
lance un appel à la communauté internationale pour qu’elle cesse
d’acheter le coltan".18
Après
cet appel, Motorola et Nokia ont juré qu’elles inciteraient leurs
fournisseurs à s'approvisionner en Australie
et au Brésil. Poudre aux yeux : d'après le Groupe de recherche sur
les activités minières en Afrique (Université de Québec),
"il est impossible d’établir la
provenance de la
ressource et nous savons que, malgré les
condamnations internationales, le coltan de la RDC se trouve toujours
assez facilement sur les marchés étrangers".19
Chaque fois que vous passez un
coup de fil, vous jouez avec la santé des habitants du Grésivaudan,
avec la vie des Congolais et celle des derniers grands singes de la
planète. C'est à ce prix que vous restez en contact.
***
"Allo
? Ouais,
je suis
à la
boulangerie.
Une baguette.
Non, je
parlais à
la dame.
Quoi ?
A moins
le quart,
OK."
***
World
Rainforest
Movement,
www.wrm.org.uy
World
Watch
Magazine,
mai-juin 2004
cf
"La route commerciale du coltan
congolais : une enquête", Groupe de
recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA),
université de Québec, 2003
World
Rainforest
Movement,
www.wrm.org.uy
Sciences
et Avenir,
juin 2004
David
Sheppard, chef
du programme
de l’UICN
pour les
aires protégées,
in "Planète
Conservation",
2001.
"La
route
commerciale du
coltan
congolais :
une enquête",
opus cité
Téléphone jetable
"Force
est de constater que les Smartphones ont considérablement évolué.
L'Orange SPV originel ? Démodé ! Le
P800 de Sony Ericsson ?
Presque ringard ! Les derniers appareils du genre accueillent
volontiers les cartes Flash 64 Mo et embarquent des slots SD qui vous
permettront de porter la mémoire totale à 1 Go."
20
Derrière le jargon hystérique
typique des amateurs de gadgets électroniques, on aura compris
l'essentiel : dans le monde numérique, le risque majeur c'est la
ringardise. Il faut changer son téléphone portable ou son
"assistant personnel" aussi souvent que l'exigent la mode,
le "progrès" et les fabricants. "En moyenne les
Japonais changent de mobile tous les douze à
dix-mois", indique Yoshimi Ogawa21,
patronne d'Index Corporation, société japonaise qui vend du
"contenu" pour portables, et qui a acheté le club de foot
grenoblois. En France, 19 millions de téléphones sont remplacés
chaque année22.
Changer
de téléphone signifie jeter son
téléphone. Depuis le lancement de ce gadget sur le marché, plus de
500 millions d'exemplaires
ont déjà
été jetés
(130 millions
rien qu'aux
Etats-Unis en
2005), grossissant
les montagnes
de déchets électroniques et électriques (DEEE). En France, nous en
produisions 25 kg par personne en 2001, et ce
chiffre doit doubler d'ici 2013. "Or, ces
déchets sont loin d'être anodins. Ils concentrent un mélange
complexe de matières et de composants particulièrement toxiques.
Métaux lourds, cadmium, mercure, et plomb en grande quantité : 40
% du plomb trouvé dans les décharges
provient de l'électronique de consommation. Les rebuts électroniques
et électriques sont pour l'essentiel incinérés avec les déchets
ménagers et provoquent ainsi d'importantes émissions de dioxines.
Ces substances, ennemies de longue date de l'air, des sols et des
nappes phréatiques, menacent également la santé des êtres
vivants. Quelques mois suffisent pour qu'un téléphone
mobile dernier cri et un ordinateur
ultra-performant se métamorphosent en bombes à retardement pour
l'environnement." 23
Aux
apôtres du "recyclage" censé résoudre le problème,
précisons la fin de l'histoire
:
"Plus
de la moitié des ordinateurs "recyclés" (NDR
: aux Etats-Unis) sont
en réalité expédiés en Chine, où des travailleurs médiocrement
payés récupèrent les parties jugées intéressantes des appareils
(voir www.ban.org). Mais cela se
traduit par une sérieuse pollution, en raison des quantités
importantes de plastique et de métaux lourds entrant dans la
composition des ordinateurs. Les pièces inutiles sont brûlées,
provoquant des émanations toxiques, ou abandonnées dans des
décharges où l'eau de ruissellement entraîne les polluants dans
les nappes phréatiques. Non loin de Hong Kong, dans la ville de
Guiyu, spécialisée dans ce "recyclage" particulier, les
enquêteurs ont constaté que l'eau n'était plus potable et devait
être acheminée par citernes de villes voisines, tandis que les
maladies se multiplieraient du fait de la pollution de l'air."
24
Une
enquête menée en 2004 par Greenpeace et Basel Action Network a mis
à jour un trafic illégal de déchets électroniques dans le port
chinois de Taizhou : les déchets sont acheminés par cargo puis
mêlés à des chargements de métaux en vrac transportés dans des
centaines de camions. Les deux ONG pointaient le risque que Taizhou
devienne aussi contaminée que Guiyu. "Les
déchets électroniques entrent toujours en masse en Chine, à
travers les failles, et la plupart proviennent des programmes de
recyclage de pays qui essaient d'éviter la pollution de leur propre
territoire".25
La
Chine, et bien sûr l'Afrique. Le Programme des Nations-Unies pour
l'Environnement signale l'empoisonnement aux métaux lourds des
populations vivant près de décharges, comme celle de Dandora à
Nairobi (Kenya). 90 % des
enfants voisins sont contaminés par le plomb, le mercure, les
dioxines issus des déchets électroniques. Aux âmes charitables qui
croient se débarrasser éthiquement de leur portable, le PNUE
rappelle qu'un quart des appareils envoyés aux petits africains,
inutilisables, finissent dans ces décharges de la mort. "Entre
20 et 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont produits
chaque année, dont la plupart prennent le chemin du continent
africain comme dons charitables."26
________________
"La
route
commerciale du
coltan
congolais :
une enquête",
opus cité
Le
Journal du
Net, 27/01/04
Le
Monde,
4/04/07
Le
Figaro
Magazine
7/07/01
Le
Monde 17/04/02
http://www.greenpeace.org/china/en/news/new-dump-zone-found-in-china-f#
Voir aussi sur le site de Basel Action Network les conséquences des
trafics de déchets électroniques en Chine en provenance du Canada
http://www.ban.org/ban_news/050620_canada_ewaste.html
AFP,
6/11/07
Plus près de nous, à
Bourg-Fidèle (Ardennes), l'usine Métal Blanc a été jugée en
février 2005 pour la contamination par le plomb et le cadmium du
sol, de l'air et de l'eau, avec des conséquences sur la santé d'une
quarantaine de salariés ou enfants voisins27.
L'activité de cette usine ? Le recyclage. On voit que les
nuisances sont aussi durables que le développement des
industries qui les génèrent.
***
"C'est
M. Busy,
je serai
un peu
en retard
à notre
rendez-vous,
installez-vous,
j'arrive."
***
Grillades
de cerveau
Début
2008, les bornes Wifi pour l'Internet sans fil sont partout.
Connaît-on les risques pour la santé ? s'inquiète l'opinion. Pas
de problème, rassurent les décideurs, car le
Wifi est beaucoup moins puissant que les téléphones portables.
Mode d'emploi à l'attention des cobayes : pour connaître les dégâts
que vous inflige une "innovation", attendez la suivante.
Souvenez-vous, les pesticides étaient excellents pour notre santé
jusqu'à l'apparition des OGM, "indispensables" pour nous
débarrasser enfin de ce poison. Il aura fallu attendre le Wifi pour
s'entendre dire qu'en termes d'exposition aux rayonnements
électromagnétiques, "comparé aux fours
à micro-ondes et aux téléphones portables, le wifi c'est pas grand
chose"28.
Tous
cobayes
En réalité, le techno-gratin
et ses agences de propagande peinent à dissimuler encore ce que de
simples citoyens rabâchent depuis des années : nous sommes soumis
depuis quinze ans à une expérience en taille réelle sur les effets
sanitaires des champs électromagnétiques pulsés.
"Rentabilité
oblige, les téléphones mobiles ont été mis sur le marché sans
que des études préalables de nuisance aient été faites. Autrement
dit, les utilisateurs sont les cobayes d'une expérience planétaire
dont on ignore encore, faute de recul suffisant, les conséquences
sur la santé."
Depuis ce constat de Science
et Vie en avril 1999, scientifiques, industriels et gouvernements
jouent au ping- pong avec les enquêtes sur la santé des porteurs de
mobiles et des personnes exposées aux antennes-relais.
L'Organisation
mondiale de la santé a lancé en 1996 une étude nommée
"Interphone", dont les résultats, douze ans après, ne
sont toujours pas disponibles et dont la parution, après avoir été
annoncée en 2004, en 2005, est promise pour 2008. Est-elle bien
nécessaire puisque l'OMS a assuré en 2006, dans un "aide-mémoire"
qui sera utile aux futurs Alzheimer
: "Il n'existe aucun
élément scientifique probant confirmant d'éventuels effets nocifs
des stations de base et des réseaux sans fil pour la santé"29
?
Il existe en revanche des
éléments probants confirmant la surdité de l'OMS aux multiples
alertes lancées par des scientifiques du monde entier. Quelques
échantillons :
L'étude
européenne Reflex, dont les résultats furent dévoilés le 8
décembre 2004 par la fondation allemande Verum, a été financée
par l'Union européenne et par les gouvernements suisse et
finlandais. Elle a mobilisé douze
laboratoires pendant quatre ans30.
Ses conclusions : "Les champs
électromagnétiques générés par les antennes des téléphones
portables provoquent indirectement des ruptures dans les brins d'ADN
de cellules humaines et animales. Ils vont même jusqu'à perturber
la synthèse de certaines protéines." Ces
impacts apparaissent pour
des doses
d'énergie inférieures
aux seuils
définis par
la législation
française (2
W/kg, d'après
la recommandation de la Commission internationale
de protection contre les rayonnements non ionisants).
Le
Monde 23/02/05
JF
Viel, de
la faculté
de Besançon,
cité par
l'AFP, 5/10/07.
Son étude
portait uniquement
sur les
niveaux d'exposition aux différentes sources de
rayonnements, et non sur les risques de ceux-ci.
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs304/fr/index.html
01net,
14/01/2005
-
http://www.01net.com
Pour
Franz Adlkofer, coordinateur du projet et directeur exécutif de la
fondation Verum, l'étude prouve l'existence "d'un
mécanisme physiopathologique qui pourrait être à la base du
développement de désordres fonctionnels ou de maladies chroniques
chez l'animal et chez l'homme".
Un chercheur belge, Luc
Vershaeve, du Vlaamse Instelling voor Technologish Onderzoek,
explique que les ondes atteignent, à 2 cm de profondeur, la zone la
plus sensible du cerveau : le cortex, provoquant une élévation de
sa température d'environ 1°C. Bref, la tête dans le micro-ondes.
"Si
l'on téléphone régulièrement et pendant de longues périodes il
n'est pas impossible que l'effet thermique finisse par léser l'ADN
cellulaire et provoquer des tumeurs cancéreuses"31,
reconnait le scientifique.
En
août 2007, le BioInitiative Working Group, réunissant 14 chercheurs
internationaux, a jeté un froid dans le monde merveilleux du
sans-fil. Son rapport, une synthèse de 2000 études documentant les
effets sanitaires d'une exposition chronique aux rayonnements
électromagnétiques, aboutit à des conclusions telles que : "Sans
grand doute, l'exposition aux champs électromagnétiques à basses
fréquences cause des leucémies infantiles (à des niveaux très
inférieurs aux normes de précaution)" ;
"Les personnes qui utilisent un téléphone
portable depuis dix ans ou plus ont un taux plus élevé de tumeur
maligne du cerveau et de neurinome acoustique. Utiliser le téléphone
principalement d'un côté de la tête augmente le risque" ;
"Les normes usuelles d'exposition aux
émissions des téléphones portables et des téléphones sans fil ne
sont pas protectrices au regard des résultats à long terme sur les
tumeurs du cerveau et les neurinomes acoustiques" ;
"Il existe des preuves fortes indiquant
que l'exposition à long terme aux champs
électromagnétiques à basses fréquences est un facteur de risque
pour la maladie d'Alzheimer", etc. Pour
finir : "Nous ne pouvons plus nous
permettre de continuer le "Business as usual"."32
En
Allemagne, 1200
médecins ont
signé en
octobre 2002
"L'Appel de
Fribourg" pour
alerter les
autorités :
"Nous constatons ces dernières années
chez nos patients une augmentation dramatique de maladies graves et
chroniques (…) Comme nous connaissons l'environnement résidentiel
et les habitudes de nos patients, nous voyons - après un
interrogatoire précis – de plus en plus souvent une claire
relation temporelle et spatiale entre l'émergence de ces maladies et
le développement d'ondes radio, par exemple sous
forme◻d'installation
de relais
de téléphone mobile dans les environs de nos patients,◻d'une
utilisation intensive de portables, de l'achat d'un téléphone sans
fil standard DECT dans la maison ou dans le voisinage."33
On ne fera pas ici l'inventaire
des témoignages, études et plaintes contres les nuisances des
antennes-relais et des téléphones cellulaires. On peut à ce sujet
se reporter au documentaire de Joaquina Ferreira, "Téléphone
mobile, sommes-nous tous des cobayes ?",
téléchargeable sur le site www.next-up.org.
On se bornera à rappeler
l'affaire de l'ambassade américaine de Moscou pendant la guerre
froide. Les Russes ayant cerné celle-ci d'une ceinture de
micro-ondes, le taux de cancers et de maladies rares du personnel
diplomatique américain avait considérablement augmenté –
première démonstation des effets de ces ondes.
Utilisant des bandes de
fréquence de 900 et 1800 mégahertz (hautes fréquences, ou
micro-ondes), les téléphones portables génèrent aussi des très
basses fréquences, qualifiées par l'OMS – qui ne craint pas de se
contredire - de "potentiellement cancérigènes" et pouvant
entraîner des leucémies. Ces ondes interfèrent avec les ondes
alpha et delta du cerveau, autrement dit nos champs électriques
internes. Aujourd'hui c'est toute la population qui est encerclée,
dans la guerre au vivant menée par l'industrie et les chercheurs
complices.
Les
ondes nuisibles pour la vérité
Pourquoi
les cobayes
humains ne
sont-ils pas
informés ?
Parce que
le lobby
de la
téléphonie mobile
ne tolère
aucune mise
en cause,
verrouille les
résultats négatifs,
achète des
chercheurs à
gages, enfume
les autorités
sanitaires, attaque en diffamation les citoyens qui protestent34.
Parce qu'il est trop tard pour revenir en arrière. "D'une
façon générale, tous les résultats mettant en cause la téléphonie
mobile sont systématiquement rejetés par
les fabricants de portables. Le Dr Henry Lai qui travallait sous
contrat avec Wireless Technology Research (WTR)
une société
sous la
tutelle de
fabricants de
téléphones
mobiles, s'est
vu refuser
la publication
de ses
travaux parce qu'ils démentaient le credo des fabricants. (…) "Ils
me demandaient d'interpréter différemment mes
résultats afin de les rendre plus favorables à la téléphonie
mobile", s'insurge le chercheur.
La
même mésaventure est arrivée au biologiste américain Ross Adey,
qui effectuait une étude pour le compte de Motorola (…). Comme le
fabricant refusait d'admettre ses conclusions, à savoir l'effet
nocif des ondes électromagnétiques sur des animaux de laboratoire,
il a préféré arrêter sa collaboration scientifique.
"Tout se
_______________
Science
et Vie,
avril 1999
www.bioinitiative.org
http://www.mediasun.ch/antennes/img/appel.pdf
comme
Etienne Cendrier
(Robin des
Toits) à
Paris
passe comme autrefois avec les
fabricants de cigarettes, qui refusait de réveler toutes les études
montrant les dangers du tabac" proteste Henry Lai."35
Rémunéré
lui aussi par les industriels via Wireless Technology Research,
l'épidémiologiste George Carlo a été, comme ses confrères,
censuré par ses commanditaires. Il a depuis créé l'ONG Safe
Wireless Initiative pour publier ses résultats (dérèglement du
métabolisme, blocage de la communication intercellulaire, symptômes
d'électrosensibilité), résumés dans son livre Cell
phones : Invisible Hazards in the wireless age.
Dans une interview à la revue Acres USA,
Carlo raconte : "Des scientifiques du
monde entier ont signalé que leurs travaux avaient été rejetés ou
modifiés par l’industrie de la téléphonie mobile. Si vous
regardez les études effectuées sur ce problème {NDR
: les risques sanitaires}, celles qui sont
financées par l'industrie ont six fois plus de chances de ne rien
trouver que celles qui sont financées de façon indépendante.
Malheureusement, 95 % des études sont financées par l’industrie.
L’industrie contrôle quasiment la science et la diffusion des
informations scientifiques. Elle contrôle donc la façon dont le
public perçoit ou ne perçoit pas de dangers."36
Voilà
qui nous ramène à l'OMS. Si vous pensiez cet organisme
supranational indépendant et fiable, vous allez être déçus. Son
projet international pour l'étude des champs électromagnétiques
("projet CEM") lancé en 1996 se révèle financé à 40
% par l'industrie du portable. Une excellente
enquête du magazine belge Imagine dévoile
la face cachée de son "aide-mémoire" rassurant de 2006.
Le projet CEM "reçoit chaque année –
depuis 2005 en tout
cas – plus de 150.000 $ du Mobile Manufacturers Forum (MMF), le
lobby des fabricants de portables basé boulevard Reyers à
Bruxelles. Contacté par le magazine belge Imagine,
Michael Milligan, secrétaire général du
MMF, se borne à rappeler que les versements se font «
en accord avec les demandes de l’OMS et via la
procédure agréée et mise en place par celle-ci
». Il se félicite par
ailleurs de «
l’expertise de l’OMS, particulièrement en ce
qui concerne l’information qu’elle produit et qui repose sur une
science d’excellente facture »."37
On ne saurait mieux dire.
Financer une étude est un bon
début. Reste à trouver un porte-parole pour colporter ses
résultats. Voyez comme ces industriels ont du flair : ils n'auraient
pu dénicher meilleur candidat que Mike Repacholi, coordinateur pour
l'OMS des programmes de recherche du "projet CEM". Ce
physicien et biologiste mériterait la médaille d'or de la Ville de
Grenoble pour son action toute personnelle en faveur de la liaison
recherche-industrie.
"«
Le projet CEM était corrompu dès le départ,
estime Andrew Marino, professeur de biologie
cellulaire au Centre des sciences de la santé de l’université de
Louisiane (Etats-Unis). Michael Repacholi
était connu depuis plus de
six ans
comme consultant
rémunéré et
porte-voix des
compagnies responsables
de générer
de la
pollution électromagnétique.
» (…) Louis Slesin
chimiste physicien, docteur en sciences environnementales du MIT et
rédacteur en chef de la lettre spécialisée Microwaves
News, blâme quant à lui M. Repacholi pour
ses nombreux revirements au cours de son mandat. «
En février 2003, à Luxembourg, le coordinateur
du projet CEM a annoncé
qu’il existait désormais “suffisamment de
preuves” pour préconiser des politiques
préventives notamment en matière de rayonnements radiofréquence et
micro-ondes [ceux de la téléphonie mobile,
NDLR]. Or, quelques semaines plus tard, il
est revenu sur cette position sans la moindre justification. »"38
On vous passe la suite, qui
mérite d'être lue et se consulte facilement dans sa version
Internet.
Bien sûr, les autorités
sanitaires françaises qui s'adossent aux avis de l'OMS ne peuvent
ignorer ce que de simples associations savent et dénoncent à
longueur de sites Internet et de pétitions39. C'est donc
en connaissance de cause que l'AFSSE (Agence française de sécurité
sanitaire de l'environnement) a publié deux rapports rassurants en
2003 et 2005. Sans doute inspirée par les méthodes de sa grande
sœur onusienne, l'agence a pris soin d'écarter de son groupe
d'experts les chercheurs trop indépendants de l’industrie.
En
2004, quatre d'entre eux, membres du Comité scientifique sur les
champs électromagnétiques, ont publié un "livre blanc"
plutôt noir : "Votre GSM, votre santé
: on vous ment !" 40,
dans lequel ils résument ce que les autorités
françaises n'ont
pas voulu
entendre :
"Cette
publication a
été rendue
nécessaire en
raison des
nombreux
Science
et Vie,
avril 1999
Acres
USA,
juillet
2007,
www.acresusa.com/toolbox/reprints/July07_Carlo.pdf
(en
anglais)
http://david-leloup.blogspot.com/2006/12/trafic-dinfluence-loms.html
Idem
Une
pétition
internationale
a
circulé
pour
demander
la
démission
de
M.
Repacholi
de
l'OMS.
Après
son
départ
à
la
retraite,
des
associations
françaises
ont
adressé
des
lettres
ouvertes
à
l'OMS
pour
demander
une
enquête. Voir www.next-up.org
R.
Gautier, P.
Le Ruz,
D. Oberhausen,
R. Santini
- Editions
Marco Pietteur
troubles
observés chez les riverains des stations-relais de téléphonie
mobile (dont l'installation en France a été particulièrement
anarchique) et chez les utilisateurs de téléphones portables. Sont
passés en revue les travaux scientifiques mondiaux relatifs à
l'exposition des êtres vivants aux ondes de la téléphonie mobile.
On peut y constater des effets particulièrement nocifs sur le
système nerveux et le métabolisme cellulaire. Les publications
officielles françaises, destinées à permettre le développement
technologique sans entrave, y sont examinées et critiquées.
Les
études épidémiologiques menées un peu partout dans le monde
révèlent clairement l'étiologie des nombreux malaises ressentis
par les utilisateurs de téléphones portables et les riverains
d'antennes relais (insomnies, troubles cardiaques, hypertension,
céphalées...) ainsi que l'existence possible d'un lien entre cette
exposition et des pathologies lourdes telles des maladies
neurodégénératives, certaines formes de cancer…"
41
Ecarté lui aussi du groupe
d'experts de l'AFSSE, Pierre Aubineau, directeur de recherche au
CNRS, est pourtant membre de l'équipe chargée de l'étude Comobio
(communication mobile et biologie) soutenue par le gouvernement
français. Il étudie en particulier les effets des ondes des
portables sur la barrière hémato- encéphalique (qui protège le
cerveau des toxiques circulant dans le sang). Conclusion de ses
expériences sur des rats : sous l'effet des radiations la barrière
hémato-encéphalique s'ouvre et la synthèse des protéines dans le
cerveau est bouleversée.
Trois membres de l'AFSSE se
sont sentis obligés d'auditionner Pierre Aubineau après ses
déclarations à la presse
-
les experts, eux, "n'ont pas souhaité" l'entendre. Le
chercheur a réitéré sa mise en garde : "Il
y a de grandes chances qu'un risque existe, à tout le moins pour
certaines personnes. Je constate qu'il se passe des phénomènes
anormaux et je maintiens que l'ouverture de la barrière
hémato-encéphalique relève du pathologique et non du biologique.
Il en va de même lorsque la synthèse des protéines de choc
thermique augmente de manière inconsidérée : ceci reflète une
attitude stressée et un dysfonctionnement cellulaire."
Réaction
de Michèle
Froment-Védrine, directrice
de l'AFSSE
: "Mais
les personnes
qui téléphonent
ne sont-elles
pas stressées ?"42
Hélas, l'état de la barrière
hémato-encéphalique des responsables de l'AFSSE n'a fait l'objet
d'aucune étude.
Notons
que les "experts", refusant d'écouter Pierre Aubineau, ont
complaisamment auditionné les opérateurs de téléphonie mobile
évoquant des "symptômes subjectifs"43
chez leurs abonnés qui se plaignent de
troubles. Extrait
: "Depuis quelques
mois, nous assistons à un véritable marché de la peur qui rend
malades les personnes fragiles. Ces dernières dorment mal ou ont mal
à la tête à force d’être inquiétées par des discours
alarmistes."44
On reconnaît l'école scientifique
créée en 1958 par l'OMS : "Il semble
donc confirmé que l'avènement de l'ère atomique a placé
l'humanité devant certains problèmes de santé mentale (…) La
solution la plus satisfaisante pour l’avenir des utilisations
pacifiques de l’énergie atomique serait de voir monter une
nouvelle génération qui aurait appris à s’accommoder de
l’ignorance et de l’incertitude..." .45
Hélas, en raison d’un excès
d'informations, la "radiophobie" fit après Tchernobyl des
ravages chez les Biélorusses et les Ukrainiens.
En revanche, que Bernard
Veyret, René de Sèze et Denis Zmirou aient pu co-signer le rapport
de l'AFSSE après avoir collaboré à la rédaction d'une plaquette
de pub financée par Orange et intitulée "Aucune inquiétude
pour les antennes-relais" n'a donné de migraines à personne
dans les sphères de la "sécurité sanitaire". Il aura
fallu les protestations réitérées des associations anti-pollution
électromagnétique pour que soit publiée en janvier 2006 une
enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et
de l'Inspection générale de l'environnement sur les méthodes de
travail de l'AFSSE. Conclusion : "Les travaux de l'AFSSE en
matière de téléphonie mobile se sont déroulés avec
des défaillances relatives à la méthode suivie sur les
procédures." En français : l'AFSSE a saboté le travail et
ses avis rassurants sont nuls et non avenus. Pendant ce temps, les
adolescents français téléphonent plusieurs heures par jour grâce
à leurs forfaits illimités.
Tant d'efforts et de
manipulations pour "rassurer" les consommateurs devrait
suffire à leur mettre la puce à l'oreille, si cette dernière
n'était accaparée par un téléphone portable.
http://csifcem.free.fr
www.afsse.fr/documents/Audition_AUBINEAU.pdf
Association
française
des
opérateurs
de
téléphonie
mobile
:
www.afom.fr
Extrait
des
auditions
des
opérateurs
de
téléphonie
mobile
par
l'AFSSE,
10/01/03
–
www.afsse.fr
OMS,
Rapport technique
n'°151, 1958
Peut-être les atteintes
neurologiques affectent-elles déjà les capacités de raisonnement
de la foule, y compris dans la révolte. Il n'est de spectacle plus
désolant que celui de ces associations qui piaillent contre les
antennes- relais ("trop grandes, trop puissantes et mal
placées") sans jamais mettre en cause le téléphone portable.
Qui, à l'image de Priartem – Pour une Réglementation des
Implantations d'Antennes-Relais de Téléphonie Mobile - réclament
toujours plus d'encadrement, de réglementation des nuisances,
d'améliorations techniques, pour une pollution électromagnétique
durable.
Problème pour élèves de
classe scientifique : sachant que les "zones blanches" non
couvertes par les réseaux ont quasiment disparu en France, comment
effectuer des comparaisons médicales entre populations polluées et
populations épargnées par les rayonnements du portable, pour en
tirer des conclusions scientifiques ? Réponse : impossible. Voilà
pourquoi nos décideurs ont bien raison de supprimer les crédits à
la recherche épidémiologique, devenue obsolète, et de les affecter
au Plan Alzheimer qui va en avoir grand besoin.
"J'entends
rien !
T'es où
? Hein
?"
***
***
Notice
nécrologique
Les dégâts sanitaires de la
téléphonie mobile seront sans doute niés aussi longtemps que ceux
du tabac. Si votre cerveau flanche, c'est que vous vieillissez. Il
sera peut-être plus difficile à l'industrie de réfuter sa
responsabilité dans l'autre catastrophe en cours, qui nous menace
tout autant : la disparition des abeilles. Outre l'efficacité
insecticide sans égale des Gaucho, Regent et autres pesticides
systémiques, la pollution électromagnétique semble avoir sa part
dans le "syndrome d'effondrement des ruches", plus encore
depuis l'apparition de la téléphonie "3G", au débit
plus élevé. Pour mémoire, 60 à 90 % des colonies domestiques ont
disparu aux Etats- Unis depuis 2006. Les agriculteurs américains
doivent importer des ruchers pour assurer la pollinisation de leurs
arbres fruitiers. Même drame en Europe depuis une dizaine d'années
: les abeilles disparaissent sans laisser de trace. Or, nous
rappellent des chercheurs rabat-joie, celles-ci utilisent les champs
magnétiques terrestres pour s'orienter, et émettent des signaux
électromagnétiques d'une fréquence de 180 à 250 Hz lors de leurs
danses de communication.
Expérience : placez quatre
essaims d'abeilles à 800 mètres de leurs ruches respectives.
Exposez deux des quatre ruches aux émissions d'un téléphone sans
fil, laissez les deux autres tranquilles. Observez les abeilles.
Résultats obtenus par l'équipe des professeurs Stever et Kuhn de
l'université allemande de Koblenz-Landau : les deux premiers
essaims retrouvent fort mal, voire pas du tout leur ruche
communiquante, tandis que les deux autres s'en sortent très bien46.
On vous aura prévenus.
Rappelons modestement aux pros
de la "3G", du Bluetooth et du Wifi que les abeilles sont
ces insectes pollinisateurs qui, en butinant les fleurs, assurent la
fécondation indispensable à l'apparition de fruits et légumes. Un
tiers du volume de ce que nous mangeons, pour être précis. Mais on
ne peut pas tout avoir : des tomates et l'iPhone.
III
Le triomphe des manipulateurs
En 1992, la France comptait
500 000 abonnés au téléphone portable. Fin 2007 : 55,3 millions.
En quinze ans, 87,6 % de la population s'est laissée convaincre de
la nécessité de ce gadget.
Les
jeunes sont les plus intoxiqués : 97 %
des 18-24 ans en possèdent un. "Si l'on
excepte les personnes âgées et les
enfants en
bas âge,
le marché
arrive aux
limites de
la
saturation."47
Pourquoi excepter
les enfants
en bas
âge, alors qu'on pourrait les habituer à
téléphoner dès leurs premiers mots ? Après deux tentatives
avortées – en 2005 le BabyMo,
"premier
téléphone
portable
entièrement
conçu pour
l'enfant"48,
puis en
2007 le
Kiditel, ont
été
Stever,
Kimmel,
Harst,
Kuhn,
Otten,
Wunder
:
Verhaltensänderung
der
Honigbiene
apis
mellifera
unter
elekromagnetischer Exposition.
http://agbi.uni-landau.de/material_download/verhalten_elmagexp.pdf
Le
Monde 2,
19/02/05
Télérama
16/02/05
retirés de la vente sur
plainte d'associations – le Mo1 tente une nouvelle percée. Lancé
par la société espagnole Imaginarium, ce modèle pour enfants à
partir de 6 ans permet d'appeler les numéros préenregistrés des
parents et comprend un dispositif de géolocalisation par GPS.
Comme
le dit au Monde 2 Régis
Bigot, directeur adjoint du département "Conditions de vie et
aspirations des Français" au CREDOC : "Ces
nouvelles générations sont préparées à un monde où les
nouvelles technologies seront omniprésentes".
Harcèlement publicitaire,
téléphones offerts, suppression des cabines téléphoniques, coût
exorbitant des appels depuis un fixe vers un mobile et pression
sociale ont fait du portable la technologie au développement le plus
rapide de l'histoire. En 2006 il s'en est vendu un milliard dans le
monde49. Selon
le cabinet d'analyse Gartner, le portable serait le bien de
consommation électronique le plus répandu sur la planète. Jusque
dans les coins les plus affamés de la planète, comme en Somalie où,
à défaut d'eau potable, on a des SMS50.
Mille nouveaux abonnés sont
enregistrés chaque minute. Un être humain sur deux est désormais
affublé de sa prothèse communiquante51.
Encore quelques générations et – évolution aidant – l'espèce
devrait en être équipée naturellement.
Plus
que tous ses prédécesseurs, ce gadget pousse au mimétisme et au
conformisme si chers aux marketeurs.
"J'ai fini par céder à la pression
de mon entourage. Ce qui les gênait dans mon attitude, c'était le
refus de m'aligner sur le comportement dominant",
explique une libraire au Monde 52.
Faites
le test. Dites à vos collègues que vous n'avez pas de portable.
Hors les exceptions qui chuchotent :
"Tu as bien
raison,
j'aimerais en
faire autant",
la majorité
s'esclaffe :
"T'es contre
le progrès
? Tu
t'éclaires à
la bougie ?" ou
s'inquiète : "Mais comment tu fais ?"
Alors que la pub vend aux
foules l'autonomie et l'indépendance sur abonnement, on voit qu'il
s'agit ni plus ni moins de faire comme tout le monde.
Vous
n'aviez rien demandé, vous l'avez quand même
Si huit Français sur dix se
demandent comment ils ont fait pour se passer de portable jusqu'ici,
c'est grâce au bourrage de crâne du marketing et aux manip' des
sociologues des "usages" et de "l'acceptabilité".
A Grenoble, le fabricant de puces STMicroelectronics et son associé
le CEA-Léti ont créé, avec France Telecom R&D et Hewlett
Packard Labs, un "laboratoire d'idées" nommé IDEAs Lab,
qui vend aux industriels une méthode pour s'assurer du succès,
élaborée "grâce à l'apport d'autres disciplines
scientifiques, en particulier les sciences humaines"53.
Cette
méthode brevetée, la "Conception Assistée par l'Usage"
("design smart process"), a été inventée par un
Grenoblois, "sociologue et anthropologue de l'innovation"
au CNRS, Philippe Mallein. "Celle-ci
identifie les usages des
technologies
avant même
la conception
de nouveaux
produits.
Objectif :
créer de
véritables
nouveaux produits, avec de véritables
nouveaux usages, et ne pas seulement s'adapter à ce que le marché
semble demander." 54
C'est bien ce qu'il nous
semblait. Le "marché" (nous) n'a jamais demandé de
téléphone portable. Mais grâce à Mallein, de nouveaux "usages"
(besoins en novlangue), ont été créés. Il faut voir le
sourire vainqueur de Michel Ida, patron d'IDEA's Lab, quand, dans ses
conférences sur les "objets intelligents", il demande au
public : "qui a un téléphone portable ?"
Comment
ces bienfaiteurs s'y prennent-ils ? Ils réunissent "des
créatifs (designers, artistes), des experts en sciences humaines
(sociologues, anthropologues), des spécialistes des logiciels, de la
micro-électronique, des microsystèmes, mais aussi des opérateurs,
des industriels ou de futurs utilisateurs de ces objets
communicants"55,
et les
font plancher
sur des
gadgets futuristes
(balançoire virtuelle,
stylo communicant, clones
virtuels, vêtements et lunettes communicants). Le fruit de ces
"ateliers créatifs" est ensuite soumis à des panels
Le
Monde,
27/01/07
Courrier
International,
31/01/08
D'après
le cabinet
The Mobile
World, cité
par La
Croix,
28/06/07
Le
Monde 2,
19/02/05
CEA
Technologies
n° 64,
jan/fév 2003
01
Informatique,
22/11/02
Lettre
de Minatec
n°2, novembre
2001
de
consommateurs classés selon leur "comportement
vis-à-vis du changement" (étiquetés
en "Passionnés", "Pragmatiques"
ou "Objecteurs")56
dont les réactions sont examinées à la
loupe, pour décider si tel machin a des
chances d'être accepté par les cochons de consommateurs.
La
combine a le mérite de dévoiler la logique toute commerciale de la
"recherche & développement" chère aux ingénieurs du
CEA : il ne s'agit pas de trouver une réponse aux besoins de la
population, mais des débouchés à une technologie, en créant des
besoins factices. Ad Valor revendique ce renversement de logique
orwellien, en résumant le parcours d'une innovation rentable :
celle-ci doit d'abord
créer des "significations
d'usage positives" associées à une
"valeur pour l'usager" avant
d'aboutir à l'"expression du besoin"
puis à la "demande".
Rien
de bien neuf, quoiqu'en disent les frimeurs d'IDEAs Lab. Leur méthode
recycle celle d'Edward Bernays, l'inventeur américain des "relations
publiques" dans les années 1920, expert revendiqué en
manipulation de l'opinion. "Leurs travaux
ont amené Trotter et Le Bon à la conclusion que la pensée
au sens strict du terme n'avait pas sa place
dans la mentalité collective, guidée par l'impulsion, l'habitude ou
l'émotion (…) Les nouveaux responsables commerciaux savent qu'il
est possible (…) de susciter des courants émotionnels et
psychologiques qui travailleront pour eux. Au lieu de s'attaquer de
front aux résistances des acheteurs, ils cherchent à les supprimer.
A cet effet, ils créent des circonstances qui, en canalisant les
courant émotionnels, vont produire la demande."57
Bernays a démontré l'efficacité
d'une bonne campagne avec son opération "flambeaux
de la
liberté", en
1929, destinée
à inciter
les femmes
à fumer.
Mission accomplie
: en
2008 le
taux de
cancer du poumon chez les femmes rejoint celui des hommes.
Ecoutons
Denis Marsacq, du laboratoire "Sources d'énergie miniatures"
du CEA-Grenoble, sous-traitant de Nokia
dans la recherche sur les mini-piles à combustible pour portables,
lors d'une conférence à la Fnac :
"Bien sûr ces piles coûteront plus cher
que le rechargement d'un téléphone sur une prise électrique, mais
nous ciblons les adolescents, qui sont immatures et moins rationnels,
et nous pensons qu'ils accrocheront au "sans fil" total."
Souvenons-nous : ne pas
seulement s'adapter à ce que le marché semble demander. Et
attaquer les jeunes, assez gogos pour se laisser fourguer Britney
Spears en sonnerie et le téléphone détecteur d'amour et de
mensonges (vendu par KTS, en Corée pour l'instant). Chers
adolescents, vous plait-il d'être cible dans le viseur des dealers
de gadgets ? Voyez le mépris dans lequel ils tiennent vos 17 ans,
agitant sous votre nez leur pacotille électronique comme de la
verroterie pour sauvages. Contre quoi troquez-vous votre autonomie,
votre santé et votre argent de poche ? Un téléphone.
A votre décharge, vous avez
peu connu le monde sans portable. Vos aînés, eux, sont si honteux
de leur soumission qu'ils se justifient à longueur de temps : "C'est
juste en cas de panne de voiture" ; "Je l'utilise très
peu" ; "Avec mon boulot je suis obligé". Piteux aveux
qu'il faut traduire : "Je me suis fait avoir comme tout le
monde".
C'est
ainsi que vos collègues s'esclaffent. Et Mallein, le sociologue
jaune, de qualifier les drogués de gadgets de "visionnaires",
et les réfractaires de "conformistes". Orwell nous l'avait
bien dit : L’Artificiel
c’est le Naturel – La
Consommation c’est la Réflexion – L’Autonomie c’est
l’Aliénation.
De même que dans 1984
l'histoire est réécrite chaque jour, on ne saura
bientôt plus qu'il existait un temps où l'on ne s'appelait pas
pour se dire qu'on arrivait. Comme on ne sait plus aujourd'hui qu'il
a existé un temps où l'on ne s'appelait pas du tout. Où l'on
frappait à la porte des gens pour leur parler.
***
"Vi1
2m1 c
tro top"
***
Leur
soumission hypnotique au marketing conduit les consommateurs à
négliger l'essentiel :
"Recul sensible des dépenses de
nourriture, progrès spectaculaires des achats de loisirs, notamment
dans la haute technologie... En quelques années, les habitudes de
consommation des Français ont profondément changé (…) Pour
continuer à acheter les produits qui les font rêver (…) ils
rognent ostensiblement sur les produits alimentaires de marque vendus
par la grande distribution et prennent le chemin des magasins de
proximité à bas prix, les fameux hard discounters."58
Dans les
familles modestes,
le budget
"portable" pèse
si lourd
que les
dépassements de
forfait des
ados creusent l'endettement des plus fragiles.
Plaquette
publicitaire de
la société
Ad Valor
Propaganda,
comment
manipuler
l'opinion en
démocratie,
Edward Bernays,
1928. (La
Découverte, 2007)
Le
Parisien,
14/01/05
En rognant sur leur
alimentation, les Français ont permis aux opérateurs de téléphonie
mobile d'engranger 21 milliards d’euros en 2006, un chiffre
d'affaire multiplié par dix en dix ans et supérieur à celui de la
construction aéronautique et spatiale59.
Le lancement du "iPhone" (un million d'exemplaires vendu en
trois mois aux Etats-Unis) a provoqué un bond de 121 % de l'action
d'Apple. Le constructeur Nokia vend un million de téléphones par
jour. En 2006 le numéro un des fabricants a engrangé 41,1 milliards
d'euros de ventes (20 % de plus que l'année précédente) et 4,3
milliards d'euros de bénéfices60.
Nokia qui est l'un des plus gros clients de STMicroelectronics, et
qui est aussi donneur d'ordre du CEA-Léti. Où l'on réalise ce que
l'économie grenobloise doit à un fabricant finlandais de téléphones
portables.
N'oublions pas les "services"
annexes : en France en 2004 le chargement de sonneries musicales a
rapporté 8,5 M€ aux sites de téléchargement payant, qui tablent
sur un marché de 160 à 200 M€ par an61.
Index Corporation réalisait en 2003 un chiffre d'affaires de 150 M€
en vendant ses "contenus" pour téléphones mobiles :
sonneries, fonds d'écran, jeux, horoscopes, strip teases, etc. Quant
à la publicité sur mobiles, elle devrait, selon l'Internet
Advertisinbg Bureau, démarrer en 2008.
Un
nouveau marché pour les bablologues
La téléphonie mobile est une
providence pour les vendeurs de vent - journalistes, sociologues,
communiquants, marketeurs – qui ont vite repéré le nouveau filon.
La presse, à qui les
industriels assurent de confortables rentrées publicitaires, a fait
du portable une nouvelle rubrique. On connaissait les journalistes
politiques, sportifs et économiques, voici les "journalistes"
téléphoniques.
Le
Figaro :
"Guide
: Mobile Homme
Destination
high
tech
"Pas
question de partir à l'aventure sans prévoir le minimum
d'équipement. (…) j'emporte non seulement mon Ipod, mais aussi un
baladeur vidéo portable qui me permet de raccourcir les trajets en
car ou en avion.(…) Ma femme, elle, préfère emporter (…) son
téléphone portable, au cas où. Elle adore surtout envoyer des
mini- messages à ses amies pour leur signaler les lieux que nous
visitons. Pour plus de sécurité, elle a choisi un appareil à la
fois costaud et élégant qui s'adapte automatiquement aux différents
réseaux utilisés dans le monde. En prime, le vendeur a eu la bonne
idée de remplir son téléphone de musique, ce qui fait un baladeur
supplémentaire. (…) Avec le GPS,
inutile d'aborder les passants ou de décrypter un manuel de
conversation. (…)
On trouve ce genre d'appareils sous forme de petit agenda de poche
chez Fujutsu-Siemens ou Moi. (…) Ou encore installé dans un
téléphone mobile comme chez Nokia." 62
On vous le dit : c'est un métier.
Une
revue complète du Monde révèle
l'invasion du gadget dans l'information. Plus de 70 articles ont été
consacrés au téléphone portable par le quotidien en 2007. Dans ce
flux régulier, aucune enquête sur les dommages écologiques de
cette industrie. Six articles, 2719 mots à peine, consacrés aux
risques sanitaires – le plus souvent une brève en bas de page
signalant les résultats d'une étude scientifique. Un seul article
(510 mots) évoquant "Big Brother" et la surveillance via
portables – encore ne s'agit-il que d'annoncer la diffusion d'un
documentaire sur le sujet à la télévision. En revanche, les
papiers positifs concernant
les innovations technologiques, les derniers modèles, les nouveaux
usages, services ou fonctionnalités, représentent 11 716
mots. Enfin, les sujets économiques sur les
entreprises de téléphonie mobile et leurs marchés totalisent 7110
mots. Sans oublier les suppléments "High tech" et les
pages "Agenda high tech" du Monde 2,
qui délivrent chaque semaine une leçon de journalisme spécialisé.
"Il y avait le Shine de LG, bientôt il y
aura le Troïka de Samsung. Le
téléphone
G800 (nom
officiel de
la bête)
hausse encore
un peu
le ton
dans l'alliance
du design
et de
la technologie : côté techno, c'est un smartphone tribande
Bluetooth à l'écran TFT de 240x320 pixels, doté d'un appareil
photo 5 mégapixels, d'un zoom optique x3, d'un flash au xénon,
d'une mémoire de 160 Mo et d'un lecteur de carte microSD. Côté
design, rien à redire, il est pur, racé, et surtout, doté d'un
écran miroir de toute beauté. De quoi satisfaire son ego tout en
papotant à volonté."63
Ce n'est pas Albert Londres qui nous aurait
informés de la sorte.
www.afom.fr
Le
Monde,
25/02/07
Libération,
5-6/02/05
Le
Figaro,
7/06/07
Le
Monde 2,
17/11/07
Admirons
maintenant le cycle de la valeur ajoutée.
Les effets de ce lavage de cerveau sur nos comportements alimentent
les analyses facturées par des sociologues à gages, sur les
"métamorphoses de l'objet mobile",
les "nouvelles
convenances mobiles" ou "les
ressorts du sensationnalisme mobile" -
qui fournissent à leur tour matière à de nouveaux articles. Rien
ne se perd, rien ne se crée, mais on gagne à
tous les coups.
Les sociologues en question
appartiennent au cabinet de "conseil et recherche appliquée"
Discours & Pratique, chargé par l'Association des opérateurs de
téléphonie mobile (AFOM) d'assurer son service après-vente. Un
modèle de liaison recherche-université-industrie, puisque ces
chercheurs, à commencer par la directrice Joëlle Menrath et son
associée Anne Jarrigeon, sont membres d'un groupe de recherche du
CELSA (Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la
communication – Université Paris Sorbonne).
Extraits de leurs trouvailles
scientifiques :
"Certaines
des fonctions
du mobile
sont plus
évidentes que
d’autres dans
les
perspectives de
communication ouvertes
par l’usage
téléphoné.
(…) D’autres
demandent une
véritable
conversion
imaginative et
gestuelle, comme les nouvelles fonctions
multimédias liées à l’image et au son : faire une photo en effet
implique une attitude qui
n’a rien
à voir
avec celles
mobilisées par
l’appel ou
les SMS,
(…) les
gestes se
différencient permettant
dans le
cas de
la photo
de viser
pour cadrer
plus ou
moins
précisément
un sujet,
en portant
le téléphone devant soi, le plus souvent
le bras légèrement replié. Le mobile est alors physiquement
transformé en appareil photo : les gestes momentanés le
reconfigurent en même temps qu’ils redéfinissent la situation en
une situation photographique."
"Prendre
au sérieux
ce qui
se joue
dans notre
rapport au
mobile comme
objet conduit
à ne
pas négliger
la tension qui traverse l’usage entre
une résistance réactivée de l’objet qui semble doué d’une
sorte de vie autonome et le fait qu’il est conçu pour s’adapter
au corps du sujet, donc pour se faire oublier en tant qu’objet."64
IV
Liberté
sous
surveillance,
autonomie sous
assistance
Si ce marché est si porteur,
c'est que le rouleau-compresseur marketing a su capter ce qui, dans
ce monde high tech et dévoué à la guerre économique, avait
été détruit : les rapports sociaux. Il est typique du système de
nous vendre, à coup d'innovations, des remèdes aux maux
causés par les innovations précédentes. Vous ne parlez plus à vos
voisins à cause de la télévision ? Téléphonez-leur !
D'après
les opérateurs, le portable serait un objet qui "valorise"
("il véhicule nos signes extérieurs de richesse ou
d’originalité"), "rassure"
("tout se passe
comme si ce petit objet (…) protégeait d’un monde
potentiellement hostile"), "renforce les liens" ("il
sert à appeler des personnes que l’on voit tout le temps et qui
habitent près de chez soi, et ce, pour des conversations courtes et
répétées"), voire "permet
de se déclarer"65.
Les opérateurs ont compris le
bénéfice qu'ils pouvaient tirer d'individus dévalorisés,
angoissés, incapables de communiquer ou de supporter l'inconnu. Leur
argument de vente dessine en négatif la société techno-marchande
qui crée ces individus. Sédentaires esclaves de notre trajet
domicile-travail, du découpage semaine/week-end,
toute-l'année-au-boulot/le-mois-d'août-à-la-plage, nous sommes la
cible idéal pour les dealers du "nomadisme" frelaté
vanté par le faisan Attali.
Pourquoi aurions-nous besoin
d'une médiation électronique pour communiquer si ce n'est pour nous
adapter à un monde qui atomise chacun de nous et
morcelle nos vies ? Rappel : dans un pays où trois habitants sur
quatre sont équipés de l'appareil-qui-renforce-les-liens, 15 000
personnes sont mortes dans l'indifférence générale en trois
semaines de canicule.
Supposé renforcer les liens
avec les proches, le portable permet à coup sûr d'éviter le
contact avec des inconnus. Voyez ces zombies en transit rivés à
leurs SMS, certains d'éviter ainsi le regard de leurs voisins de
bus. Et ces urbains égarés, accrochés à leur portable pour se
faire guider à distance plutôt que de demander leur chemin à des
gens. Grâce à leur "kit" de téléguidage
comprenant indicateur des rues et récepteur GPS, ils suivent les
Le
téléphone
mobile
aujourd'hui,
usages et
comportements
sociaux,
2e
édition, juin
2007
www.afom.fr
instructions de la machine
greffée à leur oreille. Qu'un individu s'avise de les accoster de
vive voix et ils appelleront bientôt au
secours.
"Selon
Béatrice Fracchiolla, sociologue et chercheuse en pointe sur les
nouvelles technologies, son usage immodéré (NDR
: du portable) sert à combler les temps de
déplacements quotidiens qui sont souvent source d'angoisse. "Ce
temps passé en transit dans des sortes de "non-lieux"
successifs, au milieu d'une foule anonyme, entraîne une perte
d'identité", écrit-elle dans la revue
Esprit critique. (…)
La sociologue voit dans le portable (…)
autant de tentatives de reconquête par l'humain d'espaces urbains
chaotiques. Des moyens d'être mobile, comme
autant de
"palliatifs au
rapport de
voisinage qui
diminue au
fur et
à mesure
que les
villes s'agrandissent
et s'étendent, que leurs frontières deviennent
de plus en plus délétères.""
66
Le téléphone mobile prospère
sur le marché de la peur. Les ados le disent : leurs parents les
équipent massivement pour "se rassurer". Sans doute
les opérateurs ont-ils raison d'attribuer leur succès à la crainte
"d'un monde potentiellement hostile" et sans doute
ont-ils quelque intérêt à aggraver cette hostilité du milieu avec
leur services toujours plus aliénants. Peur de l'agression, de la
chute en montagne, de l'enlèvement, sur lesquelles ils jouent avec
délectation. Plus banalement, ce qui terrifie nos contemporains,
c'est simplement le sel de la vie, le hasard et l'imprévu, qui n'ont
pas leur place dans une existence aseptisée, planifiée, calibrée.
Marchandises sur tapis roulant, les individus de ce monde-là n'ont
pas vocation à quitter la voie qui leur est tracée, et le portable
est le meilleur outil pour les accoutumer à rentrer dans les cases.
Et à rester dans leur bulle, qui leur procure désormais le
nécessaire pour vivre pleinement leur autisme : diffusion de musique
(téléphones "baladeurs", dont on prévoit 77 millions de
vente pour 201067
et bientôt la télé. "Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel vient en effet d'accorder des fréquences
aux trois opérateurs afin de tester la diffusion massive de la télé
sur le portable."68
Avec la télé mobile, les décideurs n'auront plus
grand souci à se faire. Le temps de cerveau disponible de leurs
"administrés" ne risque définitivement plus de se
consacrer à la réflexion, sans parler de contestation. Un troupeau
de zombis connectés sur les séries américaines et la pub, juste
interrompues par quelques coups de fil (T'es où ? - Ben, devant
la télé, où veux-tu que je sois) : voilà qui est simple à
manœuvrer.
***
"Mais
chérie puisque
je te
dis que
je suis
à Angoulême
! Bon,
je te
rappelle."
***
La
prothèse crée le handicap
Comme la prothèse qui remplace
un membre, le téléphone est supposé réparer artificiellement les
dégâts de ce monde-là, qui fait de nous les rouages de la machine
à produire et à consommer en masse, à faire la queue au
supermarché, au multiplexe, au télésiège, au péage. Il doit nous
procurer tout à la fois l'indépendance et le contact permanent. Le
beurre et l'argent du beurre. Répondre à tous nos besoins. Nous
protéger de tout. "Outil multi-communicant", il
devient un auxiliaire de vie chargé de "fluidifier le
quotidien". A telle enseigne que le "Chief Information
Officer" de l'hôpital de Harvard a déclaré vouloir se le
faire greffer sous la peau, en complément de la puce qui s'y trouve
déjà69.
Puis, la prothèse se
substituant au membre, les machines nous privent de l'usage de nos
facultés. Depuis la voiture, les citadins ne savent plus marcher
pour les trajets les plus minimes (plus de la moitié des
déplacements en voiture concernent des trajets de moins de 3 km),
et, se plaignant de l'"épidémie" d'obésité qui les
frappe, de la pollution, des morts sur la route, des guerres pour le
pétrole, etc, ne songent même plus à retomber sur leurs pieds. Ils
ont oublié comment on vivait sans voiture, et cet oubli est
une amputation. La prothèse s'est faite handicap.
Observons les utilisateurs de
téléphones mobiles : incapables de se repérer dans l'espace et
d'être à l'heure à un rendez-vous (parce qu'ils croient pouvoir
être partout à la fois ?), incapables même d'imaginer comment
faire pour retrouver quelqu'un quelque part sans portable, ils
ont en outre perdu la faculté de vivre le présent. Leur capacité à
être joignable tout le temps a détruit leur attention et leur
disponibilité pour ce qui pourrait se produire ici et maintenant.
Le
Monde 2,
19/02/05
Le
Monde, 9/09/05
Libération,
26/09/05
Chronos,
mars 2005
Amputés de leur présence au
monde, ils s'envoient des SMS pendant que le train traverse des
paysages inconnus. Ce ne sont pas les nouveaux logiciels de "réalité
augmentée" qui les encourageront à se fier à leurs sens et à
leur intelligence pour appréhender le monde. Grâce au portable qui
"complète la réalité avec des données virtuelles"70,
ce sont des capteurs, des accéléromètres, le GPS et des bases
de données qui vous renseignent sur les lieux où vous êtes. Au
fait, pourquoi se donner encore la peine de sortir ?
Amputés de leur monde
intérieur, ils ne vivent que par la sollicitation extérieure,
l'attente de l'appel ou du message. Ils ont perdu la faculté de
faire silence, de vivre les temps morts, de contempler, angoissés
qu'ils sont de manquer une communication. Obsession de combler les
vides. Le portable colle parfaitement à une existence qui n'a de
valeur qu'à l'intérieur du champ public : exister, c'est être
joignable à tout instant, repérable, comme sous l'œil des caméras
de surveillance. Celui qui proclame son désir d'être absent,
hors-champ, présent à lui- même ne serait-ce que par intermittence
a tôt fait d'être classé dans les marginaux, asociaux, inactifs
voire. Voici enfin la transparence totale, l'abolition de l'intimité
achevée.
Non seulement le téléguidage
rend le territoire virtuel, mais le bavardage incessant au portable
transforme la vie en son commentaire – partagé malgré eux par les
voisins du bruyant babillard. Une extraction de la réalité qui
culmine avec les fonctions appareil-photo et caméra désormais
intégrées à tous les téléphones. L'important n'étant plus ce
que l'on est en train de vivre, mais les images qu'on en tire. Même
les chanteurs pop se troublent de ces forêts de portables tendus à
bout de bras par des spectateurs pressés de les mettre en boîte.
"Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans
une représentation."
***
"Devine
d'où je
t'appelle ?"
***
Le portable est l'inverse de
l'outil de communication qu'il prétend être. Depuis quand
n'avez-vous pas eu une conversation ininterrompue par une sonnerie ?
Conditionnés, nous trouvons ça normal, mais faisons un pas de côté
: regardons-nous, la bouche ouverte, stoppés par le réflexe
pavlovien de nos interlocuteurs plus pressés de répondre au coup de
sonnette que de nous laisser finir notre phrase. On en est là.
Cette
agression n'a pas échappé à l'Association des opérateurs de
téléphonie mobile. Pour contrer toute critique, le lobby a chargé
ses sociologues à gages de pondre une étude, "La
place du téléphone mobile dans la société, des discours aux
pratiques."71.
Après traduction en novlangue socio-marketing, la situation décrite
ci-dessus devient : "Dans ce cadre
communicationnel toujours à rejouer, on observe des postures et des
stratégies de maîtrise qui se mettent en place et qui font de
chaque usager une sorte d’ingénieur de la communication qui doit
gérer plusieurs interlocuteurs, plusieurs temps et plusieurs
espaces."
Jusqu'à récemment vous étiez
un être humain dialoguant avec un autre être humain. Désormais
vous êtes un
ingénieur
de la
communication.
Félicitations.
Et
tant pis pour les profs qui se plaignent des perturbations en cours.
Ils apprendront les "stratégies de maîtrise" nécessaires
à ce "cadre communicationnel toujours à rejouer". Au
pire, et devant leur impuissance face à l'objet "pulsionnel",
on installera dans les écoles d'autres machines : "Il
est difficile de maintenir le juste équilibre entre l’impérieux
besoin de communiquer et le respect du bien être des autres. Les
solutions Viridia permettent aujourd’hui aux exploitants de bloquer
efficacement les ondes des téléphones portables et ainsi de ne pas
perturber le bon déroulement d’un film ou d’un spectacle."
72
L'histoire retiendra peut-être
que la civilisation occidentale du XXIe siècle aura été
celle des "brouilleurs de portables" installés pour
remplacer la faculté d'attention aux autres. Celle où la SNCF nous
aura appris à "faire un geste pour
l'environnement sonore" en téléphonant dans les espaces
réservés.
Le
Monde,
2/09/07
cf
www.afom.fr
www.viridia.fr
Enchaînés par le sans-fil
"Il
est rarement éteint chez les jeunes, toujours à portée de main,
voire près du corps, y compris la nuit, pour pouvoir le sentir
vibrer ; il est
regardé et consulté en permanence, et de façon quasi-réflexe, à
la sortie des cours.
En ce sens, il s'intègre aux habitudes incorporées, constitutives
de l'identité."73
Cela vous rappelle quelque
chose ? Oui, les enfants et leur doudou, "objet transitionnel"
comme disent les psys, censé représenter la chaleur rassurante de
maman face au vaste monde. Ados compulsifs et cadres compétitifs ont
trouvé une digne façon de sucer leur pouce en public. Bravo les
marketeurs.
Devenus
accros à ce gadget
comme les fumeurs à leur tabac, les bébés à leur tétine et les
déprimés à leurs anxiolytiques, les propriétaires de portables
passent leur temps à vérifier qu'ils n'ont pas oublié leur
téléphone, que celui-ci est bien chargé, qu'ils n'ont pas reçu de
nouveaux messages, etc, et ajoutent à leur sentiment d'insécurité
un motif d'angoisse supplémentaire : le risque de se faire voler
leur appareil (la hausse des chiffres de
la délinquance
doit beaucoup
aux vols
de portables).
Ecoutons leur
désarroi quand
ils oublient
leur téléphone
: "C’est comme s’il
me manquait un bras, je me sens handicapé". "J’ai laissé
ma tête à la maison." "Je me sens physiquement démunie."
"C’est comme si j’oubliais mes lunettes, et je suis très
myope !"74
Voilà le sans-fil sous son
vrai jour de fil à la patte supplémentaire. Voilà l'autonomie de
l'individu un peu plus cabossée par une prothèse techno qui
dispense de trouver en soi les ressources pour se démêler des aléas
du quotidien. Voilà achevée la couverture totale du
territoire, jusqu'aux sommets de montagnes, devenus des squares où
il n'y a qu'à sonner pour être secouru en hélico.
Voilà enfin effacée la
frontière entre vie privée et vie publique, mêlées dans la même
obsession du contact permanent. Les entreprises ont bien compris
l'intérêt de ce boulet aux pieds de leurs employés. Désormais
joignables à toute heure, ceux-ci n'ont plus d'excuses pour ne pas
se consacrer entièrement à leur tâche. Voyages en train,
embouteillages, files d'attente, pauses : tout ce temps doit être
rentabilisé en gardant le contact avec le bureau. Vitesse,
rentabilité, flexibilité, le portable est l'outil idéal du
business : les entreprises le considèrent à juste raison comme le
deuxième moyen de communication facteur de productivité.75
D'après
les témoignages
de salariés
recueillis par
le sociologue
Francis Jauréguiberry,
le mobile
est aussi
un outil
de surveillance à distance, il incarne le pouvoir, introduit une
inégalité entre appelants et appelés. "Avec
l'arrivée du portable, on assiste à une extension de l'urgence dans
des branches de plus en plus nombreuses de l'activité économique,
dépourvues de toute législation en la matière. Ainsi, les employés
"nomades" (en déplacement ou géographiquement excentrés
de la direction) et les "cadres fusibles", joignables en
tout lieu et à toute heure, subissent-ils une mise sous tension
permanente qui empiète souvent sur leur vie privée."76
Une
publicité offre la solution à ces "cadres fusibles" :
"Allez où votre portable ne passe pas",
invite-t-elle sur fond de
paysage sauvage. Une pub pour un 4x4.
Tyrannie
à haut débit
Le téléphone mobile n'est pas
seulement un gadget polluant : il façonne le monde, "révolutionne
notre quotidien" comme disent chercheurs et industriels, sans
que jamais nous ne l'ayons choisi. Et cette tyrannie s'impose à
tous, gogos ou réfractaires. Contrairement aux niaiseries lâchées
par les employés du CEA, nous n'avons pas le choix d'avoir un
portable ou pas, si nous voulons faire partie de la société.
A
un postulant pour un job de manutentionnaire, la responsable d'une
agence d'intérim grenobloise : "Vous
n'avez pas de portable ? Mais ça va pas
être possible !" A une prof emmenant
ses élèves en voyage, l'employé SNCF : "Le
portable est obligatoire pour réserver des billets de groupe, en cas
de retard du train".
Le marché saturé, les
fabricants de portables n'ont qu'une solution : s'incruster plus
profond dans nos vies via de "nouveaux services". Voici le
téléphone-carte bancaire pour régler vos achats et votre parking,
le téléphone- ticket de transport, le téléphone pour
s'enregistrer à l'aéroport ou réserver son billet de train, sans
oublier le "commerce mobile", pour faire ses courses par
l'Internet portable. Mais encore, puisque vous le réclamiez, le
téléphone qui détecte la mauvaise haleine, qui vous signale les
poissons sous votre canne à pêche, et qui éloigne
Représentations
des usages du téléphone portable chez les jeunes adolescents,
Corinne Martin, université de Metz, 2003
"Mobile
et société",
n°3, nov
2007, revue
de l'AFOM
www.afom.fr
Les
branchés du
portable,
Francis Jauréguiberry
(PUF, 2003)
les moustiques. Et pour ces
dames, le modèle qui indique le jour d'ovulation77. On
rirait de cette quincaillerie si ne pointait aussi l'administration
électronique – ou comment nous ligoter au portable grâce aux
formalités obligatoires. Quant à ceux qui peinent déjà à trouver
des cabines téléphoniques, ils seront, dans ce monde
merveilleusement mobile, des rebuts. Comme le dit François Ewald,
professeur au Conservatoire national des arts et métiers et membre
du Conseil d'administration de l'AFOM : "L’homme, la femme,
l’adolescent contemporains ne sont plus concevables sans mobile."
78 Vous, qui ne téléphonez pas depuis votre
télésiège, ne pianotez pas dans le bus, ne prenez pas de photos de
vos trous de nez, n'êtes plus concevables. Hélas le
professeur Ewald, ancien maoïste et foucaldien ne précise pas ce
que va faire de vous un monde qui ne vous conçoit plus.
***
"Allo,
j'suis dans
le rayon,
là. Je
prends quoi
comme café,
en poudre
ou en
grain ?"
V
Le
mouchard
parfait
Donc, le téléphone portable,
c'est la liberté. Voilà pour la version Nokia, SFR et IDEAs Lab.
Dans la vraie vie, c'est le moyen le plus efficace jamais inventé
pour tracer les individus.
Filez
droit, vous êtes tracés
87
% de la population française est munie d'une laisse électronique
dont la présence dans une poche suffit à localiser son
propriétaire. En France 35 000
antennes-relais maillent le territoire et enregistrent les signaux
émis par les GSM, tandis que les factures détaillées des
opérateurs reconstituent l'intégralité de nos appels. "Le
portable en dit tant sur la localisation et les fréquentations des
suspects qu'il est devenu un outil indispensable pour la police (…)
Qu'il s'agisse de déterminer un emploi du temps, un itinéraire ou
un réseau de relations, l'étude des appels téléphoniques fixes et
mobiles est
devenue "un recours quasi systématique",
selon un magistrat." 79
Note
à l'attention
des bons
citoyens qui
n'ont "rien
à se
reprocher" :
pas besoin
d'être un
criminel pour
être cyber-
fliqué. Les journalistes le comprennent depuis que les juges
s'intéressant à leurs sources – que la loi leur permet de
protéger – fouillent leurs mobiles. "Tout
ce que vous allez dire au téléphone pourra être retenu contre
vous. Tel est le message que la Justice vient de délivrer à la
presse (…). Il suffit que la police le demande pour que les
opérateurs fournissent la liste des appels reçus et envoyés
pendant une période donnée. Si les textes (NDR
: législatifs) permettent aux journalistes de
garder le silence, rien n'empêche de faire parler la technologie à
leur place. C'est ce qu'on appelle une avancée pour la liberté de
la presse." 80
Un journaliste du Parisien
a découvert que "la
police avait identifié les appels passés et reçus sur son
téléphone et même réalisé un "bornage", afin de
retracer ses déplacements grâce à son mobile."81
Pourquoi
accorder aux seuls policiers la possibilité de suivre leurs
concitoyens à la trace ? Grâce à la démocratisation
des "services de géolocalisation"
par GPS voici le suivi de tous par tous. L'opérateur japonais
NTTDoCoMo a créé le premier service de localisation des porteurs de
téléphone depuis un ordinateur ou un autre
portable. "Idéal pour repérer les
membres de la famille tels que les enfants ou les personnes âgées".
D'autres, comme la société Ootay, proposent des solutions pour
savoir où se trouve l'appelant ou l'appelé, et pour localiser ses
amis : "la localisation des personnes est
un service de "confort" pour toute personne qui souhaite
connaître l'endroit où se trouvent des amis ou des proches".
Ne dites plus : "t'es où
?" mais :"je sais où tu es". Un rêve pour
concierges, voyeurs, policiers et marketeurs.
Mobiles
Magazine,
janvier 2008
Mobile
et société,
n°3, nov
2007, revue
de l'AFOM
Libération
4/12/04
Télérama,
26/01/05
Le
Point,
7/06/07
Idéal
aussi pour le harcèlement publicitaire : une boutique peut repérer
des passants à proximité et leur envoyer une offre sur leur
téléphone, avec le plan du quartier. La société française
Watisit propose ainsi un système d'"hyperlocalisation",
Wherisit, "permettant d'orienter par SMS
les cibles vers les distributeurs les plus
proches."
"S'appuyant
sur l'omniprésence du téléphone mobile dans notre quotidien,
Watisit renforce l'attractivité des supports de communication et
facilite les réactions d'intérêt des personnes touchées par les
campagnes." 82
Les
lycéens qui ont manifesté contre la loi Fillon au printemps 2005 et
contre le CPE en 2006 ont, eux, fait les frais des écoutes
téléphoniques. "Le réseau GSM est
précieux pour les micros espions. Il suffit d'une puce téléphonique
- la carte SIM -
et d'un peu de technique pour permettre à
un micro espion de fonctionner sur le réseau du portable. Les
enquêteurs peuvent donc l'écouter en toute légalité en composant
un simple numéro téléphonique et profiter ainsi d'une meilleure
couverture qu'un micro classique." 83
Rappelons aux branchés qui se
croient plus malins que les autres qu'un téléphone portable peut
être mis sur écoute même éteint. Cela signifie que leur
gadget préféré joue le rôle de micro dans leur poche,
transmettant à distance les conversations alentour.
Aux
mouchards amateurs, recommandons le téléphone espion.
"Basé sur les toutes dernières technologies GSM, son usage est
extrêmement simple : insérez une carte à puce GSM et "oubliez-le"
quelque part (table, tiroir, boite
à gants, voiture, sous un lit, dans un sac à mains, une pochette,
une valise, derrière un bibelot, etc…) appelez-le et écoutez. Ce
n’est pas plus compliqué. Le Spy Phone n’émet aucun son ou
n’effectue aucun signe visuel lors de son appel ou de son
utilisation. C’est un portable cellulaire GSM, avec une différence
notable : il
paraît déconnecté et "éteint". Toutefois il est
tout-à-fait opérationnel et se comporte comme un micro-émetteur
extrêmement sensible." 84
Et puisque votre mobile fait
fonction de carnet d'adresses, d'aide-mémoire, d'album photo, de
borne Internet et de porte-monnaie, c'est toute votre vie ou presque
que le dispositif de récupération de données mis au point par
Cellebrite est capable de mettre au jour. Présente au salon
Milipol85 2007,
cette société israélienne86
a séduit la Défense et la police américaines avec son
syphon à données, lui aussi portable : un simple câble entre votre
téléphone et cette merveille technologique et le tour est joué,
avant que vous n'ayez eu le réflexe de détruire votre puce ou votre
appareil. Rappelons qu'il serait idiot de croire qu'un simple
"effacement" de données de votre téléphone les
protègerait des indiscrets. Les labos spécialisés dans la
"recherche de traces informatiques" vous reconstituent le
moindre SMS sans difficulté87.
D'ailleurs,
pourquoi s'en tenir aux communications individuelles quand la
téléphonie mobile concerne la population entière ? Quand la foule
émet en permanence des signaux électromagnétiques qui trahissent
son nombre et ses mouvements ? Le pouvoir en a rêvé, les chercheurs
l'ont fait. Démonstration à Rome en 2006, avec
la marée de tifosi accueillant
l'équipe de foot italienne. "Des
chercheurs du MIT, auteurs de ce comptage inédit, ont révélé
qu'ils avaient utilisé les signaux émis par les téléphones
mobiles des abonnés de Telecom Italia (…) Sur de grands écrans
étaient représentés des quartiers entiers de Rome où points
lumineux, flèches rouges, vertes, orange, courbes colorées en trois
dimensions représentaient les mouvements de population, les lieux
les plus fréquentés, les embouteillages… (…) Les chercheurs du
MIT sont persuadés que leur technique, et les informations
qui en
découlent,
sont
susceptibles
d'intéresser
une multitude
d'acteurs
économiques
dans une
ville : des
régies de transport voulant réorganiser le tracé des bus, une
chaîne cherchant les lieux les plus
courus pour implanter ses magasins, des
afficheurs urbains soucieux de connaître l'affluence réelle devant
leurs panneaux… "Obtenir des
informations via un téléphone portable est beaucoup moins cher que
l'utilisation d'hélicoptères, de caméras ou de capteurs dispersés
un peu partout dans la ville. Voire même que des études sur
le terrain, affirme Carlo
Ratti (NDR : directeur du SenseAble City
Laboratory du MIT)" Cette technique
permettrait aussi de régler les différends entre forces de l'ordre
et organisateurs concernant le nombre de manifestants."88
www.watisit.com
Libération
4/12/04
www.comtechniques.netfirms.com/products.htm
Salon
mondial de
la sécurité
intérieure des
Etats
cellebrite.com/cellebrite-for-forensics-law-enforcement.html
voir
les
prouesses
du
Lerti
de
Grenoble
:
www.lerti.fr
Le
Monde,
1/07/07
Il est connu que les
"différends" entre forces de l'ordre et manifestants sont
le plus souvent d'ordre arithmétique. La junte birmane aurait rêvé
de cette technologie pour compter sans erreur les moines rebelles
dans les rues de Rangoon à l'automne 2007.
Nous localiser partout à toute
heure est un début. Mais il reste des zones d'ombre dans nos vies
qu'un pouvoir avide de "transparence" (surveillance en
novlangue) se doit d'éclairer. Par chance, il se trouve toujours
d'ingénieux ingénieurs prêts à rendre service. Au MIT - que les
technarques grenoblois ont décidément raison de vouloir imiter –
une équipe travaille depuis 2004 sur le "reality mining"89.
En bon français : fouille de la réalité. Ces brillants
cerveaux partent du même constat que leurs collègues compteurs de
foule : puisque chacun est équipé d'un mouchard qui stocke quantité
d'informations sur son propriétaire, pourquoi ne pas utiliser cette
mine statistique pour traquer les rapports sociaux ? "La
fouille de la réalité, c’est permettre à l’infrastructure
technologique de connaître des informations sur votre vie sociale",
explique Sandy Pentland, responsable de l'étude. Les chercheurs ont
équipé cent volontaires d'un téléphone muni de liaison Bluetooth
(qui détecte "l'environnement informatique" et en déduit
la localisation de chacun) et d'un logiciel spécial pour étudier
les interactions entre eux. "Nous collectons une quantité de
données sans précédent sur le comportement humain et les
interactions de groupe", expliquent-ils. Lesquelles révèlent
la nature des relations entre personnes, leur statut dans le groupe
ou leur satisfaction au travail et permettent, selon les chercheurs,
de prédire la rencontre entre deux personnes selon l'heure et le
lieu. Bref, votre téléphone sait qui vous êtes et le révèle à
qui le lui demande.
Le
son, la localisation, et bien sûr l'image. La généralisation de la
vidéo sur les portables fait de chacun un délateur potentiel, avec
l'assentiment collectif. Pourquoi s'inquiéter d'une caméra de
surveillance quand on a l'habitude d'être filmé à tout bout de
champ ? Comme le note avec délectation le président de
l'Association des villes vidoésurveillées,
Dominique Legrand
: "La
population est
beaucoup moins
effrayée par
les caméras
qu'il y
a quelques années."90
Elle a même adopté le phénomène
"happy slapping", ces agressions filmées sur portable pour
être diffusées sur Internet ou de téléphone à téléphone.
Extrait du procès d'un élève après l'agression d'une enseignante
: "Pourquoi pensez-vous à prendre votre
portable pour filmer, plutôt que de porter secours ? interroge le
président. - De nos jours tout le monde allume les téléphones
portables, se justifie Massire Toure. D'après son avocate, "il
a filmé à bout de bras sans savoir réellement ce qu'il faisait (…)
Sa bêtise est dépassée par la technique."91
On ne saurait mieux dire.
"Rien ne vous oblige à
avoir un portable si vous êtes paranoïaques", ironisent
les sociologues jaunes d'IDEAs Lab. Ce n'est pas l'avis des policiers
allemands qui harcèlent Andrej Holm, leur collègue à l’université
Humboldt de Berlin, dont le tort est de s'intéresser plus aux
groupes militants qu'au marketing high tech. En juillet 2007,
celui-ci a été placé en détention provisoire et accusé de
"comportement conspiratif" pour s'être rendu à un
rendez-vous sans son téléphone.92
Il n'est pas loin le moment où le mobile sera aussi
obligatoire que les papiers d'identité. Pour qui en a fait
l'expérience, le désarroi des policiers interrogeant un individu
non-conforme, sans portable, révèle quel auxiliaire ce
gadget est devenu pour les "forces de l'ordre".
***
La traçabilité du cheptel
humain est un des marchés d'avenir pour l'industrie électronique :
puces RFID (identification à distance par radiofréquence), implants
sous-cutanés, biométrie. Il faut juste nous faire accepter cette
nouvelle condition d'esclaves suivis, identifiés, fichés,
contrôlés. Quoi de mieux pour cela que le téléphone portable et
ses fonctions ludiques ? Ils nous conditionnent à la traçabilité,
et nous préparent à la domestication totale. Ceux qui aujourd'hui
veulent nous imposer le contrôle biométrique et la carte d'identité
électronique se font un plaisir de nous rappeler : "Mais
vous êtes déjà suivis, avec votre carte bancaire et votre
téléphone portable."
Les industriels qui ne
s'embarrassent pas de fioritures l'ont expliqué dans un programme
d'action publié en 2004 par le lobby de l'électronique, le GIXEL
(Groupement des industries de l'interconnexion, des composants et des
http://reality.media.mit.edu
Entreprises
Rhône-Alpes,
Juillet 2005
Le
Monde,
14/06/07
http://einstellung.so36.net/fr/ps/304
sous-ensembles
électroniques)93
: "La sécurité
est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une
atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par
la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la
biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles.
Plusieurs
méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les
industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être
accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance
de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes:
Éducation
dès l’école
maternelle,
les enfants
utilisent
cette
technologie
pour rentrer
dans l’école,
en sortir,
déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants
s’identifieront pour aller chercher les enfants.
Introduction
dans des biens de consommation, de confort ou des jeux :
téléphone portable,
ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo
Développer
les services
« cardless
» à
la banque,
au
supermarché,
dans les
transports,
pour l’accès
Internet…"
Comme cela tombe bien, les
lobbyistes du flicage font aussi, souvent, leur beurre dans la
téléphonie mobile.
A
Crolles 2, STMicroelectronics produit des puces à la fois pour la
téléphonie et les RFID. Atmel, dans la banlieue de Grenoble,
cultive aussi la synergie :
"Atmel Grenoble se distingue sur deux
applications phares : la biométrie et les microcaméras. (…) Nos
microcaméras équipent les téléphones portables, un marché de
volume important et intéressant. (…) Nous misons les mêmes
espoirs sur la biométrie, utilisée pour des applications de confort
aujourd'hui, par exemple pour remplacer un code d'accès sur les
ordinateurs personnels ou les téléphones portables. Mais cette
technologie sera aussi largement utilisée demain pour les
applications de sécurité. Tous les nouveaux passeports seront ainsi
dotés d'applications biométriques."94
Jean Vaylet, patron d'Atmel,
est membre du GIXEL, comme STMicro, et le CEA-Léti, qui collabore à
temps plein avec Crolles 2, qui fournit aimablement à Nokia le fruit
de ses recherches, et qui concocte les imprimantes à RFID pour
produire à bas coût ces mouchards électroniques à disséminer
dans tous les objets et papiers d'identité95.
Rien
de tel que la fonction "paiement" du portable pour "faire
accepter par la population" le contrôle
biométrique. "Sécurité
oblige, pour protéger ces véritables portefeuilles électroniques,
les opérateurs ont inclus dans les téléphones des systèmes
d'identification comme le reconnaissance des traits du visage ou des
empreintes digitales."96
Non seulement les bénéfices
réalisés sur les ventes de téléphones alimentent le développement
des outils de contrôle totalitaire, mais l'acceptabilité des uns
favorise celle des autres.
La preuve est faite qu'une
population entière peut se soumettre aux injonctions du marketing
technologique et adopter sans broncher, mais en payant, un gadget
dont elle n'avait pas besoin et le monde qu'il produit. Devinez
quelles conclusions le pouvoir tire de cette expérience quant à la
docilité des cobayes humains. Vous avez gobé le portable ? Vous
avalerez les contrôles biométriques.
Pièces et Main d'Œuvre
Grenoble, juin 2005. Version
revue et augmentée, mars 2008.
www.gixel.fr.
La citation de ce document par le comité anti-biométrie a conduit
le GIXEL a retirer ce texte
de
de son site début 2006, et à le modifier légèrement.
Présences,
mai 2004
Cf
Aujourd'hui
le
Nanomonde
#10,
"Minalogic
:
pour
une
vie
sous
contention
électronique",
sur
www.piecesetmaindoeuvre.com
Le
Monde,
29/04/07