mercredi 1 octobre 2025

Grève générale en Israël : dynamique de classe et contradictions bourgeoises

 

Grève générale en Israël : dynamique de classe et contradictions bourgeoises

  Posted on August 16, 2025 by fredocorvo

Prophétiques paroles de Miri Rozovsky, 57 ans : « Nous devons lancer une révolution contre ce gouvernement. Mais comment ? » Le 9 août, elle est interviewée par un journaliste français sur la place où se tiennent chaque vendredi des manifestations contre le gouvernement Netanyahu pour réclamer la libération des otages. À la question « Comment transformer la peur en action ? », Rozovsky répond : « En faisant grève. » Tomer Pelts, un étudiant de 22 ans, abonde dans son sens : « Nous devons renforcer le mouvement, car le gouvernement n’écoute pas le peuple israélien. Si nous devons aller jusqu’à faire grève, nous le ferons. » Dan, un ancien membre des forces spéciales âgé de 60 ans, qui ne souhaite pas donner son nom, abonde dans ce sens : « Faire grève. Ou sinon, la désobéissance civile. Car personne ne veut occuper Gaza. Nous connaissons le coût moral, financier et humain. » [1]

Deux professeurs

Non seulement une partie croissante de la population israélienne souhaite la fin de la guerre et le retour des otages, mais des remous agitent également l’État et l’armée. Le fossé entre le gouvernement Netanyahu et l’opposition israélienne, entre le gouvernement et les hauts responsables militaires, entre le gouvernement et les services secrets, ainsi que les divisions au sein de l’armée sont apparus clairement après une semaine difficile marquée par des fuites [vers lapresse] et des accusations publiques.

Selon le professeur Yagil Levy, directeur de l’Institut d’études des relations civilo-militaires à l’Université ouverte d’Israël, il s’agit de la crise la plus grave entre les dirigeants politiques et l’armée depuis la guerre de 1948. [2]

Curieusement, le Dr Ori Goldberg, analyste politique, note en revanche que ces protestations font écho à celles des années précédentes, car elles ne bénéficieraient d’aucun soutien institutionnel. Le terme « soutien » est certes exagéré, mais les tensions entre l’État et l’armée sont indéniables. Ce qui reste des objections de Goldberg, c’est que les manifestations évitent de critiquer la guerre ou les « prétendues » purges ethniques. Il reproche aux manifestations leur absence de responsabilité morale. « Tant que les manifestants ne rejettent pas catégoriquement la politique de Netanyahu, prévient-il, ils la soutiennent en fait – et Netanyahu le sait, c’est pourquoi il autorise les manifestations. » Malgré le mécontentement généralisé, Goldberg souligne que Netanyahu reste le candidat le plus susceptible de l’emporter si des élections anticipées sont organisées.[3]

Goldberg a raison de souligner que les manifestations contre la guerre ne sont pas motivées par des considérations « morales », au sens de la morale civile qui prône le « sacrifice pour les autres ». Les manifestations ont été lancées par les familles des otages et d’autres victimes de l’attaque du Hamas qui a déclenché la guerre. Elles ont ensuite été rejointes par les familles d’autres victimes de la guerre, en particulier parmi les militaires appelés sous les drapeaux. En effet, seule une petite minorité manifeste pour « les autres » en brandissant des photos d’enfants palestiniens blessés ou tués, à distance respectable des autres manifestants. La haine et le nationalisme sont énormes et dureront longtemps. Mais le fait de s’opposer aux conséquences de la guerre qui touchent personnellement les gens par la mort, les blessures, les traumatismes, éveille dans la population des motivations puissantes qui s’expriment dans des manifestations de plus en plus importantes et maintenant dans la « grève générale » du 17 août. Il existe donc une chance que des forces vives se réveillent parmi les travailleurs, qui connaissent leur propre dynamique, différente de celle des élections, et qui peuvent dépasser de loin les contradictions internes au sein de l’État et de l’armée. En tant que communistes, nous explorons cette possibilité du point de vue des travailleurs en tant que classe historique. Nous ne faisons donc pas de prédictions, mais nous explorons simplement la possibilité d’une « ouverture » historique, aussi minime soit-elle.

Inquiétudes des États-Unis

Jusqu’à présent, le gouvernement Trump semble soutenir pleinement le gouvernement israélien. À quelques exceptions près, qui peuvent être considérées comme des avertissements. Par exemple, l’accord entre les Houthis et les États-Unis prévoyant un cessez-le-feu tant que les navires américains peuvent continuer à naviguer. Les États-Unis peuvent certes estimer que les actions militaires d’Israël contribuent à repousser les forces pro-russes et pro-chinoises au Moyen-Orient, mais ils savent que le gouvernement Netanyahu poursuit ses propres objectifs impérialistes, qui peuvent entrer en conflit avec ceux des États-Unis, comme l’ont montré les récentes actions de l’armée israélienne en Syrie. Le 14 août, le ministre israélien d’extrême droite Smotrich a annoncé la construction de colonies qui diviseront en deux le futur territoire de la Palestine et l’isoleront de l’Est de Jérusalem-Est. Il a ouvertement salué ce plan comme un sabotage de la solution à deux États présentée par Trump lors de son premier mandat. À l’affirmation de Smotrich selon laquelle Trump soutiendrait sa décision, un porte-parole du gouvernement américain n’a pas donné de réponse claire.[4]  Les actions de Trump sont réputées imprévisibles, mais lui et son gouvernement dépendent en fin de compte, comme dans tous les États, de l’armée et des services secrets. Au début de la guerre de Gaza, les États-Unis ont averti qu’Israël ne pourrait pas soutenir une offensive terrestre à Gaza combinée à des combats avec le Hezbollah dans le nord pendant neuf mois. Au début de la guerre, nous avons souligné ce qui suit :

« Le prolétariat en Israël – un État d’immigration – est traditionnellement divisé selon son pays d’origine et sa langue. Les groupes arrivés les derniers se voient généralement imposer les pires conditions de travail. À cela s’ajoutent les Palestiniens, déjà mentionnés, dont les droits civils sont limités, et les travailleurs migrants palestiniens quotidiens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, étroitement surveillés par l’État d’Israël, son syndicat d’État Histadrut, le Hamas, l’Autorité palestinienne et l’OLP. Les juifs orthodoxes et les habitants des kibboutzim (devenus depuis longtemps des avant-postes militaires) constituent la majorité des partisans de Netanyahu dans sa quête d’un Grand Israël sous un État religieux encore plus fort. D’autres segments de la population s’y sont opposés, notamment lors de manifestations massives de réservistes militaires, hommes et femmes, qui constituent une grande partie de l’armée israélienne. Les dirigeants de l’armée et les services secrets ont exprimé leur inquiétude face à cette « division ».

Ce qui inquiète probablement encore plus la bourgeoisie israélienne, c’est la lassitude de la guerre qui se cache derrière les tromperies démocratiques dans lesquelles ce mouvement a été encadré. L’avertissement américain d’une offensive terrestre de neuf mois à Gaza et l’ouverture possible d’un deuxième front au nord doivent également être compris dans le contexte de la lassitude de la guerre qui a précédé. Temporairement éclipsée par l’indignation suscitée par les attaques brutales du Hamas contre les colonies et les tirs sur les villes israéliennes depuis Gaza et le Liban, l’histoire des révolutions de la fin de la Première Guerre mondiale a montré qu’il n’est pas impossible que la « lassitude de la guerre » puisse revenir sous la forme d’une désertion croissante, notamment parmi les militaires conscrits, de grèves dans les entreprises, en particulier dans l’industrie de guerre, de mutineries de soldats et, enfin, de nouvelles manifestations de masse. Les chances d’unir la lutte des travailleurs ou des soldats d’Israël et de Palestine sont toutefois encore bien plus faibles que celles de formes de lutte prolétarienne contre la guerre des deux côtés de la ligne de front. » [5]

À l’exception d’une « grève générale » l’année dernière, les grèves et les mutineries de soldats – pour autant que nous le sachions – se sont abstenues jusqu’à présent, mais la lassitude de la guerre exprimée dans manifestations de masse, notamment de réservistes appelés sous les drapeaux, est de retour. Il est significatif qu’à côté de ces manifestations, environ 200 pilotes et anciens pilotes de l’armée de l’air aient manifesté mardi soir 12 août devant le quartier général militaire de Kirya à Tel-Aviv pour exiger un échange immédiat des otages et protester contre la décision prise la semaine dernière par le gouvernement d’envahir la ville de Gaza, qui est intervenue au milieu de rumeurs d’occupation de toute la bande de Gaza[6] Significatif car publié dans un article par ailleurs très réservé du New York Times. Significatif parce que l’influence des États-Unis sur les armées étrangères est la plus forte chez les pilotes qui ont beaucoup de contacts avec les Américains pendant leur formation, sans parler des généraux de l’armée de l’air et de leur rôle dans les coups d’État pro-américains.

L’armée israélienne et les services secrets

Outre les protestations des (anciens) pilotes, un groupe de 41 officiers et réservistes a envoyé en juin dernier une lettre ouverte à Netanyahu, à son ministre de la Défense et au chef de l’armée israélienne, dans laquelle ils affirmaient que le gouvernement menait une « guerre inutile et éternelle » à Gaza et annonçaient qu’ils ne participeraient plus aux opérations de combat dans la région.

Selon la chaîne nationale israélienne Kan, seuls 60 % des réservistes se présentent au service actif. Ce chiffre comprend également les « gris négatifs », c’est-à-dire ceux qui invoquent des raisons médicales, ceux qui invoquent des obligations familiales et ceux qui quittent discrètement le pays pendant la période de mobilisation et « oublient » de consulter leur messagerie électronique. Au cours des sept jours qui ont précédé la réunion cruciale au cours de laquelle le cabinet de sécurité du gouvernement a approuvé le plan, le lieutenant-général et chef d’état-major Eyal Zamir a exprimé à plusieurs reprises son désaccord avec une occupation totale de Gaza. Cela plongerait Israël dans un « trou noir » de rébellion persistante, a déclaré Zamir. Il a mis en garde contre la responsabilité humanitaire et l’ qui pèseraient sur le pays et le risque de prise d’otages. Le fils du Premier ministre Benjamin Netanyahu a alors accusé le chef d’état-major Zamir de mutinerie. Le ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a exigé du chef d’état-major qu’il déclare clairement qu’il suivrait pleinement les instructions des dirigeants politiques, même si la décision était de prendre le plein de Gaza.

La direction de l’armée israélienne et des services de renseignement a déjà été ébranlée pendant la guerre par d’autres démissions de haut niveau, telles que celles de Herzi Halevi, prédécesseur de Zamir au poste de chef d’état-major, et de Ronen Bar, ancien chef du Shin Bet (les services de contre-espionnage). D’autres officiers supérieurs de l’armée ont également démissionné, ainsi que des personnalités éminentes des services de renseignement militaire et du Shin Bet, notamment Aharon Haliva, Yaron Finkelman, Oded Basyuk et Eliezer Toledano.[7]  El Diario, dont nous tirons cet aperçu, prévient en outre que les forces armées israéliennes (IDF) ne sont pas seulement une armée. En tant que garant ultime de la survie de l’État, l’armée (aux côtés des services secrets, ajoutons-nous) est une institution quasi sacrée qui bénéficie depuis longtemps du soutien unanime de l’opinion publique israélienne. Selon le professeur Levy cité plus haut, un scénario de conflit entre le gouvernement et l’armée « pourrait attiser les protestations publiques, alimentées par la peur pour les otages et par le fait que l’armée a jusqu’à présent fourni la légitimité nécessaire à la poursuite de la guerre ».

Il est donc tout à fait possible que les manifestants et les participants à la grève générale bénéficient effectivement du « soutien institutionnel » (professeur Goldberg) de l’armée et des services secrets. En tout état de cause, cette idée les encouragera, mais elle a aussi ses limites si les manifestants et les grévistes se sentent à nouveau abandonnés par cette partie de l’État israélien, qui ne poursuit que ses propres objectifs impérialistes.

Histadrut et l’alternative prolétarienne

L’année dernière, une grève générale avait déjà eu lieu pour le sort des otages. Le syndicat d’État Histadrut – qui soutient la guerre avec un maximum de « paix sociale » sur le front intérieur – s’était empressé de soutenir la grève, puis de la suspendre sur ordre du tribunal. La grève actuelle n’est pas reconnue par l’Histadrut, soi-disant parce qu’elle ne serait pas efficace. La véritable raison, outre une interdiction judiciaire répétée qui, en cas de violation, peut coûter à la saisie de ses biens et l’emprisonnement de ses dirigeants, est peut-être que l’Histadrut peut désormais mieux garder la grève dans les limites de la légalité de manière non officielle.

L’ampleur de la grève est imprévisible. Une partie des travailleurs souhaite que la guerre se termine, d’autres non. Certains sont « disposés à travailler » par peur, mais pourraient être convaincus par les grévistes. On ne sait rien des piquets de grève actifs. L’opposition politique bourgeoise fait de son mieux pour faire de la grève une affaire individuelle des citoyens de « leur » État d’Israël.

Il est très improbable qu’une grève d’une journée mette le gouvernement Netanyahu à genoux. Mais les grévistes pourraient être tentés d’organiser des grèves de longue durée, voire illimitées. Le gouvernement voudra alors intervenir avec la police et l’armée, mais cette dernière n’est pas fiable lorsqu’elle est déployée contre la population. Les grévistes pourraient se replier dans les entreprises, les occuper et ainsi poursuivre la lutte de masse. Il est impossible de prédire ce qui se passerait alors. Car lors de grèves et d’occupations qui paralysent la production, y compris l’industrie de guerre, la force des travailleurs en tant que classe productive se manifeste. Si le prolétariat en prend conscience, s’organise mieux, en assemblées générales et en comités élus et révocables, contre toutes les forces bourgeoises qui entravent sa lutte, alors ce qui a commencé comme une lutte défensive des travailleurs peut effectivement se transformer en la révolution que Miri Rozovsky jugeait nécessaire au début de cet article, dans son enthousiasme, sans doute sans comprendre ce que cela implique réellement. Mais ce qui compte, ce n’est pas « ce que tel ou tel prolétaire, ou même l’ensemble du prolétariat, se propose de faire à un moment donné. Ce qui importe, c’est ce qu’est le prolétariat et ce qu’il sera historiquement contraint de faire en conséquence » (Marx, La Sainte Famille, 1845).

Fredo Corvo et Aníbal, 16-8-2025


[1] Luc Bronner (correspondant spécial à Tel Aviv). Israël : les familles des otages appellent à une grève générale dimanche prochain. 10-8-2025 : https://www.lemonde.fr/en/international/article/2025/08/10/in-tel-aviv-families-of-hostages-oppose-gaza-occupation-and-consider-general-strike_6744237_4.html

[2] Lorenzo Tondo, Pourquoi le conflit entre l’armée israélienne et Netanyahu pourrait avoir des conséquences irréparables pour son gouvernement. 12-8-2025 :  https://www.eldiario.es/internacional/theguardian/choque-ejercito-israel-netanyahu-consecuencias-irreparables-gobierno_129_12529403.html

[3] France 24, « La lutte politique interne en Israël : ni appel à la fin de la guerre, ni appel contre le nettoyage ethnique ». 13-8-2025 : https://www.france24.com/en/video/20250813-israel-s-domestic-political-struggle-not-a-call-to-end-war-not-a-call-against-ethnic-cleansing

[4] Reuters, « Smotrich, membre du parti d’extrême droite, lance un plan de colonisation pour « enterrer » l’idée d’un État palestinien ». 14-8-2025 : https://www.reuters.com/world/middle-east/israels-smotrich-launches-settlement-plan-bury-idea-palestinian-state-2025-08-14/

[5] La classe ouvrière et la guerre Israël-Palestine. 26-10-2023 : https://leftdis.wordpress.com/2023/10/26/the-working-class-and-the-war-israel-palestine/

[6] The New York Times, Les familles d’otages israéliens appellent à une grève nationale. 12-8-2025 :

https://www.nytimes.com/2025/08/12/world/middleeast/israel-general-strike.html, confirmé par https://www.france24.com/en/video/20250813-idf-reservists-protest-demanding-truce-to-israel

[7] Lorenzo Tondo. Jérusalem. Pourquoi le conflit entre l’armée israélienne et Netanyahu pourrait avoir des conséquences irréparables pour son gouvernement. 12-8-2025 :

https://www.eldiario.es/internacional/theguardian/choque-ejercito-israel-netanyahu-consecuencias-irreparables-gobierno_129_12529403.html


mardi 30 septembre 2025

BAKOUNINE DIEU ET L ETAT

 

 


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G,BAD- L HYDROGENE LE NOUVEL ELDORADO ENERGETIQUE

 



SOMMAIRE

introduction

qui est en mesure de pratiquer son extraction

les doutes sur l’hydrogène naturelle

Les réserves sur les chiffres annoncés.

les réserves connues hydrogène blanc

qui produit de l' hydrogène dans le monde

En résumé

les différentes sources d' hydrogène (encart)


Introduction

Alors que de toute part nous entendons que les classes populaires vont devoir s' acquitter des dettes de l' état, que le pays vient d' être déclassé. 1

On nous révèle que le pays dispose d'un trésor secret : un gisement d’hydrogène blanc estimé à 1 300 fois le PIB mondial. Celui-ci se trouve en Lorraine dans le sous-sol de Folschviller . Ce réservoir, estimé à 46 millions de tonnes, pourrait transformer non seulement le paysage énergétique national mais également influencer les stratégies mondiales de transition énergétique. La découverte revient à deux chercheurs du CNRS, Philippe de Donato et Jacques Pironon.2

Cette ressource naturelle, propre et abondante, pourrait positionner la France en tant que leader mondial dans le domaine des énergies renouvelables. Des pays comme le Mali,l' Australie,le Brésil, La Chine l' Oman et bien sur les États-Unis se positionnent déjà en pionnier leader de ce futur marché vert.

En effet depuis 2023, les différents salons dédié à l’hydrogène, dit hyvolution montent en puissance.

«Nous devons aller plus vite et plus fort», résume Emmanuel Macron. A Toulouse, le président de la République a donné un nouvel élan à son plan France 2030, dévoilé deux ans plus tôt à l’Élysée. Bâti pour permettre à la France de se doter des «champions industriels de demain» dans une quinzaine de secteurs stratégiques – comme la voiture électrique, les biomédicaments, les micro-lanceurs spatiaux ou l’exploration des fonds marins – ce plan doté de 54 milliards d’euros a déjà soutenu près de 3 200 projets de start-up ou de grands groupes. Emmanuel Macron promet aussi des «financements massifs pour explorer le potentiel de l’hydrogène blanc», contenu naturellement dans le sous-sol. Un projet de recherche est déjà en cours dans les Pyrénées atlantiques et «la France est un des pays qui a le plus de réserve», selon l’Elysée. Des efforts doivent aussi être faits pour soutenir les technologies de captage et de stockage de carbone, qui doivent permettre la décarbonation de l’industrie. Avec un objectif – très ambitieux au vu de l’avancée des stratégies des industriels – de réduire de 10% les émissions de l’industrie à l’horizon 2030, soit 8 millions de tonnes de CO2. » 


Qui est en mesure de pratiquer son extraction


Suite à la découverte du gisement de gaz d'hydrogène naturel dans les terres de Bourakèbougou, localité proche de Bamako. Le Mali se voit projeter au cœur des enjeux énergétiques de demain. Ce projet futuriste est une première étape dans la transition énergétique avec production de l’électricité écologique.

Le gisement de gaz qui a jailli des roches du village malien, a selon l'homme d'affaires malien, (Aliou Boubacar Diallo, PDG du consortium Petroma) le mérite de préfigurer le nouvel ordre scientifique et industriel de l'humanité.


Il savoure sa victoire. «La première fois que je suis venu à Hyvolution, en 2016, les gens nous prenaient pour des fous. Mais nous avons prouvé que l'hydrogène naturel n’est pas une curiosité géologique, mais bien une source d'électricité», raconte le fondateur d’Hydroma au salon dédié à l’hydrogène,

Les doutes sur l’hydrogène naturelle

Hydroma affirme avoir creusé 27 puits dont plusieurs à 700 mètres et deux, plus profonds, à 1800 et 2400 mètres. Tous produisent de l’hydrogène, y compris renouvelable. En effet, l’hydrogène remonte des profondeurs du sol à travers les fissures des différentes couches pour s’amasser dans un réservoir carbonaté à 100 mètres de profondeur, bloqué par «une bonne couverture non fracturée, faite de dolérite et de latérite»,

Dans le monde scientifique, de nombreuses interrogations subsistent autour des origines de l’hydrogène naturel, de sa capacité à s’accumuler en quantité dans le sous-sol, ou de ses comportements. Son véritable potentiel, ainsi que le risque de fuites sont aussi interrogés : l’hydrogène ne réchauffe pas directement l’atmosphère mais peut augmenter la durée de vie du méthane, lui-même néfaste pour le climat.

Les réserves sur les chiffres annoncés.

« Mais attention avant de crier à l’énergie miracle. L’hydrogène blanc fait miroiter une source d’énergie décarbonée n’utilisant ni eau, ni métaux rares (en phase d’extraction). «L’exploration est importante vu l’ensemble des avantages qu’on peut trouver à l’hydrogène naturel, mais soyons prudents vis-à-vis de l’emballement médiatique et des chiffres sortis sans précautions», temporise Nicolas Gonthier. Par exemple, le gisement identifié dans le Grand-Est a été parfois présenté comme le plus grand du monde (autour de 46 millions de tonnes d’hydrogène, à certains endroits très pur) de manière un peu rapide explique Isabelle Moretti : «on a vu qu’il y a de l’hydrogène dissous dans l’eau avec un pourcentage intéressant en Lorraine. C’est un super indice, mais les chiffres qui sont présentés sont une estimation (obtenue en multipliant la surface par l’épaisseur par la porosité), ils ne peuvent pas être certifiés en tant que réserves. Pour cela, il faut prendre des permis et forer». Un travail qui prend plusieurs années, mais sans lequel il est difficile d’avoir des certitudes, quel que soit le gisement. » L' Usine Nouvelle
« L’hydrogène est souvent associé à d'autres substances très intéressantes, comme l'hélium. C’est un gaz fondamental dans tous les dispositifs d'imagerie médicale, par exemple, mais aussi dans un certain nombre de processus industriels de haute technologie. Or les pays européens sont de grands consommateurs d’hélium mais des très petits producteurs, d’où l’importance d’une telle ressource », relate Claudio Strobbia. L' Usine Nouvelle
Pour l’instant nous en sommes au même niveau que l’industrie pétrolière était au début du Xxe siècle. Il faut rester humble, nous mettrons probablement des années à comprendre l’hydrogène naturel et son fonctionnement. L'exemple du Mali est encourageant mais c’est une production intermittente de quelques heures par jour sur un seul puits. il y a eu beaucoup d’effets d’annonce au sommet H-Nat, il faut relativiser. Il y a d’autres zones tout aussi encourageantes si ce n’est plus car dans des contextes plus favorables pour la valorisation de la ressource. L' Usine Nouvelle

les réserves connues d' hydrogene blanc


La carte ci dessus montre l' étendue des réserves d'hydrogène blanc dans le monde , il manque la Russie et l' Australie.

qui produit de l' hydrogène dans le monde


En quelques années, des start-up américaines et australiennes, comme HyTerra, Gold Hydrogen, Natural Hydrogen Energy, ou Kolama, se sont positionnées. La France aussi est entrée dans la danse, et fait de l’hydrogène naturel une des priorités du plan d’investissement France 2030. Une reconnaissance dans laquelle Hydroma a joué un rôle pionnier : «c’est le seul exemple industriel qui permet de dire, aujourd’hui, que la production d’hydrogène naturel est une réalité». En qui concerne les États-Unis,les zones potentiellement riches en hydrogène blanc,sont : le Michigan, l’est du Kentucky et le sud du Dakota du Nord, ainsi que des parties du Kansas, du Colorado et de l’Iowa.

La Chine est le principal producteur et consommateur d’hydrogène dans le monde . En 2020, ce pays produisait près de 33 millions de tonnes d’hydrogène, soit environ 30% de la production mondiale. Mais, les deux tiers de la production chinoise proviennent de la gazéification du charbon (la production d’hydrogène compte pour 5% de la consommation chinoise de charbon), ce qui a engendré l'émission d'environ 360 millions de tonnes de CO2 en 2020.

En 2060 c'est 80% de l’hydrogène qui sera produit par électrolyse .

La Russie, a découvert en Sibérie d' importantes réserves d'hydrogéne blanc dans les champs de Kovykta et de Chayandinskoye, Cette découverte repositionne la Russie comme un acteur clé du secteur énergétique mondial. L’hydrogène blanc, par sa durabilité, pourrait devenir un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique. Avec cette alternative aux combustibles fossiles, la Russie pourrait bien changer les règles du jeu énergétique mondial.

Russie aout 2025-L’hydrogène blanc : une révolution énergétique venue du froid

En résumé

Nous avons par cette brève étude essayé de montrer l' étendue et la complexité de la découverte de hydrogène blanc ou naturel. Cette découverte se présente comme la solution du futur d' une énergie propre et renouvelable. Elle va sans aucun doute attirer les vautours du capital et se présente déjà comme une grande bouffée d' air pour le capital mondial. Tout cela bien sur dans un contexte de guerre mondiale.



G.Bad octobre 2025



ENCART-LES DIFFÉRENTES SOURCES D' HYDROGÉNE

Il est important de bien distinguer les divers types d' hydrogéne dont il faut connaître les couleurs ou appellation. Par exemple l' hydrogène « vert » est aussi appelé « renouvelable », le « gris » devient « fossile »...

Les principales couleurs de l’hydrogène

L’hydrogène noir/brun

Considéré comme l’hydrogène le plus émetteur en CO2, l’hydrogène noir est produit à partir de charbon. Lui-même est converti en gaz avant d’être transformé en hydrogène.  L’hydrogène sera dit brun s'il est produit à partir de lignite et noir pour la production à partir de charbon bitumineux.  Dans les deux cas, il s'agit d'un processus de production extrêmement polluant qui n'est quasi plus utilisé.

L’hydrogène gris

Aujourd’hui considéré comme le plus courant et le moins cher à produire, l’hydrogène gris est fabriqué à partir du vaporeformage du gaz. Il est donc d'origine fossile. Malheureusement, il ne s’agit pas du moyen de production le plus écologique.

Hydrogène gris : tout ce qu'il faut savoir

L’hydrogène bleu 

Dérivé de l’hydrogène gris, l’hydrogène bleu s’en distingue par le fait que sa production est associée à un dispositif de captage et de stockage du CO2 produit (CSC). Considéré comme un hydrogène « bas carbone », l’hydrogène bleu n’est pas pour autant 100 % propre.


Hydrogène bleu : tout ce qu'il faut savoir


L’hydrogène vert

L’hydrogène vert est produit à partir d’électricité d’origine renouvelable grâce à l’électrolyse de l’eau. Particulièrement vertueux, il concentre aujourd’hui une grosse partie des efforts des industriels et bénéficie de nombreux financements des gouvernements. La start-up nantaise spécialiste de la production d’hydrogène vert, Lhyfe, va construire un nouveau site à proximité d’Epinal, dans les Vosges. D’une capacité de «plusieurs mégawatts», ce dernier doit être mis en service à la fin de l’année 2027.

L'hydrogène vert : tout ce qu'il faut savoir


  L’hydrogène rose, ou hydrogène nucléaire

Egalement produit par électrolyse de l’eau, l’hydrogène rose est obtenu à partir d’électricité d’origine nucléaire. Faut-il le considérer, ou pas, comme une méthode de production verte ? Si la question a pu faire débat au sein de l'Europe, la France a eu gain de cause et l'hydrogène nucléaire est bien considéré comme de l'hydrogène bas-carbone dans la réglementation européenne. 

Hydrogène rose : tout savoir sur l'hydrogène nucléaire


  L’hydrogène blanc ou naturel

Son exploitation à l' échelle mondiale devient urgente pour diverses raisons. Celle mise en avant par les médias est le réchauffement climatique mais aussi les profits gigantesques que va procurer cette exploitation. Nous allons par conséquent poursuivre cette étude essentiellement sur l' hydrogène blanc.




https://www.h2-mobile.fr/actus/kiel-mise-en-service-station-hydrogene-vert/







1 Fitch a abaissé la note souveraine de la France de AA- à A+.

2 Initialement, il était question de recherches sur le méthane. « Nous pilotons un programme de recherche qui s’appelle Regalor (REssources GAzières de LORraine), commencé en 2018 sur une demande initiale de la région Lorraine. Elle s’appuyait sur des analyses réalisées en 2012 par l’Ifpen (Institut Français du Pétrole et des Énergies Nouvelles) à partir de forages réalisés dans le bassin houiller lorrain, qui avaient montré qu’il y avait du méthane dans les veines de charbon », raconte Philippe de Donato.

lundi 29 septembre 2025

Jeunes : face à une société de plus en plus dure

 Jeunes : face à une société de plus en plus dure
Les jeunes, beaucoup de jeunes, vont mal. Cela ne
se voit pas forcément. Mais le nombre de jeunes qui
prennent des médicaments contre la dépression a
bondi, depuis l'épidémie du Covid de 2019 : 60% de
plus. Ceux qui prennent des médicaments contre la
bipolarité ou la schizophrénie ont augmenté aussi :
30% de plus. Et 10% pour les anxiolytiques.
Débordés, les médecins, psychologues, psychiatres,
en prescrivent à des jeunes qui n'ont pas vraiment
ces maladies, mais qui vont mal : certains sont très
anxieux, d'autres en détresse psychologique ; les trois
quarts dorment très mal, un tiers ont des idées de
suicide, peuvent se mettre en danger. Un million de
jeunes prennent un médicament psychotrope. Avant le
Covid, un quart des jeunes étudiants avaient des
symptômes de dépression ; avec les confinements, on
a presque doublé, à 41%.
Pour toute une génération de jeunes, l'avenir est
incertain, tout sauf rose. Non seulement la société dans
laquelle ils vivent se montre incapable de préparer un
avenir meilleur, mais elle accumule les raisons de
désespérer : que ce soit en économie, au sujet du
climat, de l'environnement, de l'emploi et du travail,
les crises, les guerres sont dénoncées, mais la société
se montre incapable d'en résoudre aucune.
Dans ces conditions, certains décident de se
comporter en parfaits égoïstes, pour profiter de la vie...
mais en profitant des autres, et en cherchant à briller.
D'autres évitent ces comportements et peuvent trouver
une place où ils se sentent bien. Mais certains font
semblant d'être heureux. Et nombreux sont ceux qui
souffrent.
La souffrance reste souvent cachée. L'entourage
ne voit pas les nuits sans sommeil, la personne qui
souffre n'ose pas dire ses pensées de suicide. On ne
veut pas montrer son mal, alors on s'enferme chez soi.
Et cet enfermement, à son tour, aggrave le mal : on se
dit qu'on ne vaut pas grand-chose aux yeux des autres.
Rares sont les endroits où l'on trouve une aide.
La société dans laquelle nous vivons est basée sur
l'idée qu'il faut être fort, que c'est là que se trouve la
réussite. Et celui qui ressent des faiblesses se sent vite
exclu. Pire, il se voit en échec, et comme étant luimême
responsable de cet échec. Il finit par se dire qu'il
est vraiment nul. Mais en quoi est-il responsable, lui,
de ce monde qu'il n'a pas choisi, et où on l'oblige à
rentrer. Ce monde sans avenir heureux,qui demande
au jeune de vivre en concurrence contre
tous les autres, de ne réussir qu'à la condition que
d'autres soient perdants.
Derrière les réseaux sociaux, les jeunes n'ont jamais
été aussi nombreux à se sentir seuls. Deux tiers
des 18 à 24 ans se sentent seuls, et la majorité d'entre
eux dit en souffrir. "Personne ne prend de mes nouvelles,
explique un jeune. Comment avoir confiance en
soi si personne ne voit de valeur en moi ? " Et il
préfère s'enfermer : "Je ne veux pas qu'on me prenne
en pitié, et qu'on m'invite à des sorties pour cette
raison".
La société a sa part de responsabilité dans les
maladies de l'esprit. Mais elle ne le reconnait pas. La
psychiatrie, en France, est dans un état pire encore que
la médecine générale. Et la plupart des psychiatres,
des psychologues, refusent de voir la responsabilité de
la société quand elle abime leur patient.
Cette société culpabilise ceux qui souffrent, parce
qu'ils ne trouvent pas une place qui leur convienne, qui
leur soit humainement acceptable.
Mais chez les jeunes, existe aussi un dégoût de
l'injustice, qui apparaît depuis l'enfance. Sur la base de
ce sentiment, peuvent mûrir des jeunes adultes
capables de soulever les choses. Les jeunes ont
toujours été les premiers à se révolter. Déjà, un certain
nombre tente de faire réagir, en ce qui concerne le
climat, l'écologie, les rapports entre hommes et
femmes. D'autres aussi, veulent changer le monde,
établir des bases nouvelles.
Les jeunes sont les plus à même de comprendre la
cause de l'essentiel des problèmes : la concurrence
capitaliste, qui s'étend aux relations les plus intimes,
ou aux pays entre eux. La recherche du profit égoïste,
qui provoque cette concurrence partout. La propriété
privée des grands trusts, qui use de nos vies, pour faire
plus de profits que le concurrent.
La technique moderne permettrait, aujourd'hui, de
donner à chaque être humain qui nait, l'assurance
d'avoir une éducation de qualité, un emploi passionnant,
un logement correct et une santé bien suivie ;
bref, un avenir serein. Seul le capitalisme nous en
empêche. Avec sa concurrence, ses inégalités folles, il
a abouti, au contraire, à ce que 1% de l'humanité
possède 43% des richesses de la planète.


28/09/2025 L’Ouvrier n° 421
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samedi 27 septembre 2025

Où en sont le capitalisme et la lutte de classe ?

 

« Pour le moment, nous assistons à l’effondrement du vieux monde qui croule par pans entiers, jour après jour. Ce qui est le plus surprenant, c’est que la plupart des gens ne s’en aperçoivent pas et croient encore marcher sur un sol ferme… » Rosa Luxemburg, Lettres de prison, 12 mai 1918.

 Depuis quatre décennies, les crises économiques récurrentes et la mondialisation du capitalisme soumettent la grande majorité de la population à des restrictions grandissantes et engendrent des dégâts écologiques dont le caractère devient de plus en plus irrémédiable. Ceci pose d’immenses défis dont les solutions détermineront grandement le sort des prochaines générations et les conditions de viabilité de la planète. Or, le seul horizon que le système actuel est capable de prendre en compte est celui de ses intérêts économiques les plus étroits : imposer une austérité brutale pour garantir ses profits et continuer d’exploiter la nature au mépris de ses limites. Cette vision bornée et à courte vue aggrave encore plus toutes les impasses dans lesquelles le capitalisme entraîne la terre entière.

Ceci engendre un énorme paradoxe : confusément émerge le sentiment que la gravité de la situation requiert des solutions radicales et que ‘nous assistons à l’effondrement d’un vieux monde qui croule par pans entiers’, mais, en même temps, « ce qui est le plus surprenant, c’est que la plupart des gens ne s’en aperçoivent pas et croient encore marcher sur un sol ferme ». Ce sont quelques uns des contours de ce paradoxe que nous essaierons de comprendre sur les plans de la crise et de la lutte de classe.

Une conjonction de facteurs

 Au-delà des différences considérables qui les caractérisent, tous les grands mouvements révolutionnaires (1830, 1848, 1871, 1905 et 1917-23) présentent cinq caractéristiques communes :

__________________________

1) Ils sont la conséquence d’une dégradation rapide et profonde des conditions d’existence d’une grande partie de la population suite à une crise économique ou une guerre.
2) Cet état de bouleversement de la société concerne simultanément plusieurs pays au moins.
3) Ces mouvements se déploient dans un contexte d’incapacité de la classe dominante à offrir une issue crédible à l’impasse de son système.
4) Ces mouvements sont le fait de générations de travailleurs n’ayant pas connu d’embrigadement ou de défaite physique et/ou idéologique à la suite d’une guerre ou d’une révolution. De ce fait, ces générations disposent encore d’un potentiel intact sur ces deux plans.
5) Dans de telles conditions, les hommes ont recherché des formes alternatives d’organisation sociale et se sont battus pour les mettre en place. Mais les moments décisifs et l’issue de ces mouvements se sont déroulés sur une période relativement brève, quelques mois tout au plus.

A bien regarder la situation actuelle, c’est vers une telle configuration que le système capitaliste s’achemine :

1- Depuis les années 1970, les crises économiques successives se traduisent par des plans d’austérité d’une brutalité de plus en plus violente. La dernière en date n’a pas dérogé à la règle. Ainsi, les mesures prises dans plusieurs pays de l’Est et en Grèce sont sans précédents : elles correspondent à une diminution de 15 à 20 % du pouvoir d’achat des travailleurs, pensionnés et allocataires sociaux. D’autres pays ont suivi et ont également appliqué des plans d’austérité agressifs comme en Espagne, au Portugal et en Irlande. Celui récemment décidé en Angleterre implique le licenciement d’un demi-million de fonctionnaires et une réduction du pouvoir d’achat global des salariés de 5 à 15 %. Même les organismes officiels avouent qu’un britannique sur deux sera désormais confronté à de sérieuses difficultés financières.

2- Ces mesures d’une ampleur inédite depuis la fin de la seconde guerre mondiale sont prises à intervalles assez rapprochés dans toute une série de pays. Ceci offre un terreau potentiel pour une compréhension plus globale de l’impasse dans laquelle le capitalisme s’enfonce et constitue le soubassement objectif d’une généralisation future des combats de classe au-delà des frontières.

3- Jusqu’à présent, le système a toujours pu faire miroiter l’idée que demain sera meilleur qu’hier. Cependant, prisonnier de ses intérêts matériels immédiats et n’ayant aucune solution crédible à apporter à l’impasse actuelle de son système, la classe dominante démontre de plus en plus qu’elle est incapable d’offrir une issue positive à la société. C’est la raison pour laquelle émerge confusément l’idée que demain sera pire qu’hier. Triomphant durant un quart de siècle de néolibéralisme et de mondialisation, le capitalisme est maintenant face à l’échec de toutes les politiques qu’il a mené jusqu’à présent. La crise de 2008 a ouvert un lent processus de délégitimation du système capitaliste dans la population et dans la classe ouvrière en particulier.

4- Après une vingtaine d’années d’étiage des conflits sociaux (1980-2000), nous assistons à une reprise de ceux-ci depuis une dizaine d’années (cf. le graphique ci-dessous concernant la Belgique [1]). Comparée au passé, cette remontée est encore très ténue mais néanmoins perceptible et présente dans plusieurs pays développés.

5- Enfin, si l’issue des combats de classe s’est toujours décidée sur un laps de temps relativement bref (quelques mois), cet aboutissement a néanmoins toujours été précédé d’une période d’effervescence sociale plus ou moins longue, une période de grèves de masse dont la situation actuelle contient déjà certains ingrédients à l’état potentiel.

Marxisme et prévisions

 Instruit par une expérience déjà longue, Engels nous a légué une importante leçon de modestie en matière de prévisions  :

« Dans l’appréciation d’événements et de suites d’événements empruntés à l’histoire quotidienne, on ne sera jamais en mesure de remonter jusqu’aux dernières causes économiques. Même aujourd’hui où la presse technique compétente fournit des matériaux si abondants, il est encore impossible, même en Angleterre de suivre jour par jour le marché de l’industrie et du commerce sur le marché mondial et les modifications survenues dans les méthodes de production, de façon à pouvoir, à n’importe quel moment, faire le bilan d’ensemble de ces facteurs dont la plupart du temps, les plus importants agissent en outre longtemps dans l’ombre avant de se manifester soudain violemment au grand jour. Une claire vision d’ensemble de l’histoire économique d’une période donnée n’est jamais possible sur le moment même ; on ne peut l’acquérir qu’après coup, après avoir rassemblé et sélectionné les matériaux. La statistique est ici une ressource nécessaire et elle suit toujours en boitant. […] Il est bien évident que cette négligence inévitable des modifications simultanées de la situation économique, c’est à dire de la base même de tous les événements à examiner, ne peut être qu’une source d’erreurs » [2].

Malheureusement, cette modestie manque terriblement aux groupes actuels de la Gauche Communiste, eux qui n’ont cessé de se fourvoyer dans une succession de prévisions sur la mort du capitalisme, prévisions affichées comme certaines et dont ils prétendaient en connaître les ressorts exacts mais qui se sont toutes avérées erronées [3].

Loin de ces fanfaronnades et avec toute la prudence voulue, nous nous limiterons à dégager les grands facteurs et les tendances de la situation, tout en reconnaissant, comme Engels, que cet exercice est bien périlleux et que nous nous réservons d’y revenir si la réalité en démontrait le caractère erroné. En effet, ce qu’Engels nous apprend n’est pas qu’il faille s’abstenir de toutes analyses et prévisions qui sont le propre de l’intervention politique, mais d’avoir le courage de les corriger à temps lorsqu’elles se sont avérées erronées, chose que Marx et Engels ont su faire à plusieurs reprises. Ainsi, concernant le diagnostic de faillite définitive du capitalisme, Engels avoua que Marx et lui s’étaient trompés durant toute leur vie :

« L’histoire nous a donné tort, à nous comme à tous ceux qui pensaient de façon analogue. Elle a montré clairement que l’état du développement économique sur le continent était alors bien loin encore d’être mûr pour l’élimination de la production capitaliste ; elle l’a prouvé par la révolution économique qui, depuis 1848, a gagné tout le continent... [...] cela prouve une fois pour toutes combien il était impossible en 1848 de faire la conquête de la transformation sociale par un simple coup de main » [4].

Et pour cause, étant donné la multiplicité des facteurs entrant en ligne de compte et l’incertitude inhérente à l’issue du rapport de force entre les classes, il serait totalement illusoire de penser qu’une analyse de la situation immédiate pourrait prévoir le futur de la crise et de la lutte de classe à coup sûr. Ce serait concevoir l’histoire comme une fatalité mécanique qui est déjà inscrite sur des tables de lois qu’il suffirait seulement de déchiffrer avec méthode. Malheureusement très présente au sein des groupes actuels de la Gauche Communiste, cette vision téléologique est très éloignée du marxisme.

Où en est le capitalisme ?

 L’histoire de la succession des ordres productifs dans le capitalisme nous enseigne que quatre conditions sont nécessaires pour qu’un nouvel ordre succède à l’ancien épuisé [5] :

1) Un assainissement de la base productive par une dévalorisation massive du capital en surproduction sous ses trois formes - marchandise, monétaire et productif -, soit au travers d’une crise économique comme en 1929, soit d’une guerre.
2)L' émergence d’un nouveau régime d’accumulation porteur de gains de productivité significativement plus élevés.
3) La mise en place d’un mode de régulation qui assure le bouclage du circuit de l’accumulation, c’est-à-dire qui garantit une production rentable mais aussi les conditions de sa réalisation grâce à une demande solvable suffisante.
4) Enfin, une configuration des rapports de forces entre les classes qui permette l’instauration et le déploiement de ce nouvel ordre productif et de toutes les modifications qu’il implique. Cette configuration concerne aussi bien les rapports que les fractions de la classe dominante entretiennent entre elles, que les relations entre celles-ci et le monde du travail.

Tous ces facteurs permettent d’abaisser la composition organique du capital, d’augmenter le taux de plus value, et donc d’accroître le taux de profit tout en permettant de concéder des hausses de salaires réels et, ainsi, de pouvoir relancer l’accumulation élargie sur de nouvelles bases et pour un temps donné. Chacune de ces conditions est nécessaire mais non suffisante :

– Ainsi, les dévalorisations massives par destruction de capital fixe lors de la première guerre mondiale n’ont pas suffi pour engendrer une phase de prospérité comparable à celle qui a suivi la seconde guerre mondiale, car les autres conditions manquaient alors à l’appel.
– Au lendemain de la guerre 1914-18, et malgré la présence d’éléments du mode de régulation keynésiano-fordiste, la classe dominante avait néanmoins l’illusion de pouvoir revenir à ce qui avait fait le succès de la
Belle Époque : un libéralisme colonialiste.
– De même, si la brutalité du krach de 1929 et les mouvements sociaux qui l’ont suivi aux États-Unis ont été à l’origine d’un New-Deal instaurant le
keynésiano-fordisme [6] dans ce pays, l’impact plus limité de cette crise économique en Europe, ainsi que les fortes divisions au sein des couches dominantes sur le continent, y ont rendu impossible l’acceptation et l’instauration de ce nouvel ordre productif. Il a fallu les affres de la seconde guerre mondiale pour convaincre tous les acteurs sociaux de changer la donne et d’adopter ce nouveau mode de régulation.

C’est donc la conjonction des quatre conditions en un tout cohérent qui permet l’émergence d’un nouvel ordre productif pour un temps donné.

Or, rien dans la situation présente n’indique que nous soyons à la veille d’une telle possibilité. Le capital surnuméraire n’a pas encore été ‘assaini’ au travers d’un processus de dévalorisation massive, pire, il a augmenté suite aux politiques de relance menées par les pouvoirs publics [7]. Aucun nouveau régime d’accumulation porteur de gains de productivité substantiels ne s’est dégagé, pas plus qu’un nouveau mode de régulation assurant le bouclage du circuit d’accumulation. Enfin, quand bien même ces conditions seraient présentes, la configuration actuelle des rapports de forces entre les classes ne permettrait pas leur adoption.

Tout cela indique, qu’au-delà des fluctuations conjoncturelles à venir, la perspective d’une inexorable descente aux enfers s’ouvre pour les anciens pays développés. Rien de tangible dans les conditions économiques et sociales actuelles, dans les rapports de force entre les classes sociales et dans la concurrence au niveau international, ne laisse entrevoir un quelconque retour à la prospérité d’antan grâce à l’avènement d’un nouvel ordre productif dans ces pays.

Plus que jamais donc, il s’agit de féconder les résistances, les mouvements sociaux et les alternatives qui, espérons-le, surgiront de cet approfondissement des contradictions du capitalisme et seront à même de le renverser :

« Les contradictions capitalistes provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux ramèneront, par la violence, le capitalisme à un niveau d’où il pourra reprendre son cours. Les contradictions créent des explosions, des crises au cours desquelles tout travail s’arrête pour un temps tandis qu’une partie importante du capital est détruite, ramenant le capital par la force à un point où, sans se suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa capacité productive. Cependant ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste, et elles finiront par provoquer son renversement violent » [8].

Des limites objectives et subjectives

Lorsque des mouvements sociaux d’une certaine ampleur se déploient à intervalles plus ou moins rapprochés dans plusieurs pays, lorsqu’ils sont déterminés par un même mouvement de réaction à des mesures d’austérité qui illustrent l’impasse dans laquelle se trouve le système capitaliste, et lorsque ces mouvements présentent certaines caractéristiques marquant une tendance à la massivité et à l’autonomisation par rapport à toutes les forces qui essaient de les étouffer (même si cela se présente encore à l’état embryonnaire et de façon très localisée), il est normal que les révolutionnaires s’y investissent pour en développer toutes les potentialités et entrer en contact avec les éléments les plus avancés de la classe ouvrière. Tels ont été le contexte et le sens de notre intervention dans les derniers mouvements sociaux qui se sont déroulés en France ces derniers mois. C’est pourquoi Controverses s’y est fortement investi par l’élaboration et la diffusion de plusieurs tracts, par des prises de parole dans les manifestations et les diverses assemblées, en s’insérant de façon dynamique dans les initiatives collectives des travailleurs quand c’était possible et par la diffusion de notre presse et la traduction de ce matériel politique dans plusieurs langues.

Cet enthousiasme légitime ne doit cependant pas masquer la nécessité de replacer ces mouvements dans leur contexte historique et d’en faire un bilan réaliste. Ce sont donc quelques limites objectives et subjectives à l’état actuel du rapport de force entre les classes que nous voudrions souligner ici :

1) Indéniablement, les conflits actuels prennent place dans une dynamique plus générale de redéploiement des mouvements sociaux depuis une dizaine d’années, dynamique qui tranche par rapport au calme social qui a globalement régné durant les deux décennies qui les ont précédé (1980-2000). Ceci se lit très clairement sur le graphique ci-dessous qui est illustratif des grandes tendances dans le rapport de force entre les classes depuis la seconde guerre mondiale [9].

Nombre de jours de grèves – Belgique 1945-2008 [10]

L’on y distingue clairement le net recul initié dès la fin des années 1970 ainsi que l’étiage qui a pris place depuis lors jusqu’au début des années 2000. Il indique également que l’origine de ce recul n’est en rien liée à l’effondrement du bloc de l’est puisqu’il est antérieur à cet événement et que toutes les années 1980 sont caractérisées par un calme social dans l’ensemble de la classe ouvrière. Ceci vient formellement infirmer toutes les affabulations du CCI (Courant Communiste International) sur les « Années 80 années de vérité » au cours desquelles allait soi-disant se décider l’alternative historique entre la guerre ou la révolution [11] ainsi que sur sa ‘théorie’ liant le recul dans la classe ouvrière à l’implosion du bloc de l’est (c’est-à-dire l’arrêt de la ‘troisième vague de luttes’ pour reprendre son jargon) ! Et pour cause, le recul des conflits sociaux commence dès la fin des années 70 et est à rattacher à la spectaculaire montée du chômage à partir de 1974 et à la généralisation du poids de la crise qui a pour conséquence de paralyser l’ensemble de la classe ouvrière et d’isoler toute une série de secteurs en lutte qui sont particulièrement touchés par les licenciements et les mesures d’austérité [12]. Si le recul des luttes date de la fin des années 1970 et ne doit rien à l’effondrement du mur de Berlin, ce dernier est néanmoins venu rajouter un déboussolement idéologique à un repli déjà advenu dans l’ensemble de la classe sur le plan de la combativité.

2) Si un frémissement des combats de classe est indéniable depuis une dizaine d’année, force est de constater qu’il est très faible. Nous sommes encore loin de l’effervescence sociale des années 1970 et même de l’après-guerre (cf. graphique ci-dessus) ! Le poids du chômage et des conséquences de la crise (notamment de l’endettement croissant des salariés pour en atténuer ses effets), expliquent encore très largement cette paralysie dans l’ensemble de la classe ouvrière et la difficulté de celle-ci à s’engager dans des conflits sociaux et des grèves.

3) Certes, ces données statistiques ne restituent que le volet quantitatif et non pas qualitatif des mobilisations sociales. De plus, elles ne recensent pas toutes les autres formes de résistances et le relevé des journées perdues pour fait de grève est sujet à discussion. Cependant, le parallélisme d’évolution dans plusieurs pays et la fiabilité de certaines données sont suffisantes pour permettre de dégager les grandes tendances. De plus, une période de grève de masse et une révolution supposent immanquablement une mobilisation massive des travailleurs. A moins de ne concevoir la révolution que comme un coup de main réalisé par une minorité, la dimension quantitative de la mobilisation constitue une donnée incontournable et même un préalable indispensable, or, cette dimension est encore, pour le moins, largement absente. De plus, il serait totalement déraisonnable de prétendre que les mouvements sociaux de ces dernières années possèderaient des aspects qualitatifs tels qu’ils compenseraient leurs faiblesses quantitatives.

4) En effet, les luttes actuelles marquent encore d’immenses faiblesses sur le plan qualitatif :

Bien qu’une certaine délégitimation du capitalisme se soit développé suite à la dernière crise économique, bien qu’une bonne partie de la population prenne conscience que ce système ne leur offrira plus un avenir meilleur qu’hier et que tout ceci constitue un terreau fertile pour la réflexion et pour une meilleure écoute des idées révolutionnaires, l’idée qu’une alternative au capitalisme serait la seule issue réaliste dans la situation présente manque encore cruellement. C’est ici que le poids idéologique de l’effondrement du mur de Berlin pèse encore très fortement : toute idée de projet socialiste ou communiste est toujours très largement discréditée et l’horizon du capitalisme reste encore largement indépassable dans la conscience de l’immense majorité de la population.

Cette absence d’alternative positive et de manque de confiance dans ses propres perspectives se traduisent au sein de la classe ouvrière par une très large domination des forces d’encadrement de la bourgeoisie et d’énormes illusions dans la démocratie bourgeoise et ses institutions. Cette domination et ces illusions permettent encore de maintenir un contrôle quasi-total de la bourgeoisie sur les mobilisations sociales.

Ainsi, même lorsque ces dernières manifestent une certaine volonté de radicalisation, elles tombent facilement dans des formes dévoyées de la lutte qui les mènent sur des voies de garage (blocages routiers, occupations…) ou empruntent des moyens de lutte qui ne favorisent pas l’unité et la conscience de l’ensemble de la classe ouvrière (actes terroristes comme en Grèce, saccages, etc.). Seule une petite minorité plus politisée essaie de renouer avec des formes classistes de lutte mais elle n’a pas encore d’impact réel.

Ces faiblesses doivent également être rattachées aux importantes modifications qui sont advenues dans la composition sociale de la classe ouvrière consécutivement à la phase de prospérité d’après-guerre, dans les fragmentations multiples et dans l’internationalisation du processus de travail, toutes choses qui se traduisent par une disparition des grandes unités de production et des bastions traditionnels de la classe ouvrière. Ces faiblesses découlent aussi du processus de prolétarisation de la classe moyenne qui importe ses valeurs et son idéologie petite bourgeoise au sein de la classe ouvrière.

Dès lors, il faudra encore attendre un certain temps avant qu’émerge l’idée de la nécessité de mettre en place des moyens et des instruments de lutte permettant de développer une alternative propre à la classe ouvrière.

Autrement dit, le niveau de conscience au sein de cette dernière est encore très faible, tant sur la perspective et les moyens de son combat que sur la nature du capitalisme, de la démocratie, des institutions bourgeoisies et des organes de contrôle social que sont les syndicats et partis de gauche. Par contre, cette prise de conscience émerge bien plus fortement dans diverses minorités que les révolutionnaires se doivent d’encourager et avec lesquelles ils ont à nouer des contacts pour échanger leurs réflexions et expériences.

5) Encore plus que par le passé, une nouvelle vague révolutionnaire ne pourra se développer avec un minimum de chance de réussite que si elle se déploie à l’échelle de plusieurs pays et s’étend au niveau international. Or, sur ce plan, l’on assiste à un basculement du monde vers l’Asie de l’Est et certains autres pays émergents. A l’heure actuelle, un découplage dans la dynamique s’accentue entre les vieux pays industrialisés qui s’enfoncent lentement mais sûrement dans une impasse sans issue et ces zones émergentes du monde qui connaissent une croissance sans précédent depuis une trentaine d’années. Nombreux furent ceux qui dans la Gauche Communiste avaient prétendu que les pays émergents ne jouissaient pas d’un réel processus de développement mais un simple mécanisme de vases communicants compensant la déglingue occidentale. De même, nombreux furent ceux qui prédisaient que la crise dans les pays de la Triade (États-Unis, Europe et Japon) annoncerait la faillite du miracle des pays émergents. Or, il n’en fut rien ; ces derniers ont même pu traverser la dernière crise sans grands encombres, à tel point qu’ils ont très rapidement retrouvé leurs taux de croissance précédents. Autrement dit, si la configuration qui se généralise dans les anciennes puissances industrielles offre un terreau favorable à une prise de conscience de l’impasse croissante dans laquelle le capitalisme entraîne le monde, malheureusement, celle qui prévaut dans les pays émergents n’offre pas une telle perspective. Ceci constituera un obstacle majeur à l’internationalisation des combats de classe.

6) De même, alors que la lutte de classe à reflué depuis la fin des années 1970 dans la Triade pour se stabiliser ensuite à un niveau d’étiage historique, elle s’est développé intensément dans les principaux pays émergents. Avec la reprise actuelle des conflits sociaux, l’on pourrait se réjouir de cette montée internationale et simultanée des combats de classe, mais ce serait oublier que la classe ouvrière dans les pays émergents ne conçoit aucunement ses combats dans le cadre d’un dépassement du capitalisme mais dans celui d’une amélioration de son sort au sein du système. De plus, et particulièrement en Asie de l’Est, toute idée de socialisme ou de communisme joue un puissant rôle de repoussoir : la population se rappelle encore trop les affres de régimes qu’on lui a présenté abusivement comme ‘communistes’ ou ‘socialistes’ et n’envisage malheureusement son avenir que dans l’ordre productif actuel du capitalisme qui lui procure une certaine amélioration de son sort.

7) Ces découplages objectifs et subjectifs entre un ancien monde qui s’enfonce dans une impasse et un nouveau monde qui émerge constitueront autant d’obstacles pour la réussite d’une future généralisation des mouvements révolutionnaires à l’échelle internationale. Malheureusement, engoncés dans leurs schémas surannés, bien peu de groupes au sein de la Gauche Communiste réalisent que les bastions essentiels de la classe ouvrière ne se trouvent plus dans les anciens pays développés mais dans les pays émergents. Ainsi, à elle seule, la Chine contient bien plus d’ouvriers dans le secteur industriel que dans l’ensemble des anciens pays industrialisés !

8) Si nous tenons la possibilité que s’instaure un nouvel ordre productif dans les anciens pays développés comme hautement improbable, c’est parce qu’aucune des conditions nécessaires à son émergence n’est présente dans la situation actuelle. Cependant, il n’existe aucun obstacle absolu qui empêcherait le capitalisme de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve. En effet, que ce soit lors de la première guerre mondiale, au moment de la crise de 1929, au lendemain de la seconde guerre mondiale ou en 1952, bien des révolutionnaires avaient péremptoirement annoncé que le capitalisme n’avait plus les moyens de survivre parce qu’il avait atteint ses limites absolues, or, non seulement le capitalisme à survécu à ses crises, mais il s’est aussi développé comme jamais auparavant. Il est donc absolument nécessaire que la Gauche Communiste critique et abandonne toutes les visions catastrophistes que nombre de ses composantes continuent de véhiculer.

A paramètres inchangés, le capitalisme va droit dans le mur dans les anciens pays industrialisés et il est fort probable que le cycle de croissance dans certains grands pays émergents va commencer à s’épuiser. C’est l’option la plus favorable ouvrant la voie aux bases objectives d’une possible révolution. Cependant, bien que fort peu probable, l’on ne peut exclure la possibilité que le capitalisme parvienne à instaurer un nouvel ordre productif et à entrer en résonance avec la croissance dans les pays émergents. Tout dépendra des rapports de force entre les classes.

9) Enfin, et non des moindres, l’état du facteur subjectif sur le plan des forces révolutionnaires ne prête guère à optimisme, que du contraire. Cela fait trois décennies au moins que la Gauche Communiste est atteinte d’une crise politique et organisationnelle très profonde. Cette faiblesse sur le plan subjectif des forces révolutionnaires risque fort d’être irrémédiable si ne se développe pas une prise de conscience en son sein sur son état et la nécessité d’en sortir.

Force est donc de constater que, malgré une conjonction de facteurs favorables, il existe toute une série de limites objectives et subjectives au déploiement d’une perspective révolutionnaire. En dressant ce tableau que nous considérons être réaliste, nous estimons suivre les traces de Marx lorsqu’il disait que la tâche des communistes ne consiste pas à consoler la classe ouvrière mais à lui dire la vérité et à léguer, non des dogmes et des certitudes préconçues, mais une méthode d’analyse et un patrimoine théorique qui pourront réellement servir aux générations futures pour comprendre le monde tel qu’il sera.

 C. Mcl

 Le n°4 de Controverses

 « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit cependant de le transformer » énonçait Marx dans ses thèses sur Feuerbach ; telle est la préoccupation constante des révolutionnaires : leurs réflexions théoriques n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans une volonté pratique de transformation du monde. Telle est la raison de l’engagement de Controverses et de ses collaborateurs dans les mouvements sociaux en France et dont nous faisons brièvement part dans cet éditorial et le premier article de ce numéro : Notre intervention dans le mouvement social en France [13].

En constituant le Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste, nous n’avions pas l’idée de faire de sa revue Controverses notre seul porte-voix mais, conformément à notre projet politique, d’en faire un instrument d’approfondissement théorique et d’impulsion des débats à l’échelle de l’ensemble du milieu révolutionnaire. Ceci s’est déjà concrétisé par la publication d’articles rédigés par des camarades en dehors du Forum [14]. Tel est encore le cas dans ce numéro avec la publication de l’article Positions et parcours d’un internationaliste qui retrace la vie et l’œuvre de G. Munis (1912-1989). Quelque peu retombé dans l’oubli suite à la disparition de son groupe (le FOR), cette figure historique de la Gauche Communiste gagne à être mieux connue. C’est la préoccupation manifestée par ses anciens compagnons de combats qui ont rédigé cet article de présentation.

Travailler avec une conscience extrême, ne souffrir d’aucune inexactitude, vérifier chacun des faits cités en appui de sa démonstration, aller à la source, accorder à chacun ce qui lui revient, bref, avoir une conscience littéraire aussi sévère que scientifique, telle était l’éthique à laquelle Marx s’est astreint. Elle participe de la force de ses analyses et permet un débat d’idées en toute clarté. C’est cette attitude dans la discussion que nous entendons défendre dans les controverses existantes au sein de la Gauche Communiste sur la théorie des crises. Tel est l’objet du second article de cette revue sur La théorie des crises et l’éthique du débat. Il approfondit plusieurs questions théoriques et relève certains problèmes éthiques dans les discussions à leurs propos.

Maximilien Rubel est largement connu comme étant le traducteur de Marx aux éditions La Pléiade. Il l’est moins comme révolutionnaire ayant épousé les positions de la Gauche Communiste depuis la seconde guerre mondiale. Il est resté fidèle à cet engagement durant toute sa vie. Or, défendre des idées révolutionnaires et internationalistes durant la seconde guerre mondiale et, au lendemain de celle-ci, disputer le monopole détenu par les staliniens sur l’édition des œuvres de Marx et Engels en France ne fut pas chose facile. C’est le mérite qu’on lui doit. Cependant, les armes théoriques qu’il a développées pour ce faire ne furent pas toujours des plus heureuses. Ainsi, il défendit l’idée que Marx fut le théoricien de l’anarchisme et Engels celui d’un marxisme idéologique ouvrant la voie aux dérives sociale-démocrates et staliniennes. Ce sont de telles idées que critique le troisième article de cette revue : Maximilien Rubel, ou l’art de falsifier Marx.

La défaite des mouvements révolutionnaires en 1917-23 ne signifie pas seulement l’ouverture d’une phase de contre-révolution et le passage à terme des anciennes organisations de classe dans le camp de la bourgeoisie, elle eut aussi pour conséquence l’arrêt du développement des bases même du marxisme. Il est urgent de reprendre cette tâche tant le retard, les déformations introduites par la contre-révolution et les inadéquations par rapport à l’évolution du monde et des connaissances sont énormes. Telle est l’ambition du quatrième article qui commence par un état de la pensée de Marx et Engels sur la question de la religion. D’autres contributions suivront.

Le marxisme est non seulement l’arme théorique de l’émancipation d’une classe sociale mais également une conception du monde qui embrasse bien des domaines. A ce titre, il s’est traditionnellement intéressé à suivre l’avancement des connaissances humaines afin d’en tirer des enseignements, réfuter des dérives ou élargir son champ de vision. La seconde partie de l’article sur La psychanalyse et ses implications politiques poursuit cet objectif concernant cette théorie très controversée.

Notre rubrique Échos de la Gauche Communiste retrace l’itinéraire de deux militants révolutionnaires ayant vécu leur engagement durant la difficile période de contre-révolution : Maximilien Rubel (1905-1996) et Jean Malaquais (1908-1998).

Enfin, notre rubrique Notes de lecture présente trois ouvrages dont deux sont rédigés par nos collaborateurs, l’un sur la guerre civile à Barcelone entre juillet 1936 et mai 1937 et l’autre sur l’analyse marxiste des crises. Quand à la troisième note, elle présente un ouvrage majeur d’Onorato Damen sur Bordiga. Sa parution prochaine permettra aux lecteurs francophones de mieux comprendre un épisode important de l’histoire de la Gauche Communiste après la seconde guerre mondiale.

 [1] Pour plus d’éléments concernant d’autres pays, lire notre article intitulé Le réel cheminement de la lutte de classe dans le n°3 de cette revue http://www.leftcommunism.org/spip.php?article155.

[2] Introduction à l’ouvrage de Marx sur la Lutte des classes en France.

[3] Pour une analyse plus développée, le lecteur peut se référer à nos trois articles suivant : Il est minuit dans la Gauche Communiste http://www.leftcommunism.org/spip.php?article169, Le réel cheminement de la lutte de classe http://www.leftcommunism.org/spip.php?article155 et Des crises permanentes cela n’existe pas http://www.leftcommunism.org/spip.php?article187.

[4] Engels, préface de 1895 à l’ouvrage de Marx sur Les luttes de classes en France, Éditions La Pléiade – Politique I : 1129.

[5] Un ordre productif est caractérisé par un régime d’accumulation correspondant à un mode de régulation spécifique comme, par exemple : le mercantilisme, le capitalisme manchestérien, le colonialisme victorien, l’impérialisme, le capitalisme monopoliste, le keynésiano-fordisme, la dérégulation néolibérale,…

[6] Pour plus de détails sur cet ordre productif qui s’est mis en place après la seconde guerre mondiale dans l’ensemble des pays développés, nous invitons le lecteur à lire notre article Comprendre la crise dans le n°1 de cette revue http://www.leftcommunism.org/spip.php?article55 ainsi que l’ouvrage présenté en ‘Notes de lecture’ dans ce numéro : Dynamiques, contradictions et crises du capitalisme.

[7] Contrairement à la grande crise de 1929 où les capitalistes ruinés se jetaient du haut de l’Empire Stade Building, aujourd’hui ils s’éclipsent en parachutes dorés. Ce contraste montre bien qu’il n’y a pas encore eu de dévalorisation massive comme en 1929 mais uniquement des dévalorisations partielles comme on en rencontre au cours de chaque crise cyclique.

[8Grundrisse, Editions 10/18, Tome IV : 17-18.

[9] Pour plus de détails et de données concernant d’autres pays, lire notre article sur Le réel cheminement du rapport de force entre les classes dans le n°3 de cette revue http://www.leftcommunism.org/spip.php?article155.

[10] Données annuelles et en moyenne mobile sur 5 ans (sauf pour les dernières années). Sources : annuaire statistiques de Belgique et BIT pour les années 1995-2008 (http://laborsta.ilo.org/STP/guest). Merci à Pierre M. pour avoir confectionné ce graphique.

[11« Dans la décennie qui commence, c’est donc cette alternative historique qui va se décider : ou bien le prolétariat poursuit son offensive, continue de paralyser le bras meurtrier du capitalisme aux abois et ramasse ses forces pour son renversement, ou bien il se laisse piéger, fatiguer et démoraliser par ses discours et sa répression et, alors, la voie est ouverte à un nouveau holocauste qui risque d’anéantir la société humaine » Revue Internationale du CCI n°20, 1980, p.3-4, Années 80 années de vérité.

[12] Services publics en Belgique (1983 et 86), grève générale au Danemark (1985), mineurs en Grande-Bretagne (1984-85), cheminots (1986) et infirmiers (1988) en France, enseignants et cheminots en Italie (1987), etc.

[13] Le lecteur trouvera plus de détails sur notre intervention dans les derniers mouvements sociaux en allant lire notre rubrique Luttes sur notre site web http://www.leftcommunism.org/spip.php?rubrique40.

[14] Comme l’article sur la situation en Iran dans le n°2 http://www.leftcommunism.org/spip.php?article115 ou la note de lecture sur les origines de l’État dans le n°3 http://www.leftcommunism.org/spip.php?article189.


Grève générale en Israël : dynamique de classe et contradictions bourgeoises

  G rève générale en Israël : dynamique de classe et contradictions bourgeoises   Posted on August 16, 2025 by fredocorvo Prophétique...