Fresque de Malak Mattar
"La direction du Hamas pouvait parfaitement prévoir le massacre de la population palestinienne qu’entraînerait la riposte israélienne à son intrusion du 7 octobre."
Le texte "Gaza, l’horreur et ses mensonges" dit cela.1
Mais quelles ont pu être les motivations du Hamas pour mettre en marche une telle folie barbare ? Le texte ne dit pas grand-chose à ce propos. Des lecteurs m’en ont plusieurs fois fait la remarque. Je tente ici de combler ce manque.
Deux choses viennent à l’esprit : une citation d'Einstein et une fable.
La citation d'Einstein est celle qui dit : "Deux choses sont infinies : l'Univers et la stupidité humaine. Mais en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue."
Quant à la fable il s'agit de celle du scorpion et la grenouille :
"Un scorpion demande à une grenouille de le transporter sur l'autre rive d'une rivière. D'abord effrayée par son aiguillon venimeux, la grenouille accepte, en pensant que si le scorpion la piquait ils périraient tous deux. Au milieu de la rivière, pourtant, le scorpion la pique mortellement. Lorsque la grenouille demande au scorpion la raison de son geste, ce dernier répond : ‘c'est dans ma nature’".
La "nature" du Hamas est effectivement un élément important pour comprendre le caractère "suicidaire" que revêt sa décision de s'attaquer consciemment à beaucoup plus fort que lui et d'entraîner dans sa démarche la mort de milliers de ses membres et de ses gouvernés.
Le Hamas, tout comme le Hezbollah, sont des organisations où la religion joue un rôle très important. Sunnite pour le premier, Chiite pour le second, la foi musulmane y constitue un ciment structurant et primordial. Or le culte du martyr, du sacrifice pour sa foi, y est un élément essentiel.
"Mourir en martyr [Chahid en arabe] dans la foi musulmane est l'un des plus grands honneurs. Les récompenses accordées au martyr sont si sublimes qu'elles sont supérieures à celles accordées pour l'accomplissement de presque tout autre acte vertueux. Le martyr reçoit sept faveurs et privilèges spéciaux de la part d'Allah. (...) "le martyr atteint le summum de la perfection morale que peut incarner un homme" (Google). Certaines interprétations du Coran affirment que le martyr mâle disposera dans le paradis de 72 jeunes filles vierges, un mythe souvent contesté, parfois exploité par la propagande djihadiste pour encourager les combattants au sacrifice.
Le Hamas, mais aussi l'Autorité palestinienne du Fatah ont pour tradition d'octroyer aux martyrs blessés, mais aussi aux familles des martyrs tués, des allocations importantes, parfois versées à vie.
Le poids des aberrations religieuses musulmanes est certainement un facteur à tenir en compte pour expliquer les décisions qui conduisirent au 7 octobre. Mais il y a aussi les aberrations appartenant à ces autres religions plus universelles : le culte de l'argent et le culte du pouvoir.
La cupidité du Hamas. Le Hamas est une très grande machine, considérée par certains comme la plus riche parmi les armées-proto États de la planète. Les estimations de son "chiffre d'affaires" annuel, avant le 7 octobre 2023, sont diverses suivant les sources mais on trouve souvent le chiffre d'un milliard de dollars. Les sources de ses revenus sont nombreuses et en grande partie aussi floues que secrètes.
Il y a d'une part les revenus en provenance de son pouvoir sur la bande de Gaza, en particulier depuis 2006 : les impôts prélevés sur la population (plus de 2 millions d'habitants), les taxes prises sur les entreprises et commerces locaux. Il y a d'autre part les versements très importants fournis surtout par l'Iran et le Qatar. Mais aussi par d'autres pays musulmans comme l'Arabie saoudite ou le Liban. Il reçoit également des dons du monde entier, d'ONG et de sympathisants articulant une cinquantaine d'associations caritatives destinées à la solidarité avec la Palestine. Le Hamas perçoit aussi les revenus d'un fond d'investissements d'entreprises en Afrique et au Moyen-Orient ainsi que ceux de comptes en crypto-monnaies qui blanchissent des fonds en leur faveur. Il y a beaucoup d'informations à ce propos sur Internet. Un bon résumé est présenté par la BBC : https://www.bbc.com/afrique/articles/cll7nmeev6eo.
Il faut ajouter ici l'attitude du gouvernement Netanyahou qui a depuis des années favorisé ces financements (et y a probablement contribué) en vue d'affaiblir le concurrent, le Fatah, favorable à la perspective de deux États en Palestine.
Tout cela a permis à une élite de commandement de vivre confortablement, en particulier au Qatar.
Mais ces sommes ont été fournies en principe pour entretenir des forces armées et des équipements militaires capables de maintenir une pression permanente sur Israël.
En
organisant et prenant la tête d'une grande attaque sur Israël comme
celle du 7 octobre, le Hamas savait que la réaction du gouvernement
israélien serait féroce.
Mais
en connaissait-il l’ampleur ? Y a-t-il eu des signes donnés
par ce gouvernement lui faisant croire qu’elle serait limitée ?
Rien n’est impossible, puisque l’appui de Netanyahou au Hamas est
une réalité existant depuis longtemps et que la fourberie du
personnage est légendaire.
Mais indépendamment de cette éventualité qu’a eu à gagner le Hamas dans l’opération du 7 octobre, en particulier du point de vue de son financement ?
Certes il a perdu, du moins pour un bon moment, les revenus qu’il extrayait de l’exploitation de l’économie du territoire Gazaoui. Mais il a acquis un prestige et un ascendant de premier ordre dans le monde musulman comme l’héroïque protagoniste de la plus grande attaque menée contre l’ennemi absolu, aussi redouté que détesté, Israël.
De ce fait il peut prétendre à continuer de recevoir un substantiel financement de la part des gouvernements et institutions qui l’ont soutenu depuis sa fondation.
En tout cas, on peut imaginer que l’ascendant qu’il allait acquérir suite à cette attaque ait été une puissante motivation pour préparer, coordonner et entreprendre l’action du 7 octobre.
Il en est de même quant à sa soif de pouvoir. Même s’il ressort fortement affaibli numériquement, organisationnellement, de cette opération, son autorité sur la nébuleuse anti-sioniste, sur l’ensemble des États et organisations qui prétendent combattre Israël, peut en résulter agrandie, majorée. Ici encore, on peut éventuellement concevoir qu’il y ait aussi trouvé une motivation.
La population palestinienne pourrait en vouloir au Hamas d’avoir pris une initiative dont elle a payé si chèrement les conséquences. Mais l’horreur de l’intervention israélienne aura été telle qu’elle risque fort de faire passer pour secondaire, sinon pour héroïque la folle et suicidaire tentative du Hamas.
Le journal israélien de « gauche » Haaretz fait déjà état de la prétention du Hamas à se présenter désormais comme LE VRAI mouvement de libération de tous les palestiniens. Il essaie d’asseoir un nouveau prestige grâce aux dizaines de milliers de cadavres que son intervention a provoqué.
Avant de conclure, je voudrais formuler une petite précision quant au concept de "stupidité humaine" employé par Einstein.
Dans la traduction de cet aphorisme en français on trouve généralement le terme de "bêtise" au lieu de "stupidité". Mais ce n’est le cas ni en anglais, ni en espagnol, ni en italien... On peut parler de "bêtises" pour certains gestes d’enfants. Mais le terme me semble bien inapproprié pour qualifier Verdun, Stalingrad, Hiroshima… ou Gaza.
Certains, en particulier des "marxistes" superficiels, pourraient être surpris par le recours à un concept comme "stupidité humaine" pour rendre compte des motivations conduisant à la guerre, au lieu de parler des raisons économiques, sociales, géostratégiques, religieuses, culturelles, etc. Mais l’un n’exclut pas l’autre. Ce n’est qu’un aspect de la réalité mais qui n’en est pas moins agissant et explicatif.
La stupidité peut recouvrir plusieurs "manques". Les définitions de ce terme citent en général le manque d’intelligence, d'esprit, de conscience, de bon sens, de raison, de capacité à apprendre... Tous ces manques sont réels et tous aboutissent obligatoirement à des résultats négatifs, d’une façon ou d’une autre. Dans le cas de l’humanité l’infinité de la stupidité, du moins potentiellement peut être schématisée par ce constat, scientifiquement indiscutable, que le biologiste français Jacques Testart résumait brillamment en ces termes : "L’homme est surtout cette bête capable d’annihiler sa vie et celle de toutes les autres, sans même l’avoir choisi."
On peut s’interroger sur comment on en est arrivé à une telle absurdité. On peut rester convaincu que l’humanité parviendra un jour à se donner les moyens de CHOISIR un autre sort. Mais le constat d’une cumulation infinie de stupidités est irréfragable.
1. http://raoul.victor.free.fr/240810_GAZA_fra.pdf
Raoul Victor
3 novembre 2024
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