Ching Shih, capitaine pirateNée en 1784, elle est prostituée à Canton quand elle se fait capturer par des pirates. Elle se marie avec l'un d'entre eux, Cheng I, pirate renommé descendant d’une famille pratiquant la piraterie depuis des générations. A sa mort, sa veuve entreprend alors de consolider son pouvoir en s’assurant du soutien de sa belle-famille ainsi que des capitaines pirates qui lui étaient loyaux.
Pour unir la flotte, Ching Shih établit un code de lois sévère et strictement appliqué : sont punies par la mort désobéir aux ordres, voler les villages qui assistent les pirates, ne pas mettre le butin en commun ou violer une prisonnière. Appelée par les Britanniques "La Terreur de la Chine du Sud", elle a commandé l’une des flottes de pirates les plus puissantes de l’histoire ; si puissante qu’aucune marine n’a jamais pu la vaincre.
LES FEMMES DANS LA CHINE D’AUTREFOIS ET D’AUJOURD’HUI (Henri Simon)
Chaque fois que l’on parle de la Chine, quel que soit le domaine traité, il est nécessaire de rappeler quelques éléments qui permettent de relativiser ce que les médias, et parfois nous-mêmes, font d’événements ponctuels ou de détails, qui peuvent être intéressants ou symptomatiques mais pas forcément généralisables.
Tout d’abord, il faut considérer la dimension territoriale de la Chine (équivalente à celle de l’Europe ou des USA), celle de sa population (plus de 1,3 milliards d’habitants c'est-à-dire presque trois fois la population de toute l’Europe) et les grandes disparités qui en résultent tant dans l’évolution économique, dans celles des classes sociales et dans la vie sociale elle-même.
Outre ces disparités, ce qui frappe, c’est la rapidité de cette évolution dans la période récente ( on pourrait dire que dans les 50 dernières années en Chine le développement économique et ses conséquences sociales équivaut à celui mis presque deux siècles à évoluer en Europe). Ce qui fait qu’au-delà de ces mutations et de leur grande diversité, ce qu’on peut observer et analyser à un moment donné risque d’être bien dépassé, d'autant plus, lorsque l’on sait que les statistiques chinoise ne sont pas spécialement fiables
Au-delà et en raison de toutes ces considérations, parler de la situation de la femme dans la Chine d’aujourd’hui nécessite d’examiner une évolution historique en remontant dans un passé pas si lointain. Il en subsiste, inégalement, des éléments tenaces souvent masqués par les formes superficielles et limitées d’un modernisme économique et social.
Les traditions ancestrales.
Les traditions sont souvent profondément ancrées dans l’inconscient individuel et collectif et perdurent même si les structures économiques et sociales qui les justifiaient ont pratiquement disparu.
Je voudrais pour illustrer ce propos relater une expérience personnelle concernant le cas individuel d’une femme rencontrée en Chine en 1990. Elle avait vécu une expérience cruelle de la Révolution Culturelle, séparée alors de son mari et de son enfant en bas âge Ils avaient été envoyée, elle à l’autre bout de la Chine, et lui dans une île proche du continent. Ils ne s’étaient rejoints qu’à une date assez récente après une longue séparation. Lui, était devenu un responsable administratif local, vraisemblablement membre du Parti Communiste, dans une ville moyenne côtière dans le centre de la Chine proche de Shanghai. Elle, était professeur d’anglais dans le secondaire et avait fait un séjour d’une année en Grande-Bretagne comme étudiante. Elle avait tenu à m’accompagner dans un lieu de pèlerinage bouddhiste sur une île proche de la côte où je la vis se plier à tous les rites religieux et remercier le bouddha de lui avoir permis de retrouver son mari, une situation qui de toute évidence avait été l’œuvre du Parti et non des dieux.
Si l’on peut trouver dans des endroits reculés de la Chine, chez des minorités ethniques, des sortes de matriarcat primitif (par exemple chez les Na) (1), la morale de Confucius réglait le sort de la femme, du 13ème siècle jusqu’au début du XXième siècle : « L’homme est à la femme ce que le soleil est à la lune. Il dirige, elle suit et c’est ainsi que règne l’harmonie » (2) Ce qui se traduisait en pratique par les « trois obéissances » au père, au mari et au frère aîné du mari si elle était veuve. Dans toute cette période de soumission à un mâle, les tâches étaient réparties invariablement : l’homme à l’extérieur, le femme à l’intérieur mais accessoirement promue aide extérieure aux travaux des champs. Cette morale individuelle et sociale est remise en selle aujourd'hui dans un néo-confucianisme quasi officiel (3)
Cette soumission de la femme prit la forme dans les milieux élevés dans la hiérarchie sociale par la pratique des « pieds bandés » qui faisait de la femme un être quasiment infirme cloîtrée dans son intérieur, un quasi objet sous la dépendance de l’homme qui de plus pouvait se payer des concubines, notamment si la « première » ne lui donnait pas d’héritiers mâles.
Bien sûr cette pratique n’avait pas gagné les milieux populaires, pour la raison simple que la femme était en dehors de tâches proprement domestiques et familiales, « un bras » ayant une fonction économique. Elle était un accessoire mais nécessaire au travail de l’homme pas seulement dans les milieux paysans mais aussi artisans, marchands, bateliers, petits lettrés où l’on ne pouvait s’offrir une domesticité. Le femme devait accomplir des tâches parfois lourdes mais cela ne la dispensait nullement de l’assujettissement à l’élément masculin, principalement le mari dans ces derniers cas; Son importance économique se reflétait dans le fait que la naissance d’une fille était considérée dans les milieux paysans comme une sorte de perte car un jour elle devrait quitter le foyer et « enrichir » une autre famille alors que le fils introduirait un jour un « bras » supplémentaire. Un dicton populaire chinois précisait que "Mieux vaut un fils handicapé que huit filles en bonne santé."
Dans tous les cas, la femme était exclue de la vie politique et de toute possession. Elle- même était ainsi une possession. Toute jeune elle faisait l’objet d’une promesse de mariage où les entremetteuses jouaient un grand rôle, avec remise d’une dot. Le tout était étroitement réglementé par un ensemble de rites dont le non-respect entraînait opprobre social et règlements de comptes. Le but du mariage, outre, dans les milieux non bourgeois l’apport d’un « bras », était d’assurer par la naissance d’un garçon, héritier mâle qui assurerait la pérennité de la famille, l’entretien des vieux et le culte des ancêtres selon également un rituel strict. Si la femme ne pouvait apporter d’héritier mâle, ce sont les concubines qui s’en chargeaient éventuellement ou même, dans les familles bourgeoises, la domesticité féminine (le garçon né dans ces conditions n’est pas considéré comme un bâtard et sa mère élevée alors au rang de concubine)(4) Dans l’entre deux guerres, il était encore de pratique courante d’acheter dès l’âge de 7 ou 8 ans des filles des milieux pauvres pour en faire des domestiques, parfois des concubines mais qui pouvaient tout autant être revendues comme de véritables esclaves ( un état qui pouvait aussi concerner les domestiques hommes). Nous verrons plus loin qu’aujourd’hui par l’effet pervers de ces coutumes et de la réglementation des naissances, cette pratique de la vente des filles resurgit. (5). En 1981 la Fédération des femmes mandata officiellement une commission d'enquête sur ce trafic persistant.
Les révoltes des femmes et les luttes pour leur émancipation
Le rôle parfois joué par les femmes dans certaines des grandes révoltes qui ont ponctué l’histoire de la Chine moderne montre à quel point la condition de la femme était contraignante. Lors de la révolte des Taïping (1850-1864) à côté d’une armée de 600 000 hommes se forma une armée de 500 000 femmes : c’était une émancipation totale par rapport aux hommes mais marquée par une morale très stricte et une ségrégation des sexes.(6)
La révolte des Boxers en 1900 (7) vit une importante participation des femmes, mais dans des conditions très différentes que l’on retrouvera dans le début de la révolution bourgeoise en Chine avec la proclamation de la République par Sun Yat Sen en 1912 (8). Pour une période très brève on pouvait penser qu’un effort d’émancipation se poursuivrait, touchant la condition de la femme chinoise. Les femmes ne sont pas seulement des auxiliaires mais on les rencontre aussi, assimilées aux hommes dans une « Armée Nationale féminine » et même un « Corps des femmes pour l’assassinat » (9) Un mouvement de féminisation se développa dès 1912 lors de l'instauration de la République, mais la constitution provisoire ne mentionnera même pas l'égalité des sexes. Les brigades féminines de guerre, jugées trop dangereuses sont dissoutes par le gouvernement provisoire et elles femmes en sont réduites à militer dans un « Mouvement pour les droits des femmes ». Certaines femmes chinoises, des intellectuelles, viendront même en France avec des "étudiants ouvriers" pour étudier la démocratie occidentale. Mais rapidement dès 1913 s’ouvrit une période de troubles et de guerres, de rivalités entre les puissances occidentales colonisatrices,puis de l’invasion japonaise et des affrontements entre les chefs de guerre dans une Chine plongée dans un chaos qui ne se termina qu’avec l’avènement du maoïsme en 1949. Après quelques actions spectaculaires le mouvement féministe se poursuit difficilement dans ce chaos de lutes politiques, militaires et de répression (10). Le Kuo Min Tang aurait compté dans ses groupes féministes jusqu'à un million et demi de membres alors que le Parti Communiste n'en aurait compté que 300 000 (11)
Les femmes furent sans aucun doute des victimes toutes désignées dans cette longue période de troubles. Mais le faible courant d’émancipation qu’avait soulevé la fin de l’empire se poursuivait souterrainement. Le changement qui s’amorçait dans la condition de la femme était double. D’un côté, les femmes de la bourgeoisie étaient attirées par la condition des femmes occidentales qu’elles pouvaient tenter de mettre en pratique mais aussi d’idéaliser sous la forme d’une propagande féministe. D’un autre côté, le développement d’industries notamment textiles dans certains grands centres urbains attirait beaucoup d’ouvrières venant des campagnes ce qui modifiait leur condition mais il était difficile de parler d’émancipation tant elles pouvaient être exploitées C’était néanmoins une mutation par rapport aux structures de la société paysanne toujours dominée par les relations familiales traditionnelles.
L’émancipation des femmes de la bourgeoisie utilisait les canaux de la domination coloniale, européenne et japonaise et tentaient de promouvoir par l’éducation l’affranchissement des carcans coutumiers et culturels ancestraux. Mais cela restait bien limité, à un milieu bien défini, celui de la bourgeoisie chinoise. Si lors de l’établissement de la République, un Code de la femme est promulgué : il maintenait, avec des aménagements, le rôle traditionnel du père et de la mère dans la famille. Dans les 40 années de la période troublée qui suivit, il n’eut que bien peu d’influence sur la condition féminine. .A l’époque, dans la foulée de l’occidentalisation dont s’imprègne principalement la classe bourgeoise et les rares intellectuelles , on voit dans les villes in foisonnement d’organisations féministes impulsées par des femmes de la bourgeoisie évoluée qui ne sont d’ailleurs pas exemptes de contradictions. Par exemple, on cite en 1937, le cas de filles de familles bourgeoises qui fréquentent des écoles occidentales alors qu’à la maison elles sont servies par des fillettes achetées comme esclaves domestiques ( dans la Chine de 1937, il y aurait ainsi 2 millions d’adolescents domestiques dans une telle situation)(12)
Le début d’industrialisation de la Chine par les puissances coloniales allait dans certains secteurs, particulièrement l’industrie textile, faire sortir des campagnes et de leur condition traditionnelle, une autre partie des femmes, quoique d’une manière limitée, vu l’importante toute relative de cette industrialisation. En 1930, 28 villes chinoises virent le développement de l’industrie textile qui employait alors 374 000 femmes contre 337 000 hommes. Ce sont des migrantes avant la lettre, déjà parquées dans des dortoirs. Une filature de Shanghai exploitait alors 29 000 ouvrières (dont 3 000 enfants) sur 62 000 travailleurs. Leur salaire était la moitié ou les 2/3 de celui des hommes et les grèves d’ouvrières ne sont pas une exception. (13)
Inévitablement à la fois dans les milieux bourgeois et dans ces milieux ouvriers, bien que d’une manière bien différentes pénètrent les mœurs et les modes de vie occidentaux tant dans les apparences notamment vestimentaires que dans les relations sociales. Lors de la répression féroce qui accompagna l’écrasement de la Commune de Canton en 1927(14), 2 à 300 femmes furent arrêtées lors d’une chasse aux « cheveux courts » considérés comme la marque d’une « activité révolutionnaire ». Mais,la reprise en mains par le Kuo Min Tang ramène tout au moins quant aux apparences et aux propagandes émancipatrices, la femme dans son rôle traditionnel en décidant que « les revendications des femmes sont un facteur de désordre »
L’irruption du maoïsme
La conquête de la Chine sous la domination militaire et idéologique du clan maoïste du Parti Communiste Chinois marque-t-elle une réelle émancipation des femmes de leur condition ancestrale ?
Pour comprendre l’attitude du Parti Communiste chinois à l’égard des femmes, il faut remonter à la création du Parti Communiste Chinois en 1921. Bien des militantes du Mouvement pour les Droits des femmes rejoignent alors la Parti. Sur ordre de Moscou un département "femmes" y est créé et une rubrique féminine a sa place dans les organes du Parti (15). Les ralliées subordonnent la cause de la femme à la cause de la révolution qui résoudra ipso facto tous les problèmes y compris ceux des femmes. Quatre femmes font partie du Comité Central du Parti en 1927, mais une seule en 1949. Lorsqu’en 1935, Mao s'écarte de Moscou en instaurant sa conception de la révolution socialiste par la paysannerie, c'est plus que jamais cette conception qui prévaut. Sur le papier, le Parti peut reconnaître les revendications d’émancipation des femmes mais traduire cela dans les faits gênerait cette implantation dans les campagnes : « En ce qui concerne le système coutumier, les superstitions et l’inégalité entre l’homme et la femme au sein de la famille disparaîtront d’elles-mêmes avec la victoire dans les domaines politique et économique ». Les paysans forment encore à cette époque près de 90% de la population chinoise : dans ce nombre, 70% ont une femme ‘achetée » et des dettes contractées à cet effet. (16). De fait les positions du Parti sur cette question des femmes seront un louvoiement perpétuel. En 1943, le Comité Central du Parti se prononce sur le sujet en toute ambiguïté:" Il faut encourager les femmes à changer les vieilles coutumes comme le bandage des pieds ou les négligences de sons physiques qui nuisent à la santé et affectent le travail...Il fau que ce soit les paysans eux-mêmes qui renversent les idoles" (17)
Dans le Parti Communiste et dans les activités du parti le rôle des femmes est négligeable sauf peut-être pour le « repos du guerrier ». En fait elles ne sont pas « reconnues » Lors de la Longue Marche (18) qui comptera jusqu’à 100 000 hommes, il n’y a que 50 femmes et 30 survivront à cette terrible épreuve.
Le 1er octobre 1949, Mao proclame à Beijing la République Populaire de Chine. Un des slogans d’alors c’est « Les femmes peuvent porter l’autre moitié du ciel » (19). Une des premières lois votée par le nouveau régime est une loi matrimoniale qui interdit la vente des épouse et concubines, les pieds bandés légalise le divorce, chasse la prostitution et « organise » les femmes dans une Fédération Nationale des Femmes. On proclame l'égalité absolue des hommes et des femmes mais à ce moment 69 femmes (10% du total des membres) participent à la Conférence Consultative du Peuple Chinois
Mais de nombreuses contradictions donnent la portée réelle de ces dispositions légales. En théorie, l’installation en 1956 de la collectivisation forcée dans les campagnes avec les communes populaires libère la femme des travaux domestiques en instituant l’égalité absolue des sexes dans les activités de la commune. Mais c’est pour y substituer, en toute égalité, la soumission absolue au parti. Dans les villes, cette soumission passe par les comités de quartier composées de femmes chargées de dépister les ennemis du régime mais elles sont cantonnées dans ces tâches d’espionnage et de suggestions ; les autres échelons du parti comportent bien peu de femmes.
On peut penser que les femmes eurent particulièrement à souffrir lors de la folie maoïste du "Grand Bond en Avant" ( 20) qui voulait que les communes populaires se consacrent à une industrialisation de base( 1959-1961) et qui fit de 40 à 60 millions de morts - de famine principalement.
L’indifférenciation sexuelle entre sujets de l’Etat et du Parti supprime et réprime toute manifestation de subjectivité de la femme : elle s’exprime dans le fameux costume bleu mao imposé indifféremment à tous mais ce n’est pas seulement un symbole, toute infraction vestimentaire ou attraction sentimentale est considérée comme une déviation à la règle du parti. L'asexualisation se traduit dans le vocabulaire par un mot unique - gongren- travailleur homme ou femme et tongzhi - camarade - homme ou femme (21) Cela atteindra un paroxysme lors de la Révolution Culturelle ( 1966 – 1978) (22) où tout devint asexué avec la chasse aux vêtements occidentaux et un retour strict à l’uniforme unisexe, au puritanisme, l’amour étant classé alors comme marque d’une « étroitesse d’esprit ». Au moment de la Révolution Culturelle, le divorce est strictement défini:"Le choix du mari et de la femme étant libre et dans l'absence de querelles sur la propriété, il n'y a pas de motifs de divorce sérieux qu'une discussion avec les camarades ne puisse régler" (23)
Mise à l'écart à partir à partir de 1966, la Fédération des Femmes liée au Parti est remise en selle en 1979 sous l'impulsion d'une universitaire Li Xinojangqi cherche à promouvoir plus de considération et plus de place pour les femmes. Mais cette réaction officielle avance pour les femmes, dans un relent de confucianisme, la théorie des "quatre soi" : se respecter, s’estimer, rester maître de soi et travailleur à s'améliorer. (24) La décollectivisation par l'éclatement des communes populaires dans les années 1970 marqua, avec une forme d’appropriation individuelle de la terre, un retour à la culture patriarcale, patrilocale et patrilinéaire La femme cessait d'être "asexuée" pour retourner dans les mêmes formes de domination masculine, mais les ruptures antérieures faisaient que ce retour ne signifiait pas un rétablissement identique à l'ordre ancien (25)
Le rôle de la femme comme reproductrice
Sur ce point, les thèses du Parti seront mal définies et donneront lieu à des débats au sein de ses organismes dirigeants ; Mao est pour le lapinisme intégral : dans le conflit qui s’annonce avec les USA, plus il y aura de petits chinois, plus il en survivra d’une guerre atomique ; plus il y aura d’habitants, plus le pays sera puissants. Ces absurdités failliront coûter cher à la Chine dont la population va connaître un énorme saut et des problèmes de subsistance ; ces problèmes se prolongent jusqu’à maintenant avec les descendants de ce « bond en avant » démographique et la masse de « migrants » qui ne peuvent être absorbés par le développement économiques. Les successeurs de Mao auront une vision plus réaliste mais tout autant bureaucratique avec la politique de l’enfant unique appliquée avec rigueur depuis les années 70. Le taux des enfants par femme passera de 5,8 en 1970 à 1,8 en 2006 (26)
Mais cette logique bureaucratique aura des effets pervers ; Même avec des aménagements (notamment pour les minorités ethniques très minoritaires et en général localisées aux marges frontalières et pour les paysans) , ce contrôle des naissances très spécifique va devenir un instrument de contrôle supplémentaire sur les femmes (les femmes des comités de quartiers y joueront un rôle particulièrement répressif notamment par des contraintes à l’avortement), renforçant la domination locale du parti et sa corruption. Dans les années 1980, le contrôle de la natalité reposait sur des armes entre els mains des autorités locales: la persuasion par l'insistance des cadres du parti,la coercition par des visites surprises dans les foyers redoutées des femmes,l'avortement forcé et les amendes pour naissance illégale.( 27).L’application stricte de ce « contrôle des naissances » particulier a donné lieu encore tout récemment à une émeute dans une région paysanne ( mai 2007) (28 ) Pour avoir dénoncé la politique de stérilisation et les agissements de la police locale, un avocat a été en août 2006 condamné à 4 ans trois mois de prison (29)
Il semble pourtant que des tolérances locales de plus en plus nombreuses assouplissent quelque peu les rigueurs de cette politique anti nataliste. En 2004, la commission de planification des naissances de Shanghai a supprimé les amendes pour le 2ème enfant. On peut penser que cet assouplissement tout comme la semi légalisation des migrants est la conséquence de pressions économiques et sociales. (30)
Mais le plus pervers fut le conflit entre cette mesure motivée par des raisons économiques évidentes plus ou moins rationnelles et ce qui, malgré l’endoctrinement du parti, subsistait dans tous les milieux sociaux des croyances ancestrales du privilège du garçon par rapport aux filles. L’enfant unique devait être avant tout un garçon, des pratiques, qui préexistaient déjà à ces nouvelles mesures se sont développées pour sinon l’élimination par infanticide des femmes à la naissance, sinon leur non - déclaration, sans compter l’essor des pratiques de corruption des autorités locales du parti pour qu’ils ferment les yeux. L’expansion de l’échographie a connu un tel développement accompagné d’avortement de la future fille qu’elle a dû être interdite à cet effet en 1996, ce qui a fait croître un commerce clandestin de l’échographie. Il est difficile de situer l'ampleur du problème de l'élimination des filles en raison précisément qu'il s'agit de pratiques illégales. Il y aurait ainsi chaque année 9 millions de naissances illégales dont 90% en milieu rural; elles seraient évaluées entre 5% et 33% du total des naissances selon une source, entre 12% et 33% selon une autre source et seraient essentiellement des filles (31) L’effet cumulé de ces mesures liées également avec la génération du baby-boom des premières années Mao qui peu à peu arrive à la retraite ( 32 ) est que, d’une part, le nombre de femmes en âge de procréer est très inférieur au nombre d’hommes (il naîtrait encore aujourd’hui près de 120 hommes pour moins de 100 femmes, jusqu’à 125 dans certaines régions, la norme biologique étant de 105 garçons pour 100 filles) et qu’il y a de moins en moins d’actifs pour un nombre croissant de retraités inactifs. Les autorités estiment qu’en 2020 30 millions d’hommes – les plus pauvres et/ou les moins instruits- ne trouveront pas de femmes, Déjà, en 2001 , le déficit de filles représentait10% de la population féminine (33)
.
Sans doute s’éloigne-t-on de l’adage traditionnel qui affirmait « Elever une fille c’est cultiver le champ d’un autre ». Mais seulement peu à peu. En témoigne la tendance persistante à l’élimination des filles (avortement, infanticide, mortalité supérieure par manque de soins). . Il est difficile également d'évaluer les avortements de filles qui se compteraient par millions En 1980, un quart des naissances de filles n’était pas déclaré et, preuve que ces pratiques n’avaient pas disparu, l’amnistie dans le Shandong pour cette non déclaration qui « régularise » 70 000 « naissances » inexistantes, et une campagne officielle lancée en 2001 sur le thème « Plus de considération pour les filles ». A la même époque est promulguée une loi qui facilite le divorce mais ce sont massivement des femmes qui s’en prévalent ce qui montre que leur position dans le couple, quelle que soit la forme qu’ait prise le mariage, ne leur est pas favorable (34)
Dès maintenant, il manquerait 110 millions de femmes et I/4 des hommes ne peuvent que difficilement trouver de compagnes En 1982,9% des hommes de 31 à n34 ans n'étaient pas mariés contre seulement 1% des femmes du même âge; en2004 ces taux étaient respectivement de 25% pour les hommes et toujours de 1% pour les femmes. (35)Le surnombre d’hommes et le manque de femmes jeunes a fait développer un « marché noir » de femmes qui va de la vente directe comme autrefois au kidnapping pour « justes noces » et à la prostitution : quelques chinois se sont même fait une spécialité dans la recherche des femmes enlevées pour être vendues à un mari.
Il y a 13 ans, Hibiscus a été enlevée à 18 ans dans son village reculé et vendue 350 euros à un paysan qui l’a ensuite revendue à un autre paysan (dans ce nouveau village, trois femmes one été aussi achetées). Elle a eu un enfant et est particulièrement maltraitée à un tell point qu’elle cherche à retourner chez elle et réussit à avoir un contact avec sa mère/ En mai 2006, cette dernière, devant son impuissance à récupérer sa fille, fait intervenir un avocat qui s’est spécialisé dans la recherche des « filles vendues ». Après des péripéties dignes d’un western, avocat en mère réussissent à ramener Hibiscus à son village, ayant déjoué la violence du clan du père et les complicités policières locales ; mais le père a réussi à garder l’enfant. On estime que, encore aujourd’hui chaque année, entre 30 000 et 100 000 femmes sont ainsi vendues soit par leur propre famille soit par enlèvements.( hors les réseaux de prostitution) (36)
Un autre phénomène quoique de dimension réduite peut attester de la pression globale contre cette politique de l’enfant unique. Le statut particulier de Hong Kong (bien que rattaché à la Chine) garantit la résidence dans ce territoire aux femmes chinoises qui parviennent à y accoucher ; ce droit de résidence permet notamment d’échapper à la loi de l’enfant unique qui ne s’applique pas à Hong Kong. Cette situation fait qu’en 2006, 38 % des naissances ne viennent pas d’un père Hong Kongais et concernent des Chinoises de l’intérieur (37)
L’évolution de la condition de la femme dans le « socialisme de marché »
L’essor économique de la Chine surtout dans son développement industriel a eu un double effet, qui est en quelque sorte le prolongement de ce qu’on pouvait voir s’amorcer dans l’entre deux guerres. D’un côté une prolétarisation de la femme passant du secteur agricole au secteur industriel (de la dure condition d’auxiliaire du travail agricole prisonnière des coutumes ancestrales à la dure exploitation de l’usine), de l’autre le développement d’une bourgeoisie chez laquelle la femme « émancipée » est traitée avec les traits parfois contradictoires des sociétés occidentales.
Un des traits essentiels de l’évolution des 50 dernières années est l’entrée en masse des femmes dans le travail salarié industriel. On a vu que déjà avant le seconde guerre mondiale la femme pouvait être exploitée – principalement dans le textile – dans des conditions similaires à celles du 19 ème siècle en Europe, mais la principale caractéristique de la période récente est la rapidité de cette intégration dans l’économie non agricole. En Europe, cette intégration a mis plus d’un siècle à se mettre en place, les guerres jouant un rôle important dans la nécessité de remplacer les hommes dans les usines. La Chine, pour faire face à une accumulation primitive rapide avait besoin de bras et pouvait puiser, hommes et femmes dans l’énorme réservoir de la population paysanne, qui pour une part voyait dans le passage de la pauvre ferme à l’usine (alors avec les avantages de l’unité de travail) une ascension sociale. Les chiffres suivants montrent la rapidité de cette intégration des femmes dans le secteur industriel :
Année effectif de femmes dans l’industrie pourcentage de la force de travail total
1949 600 000 7,60 %
1978 31 millions 33%
2004 330 millions 41,7 %
2007 46%
Il est bien évident que cette évolution avait des conséquences sur la condition de la femme et sur sa place dans le cercle familial. Bien que souvent, sa condition de « migrante » résulte de l’assujettissement aux contraintes ancestrales (la promotion du garçon) la fait de « sortir de sa campagne » pour aller à la ville, si dure que soit sa condition d’ouvrière et le peu de loisirs que lui laisse cette servitude entraîne un brassage et des contacts avec un autre monde. De plus, le fait de devoir s’expatrier ainsi pour subvenir à certaines nécessités de la famille lui donne un certain pouvoir dans les relations familiales, alors même qu’elle puisse avoir un certain ressentiment quant aux sacrifices auxquels elle a dû consentir pour se plier à la tradition. Comme pour l’ensemble de la population chinoise, les personnes âgées et plus particulièrement les femmes, si on ne peut avoir le soutien d'un enfant (plus spécialement d'un fils) doivent travailler aussi longtemps que possible pour survivre; 80% des personnes âgées dépendent ainsi pour subvenir à leurs besoins de l'aide d'un enfant. (38)
Une contradiction du même ordre peut aussi se voir pour le femme du mari qui a dû « migrer » pour compléter le maigre revenu de la terre (il y a un siècle le développement capitaliste a connu en France par exemple nombre de ces ouvriers-paysans). La femme, restée au foyer doit assumer, seule ou sous contrôle des parents du mari, le travail de la terre et la gestion domestique : dans le cadre des structures familiales traditionnelles, cela change quelque peu sa condition dans le sens d’une plus grande indépendance. Pour apprécier la dimension de cet ensemble de problèmes pour la femme, on doit considérer qu’encore aujourd’hui, près de la moitié de la population vit encore dans des zones rurales
Si on peut, sous toutes réserves, généraliser la condition de la femme dans les milieux populaires ouvriers ou paysans dans ces dernières années, cette condition peut se résumer ainsi
-: participation réduite à la vie politique qui reste un domaine masculin
- contrainte d’habitation dans la famille du mari (elle n’a d’ailleurs pas les mêmes droits que les hommes dans les successions)
- cumul du travail salarié ou paysan avec le travail domestique
- même sur le plan économique une discrimination pas tant dans les emplois occupés et dans les salaires mais dans certaines circonstances, par exemple lors de la restructuration des entreprises d’Etat les premiers licenciés étaient les femmes.
- inégalité dans l’éducation, priorité étant donné au garçon quant aux études qui, vu leur coût, présentement obligent à des choix en présence de plusieurs enfants. Les exemples abondent où la fille même douée doit interrompre ses études pour devenir « migrante » pour payer les études du garçon.
- Rejet de la famille d’adoption par mariage si elle n’a pas d’enfants mâles
- Bien des femmes intériorisent cette situation dans un complexe d’infériorité même si le travail à l’extérieur de la campagne, ce qui, malgré les sollicitations et les contradictions que nous avons relevées, rend plus complexe et plus lent un processus d’émancipation.
Ainsi, en dépit des proclamations sur les grandes réalisations de la Chine quant à l’égalité sexuelle, la plupart des hommes, y compris dans les situations que nous venons de décrire regardaient les femmes comme de simples objets sexuels même dans des ouvrages défendant ouvertement la cause des femmes. Plus on monte dans la hiérarchie administrative plus la présence des femmes est réduite passant de une femme pour huit hommes dans les échelons les plus bas à une femme pour 25 hommes dans les échelons élevés. L'Assemblée Populaire Nationale qui intronise les dirigeants du Parti comptait 22% de femmes en 1998-2003<et 20% en 2003-2008. D’une certaine façon, on pourrait ajouter cette réflexion d’une féministe chinoise : « Si les femmes sont plus libres, cela signifie qu’elles sont plus susceptibles d’être exploitées » (39)
Mais tout cela n’est pas une situation fixe : l’essor économique de la Chine fait que les meurs et les habitudes changent, peut être inégalement et lentement, mais elles changent, quelles que soient les façons dont ce changement chemine (brassages, travail, migrations, même la télé malgré son contrôle et son conformisme, expansion du portable et d’internet) dans ce qu’on pourrait appeler une « modernité ».Globalement, la situation de la femme reste quand même celle d’une inférieure qui a du mal à trouver sa place en tant qu’être humain à part entière. Si la domination du Parti dans la période d’accumulation primitive du « bol de riz en fer » (40) dans l’unité de travail l’enfermait dans les contraintes de cette domination, cela lui conférait néanmoins, pour les privilégiées qui y travaillaient, une sécurité d’emploi et de vie. L’ouverture économique dans un capitalisme privé et non plus seulement d’Etat et le démantèlement de ces unités de travail, tout comme le démantèlement des collectivités rurales ont entraîné une certaine dégradation des conditions matérielles de vie et dans certains domaines une régression .notamment pour les femmes. S’il est incontestable qu’en 1949 d’abord et paradoxalement dans les années 1990 suite à l’ouverture de la Chine au capitalisme privé, la situation de la femme chinoise, globalement et bien que de manières différentes, s’est améliorée, on constate, depuis ces dernières années une détérioration des conditions de vie qui touche plus particulièrement les femmes. Ceci, en dépit d’une élévation moyenne générale du niveau de vie, une amélioration des ressources des paysans et une certaine amélioration des salaries en raison de la concurrence des différents secteurs de production. L’approfondissement du fossé entre riches et pauvres, s’il favorise les femmes des classes moyennes signifie sans aucun doute pour les femmes des secteurs les plus pauvres un durcissement de leur condition de femme.
Cela est particulièrement visible quant à l’accès à l’éducation. En 1990, si 85% des femmes de plus de 60 ans n’avaient jamais fréquenté l’école, la plus grande partie des enfants étaient scolarisés ; bien sûr, à cette époque l’accès à des études secondaires et supérieures dépendaient de l’opinion que la Parti avait de vous ou de privilèges réservés à ses membres (il serait trop long à ce sujet de parler des ravages de la Révolution Culturelle dans ce domaine)
Aujourd’hui, le coût des études a été multiplié par 10 de 1990 à 1997 et on constate une chute de la scolarisation, notamment chez les filles. Elles forment 83% de ceux qui quittent l’école après les 9 ans de scolarité obligatoire, parmi les illettrés, la proportion de fille est plus de deux fois plus élevée que celle des garçons. Même si la situation d’ensemble est bien supérieure à ce qu’elle était avant 1949, elle a régressé depuis 1980. Nous avons vu que, devant ce problème de coût des études secondaires et supérieures, la fille était invariablement sacrifiée au garçon, elle devait souvent devenir « migrante » pour assurer les études du garçon. Dans ce domaine de l’éducation,37 % des filles sont retirées de l’école avant la fin de la scolarité primaire à cause de la pauvreté contre 26% des garçons ; En 2002, 1,1 % de la population entre dans l’enseignement supérieur et dans ce nombre, on trouve 45% de filles.
On pourrait multiplier de tels exemples quant au domaine de la santé, d’autres avantages sociaux comme la retraite, qui font que la condition de femme de la campagne, paysanne ou migrante, ou des classes défavorisées des villes non seulement se dégrade, mais est pris dans les tourments d’une économie peut être en plein essor mais surtout en pleine mutation. Les revenus moyens dans les campagnes sont quatre fois moins élevés que celui des habitants des villes (41) Il suffit de s'éloigner de 80 km de Pékin pour découvrir des familles qui voient la misère où un pantalon est partagé entre 5 à 6 personnes..."(42)
Les femmes des classes moyennes
Parler des classes moyennes en Chine suppose tenir compte des différentiations suivant les revenus et les signes extérieurs comme l'appartement et la voiture., ce qui n'est pas forcément une question de revenu mais de position sociale dans les différentes branches du système politique et économique, public ou privé.. Si les 20% plus riches de la population possèdent 48,50 % des ressources totales, il s'agit d'une classe très disparate. Elle se compose des nouveaux cols blancs (employés, techniciens, cadres), des gérants ou propriétaires de PME, d'entrepreneurs individuels. Leur position sociale se définit pas rapport au système politique; ces "riches" peuvent être "dans" le système c'est à dire appartenir à une unité de travail de l'Etat qui procure maints avantages dont le logement, les garanties maladie et retraite ou "hors" du système c'est à dire au secteur privé mais avec des relations privilégiés relationnels avec le système. (43).
Le fossé entre classes moyennes et prolétaires peut être mesuré par un exemple qui peut être observé partout en Chine. a Dongguan (Guandong près de Canton), de 1994 à 2004,les fonctionnaires municipaux ont vu leurs salaires augmenter de 340% ( de 8 000 yuan à 35 000 yuan par an alors que les salaires moyens n'ont augmenté que de 71% ( de 6 000 à 10 000yuans ce qui signifie pour ces derniers salariés un même pouvoir d'achat et même une régression pour certains; pour ces salariés le salaire ne couvre que la subsistance " 4 bols de nouilles frites à la sauce de soja par jour" et le voyage annuel dans le village d'origine.(44)
Les perspectives d'accession à cet état de classe moyenne exercent pour garçons et filles un tel attrait qu'une véritable pression s'exerce sur les milieux universitaires. En 2007, il a été délivré 5 millions de diplôme, 20% de plus qu'en 2006, cinq fois plus qu'en 1998 .Les conditions d'étude et les difficultés de cette compétition non seulement à obtenir un diplôme mais à y trouver un débouché ont entraîné même des manifestations et émeutes en 2006 et 2007 dans différentes villes notamment à Zhengzhou (Hunan) (45). Les plus favorisés sont comme partout ceux qui ont le plus de moyens, ce qui assure la reproduction de la classe moyenne " Si l'on en a les moyens, les enfants peuvent bénéficier d'une éducation dans des écoles pilotes où des méthodes sont des garanties de succès. Par contre, dans les écoles publiques où règne une discipline toute militaire, la compétition est féroce avec une réussite au mérite (46)
On évalue qu’il y aurait en Chine aujourd’hui entre 100 et 200 millions d’habitants appartenant à la classe moyenne. (cela représenterait entre 8 et 15% de la population totale).On prête aux dirigeants l’objectif de faire qu’il se constitue en 2020 une classe moyenne qui regrouperait 45% de la population. Le régime a dû abandonner sa politique de domination politique égalitaire et totalitaire en raison de son développement économique et de la domination des économistes (l’entrée des patrons dans les instances supérieurs du Parti en est un des signes visibles). Mais son affaiblissement idéologique doit être remplacé par le soutien de nouvelles couches sociales trouvant un intérêt personnel dans le développement économique La formation d’une classe moyenne produit de ce développement économique et quelque peu encouragée par les instances du Parti est à la fois cette base sociale et surtout un rempart contre les « classes dangereuses », les prolétaires.
La situation des femmes de cette classe moyenne est très contrastée car également traversée par les influences des sociétés occidentales, les possibilités de consommation qu’offre une certaine richesse, les sollicitations du marché qu’elles représentent (L’Oréal établi en Chine s’est lancée dans la promotion du rouge à lèvres avec l’ambition d’en vendre un seul tube à chaque femme de cette classe). Ce qui peut être dit de la condition de la femme des classes moyennes est d’autant plus vrai que l’on se trouve dans les grandes métropoles de la côte est et sud est de la Chine et doit être de plus en plus tempéré à mesure que l’on s’enfonce dans la Chine profonde et peut être cesse d’être vrai dans les régions pauvres du Centre et du Nord Ouest ou bien pour d’autres raisons dans les régions reculées des montagnes de l’Ouest Pour se faire une certaine idée de la différence des situations de ces femmes des classes moyennes que leur revenu annuel moyen est de 1 200 euros ( ce qui dans des villes comme Shanghai ou Beijing peut leur assurer un niveau de vie similaire à celui de pays occidentaux alors que le revenu moyen d’une femme des campagnes ( migrante ou pas) est de 400 euros et que dans les régions les plus pauvres, le niveau de vie se rapproche de celui de pays pauvres d’Afrique. De plus, 70 à 80% des femmes des classes moyennes des zones urbaines, résidentes pour la plupart, ont des garanties sociales (retraite, santé, maternité) contre 6 à 8% dans les zones rurales (en particulier les migrantes n’ont rien de cela)
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D’un côté, la femme, dans ce milieu peut afficher une certaine indépendance sinon l’avoir réellement si elle est dépendante du mari. Le divorce est devenu plus facile qui peut se trouver favorisé par la pénurie de femmes. Si elle travail elle doit, comme ses consoeurs ouvrières ou paysannes concilier leur vie professionnelle et leur obligations familiales et cela dans une société qui, même dans ce milieu reste profondément machiste. Si la sexualité n’est plus pour elles un objet tabou, la « modernité » a introduit, dans le prolongement de ce qu’elle pouvait être antan, une « femme objet » que développe certainement sa situation « d’objet recherché » en raison de sa rareté.
Si la dictature du Parti tendait à faire de la femme un objet asexué niant sa nature profonde de femme, la dictature du Marché, pour cette classe moyenne sous couvert de l’exalter, en fait une sorte de représentation objectivée. En 1980 l’écrivain Zhang Xian liang exprimait cette mutation future, faisant dire à un de ses personnages : » La Chine est un immense couvent. Elle ne pourra progresser que lorsqu’elle sera devenue un grand bordel ». S’il y avait du vrai dans l’évolution de la sexualité dans cette classe moyenne, le progrès dont il parlait n’était pas dû à l’évolution des moeurs mais à l’évolution économique elle-même. Dans les villes et pas seulement dans la classe moyenne, on pourrait résumer le rêve de vie par « tomber amoureux et profiter de la société de consommation ». Fin 2004,60% des foyers de Beijing sont des familles nucléaires et plus de la moitié des familles des villes se composent de trois personnes). L’âge du mariage recule et on rencontre dans les villes des familles monoparentales, des couples sans enfants, des familles recomposées et des célibataires par choix. ..."(47)
Si la politique de l’enfant unique continue ce n’est pas tant, dans cette classe moyenne pour satisfaire aux autorités mais par égoïsme, parce que cela prend du temps et coûte cher. Même dans ce milieu si favoriser le garçon reste une attitude fréquente, cette tendance semble présentement s’inverser : dans les villes modernes de la côte est le fait d’avoir une fille n’est plus considérée comme un tare mais devient même un snobisme (évolution peut être due à la pénurie de femmes). Dans ce milieu de classe moyenne, les parents s’investissent beaucoup dans la réussite scolaire de l’enfant, ceux des milieux aisés vont en pension, ceux avec moins de moyens les confient aux grands parents ne les prenant les uns et les autres que le week-end. A la limite, dans les campagnes, père et mère sont à la ville, pourvoyant aux frais scolaires et ne voyant leur progéniture qu’aux vacances
Il ne fait aucun doute que les comportements de la femme dans cette classe moyenne ne sont pas sans influence sur l’ensemble des femmes des autres classes sociales. Mais, parler réellement d’émancipation. pour cette classe moyenne et pour les autres copiant ce « modèle » serait oublier que cette « émancipation » oscille dans des contradictions. D’un côté l’argent facile développe la sexualité dans une certaine forme de pornographie alors que persiste dans ce domaine traditions et ignorance. D’un autre côté la persistance de préjugés sur les filles qui donne lieu à un cérémonial comme dans la célébration des mariages et dans la tendance à faire des filles des « épouses modèles ».La ville de Shanghai par exemple est considérée comme La Mecque des filles car le travail y est plus intellectuel et moins physique; La fille y est considérée économiquement "plus rentable" (48)
Deux exemples permettent d’illustrer la condition et le comportement des femmes des classes moyennes. Toues deux travaillent dans la région de Canton – Shenzhen (sud industriel côtier largement développé autour de Hong Kong). Ce qui les rassemble, c’est qu’elles sont nées à la fin des années 1970 ; elles n’ont pas connu ni des troubles politiques, ni des difficultés économiques. ; mais pourtant, elles se plaignent sans arrêt de leur condition car elles doivent travailler ce qui ne correspond pas à leur idéal de femmes nanti d’un mari très aisé.
Le père de l’une d’elles est un homme d’affaires. Elle gagne 300 euros par mois comme programmatrice dans une entreprise de téléphonie et se plaint du stress vu les conditions de travail. Elle a un ami qui ne convient pas aux parents car il n’aurait pas d’avenir et présentement peu de ressources. Depuis deux ans, elle cache cette relation aux parents.
L’autre est modéliste dans une entreprise de confection ; elle est plus prisée sur le marché du travail car elle possède une qualification acquise aux USA. En principe, elle gagne 500 euros par mois mais elle n’en reçoit que 300, les 200 restants ne lui étant payés que selon l’humeur du patron, c’est-à-dire de l’état de ses affaires. Au nouvel an chinois l’entreprise est fermée trois semaines car les salariés, tous des migrants regagnent leur famille ; eux touchent moins de 100 euros par mois. Elle aussi a un ami mais celui-ci est accepté par les parents mais il gagne moins qu’elle et doit subvenir à ses parents âgés. Elle se méfie de ses sentiments pour lui car elle espère un autre futur. (49)
Une étude récente sur des femmes scientifiques de Shanghai montre que leur engagement professionnel est restreint par leurs « obligations familiales » et le sexisme ambiant. ; Sur les 17 800 chercheurs, 32% sont des femmes mais moins de 15% sont dans les instances supérieures (sur 428 projets de recherche seulement 42 sont soutenus par des femmes). La plupart de ces femmes scientifiques sont mariées à des scientifiques. L’ambition des étudiantes en sciences n’est pas de faire carrière mais de trouver un mari riche. Pourtant c'est dans ce milieu des classes moyennes que l'on note un renversement de la situation à l'égard des filles et on peut penser que ce renversement gagnera l'ensemble de la société chinoise, surtout si cette classe moyenne s'accroît et si le développement de l'économie entraînera des mutations profondes parmi la population des campagnes
La vie de la femme dans les campagnes
Un témoignage relativement récent résumait ainsi ce qu’il avait expérimenté dans les campagnes reculées : « Nous avons vu une inimaginable pauvreté, des maux incroyables, des souffrances et des désespoirs, des résistances et des silences inimaginables »
La population rurale est encore estimée à 800 millions d’habitants c'est-à-dire que 58% de la population peut être considérée comme vivant de l’agriculture ou d’une activité locale à la campagne. Sur ce nombre, 13%, plus de 100 millions sont des « migrants », En 2005, le revenu moyen dans les campagnes s’élève à 595$ contre 1 900 dans les grandes villes soit trois fois plus (50)
La fin de la collectivisation et l’individualisation de l’exploitation (la propriété de la terre restant collective, seule son exploitation étant individuelle) dès la fin des années 70 a en fait favorisé la reconstitution de la cellule familiale. Cela pouvait marquer pour la femme le retour à une situation antérieure d’autant plus que la collectivisation n’avait pas fait disparaître toutes les séquelles du vieux système familial traditionnel. Mais la situation n’était pas identique à celle d’avant le maoïsme car, involontairement, le régime lui-même avait fait évoluer les rapports familiaux dans les campagnes, non par ses thèmes de propagande, mais par ses prévarications politiques et par son développement économique.
Les collectivisations avaient peut être nié la féminité de la femme, mais en la mettant l’égale de l’homme, elles avait quand même brisé quelque peu le modèle traditionnel ; la Révolution Culturelle, en expédiant les citadins dans les campagnes souvent lointaines avait, sans que ce soit le but recherché, entraîné cette mixité ville campagne et certainement apporté des ouvertures quant à la situation de la femme paysanne. Dans le même sens, plus récemment, comme nous l’avons déjà souligné, le nombre important de migrantes et de migrants, l’irruption des gadgets de la civilisation (TV, portables, internet), les activités commerciales complémentaire éventuelles font bouger les frontières des habitudes traditionnelles de la vie sociale dans les campagnes et entraînent des modifications dans les pratiques traditionnelles. Une autre question que l’on peut se poser au sujet de la situation des femmes des campagnes est l’incidence sur leur vie de famille et leur vie propre lors des dépossessions fréquentes des terres au profit de spéculations immobilières ou industrielles, source de conflits locaux violents (51)
Citons en seulement quelques uns :
- disparition de la famille élargie et développement de la famille nucléaire c'est-à-dire échappant à la tutelle des anciens. Mais aujourd’hui encore, souvent, la femme doit rejoindre d’une manière ou d’une autre la famille du mari.
- Disparition du mariage contraint bien que persiste la fonction de l’entremetteuse mais qui laisse un choix aux futurs dans la possibilité d’un refus
- Les parents travaillant souvent à l’extérieur, loin du village, les enfants sont confiés aux grands parents ; privés de leurs parents, la notion de famille traditionnelle tend à s’estomper
;
Un autre aspect de la situation globale nouvelle avec les possibilités de migrer pour les femmes tient à un phénomène que l’on peut observer dans toutes les migrations en général. Les femmes qui restent à la campagne sont les plus âgées, les moins instruites, celles ayant charge d’enfants et qui fournissent dans le foyer la main d’œuvre agricole, notamment si le mari étant lui-même un migrant. Elles doivent souvent accomplir un dur travail physique, non seulement le travail proprement agricole, mais aussi le conditionnement des produits pour la vente locale ( séchage, salaison, etc.…), parfois un travail à domicile pour des entreprises locales et bien sûr en plus le travail domestique et les soins des enfants. Elles n’ont pratiquement pas de repos, oeuvrant 7 jours sur 7 et trimant pratiquement deux fois plus que les hommes. ; De plus, souvent elle vit dans la famille du mari, à peine reconnue et parfois maltraitée par ses beaux-parents. Si des produits sont conditionnés par son travail elle n’en a pas le profit, la venté étant accaparée par le mari ou la belle famille. Si un travail est disponible dans les entreprises locales ; la préférence est donnée en général aux hommes mais cela peut changer avec le transfert de certaines industries qui migrent vers l’intérieur à la recherche de main d’œuvre meilleur marché que dans les centres côtiers existants
En 2003, 67% de l’emploi agricole est assuré par les femmes, presque uniquement du travail manuel soit dans la ferme familiale soit comme travailleuse agricole dans d’autres fermes ou dans des entreprises rurales. Pour tous ces travaux bien peu reçoivent les garanties, même minimales associées au travail salarié (retraite, assurance médicale, prestations maternité). La dureté de la vie dans les campagne, pour celles qui n’ont pas la possibilité d’en sortir est attestée par le nombre élevé de suicides dans les campagnes chinoises qui tient dans ce domaine un triste record, la Chine étant le seul pays au monde où 25% de plus de femmes (surtout les jeunes) se suicident que les hommes et où le taux de suicide est trois fois plus élevé dans les campagnes que dans les villes.
Il serait bien long d'énumérer en détail les disparités (d’ailleurs inégales suivant les provinces) entre les campagnes et les villes (nous avons déjà évoqué le fit que dans les villes, la moyenne des revenus est 4 fois plus élevée que la moyenne des revenus des campagnes). Un seul point permet de mesurer cette inégalité campagne/ville:en 2002, pour 4 enfants scolarisés dans les villes on en compte trois à la campagne; il y aurait plus de 1 million d'enfants ruraux qui ne peuvent avoir accès à l'enseignement primaire; les enfants des villes ont trois fois plus de chances d'accéder à l'enseignement supérieur (52)
La condition des femmes dans le travail salarié
Avant de voir quelle est la condition de l’ouvrière dans la Chine d’aujourd’hui, il est utile de rappeler que sur le papier, les travailleurs peuvent jouir d’un code du travail qui serait au même niveau que ceux des pays capitalistes occidentaux. . Le principal problème à ce sujet est que ce code n’est pratiquement jamais respecté, son application éventuelle étant laissé à l’arbitraire le plus total des chefs d’entreprise généralement appuyés par les autorités locales (souvent, ce sont les mêmes, les responsables du Parti ayant troqué le costume de bureaucrate en celui d’homme d’affaires) et que, pour ce faire, ils bénéficient du soutien du seul syndicat autorisé l’ACFTU (53). Il découle de cette situation que souvent, dans les luttes, c’est l’application de ce Code du Travail qui est revendiqué.
Depuis la fin des années 70 leur condition de travailleuses a, pour celles qui travaillaient dans les unités de travail, considérablement changé. Il est difficile de dire si celles qui étaient exploitées hors de ces unités étaient exploitées dans des conditions similaires à celles que l’on peut voir aujourd’hui. Nous avons déjà expliqué que celles qui avaient la garantie du « bol de riz en fer » avaient peut être des salaires bas et égalitaires, aucune mobilité et la domination constante du Parti, mais trouvaient dans cette organisation industrielle garantie d’emploi et sécurité jusqu’à la mort à la fois pour elles et pour leur famille.
Les réformes économiques des années 80 ont pratiquement balayé tout cela pour l’ensemble des travailleurs. Le démantèlement des entreprises d’Etat par privatisation ou restructuration après 1995 a entraîné des licenciements massifs (les femmes étant dans les premières fournées avec par exemple des mises à la retraite forcées à 35-40 ans avec une retraite réduite) et une liberté totale d’exploitation (en 1997, 39% de la force de travail chinoise est ainsi « restructurée ».et 61% de ces licenciés perdent tous les avantages liés à l’unité de travail). Un exemple de cette discrimination a été donné en 2005 par une compagnie pétrolière China Northeast Oil, filiale de la compagnie nationale China National Petroleum . En 2000, cette firme a licencié 30 000 travailleurs âgés de 20 à 55 ans avec indemnisation suivant l’ancienneté. La même firme restructurée réembauche en 2005 ses anciens travailleurs, s’il s’agit d’un couple, seulement le mari, s’il y a eu divorce la femme peut l’être à temps partiel, le tout avec des salaires diminué (l’effet pervers de cette mesure, trop annoncée à l’avance fut une avalanche de demande en divorce de couples ayant travaillé dans l’entreprise si importante que les textes furent remaniés pour introduire un délai entre le divorce et la demande de réembauche.
Aujourd’hui tous secteurs confondus, deux femmes sur trois travaillent ; elles occupent 50% des emplois dans l’agriculture, 33% dans l’industrie, 50% dans le commerce, 30% dans les bureaux, 16% parmi les cadres d’entreprise et 10% des postes responsables dans le Parti. Tous secteurs confondus, leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 25% aux salaires masculins. On ne mentionne que rarement les emplois domestiques presque uniquement féminins qui en 1988 occupaient rien qu’à Beijing 50 000 femmes.
La majorité des femmes dans les emplois industriels ou de services sont des « travailleuses jetables », exploitables pendant quelques années et jetées ensuite pour différentes raisons (par exemple, les contrats de travail quand ils existent prévoient souvent le licenciement si la femme devient enceinte). Pour les licenciés des entreprise d’Etat en 1997, 75% d’entre elles étaient encore sans emplois une année après le licenciement contre 50% chez les hommes. Les employeurs jugent finalement que même avec les salaires différenciés en défaveur des femmes elle sont au bout d’un certain temps de travail plus chères que les hommes (tendance à se révolter, congés maternité, plus de protection légale, etc..).
Au départ, ils préfèrent employer des « migrantes » qui, jeunes acceptent des salaires plus bas sans aucun avantage, mais lorsqu’elles prennent de l’âge et de l’expérience elles tendent à se défendre et sont alors licenciées. On trouve même des jeunes filles de 15 ans et moins embauchées sous de fausses identité leur donnant plus de 18 ans parce qu’elles savent moins bien se défendre et qu’elles risquent moins d’être enceintes. Une des raisons principales de la fragilité de la position de migrant (e) est l’existence d’une sorte d’assignation à résidence .. Depuis 1958, tout Chinois doit être enregistré dans une localité où il possède un travail. Le livret d'enregistrement indique à quelle catégorie il appartient rurale (57% de la population) ou citadine (grandes villes et petites villes, 43% de la population). Ce document, le hukou lui impose, s'il change de localité d'avoir l'accord des autorités tant de son lieu de départ que de son leu d'accueil qui fait qu’en principe que, même autorisé à résider et travailler ailleurs que dans sa province d’origine, on n’a aucun droit (célibataires, famille et enfants) aux avantages (logement, éducation, santé) réservés aux résidents de la province d’accueil. Souvent l’exclusion du travail pour une raison quelconque signifie pratiquement le renvoi dans la province d’origine, ce qui donne une idée du pouvoir de coercition dont dispose les dirigeants d’entreprise. Ces règles strictement appliquées au départ n’ont pu endiguer les migrations intérieures ; l’importance de cet exode rural tout comme les besoins de main d’œuvre dans les zones côtières ont fait que peu à peu à partir de 1984 des assouplissements locaux ont plus ou moins légalisé la présence hors du lieu de résidence originel mais sans pour autant ouvrir aux mêmes droits qu’aux résidents urbains ; Les migrants restent dans leurs ville de travail des citoyens de seconde zone.
Bien sûr, les infractions à la législation du travail sont innombrables et ne touchent pas spécialement les femmes, mais comme dans certains secteurs comme le textile et l’électronique elle forment 90% des effectifs, ce sont elles qui supportent le plus le poids de ces irrégularités ( rien qu’à Shenzhen la ville industrielle champignon dans la banlieue de Hong Kong on dénombre en 1999 20 000 accidents du travail graves) car , venant des campagnes souvent lointaines, sans connaissance du monde du travail elles ignorent totalement leurs droits ou quand elles les connaissent ne cherchent pas à les faire valoir par crainte d’être virées. On trouve pourtant d’une part des grèves dont nous parlerons plus loi ou des recours juridiques pour les salaires ou même contre le harassement sexuel. Une des conséquences de l’exclusion des femmes enceintes fait que dans la région de Guangzhou ( Canton et Hong Kong) 90% des « migrantes » enceintes doivent accoucher clandestinement dans des cliniques clandestines parce qu’elles ne peuvent aller à l’hôpital ( pas de couverture santé), cette illégalité entraînant un taux de mortalité élevée. Globalement, 40% des travailleurs chinois n’ont aucune couverture sociale, ce taux moyens recouvrant d’énormes différences notamment pour les migrants ; (54)
Certains notent pour la période récente une évolution dans les mentalités des « migrantes » qui tendraient à avoir plus de souci d’elle-même que de la famille à laquelle elles ont sacrifié une partie de leur vie. Un exemple parmi d’autres : en 2003, une jeune femme ayant travaillé 10 ans dans une usine textile près de Canton ne veut plus envisager un retour dans son village. Ses gains pendant toute cette période ont servi à la construction d’une maison familiale, à payer des études secondaires pour sa sœur, des dépenses de santé pour ses parents, le mariage du frère mais ne lui a guère profité. En 2003, sa famille lui demande de rentrer car ils lui ont trouvé un mari qu’elle ne connaît pas du tout. Elle le rencontre pourtant mais refuse la proposition d’où la colère de la mère et la rupture. Ce n’est pas un cas isolé. Souvent mes « migrantes » sont virées à 25 ans et doivent retourner dans leurs campagnes ; elles ne peuvent rester à la ville que si elles peuvent se marier à un citadin mais la plupart de ceux-ci ne veulent pas épouser une campagnarde. 95% d’entre elles retournent « chez elles » pour être mariées mais si le mari est très pauvre, elles doivent revenir à la ville pour se faire exploiter. « L’année passée, Yang Li quitte sa maison tranquille de Luzhou dans le Sichuan pour travailler dans une usine de serrures dans le delta de la Rivière des Perles ( région Canton –Hong Kong. Après un mois passé à polir des serrures 13 heures par jour, totalement épuisée, elle retourne chez elle (55)
Un autre témoignage montre ce qu’est la condition de « migrante ». Elle émane d’une ouvrière à Hangzhou, ville côtière de l’Est proche de Shanghai qui travaille dans l’usine de coton n° 1 :
« La chose la plus dure à encaisser fut que les gens de Hangzhou nous regardent de haut. Ils nous appellent les « sœurs ouvrières » et nous tiennent pour quantité négligeable ». Aujourd’hui ça va mieux mais quelques uns nous traitent encore de « plouks de la campagne ». On en prend plein la gueule. C’était il y a cinq ans et souvent je revenais au dortoir en pleurant. J’ai vécu dix ans dans un dortoir et dors dans la case d’en haut. Nous y sommes cinq. La vie est dure, beaucoup plus dure que celle des habitants de la ville…Dans ma campagne, les maisons sont toutes spacieuse…Je n’ai aucune chance ici de sortir. Si je travaille en équipe, je ne peux pas sortir. Si je suis de nuit, je ne peux guère me reposer dans la journée et c’est dur. Travailler sur la chaîne est très dur. Quand ils ont amené des machines japonaises on a dû en surveiller 10 à la fois. Très dur, on doit bouger sans arrêt, jamais tranquilles. Pour aller aux toilettes, on doit appeler un remplaçant. Pas de pauses… Je me sens très frustrée…J’ai un ami qui travaille dans la même usine, aussi un migrant…Nous ne sommes pas encore mariés…Nous nous connaissons depuis quatre ans. Le problème est que nous n’avons pas de logement et on ne peut pas en avoir parce que nous ne sommes pas enregistrés ici. Si nous avions un enfant, comme nous ne sommes pas enregistrés nous devrions payer le double pour tout…Nous nous sentons tellement inférieurs… »
Une des conséquences du travail des femmes et de cette condition de migrants hommes et/ou femmes est que, souvent, les enfants restent au village sous la garde des grands parents. Ils ne voient leurs parents qu’une fois par an, au Nouvel An Chinois et ne leur parlent pendant l’année qu’au téléphone. Il n’est pas exceptionnel de voir des villages comme Qian fu dans le Sichuan où on trouve seulement 1 000 enfants, des vieux et pas de parents. 20 millions d’enfants seraient dans une situation similaire. Que deviendront ces enfants et que cela représente-t-il pour les parents, surtout pour les femmes privées de toute maternité ? (56)
Un nouveau sujet dans l’exploitation globalisée de la force de travail : les « dagongmei » - les migrantes.
Bien que ce nouveau chapitre de l’exploitation capitaliste de la force de travail concerne la Chine, on doit préciser qu’il ne concerne pas seulement ce pays car il s’est étendu dans le monde entier, particulièrement dans les pays sous-développés ou en développement, là où la pénétration capitaliste a déversé du monde rural un surplus de migrants disponibles pour une exploitation sans précédents
La Chine, avec l’innovation des Zones économiques Spéciales (SEZ) fait figure de précurseur (57). Ce nouveau sujet de l’exploitation de la force de travail est essentiellement féminin. Pas n’importe quelle catégorie de femmes ; presque exclusivement celles de la tranche d’âge entre 15 et 25 ans (parfois moins de 15 ans avec de faux papiers et la question du travail des enfants restant en Chine un sujet tabou sur lequel il est dangereux de faire des recherches) (58) Age moyen 23 ans. Elles viennent des campagnes, le plus souvent ces campagnes les plus pauvres et nous avons souligné les conditions spécifiques coutumières ancestrales qui les poussent vers l’usine. L'existence du hukou fait d'elles des sortes d'esclaves, la tolérance dans un lieu qu n'est pas leur lieu d'origine pouvant, à tout moment en faire des "illégaux " réels et non plus tolérés. Une partie de ces lieux d'exploitation ne sont pas les bagnes sordides qu'on imagine souvent et qui existent .On trouve, notamment dans les filiales de firmes étrangères des bâtiments récents, propres et clairs où le travail se fait dans une ambiance calme (trop calme car il est souvent interdit d parler durant le travail). Le rythme de travail n'est pas toujours affolant. Certains patrons qui affichent des "préoccupations sociales" font même construire d es nouveaux dortoirs "modernes". Il ne s'agit pas d'humanitarisme mais une réponse à la fuite récente des migrantes qui outre un turn over important à la recherche de "meilleures conditions d'exploitation (58)
Leur nombre est difficile à évaluer pour deux raisons En 2006 il y aurait ainsi 100 millions de migrantes Dans la seule ville de Dongguan (Pearl River Delta près de Hong Kong), résider aient 4,13 millions de migrants dont 3 millions de « dongmei" dans un rapport hommes femmes de 1 à 3 (59). A Shanghai sur 18 millions d’habitants il y aurait 5 millions de non-résidents. A Jilin, en 2003 , 85% de la force de travail ressortait du secteur privé et sur ce total, 72% étaient des femmes ; A Shenzhen, dans la maroquinerie 2/3 étaient des femmes, mais dans certaines entreprises on trouvait 1 homme pour 50 femmes. Toujours dans la région de Canton, 400 000 entreprises employaient 5 millions de migrants sur lesquels 3 millions sont des dongmei dont certaines de moins de 15 ans.
D’une part on assiste à un double turn over, l’un au sein de la tranche d’âge de ces migrantes passant d’un travail à un autre ((60), l’autre par leur remplacement quand elles ont « atteint l’âge » ou du mariage ou de l’exclusion patronale (61). D’autre part, parce que récemment pour des raisons de coûts de production, les entreprises se déplacent vers l’intérieur de la Chine pour exploiter la main d’œuvre locale ; on ne pourra plus alors parler de migrantes mais encore de « dagongmei ». Un tiers de ces migrantes sont dans la province du sud, le Guangdong où dans les entreprises à fort taux de capital variable, elle forment parfois entre 60 % et 90% des effectifs (rappelons que pour toute la Chine, les femmes forment 46% de la force de travail non agricole soit près d’un actif sur deux). Sur 120 à 150 millions de migrants, 47% seraient des femmes entre 15 et 25 ans ; dans les zones économiques spéciales (SEZ) elles forment jusqu’à 70% de la force de travail (on en dénombrerait 20 millions réparties dans 800 SEZ). Un seul exemple de cette concentration d’exploités principalement féminines : en juin 2006, la firme Foxcom fabriquant des Ipod pour Apple exploite dans le Guandong 200 000 travailleurs (ses) 15 heures par jour pour 35 euros par mois.
D’après une étude minutieuse faite par une universitaire de Hong Kong ayant spécialement étudié les migrantes de Shenzhen,
leur importance économique dans le procès de production est soulignée par le fait qu’elles font l’objet d’une dénomination spéciale. La sémantique désignant le porteur de la force de travail dans l’histoire récente de la Chine illustre les formes et les sujets successifs de son exploitation. Pendant la période maoïste, le travailleur asexué était désigné par le terme « gongren » (travailleur) qui non seulement n’impliquait aucune différenciation d’après le sexe mais était la glorification d’un personnage central pour la « construction du communisme ». Au contraire le terme « da-gong » (travailler pour un patron ou vendre son travail) introduisait une notion de marchandise, la force de travail échangée contre un salaire, une dévalorisation de la notion de travail par rapport au système précédent ; le symbolisme rejoignait la mutation socio-politique et économique avec l’ouverture au capitalisme privé. En même temps s’introduisait une différenciation d’après le sexe : « dagongzai » (le fils qui travaille) et « dagongmei » (la petite, plus jeune sœur qui travaille). Pour cette dernière, outre cette différenciation sexuelle, définissait également un statut par rapport au mariage : « mei » est la plus jeune sœur, célibataire opposée à « jie » l’aînée, donc de statut inférieur. La dénomination « dagongmei » apparaît comme une construction hégémonique révélant une identité ouvrière inférieure dans les relations de travail capitalistes et les relations sexuelles. Mais paradoxalement, les intéressées souvent ne le ressentent pas comme cela car pour ces filles de la campagne, ce nouveau statut leur apporte une nouvelle identité et une nouvelle perception de leur place dans la société. Nous reviendrons sur cette contradiction qui est au cœur de l’exploitation de cette nouvelle couche sociale spécifique. (62)
La formation de ce nouveau sujet d’exploitation de la force de travail ne s’est pas fait contre le système d’exploitation sou le capitalisme d’Etat, mais, même s’il a remplacé, parfois brutalement, les conditions d’exploitation antérieures, tout au contraire s’est fait avec le concours, la complicité, l’intérêt de ceux qui formaient antérieurement la classe dominante. Les principaux caractères de cette couche spécifique de prolétaires peuvent se définir ainsi pour les « dagongmei » :
- mobilisation des travailleurs migrants originaires des zones rurales, le plus souvent pauvres.
- Limitation à une tranche d’âge des 15 -25 ans impliquant de la part des sujets « dextérité et docilité » (63)
- Mobilité aussi bien quant à la flexibilité totale dans le travail que dans les déplacements fréquents d’un travail à un autre et dans le remplacement quasi immédiat lorsque les « limites d’âge » sont atteintes.(64)
- Double sujétion et fragilité - à la fois géographique parce que « non résidentes » traitées comme des sous citoyennes, sorte d’immigrés de l’intérieur pouvant aisément reverser dans l’illégalité et renvoyées dans leur province et familiale parce que leur exploitation est déterminée par les besoins du clan familial.
- Conditions d’exploitations communes sans aucune limite dans des travaux ne nécessitant aucune qualification spécifique, mais avec des méthodes modernes d’organisation du travail (65)
- Fréquente exploitation dans des unités d’exploitation de grande dimension n’impliquant une faible utilisation de capital fixe ( investissement minimum en machines)- Concentration hors travail sur les lieux mêmes de l’exploitation dans des dortoirs souvent équipés sommairement. Dont la fonction est de mettre les « dagongmei » à la disposition et contrôle constants de l’exploiteur pour permettre une flexibilité totale du temps de travail. (66)
Lorsque l’on voit dans le détail les conditions d’exploitation des « dagongmei », on pense inévitablement à ce que l’on peut savoir sur l’exploitation des femmes et des enfants au tout début du capitalisme dans les pays occidentaux. Bien sûr il y a des similitudes depuis l’utilisation d’une main d’œuvre féminine, l’intensification du travail (domination formelle) jusqu’aux dortoirs. Mais ces similitudes cachent des conditions très différentes : la mise en œuvre des méthodes modernes d’organisation du travail, l’utilisation, même réduite, de machines modernes qui permettent une extrême division des tâches, la dimension hallucinante des unités de travail qui peuvent regrouper des dizaines de milliers de travailleuses, la sélection d’une force de travail pouvant être exploitée de manière optimum quant à la précarité de celles qui en sont porteuses, leur faible capacité de résistance à la domination et leur résistance physique due à leur jeunesse.(67)
Le principal problème pour le management est comment discipliner de jeunes ouvrières venant de toutes les parties de la Chine et qui a priori n’étaient pas forcément soumises à la discipline du travail. D’où l’utilisation de ce que comportait leur identité féminine pour le traduire en langage de management pour faciliter leur contrôle. D’une certaine façon leur identité en tant qu’ouvrières était moins importante aux yeux du management que leur identité en tant que femmes. Il leur était fréquemment rappelé leur féminité : » Tu es une fille ». Cela signifiait une fille sur le chemin de devenir une femme, c'est-à-dire qu’elle devait se comporter au travail selon les critères culturels communs qu’elle intériorisait. Cet « apprentissage de femme » à travers le travail requérait qu’elle soit soumise, obéissante, industrieuse, etc. Parce que, plus tard vous devez être mariée à quelqu’un et servir ce quelqu’un donc maintenant vous devez vous conduire « correctement ». Vous devez prendre soin de votre travail comme plus tard vous prendrez soin de votre famille. (68)
Ainsi, l’ouverture de la Chine au marché mondial et à la globalisation a développé une forme nouvelle de l’exploitation de la force de travail que l’on pourrait qualifier « économie du dortoir ». Celle-ci s’est parfaitement adaptée à la situation présente de la Chine (que l’on retrouve aussi ailleurs) et utilise comme instrument de domination les tendances culturelles qui imprègnent encore les identités de ces filles de la campagne. En relation avec les méthodes modernes de management et l’utilisation de matériel moderne dans des processus de production du capitalisme moderne, le capital a trouvé et développé effectivement un nouveau sujet pour une extraction sans précédent de la plus value.
Mais les « sujets » de cette exploitation sont des êtres humains, en l’occurrence des femmes. Les « nouvelles dagongmei » peuvent ressembler à Liu Hongmei « 19 ans qui vient d’un village ^pauvre du Hunan contrainte par ses parents de gagner assez d’argent pour payer les études de son frère et sa propre dot pour ses projets de mariage croyant dans la morale commune « Si vous désirez vous marier avec un homme qui a quelque argent, vous devez avoir de l’argent vous-mêmes » ce que le vieil adage résume par « Le dragon accompagne un dragon, le phénix un phénix et le fils d’un pauvre rat devra éternellement creuser des trous ». Pour d’autres le travail à l’extérieur peut être un moyen d’échapper à la contrainte familiale.
Toutes ne supportent pas le dépaysement et la dureté du travail. En 2003, Yang Li quitte Luzhou dans le Sichuan pour travailler dans une usine de serrures de Pearl River (région de Canton. Après un mois de travail de 13 h par jour, elle retourne épuisée dans son village. D’autres comme Melle Zhang cherchera le meilleur travail et en deux ans occupera neuf emplois (60). Plus récemment de tels déplacements et rejet des dures conditions de travail feront que les déplacements des migrants (es) iront vers les emplois le moins astreignants et les mieux payés (jouera aussi l’amélioration des conditions de vie dans les campagnes). On estimait ainsi en 2004, qu’il manquait 2 millions de migrants essentiellement des femmes. (69)
Pour celles qui restent, dans les dortoirs de l’exploitation, le dépaysement amène les transformations identitaires d’une vie sociale différente. Apr7s le silence obligé des longues heures sur les chaînes de production, c’est le défoulement soit dans les dortoirs, soit dans les rares heures d’évasion hors du périmètre de l’usine. Le défoulement peut être verbal : « sept bouches, huit langues » exprime pour les dominants le mépris de ce qu’ils considèrent comme du bavardage. Mais si tout s’y échange sur la vie privée il s’y échange aussi sur le travail, les conditions de travail et le comportement de la maîtrise. On peut penser que des résistances de base peuvent s’y élaborer. Parfois des conflits peuvent surgir dans des bagarres entre filles, un autre défoulement des contraintes de vivre dans un environnement intolérable : si elles s’ébruitent jusqu’au management, c’est le licenciement assuré pour toutes celles qui y ont participé (70). La paix sociale est la garante d’une bonne production.
Si les méthodes de domination essaient d’exploiter la féminité conventionnelle pour gagner une soumission aux règles du travail, la même féminité tend à être battue en brèche, non seulement pas les échanges dans une collectivité contrainte de promiscuité entre femmes, les rares évasions dans les énormes cités que sont devenues les villes champignon industrielles ne peuvent éluder les pressions d’une société de consommation qui, bien que destinée aux classes moyennes s’impose aussi aux « dagongmei ».Par exemple à Shenzhen c’est une explosion de publicités sous toutes ses formes mettant en avant le corps de la femme. Là où elles le peuvent, elles tentent d’adopter le standards de la féminité, en consommant ce qui est offert comme attributs de la beauté, l’utilisation du maquillage et même jusqu’à se faire blanchir le teint pour adoucir le halage de la vie à la campagne. La tentation est de se mettre au niveau de ces urbains que l’on côtoie, « d’être modernes » ce qui signifie un désir de changer de condition, au moins en apparence. (71)
Bien sûr ces concentrations de jeunes filles attirent les convoitises masculines, d’autant plus avec la présence constante des attributs de la sexualité féminine. Les dortoirs sont appelés par le machisme ambiant « vergers de pêches » avec la perspective de détourner les projets d’un futur conventionnel dans le modèle de la femme objet construit dans une autre forme de régulation sociale et de relations de pouvoir. Les ouvrières peuvent espérer trouver dans l’environnement du travail l’amour et/ou des relations sexuelles. Mais s’ouvre alors pour elles une voie qui est pleine d’embauches. Si l’homme est un résident urbain il y a de fortes chances pour que sa famille n’accepte pas une fille d’origine rurale. Si les deux sont des migrants ruraux, mais de provinces différentes, c’est la famille de la fille qui n’acceptera pas le futur sauf si les deux sont vraiment pauvres. Si la fille tombe enceinte, l’homme disparaît dans un monde industriel anonyme qui n’est nullement celui du village où tout le monde se connaît. Elle a de fortes chances d’être licenciée et n’ose pas rentrer chez elle.(72 ) S’ajoute, si elle n’avorter pas les complications de l’accouchement hors du circuit officiel de soins auquel elle n’a pas droit parce que non résidente ( il existe ainsi des cliniques d’accouchement plus ou moins clandestines) Cette hantise du rejet et d’une situation impossible, liée à la croyance tenace que le destin est d’être mariée et d’avoir des enfants, entraîne une forme de répression sexuelle. non dite mais fortement intériorisée. (73)
Pour résumer, l’utilisation permanente en Chine d’une main d’œuvre migrante, essentiellement des femmes, est à mettre en relation directe avec la globalisation du capital à la recherche de champs nouveaux pour l’extraction de la plus value maximum et doit être aussi rattachée à la baisse tendancielle du taux de profit. La Chine offrant, dans la période post capitalisme d’Etat d’accumulation primitive et de par cette évolution économique sur la voie d’une domination réelle se substituant à une domination formelle, une situation exceptionnelle quant aux possibilités d’une exploitation moderne du travail (disponibilité d’un potentiel considérable de main d’œuvre venant d’une ruralité en pleine évolution. Le capital a pu se permettre de sélectionner dans ce potentiel ce offrait les meilleures garanties d’exploitation donc de sources de profit, ce qui a conduit à la situation que nous venons de décrire dans l’utilisation d’une seule catégorie de main d’œuvre féminine dans des conditions jamais connues auparavant sous le capital. On peut ainsi dire qu’un nouveau sujet ouvrier s’est ainsi développé. (74)
Mais, créant ainsi une catégorie de prolétaires, conduit à une double contradiction. D’une part, le capital lui-même, par ses tendances modernes de la nécessité d’une consommation, transforme les individualités, sapant ce qui faisait les bases mêmes de ce qui avait été retenu pour l’exploitation de cette main d’œuvre spécifique. D’autre part comme toute exploitation du travail conduit à la lutte de classe, ce facteur devient un élément important dans une évolution vers des tendances et des luttes qui peuvent prendre des formes diverses que nous allons tenter d’analyser.
Les résistances des ouvrières et les réponses du capital
Il y a une loi élémentaire dans le capital, c’est que lorsque l’on fabrique des prolétaires, quelle que soit leur origine antérieure, pour en faire des exploités dans un cycle quelconque de production, on obtient la lutte de classe des exploités contre les conditions de leur exploitation, partant contre cette exploitation elle-même et contre la société dont elle est l’élément fondamental. Sans doute bien des migrantes pourraient reprendre les propos de l’une d’elles : » Je ne comprends pas la loi et même si je le faisais, qu’est ce que ça m’apporterait ? A quoi ça servirait d’aller se plaindre au Bureau du Travail ? Si vous voulez changer votre situation, la seule chose à faire est de chErcher une autre usine »
La vision la plus courante de cette lutte de classe privilégie le refus ouvert de l’exploitation, la grève et toutes formes d’action jusqu’à l’émeute et les affrontements avec les forces répressives qui oeuvrent pour pérenniser cette exploitation. La Chine « moderne », paradis récent d’une exploitation capitaliste sans précédent et sans mesure n’échappe pas à ces actions collectives dont le nombre au fil des années ne permet pas d’en faire ici le recensement Le recensement officiel des « actions de groupe » de plus de 100 participants (70 000 en 2004, 87 000 en 2005) montre une progression de ces luttes qui ne se sont pas ralenties récemment. Beaucoup concernent des secteurs comme le textile, l’électronique, le jouet, etc. dans lesquels la main d’œuvre féminine atteint parfois 80% des effectifs. (75). En octobre 2004, 3 000 ouvrières d’une usine de composants électroniques de Shenzhen ont débrayé et bloqué la rue proche. Assez rapidement elles ont obtenu l’application du salaire minimum légal ce qui leur a garanti une augmentation de 170%. A la même époque, 7 000 travailleurs, en grande majorité des ouvrières manifestent à Xianyang dans le Shaanxi contre les restructurations qui les met sur le pavé Ces conflits collectifs ouverts ne concernent pas seulement les industries nouvelles fortes consommatrices de migrants et plus particulièrement de migrantes. Mais alors qu’une bonne partie de ces conflits sont en quelque sorte des combats d’arrière garde dans le développement capitaliste contre les restructurations, les privatisations des industries d’Etat et les nuisances de toutes sortes contre l’occupation insolente des terres paysannes, des ressources naturelles par une classe capitaliste avide de s’enrichir, les conflits de classe dans les nouvelles industries sont, d’une manière plus classique, dirigés contre les conditions d’exploitation du travail.
Il est difficile, dans ces dernières luttes, de faire la part de ce qui serait la participation des dongmei . Les récits de ces luttes qui peuvent nous parvenir d’une part ne mentionnent jamais, ni une participation quelconque des femmes, les grévistes étant étiquetés sous le titre de « migrants » ou de travailleurs, ni la manière dont la grève s’est déroulée et comment elle a été organisée. ; Tout ce que l’on peut supposer alors est que vu l’importance des effectifs des femmes exploitées dans ces usines (qui dans les SEZ oscille entre 60 et 80% du total des travailleurs sur un site), les femmes sont obligatoirement un des éléments actifs centraux dans la lutte. Mais faute d’éléments, on ne peut rien dire d’autre.
Par contre, on peut avoir de temps à autre des détails sur ce qu’il est advenu de telles luttes, soit qu’elles aient réussi (76), soit de leur répression venant ou bien de l’extérieur par l’action de la police contre toute manifestation (se soldant parfois par l’arrestation des « meneurs » et leur condamnation à la prison) ou bien de l’intérieur par la répression patronale. Un exemple : dans un atelier, les ouvrières font grève toute une journée contre les conditions de travail, sans résultat autre que des « amendes » entre 100 et 200 yuans et le licenciement pour certaines d’entre elles.
Que la répression de telles luttes se déroule à l’intérieur de l’entreprise ou par une intervention extérieure des autorités locales, elle reste le plus souvent localisées et ne franchit pas les barrières administratives et médiatiques pour venir à la connaissance des autorités centrales. Cela arrive parfois lorsque une répression particulièrement inique et/ou l’ampleur des protestations fait sauter cette barrière et que l’autorité centrale se voit contrainte, par souci de son image politique, d’intervenir pour paraître imposer »une justice » aux autorités locales. Un des exemples récents a concerné les veuves de mineurs tués en novembre 2004 dans une des nombreuses catastrophes minières qui réussirent après d’énormes pressions locales à faire sanctionner par le pouvoir central les dirigeants de la mine et à obtenir une indemnisation (77). Mais de tels cas sont relativement rares.
Lorsque les exploités ne peuvent, en raison de la répression constante envisager de lutte ouverte, ils tentent d’utiliser tout ce qu’ils peuvent pour résister à leur exploitation. Ces résistances individuelles sont partie intégrante de la lutte de classe et, souvent, alors même qu’elles ne sont pas organisées collectivement posent, à cause de leur généralisation des problèmes sérieux dans le procès de production, contraignant le capital, non pas à prendre des mesures répressives, mais à procéder à des réformes, voire des concessions pour poursuivre son activité dans les conditions les plus profitables.
On a peu de précisions et seulement très parcellaires sur le combat sournois, individuel et parfois collectif dans de petits groupes dans des grèves perlées par exemple, ou de sabotage, mais bien sûr elle ne s’ébruitent nullement mais toute une partie de l’appareil répressif interne, essentiellement des amendes vise sans conteste à prévenir cette tentation de lutte
Un de ces moyens de défense individuel est la démission pour tenter de trouver un meilleur emploi. ; La situation de l’emploi avec le développement exponentiel de l’industrialisation autorisait le fréquent recours à cette « course à l’emploi » ; tendance renforcée récemment par les mutations économiques et le développement d’emplois plus qualifiés et mieux payés. La pénurie de main d’œuvre que nous avons évoquée illustre cette mutation et permet aux exploités d’aller ailleurs pour « trouver mieux ». (78). Il en résulte un turn over considérable L’usine Foxcom déjà évoquée avoue un turn over de 30% par an soit 70 000 travailleurs. Bien qu’il s’agisse souvent de travailleurs non qualifiés et facilement remplaçables, cette situation n’est pas sans gêner les patrons qui utilisent toutes sortes d’astuces, principalement financières pour empêcher les migrants de quitter leur emploi : rétention de la demande de démission, rétention des salaires (qui souvent sont payés avec retard ou irrégulièrement, ce qui permet toutes sortes de pressions). Est-ce que cette recherche du « meilleur emploi » est une quête inutile car tous les emplois se vaudraient d’une manière ou d’une autre ce qui contraint à un renouvellement constant de la migration ? Si l’on considère que depuis plusieurs années des plaintes se sont élevées sur un manque de la main d’œuvre dans le Sud de la Chine, particulièrement de migrantes, on peut penser que le développement d’emplois plus qualifiés et la compétition économique à l’intérieur de la Chine ( notamment l’ouverture de nouvelles SEZ)ont entraîné des déplacements de main d’œuvre vers les secteurs mieux payés ( relativement bien sût) et que par contrecoup, dans toute cette zone sud, la pénurie de migrants par contre coup contraint les entreprises à offrir de meilleurs conditions de travail ( toujours relativement)
Un autre élément semble jouer également un rôle dans cette pénurie de candidats à la sous-exploitation : le retour des migrantes vers les campagnes, non plus à cause de l’âge ou pour prendre mari, mais à cause de l’élévation du niveau de vie dans les campagnes. On voyait déjà parfois ce retour en raison de la dureté des conditions de travail qui rendait préférable la vie à la campagne, si astreignante soit-elle. (surtout lorsque s’y ajoutaient les prélèvements financiers divers pour nourriture, logement et toutes les pénalités qui pleuvaient facilement dans le travail). La réduction des taxes agricoles et l’élévation des prix agricoles (en partie dues à l’agitation des paysans contre les exactions des pouvoirs locaux) ont augmenté sensiblement les revenus des familles des campagnes et rendu moins impératif l’exode principalement des filles et favorisé leur retour (79)
Les recours légaux et/ou tolérés
Aucune société n’est jamais statique. C’est particulièrement vrai pour la Chine prise dans le tourbillon d’un développement capitaliste pris dans le système productif mondial. Si la domination totalitaire du Parti Communiste reste la règle, cette domination, si elle favorise et garantit l’exploitation du travail dans les conditions que nous avons évoquées particulièrement pour les femmes, est soumise elle-même à cet impératif économique et doit, pour garantir cette exploitation, adapter toute la réglementation assurant cette domination aux besoins du capital et d’abord assurer le minimum de paix sociale, c'est-à-dire ouvrir quelque peu les règles antérieures et les conditions de sa domination.
Dans les années 1980, toute contestation de ce qui était considéré comme la politique gouvernementale que ce soit au niveau national ou au niveau local pouvait entraîner une très dure répression, même dans ce peut vu d’ici assez anodin comme la pétition On peut penser que le développement postérieur de structures légales ou tolérées de contestation contre les abus divers de la domination du Parti est la conséquence de l’ouverture au marché international et de divers traités concrétisant des liens internationaux ;. Mais c’est surtout la conséquence de l’évolution économique qui a fait abandonner la sécurisation du « bol de riz en fer » et d’une développement effréné et incontrôlé du capitalisme entraînant à la fois des nuisances comme la pollution ou l’appropriation des terres et un abîme croissant entre les riches et les pauvres. On ne peut relater tous les incidents sérieux jusqu’à l’émeute, qui ont dans la période récente traduit ces résistances globales de la population locale dans son ensemble. Il est certain que les femmes y furent associées comme en témoigne la mort de deux femmes dans des affrontements avec la police lors de manifestations contre la pollution d’un ensemble industriel local
Il paraît que le régime chinois est dans la hantise de la montée de Solidarnosc en Pologne prémonitoire de la chute du système soviétique. Sans aucun doute, la domination du syndicat unique ACFTU , annexe du Parti Communiste, reste totale et la formation de syndicats indépendant interdite et durement réprimée, mais on assiste au développement à la fois d’ouvertures timides de l’ensemble de la législation, à la tolérance d’organisations qui, sans se revendiquer comme syndicats visent à la protection des abus les plus criants. Et de telles orientations touchent plus spécialement les femmes.
Il faut croire que les résistances ouvrières et les changements lents mais réels dans les mentalités et les mœurs ont atteint un point qui contraint les autorités du Parti à promulguer en décembre 2004 une nouvelle loi sur les droits des femmes qui reconnaît leur « autonomie personnelle et l’égalité des sexes » avec des protections notamment dans le travail .Mais , comme pour le Code du Travail Chinois, une telle reconnaissance sur le papier n’a de sens qu’autant que le rapport de forces l’impose.
En 1991 est créée une organisation Women Workers Commission » qui a des antennes dans le syndicat officiel : si son existence répond à des problèmes récurrents chez les femmes, ouvrières ou pas, l’existence d’une telle organisation officielle tout au plus peut intervenir dans les abus les plus criants et encore à la condition qu’ils sortent des limitations locales pour s’étaler à l’échelle nationale, ce qui est bien rare
En 1990 et 1993, des lois nouvelles ont ouvert des voies de recours classées sou l’étiquette PIL (Public Interest Litigation) qui permet des recours judiciaires individuels ou collectifs au-delà des sempiternelles pétitions. Ce qui ne veut pas dire qu’ils réussissent et ne sont pas exempts de risques pour ceux qui les présentent ou les défendent. Mais , cette possibilité de recours a développé, souvent dans le cadre des universités de centres de soutien dont certain concernent plus particulièrement les femmes : Centre for the protection of the rights of disavantaged citizens avec une section spéciale « femmes » ( université de Wuhan), Centre for women’s law studies and legal services ( Beijing University) , Centre for legal assistance to pollution victims, Research Centre for Women’s Development and rights ( Xian, Northwest Polytechnic University).A Pékin, s’est formée une « Migrant Women’s Club. Toutes ces associations dispersées hésitent à se fédérer pour rester indépendantes et ne pas tomber sous des tentatives de contrôle gouvernemental. Ce qui est effectivement le cas, l’Etat tentant de fédérer ces organismes sociaux dans un regroupement national « Government Operated Non Gouvernemental Organisation » (CONGO). Il y a bien une « Women’s Federation établie en 1949 mise d’abord à l’écart comme nous l’avons souligné en raison de la base paysanne du Parti, quelque peu réhabilitée en 1971, mais elle reste un appendice du Parti, une courroie de transmission et en aucune façon un organe de défense des femmes, encore moins des « dagongmei » ; Comme le relevait un commentaire, d’une manière ou d’une autre, tous ces organismes oeuvrent au bénéfice de l’Etat Chinois et visent à atténuer, discipliner les tensions sociales (80)
On pourrait penser que la voie de recours des travailleurs en général et plus particulièrement des « dagongmei » contre les conditions de leur exploitation passe par les syndicats. L’ouverture au marché mondial n’a guère modifié sur ce plan le rôle du syndicat unique, émanation du parti l’ACFTU (All China Federation of Trade Unions) Au contraire, aussi bien dans les entreprises d‘Etat restructurées que dans les entreprises privées, le syndicat unique et obédient, là où il est présent, est un puissant auxiliaire de l’exploitation des travailleurs. Là où l’ACFTU est implantée, des Assemblées Générales des travailleurs peuvent exister. Créées en 1950, elles ont été réactivées en 1980, parfois utilisées pour régler des conflits internes dans la gestion de l’entreprise, ce qui pourrait marquer le signe d’une évolution (81)
Jusqu’à tout récemment, les migrants n’étaient pas admis dans l’ACFTU. Ce qu’une loi de 2003 a modifié mais on peut penser que cela ne changera guère quant à leurs conditions d’exploitation. Sans aucun doute la nécessité de garder un certain niveau de paix sociale a incité le gouvernement à promulguer aussi en juin 2007 une loi sur la réglementation du contrat de travail qui peut aussi faire l’objet de contrats collectifs, le tout sous le contrôle strict du syndicat ACFTU. Quelques usines auraient même établi des « conseils ouvriers » vraisemblablement des sortes de comités d’entreprise. (82). Comme pour le code chinois du travail, l’application de ces mesures dépend avant tout du rapport de force
En 2004 un « Premier Document Politique » évoque la « gestion de l’emploi en ville des paysans et leur accès aux services publics ». Ce qui assouplira effectivement leur régularisation de non- résidents dan les villes et leur accès éventuel aux services réservés jusqu’alors aux résidents. Les migrants et migrantes restent pourtant dans une situation paradoxale d’avoir des « droits » largement « reconnus » et légiférés par les autorités centrales mais pas du tout garanties quant à leur application sur le lieu d’exploitation, tout recours devant les autorités locales étant très difficiles et souvent même dangereux. (83)
Des tentatives de créer des organismes indépendants de défense des migrantes
.
Des organisations de base tendent à se créer surtout dans la zone côtière du sud, à proximité de Hong Kong ; elle sont souvent l’émanation d’ONG ou d’annexes d’organisations extérieures basées à Hong Kong. En 1996 est formée une Chinese Working Women’s Network. Des deux fondatrices, l’une est une universitaire de Hong Kong, l’autre une migrante ayant travaillé en usine pendant trois ans. En 2004, cette organisation comprend 13 permanentes et 10 travailleuses militantes en Chine à Shenzhen
Pour tourner l’interdiction de créer des syndicats indépendants, ces militantes tentent de constituer un réseau communautaire de solidarité surtout orienté vers les « dagongmei » axant leur activité sur des point très concrets et pas immédiatement revendicatifs autour de quatre zones d’intérêt : le respect des droits légaux, contre la discrimination sexuelle, sur la sécurité et la santé dans le travail, sur des coopératives d’approvisionnement. Elles créent dans certaines villes industrielles des centres qui accueillent les migrants et impulsent des échanges. Elles parviennent à visiter les dortoirs (dont les occupantes peuvent varier entre 15 à 100) et tentent d’organiser des débats sur la quotidien autour d’une responsable, le quotidien le plus terre à terre : fourniture d’eau chaude, installation de ventilateurs dans les dortoirs, de téléphones pour pouvoir téléphoner au pays, comment rédiger des lettres aux dirigeants, comment faire des pétitions. Les questions de salaires et de conditions de travail ne sont abordées que beaucoup plus tard, si l’implantation a atteint une certaine dimension et audience, d’ailleurs sous la forme de pétitions au syndicat ou au Bureau officiel du Travail pour demander l’application de la loi. Parallèlement, une camionnette sillonne les rues le soir pour accueillir les femmes qui ont des « problèmes » (blessures, enceintes, etc..), 2 à 300 par nuit et peuvent les faire admettre dans un réseau d’hôpitaux. C’est un peu une travail de Sisyphe car trop de revendications amène des soupçons des autorités ce qui les oblige à interrompre leur activité et à aller porter leurs efforts ailleurs. En 2002, cette activité militante parallèle restait marginale touchant 80 000 femmes. En novembre 2004, elles ouvrent un centre fixe près une SEZ située près de lBao’an, l’aéroport de Shenzhen mais se rendent compte que les femmes ne peuvent y venir que rarement particulièrement parce qu’elles sont épuisées par leur travail (84)
Il peut paraître étrange que parmi les revendications posées par les migrantes figure l’installation de téléphones. L’explication en est simple mais un autre paradoxe concerne l’utilisation éventuelle pour une bonne part d’entre elles des produits ( télés, portables et autre engins électronique de leur exploitation. Certainement leur maigre salaire leur interdit l’accès à ces moyens de communication « modernes ». Mais l’existence et l’utilisation de ces moyens pose un problème autrement important aux autorités chinoises qui touche la lutte de classe et est celui d’une connaissance et éventuellement d’une extension des luttes locales par la diffusion nationale hors du cercle étroit où les régime les enferme des luttes locales. Le contrôle étroit de cette utilisation par le Parti Communiste est très difficile et ne peut empêcher la diffusion de telles informations même s’il la rend difficile et parfois dangereuse. On ne peut négliger cet élément qui peut jouer, même au plan local, dans une certaine extension des luttes tout en restant conscient qu’en cas de risque majeur, le système capitaliste dispose des moyens rapide de blocage de ces moyens de communication directs.
Quel futur ?
Une bonne partie des matériauxaux quels nous nous sommes référés dans cette étude sont le résultat de recherches, analyses et activisme de femmes chinoises qui tentent de répondre , à propos des migrantes ( mais on peut aussi se la poser pour l’ensemble des prolétaires chinois), aux questions suivantes :
« Comment les migrantes ouvrières comprennent collectivement leur identité en terme de classe et de sexe ? Pourraient-elles être organisées en tant que nouveau sujet ouvrier qui émerge maintenant dans le Chine post socialisme d’Etat ?
Les efforts déployés pour tenter d’y répondre son sans aucun doute méritoires mais appellent d’autres observations.L’intervention des différentes organisations parallèles en faveur des migrants et migrantes, celle basées à Hong Kong ou les associations diverses de défense dans toute la Chine voient dans la créations de syndicats à l’occidentale la solution d’une amélioration de conditions de travail hors du commun. Inspirées pour une bonne part des ONG ou syndicats américains, ils ne peuvent (en raison de références historiques de telles interventions style Solidarnosc en Pologne) que susciter hostilité et méfiance des autorités chinoises. Mais le problème essentiel d’une amélioration des conditions de travail et de la créations de syndicats promouvant cette amélioration et jouant le rôle que l’on connaît en occident dans la fixation du prix de la marchandise force de travail, n’est pas dans les craintes politiques éventuelles, mais dans l’importance qu’une telle mesure prendrait dans le présent processus économique de la Chine au sein de l’économie mondiale.
Il est évident que la fraction du capital dont l’activité repose sur la plus value absolue ne peut accepter, ni un changement radical des conditions présentes d’exploitation du travail, ni la présence d’organes de médiation puisque seule compte son autorité absolue quant à la mise en œuvre de ces conditions. Différents facteurs que nous avons mentionné semblent pourtant signifier une évolution qui n’est pas tant due à la lutte de classe, mais à des facteurs économiques intrinsèques à la Chine. De tels facteurs touchent une augmentation du salaire d es migrants et un transfert des industries de main d’œuvre des zones côtières vers l’intérieur, liés à des mouvements des migrants vers les emplois ou situations moins durs et plus bénéfiques.
Si une telle évolution prenait de l’ampleur, pour rester compétitif sur le marché mondial, les entreprises devraient quitter la zone d’exploitation en plus value absolue pour garder leur compétitivité en passant dans la zone de plus value relative impliquant l’introduction de nouvelles techniques de production de produits lus élaborés. C’est alors que les syndicats pourraient être introduits dans la fonction que nous connaissons ici. Cela entraînerait des conséquences non seulement politiques en Chine mais aussi dans les données de la production et du commerce mondial. données elles-mêmes conditionnées par l’évolution propre du capital mondial.
De toutes façons, la condition des migrantes ne changera pas du jour au lendemain, même si de tels mouvements économiques s’affirment dans une société en mutation rapide. Pour l’essentiel, aujourd’hui, leurs conditions d’exploitation restent celles que nous venons de décrire, même si un avenir plus ou moins proche ou plus ou moins lointain ne peut – sauf si éclatait une crise majeures du capital - que s’améliorer entraînant en même temps une évolution profonde des modes de vie et certaines formes d’émancipation dégagée plus ou moins de la tutelle des coutumes ancestrales et de celle du Parti Communiste.
Femmes chinoises -Notes
(1) voir l'ouvrage "Une société sans père ni mari, Les Na de Chine" PUF 1997. Une société de célibataires polyandrogynes avec un système de relations sexuelles qui excluent le mariage et ses avatars"
(2) Confucius - philosophe chinois du 6ème siècle avant notre ère. Ses théories sont celles d'un despotisme éclairé: elles enseignent la résignation et requièrent la soumission absolue des enfants aux parents. La chose la plus importante pour la société (les trois règles et les cinq devoirs) était que la femme fut soumise à l'homme, les enfants aux parents, les sujets aux seigneurs. A diverses reprises, les affrontements de fractions au sein du Parti Communiste Chinois vont introduire Confucius dans leurs polémiques (voir "Confucius et la lutte des clans" dans Thèses sur la Révolution Chinoise, Cajo Brendel, Echanges et Mouvement). Malgré ces controverses et des condamnations périodiques, on peut estimer qu'en référence à ce concept de soumission, le confucianisme a imprégné le maoïsme et reste encore une référence idéologique
(3) Deng Xiaoping encense le néo-confucianisme moderne avec ses quatre obéissances modernisées: ordre, obéissance aux supérieurs, dévouement à l'Etat, défense de la famille. Face aux conséquences du développement du capitalisme privé dans une société de compétition et de consommation, cette morale officielle veut combattre ce qui est considéré comme un relâchement des moeurs sous-tendant des aspiration à une plus grande liberté, une menace pour la domination totalitaire du Parti Communiste. Cette nouvelle morale confucianiste attire particulièrement les technocrates et els intellectuels (Perspectives Chinoises, n°30, juillet-août 1995). Les intellectuels recommencent à lire Confucius (Courrier International, hors série, juillet-août 2005)
(4) La domination masculine sur les femmes a entraîné un phénomène longtemps méconnu et révélé récemment: l’invention par les femmes (notamment dans la province centrale du Hunan méridional) d'un langage spécifique parlé et écrit le Nü shu (littéralement "écriture de femmes"), incompris de hommes, qui permettait dans différentes occasions une communication entre femmes et transmis seulement par elles. Ce langage a quasiment disparu suite au bouleversement des structures familiales et au rouleau compresseur centralisateur de homogénéisant du Parti Communiste ( Danielle Elisseeff "XXième siècle, la grande mutation des femmes chinoises", Bleu de Chine p 135 - "Nü shu , signe des femmes du Hunan méridional" Klara Maria Sala, Perspectives Chinoises, n° 30, juillet-août 1995)
(5) Courrier International 23/12/2006
(6) Fondé par Hong Xiuquan (1813-1864) le mouvement Taïping, d'inspiration chrétienne, parti du Guandong s'étendit dans tout le sud de la Chine. Pratiquant une morale stricte, oeuvrant pour le partage des terres et l'émancipation des femmes, leurs succès inquiétèrent les puissances coloniales. Ces dernières s'allièrent à la dynastie impériale des Qing faible et partant "compréhensifs", pour écraser cette rébellion.
(7) D'inspiration religieuse, mais anti chrétienne, les Boxers (nom donné par les occidentaux à cette secte secrète qui pratiquait la boxe chinoise) apparut au Shandong et prenant de plus en plus d'influence s'étendit dans le nord de la Chine notamment à Pékin et Tianjin, assiégeant notamment les légations occidentales de Pékin. L'impératrice pensa s'appuyer sur ce mouvement contre les puissances coloniales. De nouveau, en 1900 -1901, une expédition internationale écrasa les Boxers et pour les mêmes intérêts que lors de la révolte des Taiping rétablit une dynastie docile à leurs ambitions colonialistes.
(8) Après l'écrasement de la révolte des Boxers, se développa une agitation politique qui s'étendit dans toutes les provinces, accompagnée de rébellions militaires. Cette situation aboutit à la proclamation de la République en janvier 1912 et Sun Yat Sen en fut élu président. Mais .en 1914, les militaires réussirent à rétablir un pouvoir impérial mais sans parvenir à asseoir leur autorité sur tout le pays. Il n'est guère possible de décrire en quelques mots la confusion et le chaos qui va s'abattre sur le pays pendant plus de trente ans dans l'accouchement difficile d'une révolution bourgeoise assurant la passage d'un système quasi féodal à un système capitaliste.. Entre les affrontements des "seigneurs de la guerre" (potentats militaires locaux), les puissances coloniales et l'invasion du Japon, les alliances et combats entre le Kuo Min Tang et le Parti Communiste Chinois, les insurrections ouvrières noyées dans le sang. Ce n'est que la victoire finale de l'armée populaire du Parti Communiste Chinois qui mit un terme à cette situation en 1949
(9) Julia Kristeva, Des Chinoises, Pauvert p. 156
(10)Julia Kristeva, op.cit. p 157 et suivantes
(11) Julia Kristeva, op. cit. p 181
(12) La mère de Luxun, écrivain chinois, bien qu'instruite elle-même et encourageant son fils à s'émanciper des traditions, influencée par le mouvement réformiste imposa pourtant à son fils une épouse traditionnelle qui n'avait, avant le mariage, pas vu son futur pas plus que lui ne l'avait vue. Luxun respecta toute sa vie ce mariage sans le consommer, vivant avec une femme choisie mais entretenant son épouse "légale"jusqu'à sa mort.; Luxun, La vie et la mort injuste des femmes, Mercure de France.
(13) En 1922, 30 000 ouvrières de 60 usines de Shanghai firent grève.
(14) Sous l'impulsion du Komintern le Parti Communiste Chinois se forme en 1921 par le regroupement de plusieurs tendances. Moscou impose plus tard une
désastreuse alliance avec le Kuo Min Tang. Après la rupture, il s'ensuivit une longue guerre civile (sur fond d'occupation et de guerre avec le Japon) une longue guerre civile et le repli de l'armée populaire du Parti Communiste dans les montagnes du nord dans le Shaanxi après ce qui fut appelé "La Longue Marche" en 1934. C'est de cette base que devait repartir la reconquête qui se termina en 1949;
(15)Julia Kristeva, op.cit. p 173
(16)Julia Kristeva , op.cit. pp 192 et s.
(17) Julia Kristeva, op. cit. p 196
(18) En octobre 1933, inférieurs numériquement et en équipement aux armées du Kuo Min Tang, les armées du Parti Communiste, encerclées dans le Jiangxi (sud ouest de la Chine) décident de se replier dans le Shaanxi (Nord Est de la Chine) dans une marche forcée dans des régions pauvres et montagneuses du centre de la Chine. Sur 130 000 hommes, seuls 30 000 parvinrent au but. Ce fut le début de la suprématie de Mao sur le Parti.
(19) Danielle Elisseeff , op.cit., p 93
'(20) Le Grand Bond en Avant (1958-1959). Devant les résultats décevants de l’économie, notamment dans la production agricole, Mao et son clan dans le parti décidèrent de faire appel à l’enthousiasme et à la volonté des masses pour lancer un programme économique radical impliquant la création de communes rurales et urbaines auxquelles il était assigné de réaliser la maîtrise de l’eau et l’essor d’industries locales (notamment dans des hauts fourneaux de campagne). Ce fut un désastre total qui conduisit à l’effondrement de la production agricole et à la désintégration du secteur industriel. Le résultat fut une famine dans précédent qui fit des dizaines de millions de morts.
(21)Danielle Elisseeff, op.cit. p 103
(22) La Révolution Culturelle (1966-1969) fut une ultime tentative par Mao et son clan de récupérer son pouvoir contesté par la montée de la nouvelle classe des managers portée par le développement économique. Le déchaînement d’un mouvement de jeunes dans une virulente et violente critique des dirigeants de tous ordres finit par échapper à ses promoteurs et dut être endigué par l’intervention de l’Armée Populaire. L’élimination définitive du clan de Mao n’aboutit qu’après la mort de celui-ci (1976) et le retour de Deng Xiao ping (1977) leader de la tendance managériale au sein du Parti Communiste qui fit abandonner le capitalisme d’Etat et les communes populaires pour engager résolument la Chine dans la voie capitaliste traditionnelle.
(23)Julia Kristeva, op.cit. p 208
(24) Daniela Elisseeff, op.cit. p 120
(25) Perspectives Chinoises n° 86, novembre-décembre 2004
(26) Libération 16/1/2007
'(27) Perspectives Chinoises n° 23, mai-jun 1996
(28) Le Figaro 24/5/2007
(29) Le Monde 16/1/2007. Il semble pourtant que des tolérances locales de plus en plus nombreuses assouplissent quelque peu les rigueurs de cette politique anti nataliste. En 2004, la commission de planification des naissances de Shanghai a supprimé les amendes pour le 2ème enfant illégal ( Danielle Elisseeff, op.cit. p 149) On peut penser que cet assouplissement tout comme la semi légalisation des migrants est la conséquence de pressions économiques.
(30) Danielle Elisseeff,op.cit. p 149
(31)Perspectives Chinoises n° 29, janvier-févier 1995, n° 86 , mai-juin 2004
(32)Certains prévoient que de 2030 à 2065 les Chinois venus au monde entre 1955 et 1975 disparaîtront massivement, faisant chuter de moitié la population chinoise (Danielle Elisseeff, op.cit. p 149)
(33) Libération 16/1/2007
(34) Perspectives Chinoises, n° 86, mars avril 2004. Endangered Daughters and Development in Asia. E. Croll, Routledge
(35) New York Times cité par Courrier International 23/12/2006
(36) Zorro, le délivreur de femmes, Libération, 30/5/2006
(37) Sur ce "tourisme d'accouchement" qui est aussi un phénomène complexe, cet ex-territoire britannique restitué à la Chine , mais avec un statut spécial , souffre d'un manque de femmes et d'un vieillissement de sa population ( Perspectives Chinoises n° 53maijuin 1999, Financial Times , 31/7/2007)
(38) Libération 16/1/2007
(39) Perspectives Chinoises n° 86 novembre-décembre 2004
(40) Le « bol de riz en fer » fut le nom donné aux garanties données aux travailleurs des entreprises d’Etat lors de la première période d’industrialisation. Les « unités de travail » ( qui pouvaient être non seulement des usines mais aussi des établissements d’enseignement ou des unités administratives étaient de véritables cités « totales » autour du lieu de travail. On y trouvait tout ce que la vie pouvait nécessiter de la naissance à la mort et y vivre sans avoir à en sortir. Cette sécurisation autour d’un travail fur démantelé totalement dans les années 80-90 avec les restructurations et les privatisations qui jetèrent sur le pavé des millions de travailleurs, les privant soudain du cocon protecteur lié au travail.
(41) Perspectives Chinoises n° 89 mai-juin 2005
(42) Enjeux, février 2007
(43) Perspectives Chinoises n° 71, mars-avril 2002 - En 2003, le secteur d’Etat (SOE et entreprises contrôlées par l’Etat) compte plus de 150 entreprises (SOE), les plus grandes de Chine (gaz, pétrole, raffinage, acier, automobile chimie, pharrmacie, tabac) qui, restructurées sont concurrentielles. En 2001, ces entreprises assurent 28,5 du PIB e occupent 41% de la force de travail chinoise.
(44) China Labour Bulletin – Propos du Directeur du Bureau d’Etudes des Statistiques de Chine, mai 2006 ; Falling through the Floor, Migrant Women Workers’Quest for Decent Work in Dongguan, p 8
(45) "Si on veut être diplômé il faut se taire et éviter d'avoir le moindre problème avec l'administration " (Le Monde 9/8/2007°
(46) Enjeux février 2007
(47) Science Monitor cité par Courrier International 23/12/2004
(48) Science Monitor cité par Courrier International 23/12/2004
(49) Courrier International 23/12/2004)
(50 Perspectives Chinoises n° 89, mai-juin 2005
(51) Perspectives Chinoises n° 89, mai- juin 2005
(52) Perspectives Chinoises n° 89, mai_juin 2005
(53) ACFTU – All China Federation of Trade Unions – est le syndicat unique, courroie e transmission des ordres du parti dans les entreprises et parfait exécutant des plans de la direction des entreprises. Tout autre syndicat est interdit et ceux qui tentent d’en établir un se retrouvent en prison. S’il est présent dans les entreprises d’Etat ou contrôlées par l’Etat, il est rare de le trouver dans le secteur privé. Le géant américain de la distribution Wal Mart voulant s’établir en Chine a accepté la formation de sections de l’ACFTU dans ses supermarchés de Chine comme condition de son activité alors que cette firme est résolument anti syndicale ailleurs dans le monde. ACFTU jouera dans ce cas le rôle qu’il joue partout en Chine
(54)Libération 4/2/2007
(55) Financial Times 3/11/2004
(56)Libération 15/1/2007, Science Monitor cité par Courrier International 23/12/2006
(57) SEZ – Special Economic Zone – (éventuellement sous d’autres appellations) est une région géographique définie dans un Etat par le pouvoir politique et régie par des lois économiques différentes de celles en vigueur dans le reste de l’Etat, et souvent isolée physiquement pour garantir ces protections. Les plus anciennes ont été établies en Chine au début des années 1980 par Deng Xiao Ping, pour attirer les investissements étrangers et assumer une production orientée principalement vers l’exportation. La plus connue est celle de Shenzhen qui d’un petit village proche de Hong Kong est devenue une ville de 10 millions d’habitants en 20 années. D’autres SEZ furent créées en même temps : Zuhai, Shantou, Xiamen et l’île de Hainan. Depuis elles ont proliféré dans toute la Chine avec de multiples variantes.
(58) Sur le travail des enfants en Chine,China Labour Bulletin 2007
(59) Falling through the floor. Migrants Women Workers’Quest for Decent Work in Dongguan, China Labour Bulletin , septembre 2006-
( 60) Echanges n° 120 , printemps 2007, p 16 article traduit “The case of Ms Zhang: peregrinations of a young migrant worker”, Falling Through the Floor, Migrant Women Workers’ Quest for a Decent Work in Dongguan, China Labour Bulletin, septembre 2006
(61) Engendering Chinese Moderniry. The sexual Politics of Dagongmei Dormitory Labour Regime, Pun Ngai juin 2004 p 9
(62) Pun Ngai; op.cit. Le manque d’une certaine main d’oeuvre dans les zones économiques à fort taux d’exploitation du capital variable doit être mis en parallèle avec l’important réservoir de main d’œuvre disponible dans les campagnes pour l’exode rural. On pourrait rapprocher cette situation avec celle des pays industrialisés qui connaissent un taux plus ou moins élevé de chômage en regard d’un taux important d’emplois non pourvus et en analyser les répercussions sur le niveau des salaires.
(63) Il y a une contradiction entre les louanges sur la qualité du travail des migrantes et l’incroyable discipline imposée dans le travail. Le dirigeant de l’usine Flextronics de Zuhai peut déclarer « Je n’ai jamais vu le niveau de qualité et d’assiduité comme celle de la force de travail ici » » (Financial Times 29/10/2006) et le fait que la plupart des migrantes fuient dès qu’elles le peuvent vers un autre travail ou dans leur campagne d’origine
(64) Toutes les astuces patronales sont permises à la fois pou embaucher les migrantes les plus jeunes possible et pour contraindre les plus âgées (25 ans) à partir, par exemple en les affectant à des travaux plus pénibles et/ou dangereux. Par contre, dans la période d’exploitation ainsi définie, les dirigeants font tout pour freiner le départ d’une travailleuse, la contraignant souvent à quitter en laissant un ou deux mois de salaires impayés sans recours ultérieur possible. Pun Ngai , op cit. p 34
(65)Les exemples de conditions d’exploitation extrêmes sont innombrables : équipes de 12, 14,16 heures, sept jours sur sept, un jour de repos par mois, salaires très bas auxquels s’ajoutent de nombreuses amendes pour avoir parlé, fait tomber une pièce de tissu, etc…P sans compter les prélèvements pour une nourriture souvent infecte et le logement en dortoirs notoirement sous-équipés, .Pun Ngai, op.cit.
(66 ) Pun Ngai, op. cit. souligne l’intérêt pour les patrons à avoir sous la main dans ces dortoirs une main d’œuvre qui peut être mobilisée à chaque moment du jour et de la nuit entraînant une flexibilité totale, conciliant ainsi l’exploitation dans la plus value absolue avec les impératifs de l’organisation moderne de la production à flux tendu.
(67) Pun Ngai, op. cit. D’une certaine façon, la dureté des conditions de travail et le turn over qui en résulte, peut être vu comme un processus (conscient ou pas ?) de sélection des sujets les plus résistants donc les plus aptes à la surexploitation les autres étant rejetés hors ce circuit de production.
(68) Pun Ngai, op.cit ;
(69) Financial Times 11/2/2002
(70) Pun Ngai, op.cit. p 8
(71) Pun Ngai op.cit. p 4 et 12 On peut en effet voir des corps exhibés partout et des femmes par milliers se sont engagées dans des métiers dont le seul but est de plaire aux hommes (New York Times cité par Courrier International 23/12/2006
(72) Pun Ngai, op.cit. p 4 ; Perspectives Chinoises n° 86, mars-avril 2006, Ce cas précis n’est d’ailleurs qu’un des aspects du problème global de l’accès aux soins qui, pour beaucoup de Chinois est parfois une question de vie ou de mort qui attendent au dernier moment pour se faire soigner à cause du coût de la médecine. Seuls les riches ont accès au bon hôpital et là aussi, c’est la fortune qui règle le problème. « If you are Chinese, try very hard not to be ill » (Financial Times, 30/8/2007) La plupart des migrantes n’ont ni salaires durant le congé maternité, ni compensation d’aucune sorte, pas même la garantie d’être réembauchée après l’accouchement. Le taux de mortalité maternelle chez les migrantes est sensiblement plus élevé que la moyenne nationale (Perspectives Chinoises n° 86, mars avril 2006)
(73) Danielle Elisseeff, op.cit p 139 Le médecin lors de la visite prénuptiale obligatoire doit officiellement dire au fiancé si la jeune fille est vierge ou pas.
(74) Le travail fait par Pun Ngai pour montrer comment le capital dans sa mondialisation a utilise en Chine le créneau disponible de la main d’oeuvre féminine exploitable et corvéable à merci et façonnant une catégorie de sujets offrant les possibilités optimum pour cette exploitation pourrait être également fait pour l’Inde mais dans une autre catégorie de sujets. Dans ce dernier pays, c’est au contraire une catégorie de travailleurs sélectionnés par leur connaissance de l’anglais et leur niveau d’éducation qui constituent une autre catégorie de sujets d’exploitation dans des tâches bien définies. Utilisant toutes les possibilités offertes par le développement des techniques (transports ou internet), le capital peut ainsi sélectionner dans le monde entier les secteurs les plus favorables pour l’extraction de la plus value, quitte à en rechercher d’autres lorsque les précédents, pour diverses raisons dont la lutte de classe s’avèrent moins rentables.
(75)China Labour Bulletin n° 85, 9/6/2007
(76) Falling through the Floor. Migrant women Workers Quest for decent Work in Dongguan – China Labour Bulletin, septembre 2006; A second wave of Labour Unrest in China Wong Kun Yan ( Hong Kong, 2005
(77) China Labour Bulletin n° 59, 12/2/2005
(78) Echanges n° 120, printemps 2007, p 16
(79) Financial Times 3/11/2004 ; Financial Times 4/1/2006 ; Le Monde 2/3/2006
(80)Perspectives Chinoises n° 90 juillet août 2006.
(81) Perspectives Chinoises n° 90 , juillet-août 2006
(82) China Labour Bulletin 29/6/2007
(83) Perspectives Chinoises n° 90, juillet-août 2006
(84) China as a World Factory , New Practices and Struggles of Migrant Women Workers – 2005 ; Standing up: The Workers Movement in China 200-2004 (China Labour Bulletin) ;The Chinese Working Women’s Network, Pun Ngai et Yang Lie Ming; Against The Current n° 130
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