Ching
Shih, capitaine pirateNée
en 1784, elle est prostituée à Canton quand elle se fait
capturer par des pirates. Elle se marie avec l'un d'entre
eux, Cheng I, pirate renommé descendant d’une famille
pratiquant la piraterie depuis des générations. A sa mort, sa veuve
entreprend alors de consolider son pouvoir en s’assurant du
soutien de sa belle-famille ainsi que des capitaines pirates qui
lui étaient loyaux.
Pour
unir la flotte, Ching Shih établit un code de lois sévère et
strictement appliqué : sont punies par la mort désobéir
aux ordres, voler les villages qui assistent les pirates, ne pas
mettre le butin en commun ou violer une prisonnière. Appelée
par les Britanniques "La Terreur de la Chine du Sud",
elle a commandé l’une des flottes de pirates les plus
puissantes de l’histoire ; si puissante qu’aucune marine n’a
jamais pu la vaincre.
LES
FEMMES DANS LA CHINE D’AUTREFOIS ET D’AUJOURD’HUI
(Henri Simon)
Chaque
fois que l’on parle de la Chine, quel que soit le domaine traité,
il est nécessaire de rappeler quelques éléments qui permettent de
relativiser ce que les médias, et parfois nous-mêmes, font
d’événements ponctuels ou de détails, qui peuvent être
intéressants ou symptomatiques mais pas forcément généralisables.
Tout
d’abord, il faut considérer la dimension territoriale de la Chine
(équivalente à celle de l’Europe ou des USA), celle de sa
population (plus de 1,3 milliards d’habitants c'est-à-dire presque
trois fois la population de toute l’Europe) et les grandes
disparités qui en résultent tant dans l’évolution économique,
dans celles des classes sociales et dans la vie sociale elle-même.
Outre
ces disparités, ce qui frappe, c’est la rapidité de cette
évolution dans la période récente ( on pourrait dire que dans les
50 dernières années en Chine le développement économique et ses
conséquences sociales équivaut à celui mis presque deux siècles à
évoluer en Europe). Ce qui fait qu’au-delà de ces mutations et de
leur grande diversité, ce qu’on peut observer et analyser à un
moment donné risque d’être bien dépassé, d'autant plus, lorsque
l’on sait que les statistiques chinoise ne sont pas spécialement
fiables
Au-delà
et en raison de toutes ces considérations, parler de la situation de
la femme dans la Chine d’aujourd’hui nécessite d’examiner une
évolution historique en remontant dans un passé pas si lointain. Il
en subsiste, inégalement, des éléments tenaces souvent masqués
par les formes superficielles et limitées d’un modernisme
économique et social.
Les
traditions ancestrales.
Les
traditions sont souvent profondément ancrées dans l’inconscient
individuel et collectif et perdurent même si les structures
économiques et sociales qui les justifiaient ont pratiquement
disparu.
Je
voudrais pour illustrer ce propos relater une expérience personnelle
concernant le cas individuel d’une femme rencontrée en Chine en
1990. Elle avait vécu une expérience cruelle de la Révolution
Culturelle, séparée alors de son mari et de son enfant en bas âge
Ils avaient été envoyée, elle à l’autre bout de la Chine, et
lui dans une île proche du continent. Ils ne s’étaient rejoints
qu’à une date assez récente après une longue séparation. Lui,
était devenu un responsable administratif local, vraisemblablement
membre du Parti Communiste, dans une ville moyenne côtière dans le
centre de la Chine proche de Shanghai. Elle, était professeur
d’anglais dans le secondaire et avait fait un séjour d’une année
en Grande-Bretagne comme étudiante. Elle avait tenu à m’accompagner
dans un lieu de pèlerinage bouddhiste sur une île proche de la côte
où je la vis se plier à tous les rites religieux et remercier le
bouddha de lui avoir permis de retrouver son mari, une situation qui
de toute évidence avait été l’œuvre du Parti et non des dieux.
Si
l’on peut trouver dans des endroits reculés de la Chine, chez des
minorités ethniques, des sortes de matriarcat primitif (par exemple
chez les Na) (1), la morale de Confucius réglait le sort de la
femme, du 13ème siècle jusqu’au début du XXième
siècle : « L’homme est à la femme ce que le soleil
est à la lune. Il dirige, elle suit et c’est ainsi que règne
l’harmonie » (2) Ce qui se traduisait en pratique par les
« trois obéissances » au père, au mari et au frère
aîné du mari si elle était veuve. Dans toute cette période de
soumission à un mâle, les tâches étaient réparties
invariablement : l’homme à l’extérieur, le femme à
l’intérieur mais accessoirement promue aide extérieure aux
travaux des champs. Cette morale individuelle et sociale est remise
en selle aujourd'hui dans un néo-confucianisme quasi officiel (3)
Cette
soumission de la femme prit la forme dans les milieux élevés dans
la hiérarchie sociale par la pratique des « pieds bandés »
qui faisait de la femme un être quasiment infirme cloîtrée dans
son intérieur, un quasi objet sous la dépendance de l’homme qui
de plus pouvait se payer des concubines, notamment si la
« première » ne lui donnait pas d’héritiers mâles.
Bien
sûr cette pratique n’avait pas gagné les milieux populaires, pour
la raison simple que la femme était en dehors de tâches
proprement domestiques et familiales, « un bras » ayant
une fonction économique. Elle était un accessoire mais nécessaire
au travail de l’homme pas seulement dans les milieux paysans mais
aussi artisans, marchands, bateliers, petits lettrés où l’on ne
pouvait s’offrir une domesticité. Le femme devait accomplir des
tâches parfois lourdes mais cela ne la dispensait nullement de
l’assujettissement à l’élément masculin, principalement le
mari dans ces derniers cas; Son importance économique se reflétait
dans le fait que la naissance d’une fille était considérée dans
les milieux paysans comme une sorte de perte car un jour elle devrait
quitter le foyer et « enrichir » une autre famille alors
que le fils introduirait un jour un « bras »
supplémentaire. Un dicton populaire chinois précisait que "Mieux
vaut un fils handicapé que huit filles en bonne santé."
Dans
tous les cas, la femme était exclue de la vie politique et de toute
possession. Elle- même était ainsi une possession. Toute jeune elle
faisait l’objet d’une promesse de mariage où les entremetteuses
jouaient un grand rôle, avec remise d’une dot. Le tout était
étroitement réglementé par un ensemble de rites dont le
non-respect entraînait opprobre social et règlements de comptes. Le
but du mariage, outre, dans les milieux non bourgeois l’apport d’un
« bras », était d’assurer par la naissance d’un
garçon, héritier mâle qui assurerait la pérennité de la famille,
l’entretien des vieux et le culte des ancêtres selon également un
rituel strict. Si la femme ne pouvait apporter d’héritier mâle,
ce sont les concubines qui s’en chargeaient éventuellement ou
même, dans les familles bourgeoises, la domesticité féminine (le
garçon né dans ces conditions n’est pas considéré comme un
bâtard et sa mère élevée alors au rang de concubine)(4) Dans
l’entre deux guerres, il était encore de pratique courante
d’acheter dès l’âge de 7 ou 8 ans des filles des milieux
pauvres pour en faire des domestiques, parfois des concubines mais
qui pouvaient tout autant être revendues comme de véritables
esclaves ( un état qui pouvait aussi concerner les domestiques
hommes). Nous verrons plus loin qu’aujourd’hui par l’effet
pervers de ces coutumes et de la réglementation des naissances,
cette pratique de la vente des filles resurgit. (5). En 1981 la
Fédération des femmes mandata officiellement une commission
d'enquête sur ce trafic persistant.
Les
révoltes des femmes et les luttes pour leur émancipation
Le
rôle parfois joué par les femmes dans certaines des grandes
révoltes qui ont ponctué l’histoire de la Chine moderne montre à
quel point la condition de la femme était contraignante. Lors de la
révolte des Taïping (1850-1864) à côté d’une armée de 600 000
hommes se forma une armée de 500 000 femmes : c’était
une émancipation totale par rapport aux hommes mais marquée par
une morale très stricte et une ségrégation des sexes.(6)
La
révolte des Boxers en 1900 (7) vit une importante participation des
femmes, mais dans des conditions très différentes que l’on
retrouvera dans le début de la révolution bourgeoise en Chine avec
la proclamation de la République par Sun Yat Sen en 1912 (8).
Pour une période très brève on pouvait penser qu’un effort
d’émancipation se poursuivrait, touchant la condition de la femme
chinoise. Les femmes ne sont pas seulement des auxiliaires mais on
les rencontre aussi, assimilées aux hommes dans une « Armée
Nationale féminine » et même un « Corps des femmes pour
l’assassinat » (9) Un mouvement de féminisation se développa
dès 1912 lors de l'instauration de la République, mais la
constitution provisoire ne mentionnera même pas l'égalité des
sexes. Les brigades féminines de guerre, jugées trop dangereuses
sont dissoutes par le gouvernement provisoire et elles femmes en sont
réduites à militer dans un « Mouvement pour les droits des
femmes ». Certaines femmes chinoises, des intellectuelles,
viendront même en France avec des "étudiants ouvriers"
pour étudier la démocratie occidentale. Mais rapidement dès 1913
s’ouvrit une période de troubles et de guerres, de rivalités
entre les puissances occidentales colonisatrices,puis de l’invasion
japonaise et des affrontements entre les chefs de guerre dans une
Chine plongée dans un chaos qui ne se termina qu’avec l’avènement
du maoïsme en 1949. Après quelques actions spectaculaires le
mouvement féministe se poursuit difficilement dans ce chaos de lutes
politiques, militaires et de répression (10). Le Kuo Min Tang aurait
compté dans ses groupes féministes jusqu'à un million et demi de
membres alors que le Parti Communiste n'en aurait compté que 300
000 (11)
Les
femmes furent sans aucun doute des victimes toutes désignées dans
cette longue période de troubles. Mais le faible courant
d’émancipation qu’avait soulevé la fin de l’empire se
poursuivait souterrainement. Le changement qui s’amorçait dans la
condition de la femme était double. D’un côté, les femmes de la
bourgeoisie étaient attirées par la condition des femmes
occidentales qu’elles pouvaient tenter de mettre en pratique mais
aussi d’idéaliser sous la forme d’une propagande féministe.
D’un autre côté, le développement d’industries notamment
textiles dans certains grands centres urbains attirait beaucoup
d’ouvrières venant des campagnes ce qui modifiait leur condition
mais il était difficile de parler d’émancipation tant elles
pouvaient être exploitées C’était néanmoins une mutation par
rapport aux structures de la société paysanne toujours dominée
par les relations familiales traditionnelles.
L’émancipation
des femmes de la bourgeoisie utilisait les canaux de la domination
coloniale, européenne et japonaise et tentaient de promouvoir par
l’éducation l’affranchissement des carcans coutumiers et
culturels ancestraux. Mais cela restait bien limité, à un milieu
bien défini, celui de la bourgeoisie chinoise. Si lors de
l’établissement de la République, un Code de la femme est
promulgué : il maintenait, avec des aménagements, le rôle
traditionnel du père et de la mère dans la famille. Dans les 40
années de la période troublée qui suivit, il n’eut que bien peu
d’influence sur la condition féminine. .A l’époque, dans la
foulée de l’occidentalisation dont s’imprègne principalement la
classe bourgeoise et les rares intellectuelles , on voit dans les
villes in foisonnement d’organisations féministes impulsées par
des femmes de la bourgeoisie évoluée qui ne sont d’ailleurs pas
exemptes de contradictions. Par exemple, on cite en 1937, le cas de
filles de familles bourgeoises qui fréquentent des écoles
occidentales alors qu’à la maison elles sont servies par des
fillettes achetées comme esclaves domestiques ( dans la Chine de
1937, il y aurait ainsi 2 millions d’adolescents domestiques dans
une telle situation)(12)
Le
début d’industrialisation de la Chine par les puissances
coloniales allait dans certains secteurs, particulièrement
l’industrie textile, faire sortir des campagnes et de leur
condition traditionnelle, une autre partie des femmes, quoique d’une
manière limitée, vu l’importante toute relative de cette
industrialisation. En 1930, 28 villes chinoises virent le
développement de l’industrie textile qui employait alors 374 000
femmes contre 337 000 hommes. Ce sont des migrantes avant la
lettre, déjà parquées dans des dortoirs. Une filature de Shanghai
exploitait alors 29 000 ouvrières (dont 3 000 enfants) sur
62 000 travailleurs. Leur salaire était la moitié ou les 2/3
de celui des hommes et les grèves d’ouvrières ne sont pas une
exception. (13)
Inévitablement
à la fois dans les milieux bourgeois et dans ces milieux ouvriers,
bien que d’une manière bien différentes pénètrent les mœurs et
les modes de vie occidentaux tant dans les apparences notamment
vestimentaires que dans les relations sociales. Lors de la répression
féroce qui accompagna l’écrasement de la Commune de Canton en
1927(14), 2 à 300 femmes furent arrêtées lors d’une chasse aux
« cheveux courts » considérés comme la marque d’une
« activité révolutionnaire ». Mais,la reprise en mains
par le Kuo Min Tang ramène tout au moins quant aux apparences et aux
propagandes émancipatrices, la femme dans son rôle traditionnel en
décidant que « les revendications des femmes sont un facteur
de désordre »
L’irruption
du maoïsme
La
conquête de la Chine sous la domination militaire et idéologique du
clan maoïste du Parti Communiste Chinois marque-t-elle une réelle
émancipation des femmes de leur condition ancestrale ?
Pour
comprendre l’attitude du Parti Communiste chinois à l’égard des
femmes, il faut remonter à la création du Parti Communiste Chinois
en 1921. Bien des militantes du Mouvement pour les Droits des femmes
rejoignent alors la Parti. Sur ordre de Moscou un département
"femmes" y est créé et une rubrique féminine a sa place
dans les organes du Parti (15). Les ralliées subordonnent la cause
de la femme à la cause de la révolution qui résoudra ipso facto
tous les problèmes y compris ceux des femmes. Quatre femmes font
partie du Comité Central du Parti en 1927, mais une seule en 1949.
Lorsqu’en 1935, Mao s'écarte de Moscou en instaurant sa
conception de la révolution socialiste par la paysannerie, c'est
plus que jamais cette conception qui prévaut. Sur le papier, le
Parti peut reconnaître les revendications d’émancipation des
femmes mais traduire cela dans les faits gênerait cette implantation
dans les campagnes : « En ce qui concerne le système
coutumier, les superstitions et l’inégalité entre l’homme et la
femme au sein de la famille disparaîtront d’elles-mêmes avec la
victoire dans les domaines politique et économique ». Les
paysans forment encore à cette époque près de 90% de la
population chinoise : dans ce nombre, 70% ont une femme
‘achetée » et des dettes contractées à cet effet. (16). De
fait les positions du Parti sur cette question des femmes seront un
louvoiement perpétuel. En 1943, le Comité Central du Parti se
prononce sur le sujet en toute ambiguïté:" Il faut encourager
les femmes à changer les vieilles coutumes comme le bandage des
pieds ou les négligences de sons physiques qui nuisent à la santé
et affectent le travail...Il fau que ce soit les paysans eux-mêmes
qui renversent les idoles" (17)
Dans
le Parti Communiste et dans les activités du parti le rôle des
femmes est négligeable sauf peut-être pour le « repos du
guerrier ». En fait elles ne sont pas « reconnues »
Lors de la Longue Marche (18) qui comptera jusqu’à 100 000
hommes, il n’y a que 50 femmes et 30 survivront à cette terrible
épreuve.
Le
1er octobre 1949, Mao proclame à Beijing la République
Populaire de Chine. Un des slogans d’alors c’est « Les
femmes peuvent porter l’autre moitié du ciel » (19). Une des
premières lois votée par le nouveau régime est une loi
matrimoniale qui interdit la vente des épouse et concubines, les
pieds bandés légalise le divorce, chasse la prostitution et
« organise » les femmes dans une Fédération Nationale
des Femmes. On proclame l'égalité absolue des hommes et des femmes
mais à ce moment 69 femmes (10% du total des membres) participent à
la Conférence Consultative du Peuple Chinois
Mais
de nombreuses contradictions donnent la portée réelle de ces
dispositions légales. En théorie, l’installation en 1956 de la
collectivisation forcée dans les campagnes avec les communes
populaires libère la femme des travaux domestiques en instituant
l’égalité absolue des sexes dans les activités de la commune.
Mais c’est pour y substituer, en toute égalité, la soumission
absolue au parti. Dans les villes, cette soumission passe par les
comités de quartier composées de femmes chargées de dépister les
ennemis du régime mais elles sont cantonnées dans ces tâches
d’espionnage et de suggestions ; les autres échelons du parti
comportent bien peu de femmes.
On
peut penser que les femmes eurent particulièrement à souffrir lors
de la folie maoïste du "Grand Bond en Avant" ( 20) qui
voulait que les communes populaires se consacrent à une
industrialisation de base( 1959-1961) et qui fit de 40 à 60 millions
de morts - de famine principalement.
L’indifférenciation
sexuelle entre sujets de l’Etat et du Parti supprime et réprime
toute manifestation de subjectivité de la femme : elle
s’exprime dans le fameux costume bleu mao imposé indifféremment
à tous mais ce n’est pas seulement un symbole, toute infraction
vestimentaire ou attraction sentimentale est considérée comme une
déviation à la règle du parti. L'asexualisation se traduit dans le
vocabulaire par un mot unique - gongren- travailleur homme ou femme
et tongzhi - camarade - homme ou femme (21) Cela atteindra un
paroxysme lors de la Révolution Culturelle ( 1966 – 1978) (22) où
tout devint asexué avec la chasse aux vêtements occidentaux et un
retour strict à l’uniforme unisexe, au puritanisme, l’amour
étant classé alors comme marque d’une « étroitesse
d’esprit ». Au moment de la Révolution Culturelle, le
divorce est strictement défini:"Le choix du mari et de la femme
étant libre et dans l'absence de querelles sur la propriété, il
n'y a pas de motifs de divorce sérieux qu'une discussion avec les
camarades ne puisse régler" (23)
Mise
à l'écart à partir à partir de 1966, la Fédération des Femmes
liée au Parti est remise en selle en 1979 sous l'impulsion d'une
universitaire Li Xinojangqi cherche à promouvoir plus de
considération et plus de place pour les femmes. Mais cette réaction
officielle avance pour les femmes, dans un relent de confucianisme,
la théorie des "quatre soi" : se respecter, s’estimer,
rester maître de soi et travailleur à s'améliorer. (24) La
décollectivisation par l'éclatement des communes populaires dans
les années 1970 marqua, avec une forme d’appropriation
individuelle de la terre, un retour à la culture patriarcale,
patrilocale et patrilinéaire La femme cessait d'être "asexuée"
pour retourner dans les mêmes formes de domination masculine, mais
les ruptures antérieures faisaient que ce retour ne signifiait pas
un rétablissement identique à l'ordre ancien (25)
Le
rôle de la femme comme reproductrice
Sur
ce point, les thèses du Parti seront mal définies et donneront lieu
à des débats au sein de ses organismes dirigeants ; Mao est
pour le lapinisme intégral : dans le conflit qui s’annonce
avec les USA, plus il y aura de petits chinois, plus il en survivra
d’une guerre atomique ; plus il y aura d’habitants, plus le
pays sera puissants. Ces absurdités failliront coûter cher à la
Chine dont la population va connaître un énorme saut et des
problèmes de subsistance ; ces problèmes se prolongent jusqu’à
maintenant avec les descendants de ce « bond en avant »
démographique et la masse de « migrants » qui ne
peuvent être absorbés par le développement économiques. Les
successeurs de Mao auront une vision plus réaliste mais tout autant
bureaucratique avec la politique de l’enfant unique appliquée avec
rigueur depuis les années 70. Le taux des enfants par femme passera
de 5,8 en 1970 à 1,8 en 2006 (26)
Mais
cette logique bureaucratique aura des effets pervers ; Même
avec des aménagements (notamment pour les minorités ethniques très
minoritaires et en général localisées aux marges frontalières et
pour les paysans) , ce contrôle des naissances très
spécifique va devenir un instrument de contrôle supplémentaire sur
les femmes (les femmes des comités de quartiers y joueront un rôle
particulièrement répressif notamment par des contraintes à
l’avortement), renforçant la domination locale du parti et sa
corruption. Dans les années 1980, le contrôle de la natalité
reposait sur des armes entre els mains des autorités locales: la
persuasion par l'insistance des cadres du parti,la coercition par des
visites surprises dans les foyers redoutées des femmes,l'avortement
forcé et les amendes pour naissance illégale.( 27).L’application
stricte de ce « contrôle des naissances » particulier a
donné lieu encore tout récemment à une émeute dans une région
paysanne ( mai 2007) (28 ) Pour avoir dénoncé la politique de
stérilisation et les agissements de la police locale, un avocat a
été en août 2006 condamné à 4 ans trois mois de prison (29)
Il
semble pourtant que des tolérances locales de plus en plus
nombreuses assouplissent quelque peu les rigueurs de cette politique
anti nataliste. En 2004, la commission de planification des
naissances de Shanghai a supprimé les amendes pour le 2ème
enfant. On peut penser que cet assouplissement tout comme la semi
légalisation des migrants est la conséquence de pressions
économiques et sociales. (30)
Mais
le plus pervers fut le conflit entre cette mesure motivée par des
raisons économiques évidentes plus ou moins rationnelles et ce
qui, malgré l’endoctrinement du parti, subsistait dans tous les
milieux sociaux des croyances ancestrales du privilège du garçon
par rapport aux filles. L’enfant unique devait être avant tout un
garçon, des pratiques, qui préexistaient déjà à ces nouvelles
mesures se sont développées pour sinon l’élimination par
infanticide des femmes à la naissance, sinon leur non - déclaration,
sans compter l’essor des pratiques de corruption des autorités
locales du parti pour qu’ils ferment les yeux. L’expansion de
l’échographie a connu un tel développement accompagné
d’avortement de la future fille qu’elle a dû être interdite à
cet effet en 1996, ce qui a fait croître un commerce clandestin de
l’échographie. Il est difficile de situer l'ampleur du problème
de l'élimination des filles en raison précisément qu'il s'agit de
pratiques illégales. Il y aurait ainsi chaque année 9 millions de
naissances illégales dont 90% en milieu rural; elles seraient
évaluées entre 5% et 33% du total des naissances selon une source,
entre 12% et 33% selon une autre source et seraient essentiellement
des filles (31) L’effet cumulé de ces mesures liées également
avec la génération du baby-boom des premières années Mao qui peu
à peu arrive à la retraite ( 32 ) est que, d’une part, le nombre
de femmes en âge de procréer est très inférieur au nombre
d’hommes (il naîtrait encore aujourd’hui près de 120 hommes
pour moins de 100 femmes, jusqu’à 125 dans certaines régions, la
norme biologique étant de 105 garçons pour 100 filles) et qu’il y
a de moins en moins d’actifs pour un nombre croissant de retraités
inactifs. Les autorités estiment qu’en 2020 30 millions d’hommes
– les plus pauvres et/ou les moins instruits- ne trouveront pas de
femmes, Déjà, en 2001 , le déficit de filles représentait10% de
la population féminine (33)
.
Sans
doute s’éloigne-t-on de l’adage traditionnel qui affirmait
« Elever une fille c’est cultiver le champ d’un autre ».
Mais seulement peu à peu. En témoigne la tendance persistante à
l’élimination des filles (avortement, infanticide, mortalité
supérieure par manque de soins). . Il est difficile également
d'évaluer les avortements de filles qui se compteraient par millions
En 1980, un quart des naissances de filles n’était pas déclaré
et, preuve que ces pratiques n’avaient pas disparu, l’amnistie
dans le Shandong pour cette non déclaration qui « régularise »
70 000 « naissances » inexistantes, et une campagne
officielle lancée en 2001 sur le thème « Plus de
considération pour les filles ». A la même époque est
promulguée une loi qui facilite le divorce mais ce sont massivement
des femmes qui s’en prévalent ce qui montre que leur position dans
le couple, quelle que soit la forme qu’ait prise le mariage, ne
leur est pas favorable (34)
Dès
maintenant, il manquerait 110 millions de femmes et I/4 des hommes ne
peuvent que difficilement trouver de compagnes En 1982,9% des hommes
de 31 à n34 ans n'étaient pas mariés contre seulement 1% des
femmes du même âge; en2004 ces taux étaient respectivement de 25%
pour les hommes et toujours de 1% pour les femmes. (35)Le surnombre
d’hommes et le manque de femmes jeunes a fait développer un
« marché noir » de femmes qui va de la vente directe
comme autrefois au kidnapping pour « justes noces » et à
la prostitution : quelques chinois se sont même fait une
spécialité dans la recherche des femmes enlevées pour être
vendues à un mari.
Il
y a 13 ans, Hibiscus a été enlevée à 18 ans dans son village
reculé et vendue 350 euros à un paysan qui l’a ensuite revendue à
un autre paysan (dans ce nouveau village, trois femmes one été
aussi achetées). Elle a eu un enfant et est particulièrement
maltraitée à un tell point qu’elle cherche à retourner chez elle
et réussit à avoir un contact avec sa mère/ En mai 2006, cette
dernière, devant son impuissance à récupérer sa fille, fait
intervenir un avocat qui s’est spécialisé dans la recherche des
« filles vendues ». Après des péripéties dignes d’un
western, avocat en mère réussissent à ramener Hibiscus à son
village, ayant déjoué la violence du clan du père et les
complicités policières locales ; mais le père a réussi à
garder l’enfant. On estime que, encore aujourd’hui chaque année,
entre 30 000 et 100 000 femmes sont ainsi vendues soit par
leur propre famille soit par enlèvements.( hors les réseaux de
prostitution) (36)
Un
autre phénomène quoique de dimension réduite peut attester de la
pression globale contre cette politique de l’enfant unique. Le
statut particulier de Hong Kong (bien que rattaché à la Chine)
garantit la résidence dans ce territoire aux femmes chinoises qui
parviennent à y accoucher ; ce droit de résidence permet
notamment d’échapper à la loi de l’enfant unique qui ne
s’applique pas à Hong Kong. Cette situation fait qu’en 2006, 38
% des naissances ne viennent pas d’un père Hong Kongais et
concernent des Chinoises de l’intérieur (37)
L’évolution
de la condition de la femme dans le « socialisme de marché »
L’essor
économique de la Chine surtout dans son développement industriel a
eu un double effet, qui est en quelque sorte le prolongement de ce
qu’on pouvait voir s’amorcer dans l’entre deux guerres. D’un
côté une prolétarisation de la femme passant du secteur agricole
au secteur industriel (de la dure condition d’auxiliaire du travail
agricole prisonnière des coutumes ancestrales à la dure
exploitation de l’usine), de l’autre le développement d’une
bourgeoisie chez laquelle la femme « émancipée » est
traitée avec les traits parfois contradictoires des sociétés
occidentales.
Un
des traits essentiels de l’évolution des 50 dernières années est
l’entrée en masse des femmes dans le travail salarié industriel.
On a vu que déjà avant le seconde guerre mondiale la femme pouvait
être exploitée – principalement dans le textile – dans des
conditions similaires à celles du 19 ème siècle en Europe, mais la
principale caractéristique de la période récente est la rapidité
de cette intégration dans l’économie non agricole. En Europe,
cette intégration a mis plus d’un siècle à se mettre en place,
les guerres jouant un rôle important dans la nécessité de
remplacer les hommes dans les usines. La Chine, pour faire face à
une accumulation primitive rapide avait besoin de bras et pouvait
puiser, hommes et femmes dans l’énorme réservoir de la population
paysanne, qui pour une part voyait dans le passage de la pauvre ferme
à l’usine (alors avec les avantages de l’unité de travail) une
ascension sociale. Les chiffres suivants montrent la rapidité de
cette intégration des femmes dans le secteur industriel :
Année effectif
de femmes dans l’industrie pourcentage de la force de
travail total
1949 600 000 7,60
%
1978 31
millions 33%
2004 330
millions 41,7 %
2007 46%
Il
est bien évident que cette évolution avait des conséquences sur la
condition de la femme et sur sa place dans le cercle familial. Bien
que souvent, sa condition de « migrante » résulte de
l’assujettissement aux contraintes ancestrales (la promotion du
garçon) la fait de « sortir de sa campagne » pour aller
à la ville, si dure que soit sa condition d’ouvrière et le peu de
loisirs que lui laisse cette servitude entraîne un brassage et des
contacts avec un autre monde. De plus, le fait de devoir s’expatrier
ainsi pour subvenir à certaines nécessités de la famille lui donne
un certain pouvoir dans les relations familiales, alors même qu’elle
puisse avoir un certain ressentiment quant aux sacrifices auxquels
elle a dû consentir pour se plier à la tradition. Comme pour
l’ensemble de la population chinoise, les personnes âgées et plus
particulièrement les femmes, si on ne peut avoir le soutien d'un
enfant (plus spécialement d'un fils) doivent travailler aussi
longtemps que possible pour survivre; 80% des personnes âgées
dépendent ainsi pour subvenir à leurs besoins de l'aide d'un
enfant. (38)
Une
contradiction du même ordre peut aussi se voir pour le femme du mari
qui a dû « migrer » pour compléter le maigre revenu de
la terre (il y a un siècle le développement capitaliste a connu en
France par exemple nombre de ces ouvriers-paysans). La femme, restée
au foyer doit assumer, seule ou sous contrôle des parents du mari,
le travail de la terre et la gestion domestique : dans le cadre
des structures familiales traditionnelles, cela change quelque peu sa
condition dans le sens d’une plus grande indépendance. Pour
apprécier la dimension de cet ensemble de problèmes pour la femme,
on doit considérer qu’encore aujourd’hui, près de la moitié de
la population vit encore dans des zones rurales
Si
on peut, sous toutes réserves, généraliser la condition de la
femme dans les milieux populaires ouvriers ou paysans dans ces
dernières années, cette condition peut se résumer ainsi
-:
participation réduite à la vie politique qui reste un domaine
masculin
-
contrainte d’habitation dans la famille du mari (elle n’a
d’ailleurs pas les mêmes droits que les hommes dans les
successions)
-
cumul du travail salarié ou paysan avec le travail domestique
-
même sur le plan économique une discrimination pas tant dans les
emplois occupés et dans les salaires mais dans certaines
circonstances, par exemple lors de la restructuration des entreprises
d’Etat les premiers licenciés étaient les femmes.
-
inégalité dans l’éducation, priorité étant donné au garçon
quant aux études qui, vu leur coût, présentement obligent à des
choix en présence de plusieurs enfants. Les exemples abondent où la
fille même douée doit interrompre ses études pour devenir
« migrante » pour payer les études du garçon.
-
Rejet de la famille d’adoption par mariage si elle n’a pas
d’enfants mâles
-
Bien des femmes intériorisent cette situation dans un complexe
d’infériorité même si le travail à l’extérieur de la
campagne, ce qui, malgré les sollicitations et les contradictions
que nous avons relevées, rend plus complexe et plus lent un
processus d’émancipation.
Ainsi,
en dépit des proclamations sur les grandes réalisations de la Chine
quant à l’égalité sexuelle, la plupart des hommes, y compris
dans les situations que nous venons de décrire regardaient les
femmes comme de simples objets sexuels même dans des ouvrages
défendant ouvertement la cause des femmes. Plus on monte dans la
hiérarchie administrative plus la présence des femmes est réduite
passant de une femme pour huit hommes dans les échelons les plus
bas à une femme pour 25 hommes dans les échelons élevés.
L'Assemblée Populaire Nationale qui intronise les dirigeants du
Parti comptait 22% de femmes en 1998-2003<et 20% en 2003-2008.
D’une certaine façon, on pourrait ajouter cette réflexion d’une
féministe chinoise : « Si les femmes sont plus
libres, cela signifie qu’elles sont plus susceptibles d’être
exploitées » (39)
Mais
tout cela n’est pas une situation fixe : l’essor économique
de la Chine fait que les meurs et les habitudes changent, peut être
inégalement et lentement, mais elles changent, quelles que soient
les façons dont ce changement chemine (brassages, travail,
migrations, même la télé malgré son contrôle et son conformisme,
expansion du portable et d’internet) dans ce qu’on pourrait
appeler une « modernité ».Globalement, la situation de
la femme reste quand même celle d’une inférieure qui a du mal à
trouver sa place en tant qu’être humain à part entière. Si la
domination du Parti dans la période d’accumulation primitive du
« bol de riz en fer » (40) dans l’unité de travail
l’enfermait dans les contraintes de cette domination, cela lui
conférait néanmoins, pour les privilégiées qui y travaillaient,
une sécurité d’emploi et de vie. L’ouverture économique dans
un capitalisme privé et non plus seulement d’Etat et le
démantèlement de ces unités de travail, tout comme le
démantèlement des collectivités rurales ont entraîné une
certaine dégradation des conditions matérielles de vie et dans
certains domaines une régression .notamment pour les femmes. S’il
est incontestable qu’en 1949 d’abord et paradoxalement dans les
années 1990 suite à l’ouverture de la Chine au capitalisme privé,
la situation de la femme chinoise, globalement et bien que de
manières différentes, s’est améliorée, on constate, depuis ces
dernières années une détérioration des conditions de vie qui
touche plus particulièrement les femmes. Ceci, en dépit d’une
élévation moyenne générale du niveau de vie, une amélioration
des ressources des paysans et une certaine amélioration des salaries
en raison de la concurrence des différents secteurs de production.
L’approfondissement du fossé entre riches et pauvres, s’il
favorise les femmes des classes moyennes signifie sans aucun doute
pour les femmes des secteurs les plus pauvres un durcissement de leur
condition de femme.
Cela
est particulièrement visible quant à l’accès à l’éducation.
En 1990, si 85% des femmes de plus de 60 ans n’avaient jamais
fréquenté l’école, la plus grande partie des enfants étaient
scolarisés ; bien sûr, à cette époque l’accès à des
études secondaires et supérieures dépendaient de l’opinion que
la Parti avait de vous ou de privilèges réservés à ses membres
(il serait trop long à ce sujet de parler des ravages de la
Révolution Culturelle dans ce domaine)
Aujourd’hui,
le coût des études a été multiplié par 10 de 1990 à 1997 et on
constate une chute de la scolarisation, notamment chez les filles.
Elles forment 83% de ceux qui quittent l’école après les 9 ans de
scolarité obligatoire, parmi les illettrés, la proportion de fille
est plus de deux fois plus élevée que celle des garçons. Même si
la situation d’ensemble est bien supérieure à ce qu’elle était
avant 1949, elle a régressé depuis 1980. Nous avons vu que, devant
ce problème de coût des études secondaires et supérieures, la
fille était invariablement sacrifiée au garçon, elle devait
souvent devenir « migrante » pour assurer les études du
garçon. Dans ce domaine de l’éducation,37 % des filles sont
retirées de l’école avant la fin de la scolarité primaire à
cause de la pauvreté contre 26% des garçons ; En 2002, 1,1 %
de la population entre dans l’enseignement supérieur et dans ce
nombre, on trouve 45% de filles.
On
pourrait multiplier de tels exemples quant au domaine de la santé,
d’autres avantages sociaux comme la retraite, qui font que la
condition de femme de la campagne, paysanne ou migrante, ou des
classes défavorisées des villes non seulement se dégrade, mais
est pris dans les tourments d’une économie peut être en plein
essor mais surtout en pleine mutation. Les revenus moyens dans les
campagnes sont quatre fois moins élevés que celui des habitants des
villes (41) Il suffit de s'éloigner de 80 km de Pékin pour
découvrir des familles qui voient la misère où un pantalon est
partagé entre 5 à 6 personnes..."(42)
Les
femmes des classes moyennes
Parler
des classes moyennes en Chine suppose tenir compte des
différentiations suivant les revenus et les signes extérieurs comme
l'appartement et la voiture., ce qui n'est pas forcément une
question de revenu mais de position sociale dans les différentes
branches du système politique et économique, public ou privé.. Si
les 20% plus riches de la population possèdent 48,50 % des
ressources totales, il s'agit d'une classe très disparate. Elle se
compose des nouveaux cols blancs (employés, techniciens, cadres),
des gérants ou propriétaires de PME, d'entrepreneurs individuels.
Leur position sociale se définit pas rapport au système politique;
ces "riches" peuvent être "dans" le système
c'est à dire appartenir à une unité de travail de l'Etat qui
procure maints avantages dont le logement, les garanties maladie et
retraite ou "hors" du système c'est à dire au secteur
privé mais avec des relations privilégiés relationnels avec le
système. (43).
Le
fossé entre classes moyennes et prolétaires peut être mesuré par
un exemple qui peut être observé partout en Chine. a Dongguan
(Guandong près de Canton), de 1994 à 2004,les fonctionnaires
municipaux ont vu leurs salaires augmenter de 340% ( de 8 000 yuan à
35 000 yuan par an alors que les salaires moyens n'ont augmenté que
de 71% ( de 6 000 à 10 000yuans ce qui signifie pour ces derniers
salariés un même pouvoir d'achat et même une régression pour
certains; pour ces salariés le salaire ne couvre que la subsistance
" 4 bols de nouilles frites à la sauce de soja par jour"
et le voyage annuel dans le village d'origine.(44)
Les
perspectives d'accession à cet état de classe moyenne exercent pour
garçons et filles un tel attrait qu'une véritable pression s'exerce
sur les milieux universitaires. En 2007, il a été délivré 5
millions de diplôme, 20% de plus qu'en 2006, cinq fois plus qu'en
1998 .Les conditions d'étude et les difficultés de cette
compétition non seulement à obtenir un diplôme mais à y trouver
un débouché ont entraîné même des manifestations et émeutes en
2006 et 2007 dans différentes villes notamment à Zhengzhou (Hunan)
(45). Les plus favorisés sont comme partout ceux qui ont le plus de
moyens, ce qui assure la reproduction de la classe moyenne " Si
l'on en a les moyens, les enfants peuvent bénéficier d'une
éducation dans des écoles pilotes où des méthodes sont des
garanties de succès. Par contre, dans les écoles publiques où
règne une discipline toute militaire, la compétition est féroce
avec une réussite au mérite (46)
On
évalue qu’il y aurait en Chine aujourd’hui entre 100 et 200
millions d’habitants appartenant à la classe moyenne. (cela
représenterait entre 8 et 15% de la population totale).On prête aux
dirigeants l’objectif de faire qu’il se constitue en 2020 une
classe moyenne qui regrouperait 45% de la population. Le régime a
dû abandonner sa politique de domination politique égalitaire et
totalitaire en raison de son développement économique et de la
domination des économistes (l’entrée des patrons dans les
instances supérieurs du Parti en est un des signes visibles). Mais
son affaiblissement idéologique doit être remplacé par le soutien
de nouvelles couches sociales trouvant un intérêt personnel dans le
développement économique La formation d’une classe moyenne
produit de ce développement économique et quelque peu encouragée
par les instances du Parti est à la fois cette base sociale et
surtout un rempart contre les « classes dangereuses »,
les prolétaires.
La
situation des femmes de cette classe moyenne est très contrastée
car également traversée par les influences des sociétés
occidentales, les possibilités de consommation qu’offre une
certaine richesse, les sollicitations du marché qu’elles
représentent (L’Oréal établi en Chine s’est lancée dans la
promotion du rouge à lèvres avec l’ambition d’en vendre un seul
tube à chaque femme de cette classe). Ce qui peut être dit de la
condition de la femme des classes moyennes est d’autant plus vrai
que l’on se trouve dans les grandes métropoles de la côte est et
sud est de la Chine et doit être de plus en plus tempéré à mesure
que l’on s’enfonce dans la Chine profonde et peut être cesse
d’être vrai dans les régions pauvres du Centre et du Nord Ouest
ou bien pour d’autres raisons dans les régions reculées des
montagnes de l’Ouest Pour se faire une certaine idée de la
différence des situations de ces femmes des classes moyennes que
leur revenu annuel moyen est de 1 200 euros ( ce qui dans des
villes comme Shanghai ou Beijing peut leur assurer un niveau de vie
similaire à celui de pays occidentaux alors que le revenu moyen
d’une femme des campagnes ( migrante ou pas) est de 400 euros et
que dans les régions les plus pauvres, le niveau de vie se rapproche
de celui de pays pauvres d’Afrique. De plus, 70 à 80% des femmes
des classes moyennes des zones urbaines, résidentes pour la plupart,
ont des garanties sociales (retraite, santé, maternité) contre 6 à
8% dans les zones rurales (en particulier les migrantes n’ont rien
de cela)
.
D’un
côté, la femme, dans ce milieu peut afficher une certaine
indépendance sinon l’avoir réellement si elle est dépendante du
mari. Le divorce est devenu plus facile qui peut se trouver favorisé
par la pénurie de femmes. Si elle travail elle doit, comme ses
consoeurs ouvrières ou paysannes concilier leur vie professionnelle
et leur obligations familiales et cela dans une société qui, même
dans ce milieu reste profondément machiste. Si la sexualité n’est
plus pour elles un objet tabou, la « modernité » a
introduit, dans le prolongement de ce qu’elle pouvait être antan,
une « femme objet » que développe certainement sa
situation « d’objet recherché » en raison de sa
rareté.
Si
la dictature du Parti tendait à faire de la femme un objet asexué
niant sa nature profonde de femme, la dictature du Marché, pour
cette classe moyenne sous couvert de l’exalter, en fait une sorte
de représentation objectivée. En 1980 l’écrivain Zhang Xian
liang exprimait cette mutation future, faisant dire à un de ses
personnages : » La Chine est un immense couvent. Elle ne
pourra progresser que lorsqu’elle sera devenue un grand bordel ».
S’il y avait du vrai dans l’évolution de la sexualité dans
cette classe moyenne, le progrès dont il parlait n’était pas dû
à l’évolution des moeurs mais à l’évolution économique
elle-même. Dans les villes et pas seulement dans la classe moyenne,
on pourrait résumer le rêve de vie par « tomber amoureux et
profiter de la société de consommation ». Fin 2004,60% des
foyers de Beijing sont des familles nucléaires et plus de la moitié
des familles des villes se composent de trois personnes). L’âge du
mariage recule et on rencontre dans les villes des familles
monoparentales, des couples sans enfants, des familles recomposées
et des célibataires par choix. ..."(47)
Si
la politique de l’enfant unique continue ce n’est pas tant, dans
cette classe moyenne pour satisfaire aux autorités mais par égoïsme,
parce que cela prend du temps et coûte cher. Même dans ce milieu si
favoriser le garçon reste une attitude fréquente, cette tendance
semble présentement s’inverser : dans les villes modernes de
la côte est le fait d’avoir une fille n’est plus considérée
comme un tare mais devient même un snobisme (évolution peut être
due à la pénurie de femmes). Dans ce milieu de classe moyenne, les
parents s’investissent beaucoup dans la réussite scolaire de
l’enfant, ceux des milieux aisés vont en pension, ceux avec moins
de moyens les confient aux grands parents ne les prenant les uns et
les autres que le week-end. A la limite, dans les campagnes, père
et mère sont à la ville, pourvoyant aux frais scolaires et ne
voyant leur progéniture qu’aux vacances
Il
ne fait aucun doute que les comportements de la femme dans cette
classe moyenne ne sont pas sans influence sur l’ensemble des femmes
des autres classes sociales. Mais, parler réellement d’émancipation.
pour cette classe moyenne et pour les autres copiant ce « modèle »
serait oublier que cette « émancipation » oscille dans
des contradictions. D’un côté l’argent facile développe la
sexualité dans une certaine forme de pornographie alors que persiste
dans ce domaine traditions et ignorance. D’un autre côté la
persistance de préjugés sur les filles qui donne lieu à un
cérémonial comme dans la célébration des mariages et dans la
tendance à faire des filles des « épouses modèles ».La
ville de Shanghai par exemple est considérée comme La Mecque des
filles car le travail y est plus intellectuel et moins physique; La
fille y est considérée économiquement "plus rentable"
(48)
Deux
exemples permettent d’illustrer la condition et le comportement des
femmes des classes moyennes. Toues deux travaillent dans la région
de Canton – Shenzhen (sud industriel côtier largement développé
autour de Hong Kong). Ce qui les rassemble, c’est qu’elles sont
nées à la fin des années 1970 ; elles n’ont pas connu ni
des troubles politiques, ni des difficultés économiques. ;
mais pourtant, elles se plaignent sans arrêt de leur condition car
elles doivent travailler ce qui ne correspond pas à leur idéal de
femmes nanti d’un mari très aisé.
Le
père de l’une d’elles est un homme d’affaires. Elle gagne 300
euros par mois comme programmatrice dans une entreprise de téléphonie
et se plaint du stress vu les conditions de travail. Elle a un ami
qui ne convient pas aux parents car il n’aurait pas d’avenir et
présentement peu de ressources. Depuis deux ans, elle cache cette
relation aux parents.
L’autre
est modéliste dans une entreprise de confection ; elle est plus
prisée sur le marché du travail car elle possède une qualification
acquise aux USA. En principe, elle gagne 500 euros par mois mais elle
n’en reçoit que 300, les 200 restants ne lui étant payés que
selon l’humeur du patron, c’est-à-dire de l’état de ses
affaires. Au nouvel an chinois l’entreprise est fermée trois
semaines car les salariés, tous des migrants regagnent leur
famille ; eux touchent moins de 100 euros par mois. Elle aussi
a un ami mais celui-ci est accepté par les parents mais il gagne
moins qu’elle et doit subvenir à ses parents âgés. Elle se méfie
de ses sentiments pour lui car elle espère un autre futur. (49)
Une
étude récente sur des femmes scientifiques de Shanghai montre que
leur engagement professionnel est restreint par leurs « obligations
familiales » et le sexisme ambiant. ; Sur les 17 800
chercheurs, 32% sont des femmes mais moins de 15% sont dans les
instances supérieures (sur 428 projets de recherche seulement 42
sont soutenus par des femmes). La plupart de ces femmes scientifiques
sont mariées à des scientifiques. L’ambition des étudiantes en
sciences n’est pas de faire carrière mais de trouver un mari
riche. Pourtant c'est dans ce milieu des classes moyennes que l'on
note un renversement de la situation à l'égard des filles et on
peut penser que ce renversement gagnera l'ensemble de la société
chinoise, surtout si cette classe moyenne s'accroît et si le
développement de l'économie entraînera des mutations profondes
parmi la population des campagnes
La
vie de la femme dans les campagnes
Un
témoignage relativement récent résumait ainsi ce qu’il avait
expérimenté dans les campagnes reculées : « Nous avons
vu une inimaginable pauvreté, des maux incroyables, des souffrances
et des désespoirs, des résistances et des silences inimaginables »
La
population rurale est encore estimée à 800 millions d’habitants
c'est-à-dire que 58% de la population peut être considérée comme
vivant de l’agriculture ou d’une activité locale à la campagne.
Sur ce nombre, 13%, plus de 100 millions sont des « migrants »,
En 2005, le revenu moyen dans les campagnes s’élève à 595$
contre 1 900 dans les grandes villes soit trois fois plus (50)
La
fin de la collectivisation et l’individualisation de l’exploitation
(la propriété de la terre restant collective, seule son
exploitation étant individuelle) dès la fin des années 70 a en
fait favorisé la reconstitution de la cellule familiale. Cela
pouvait marquer pour la femme le retour à une situation antérieure
d’autant plus que la collectivisation n’avait pas fait
disparaître toutes les séquelles du vieux système familial
traditionnel. Mais la situation n’était pas identique à celle
d’avant le maoïsme car, involontairement, le régime lui-même
avait fait évoluer les rapports familiaux dans les campagnes, non
par ses thèmes de propagande, mais par ses prévarications
politiques et par son développement économique.
Les
collectivisations avaient peut être nié la féminité de la femme,
mais en la mettant l’égale de l’homme, elles avait quand même
brisé quelque peu le modèle traditionnel ; la Révolution
Culturelle, en expédiant les citadins dans les campagnes souvent
lointaines avait, sans que ce soit le but recherché, entraîné
cette mixité ville campagne et certainement apporté des ouvertures
quant à la situation de la femme paysanne. Dans le même sens, plus
récemment, comme nous l’avons déjà souligné, le nombre
important de migrantes et de migrants, l’irruption des gadgets de
la civilisation (TV, portables, internet), les activités
commerciales complémentaire éventuelles font bouger les frontières
des habitudes traditionnelles de la vie sociale dans les campagnes et
entraînent des modifications dans les pratiques traditionnelles. Une
autre question que l’on peut se poser au sujet de la situation des
femmes des campagnes est l’incidence sur leur vie de famille et
leur vie propre lors des dépossessions fréquentes des terres au
profit de spéculations immobilières ou industrielles, source de
conflits locaux violents (51)
Citons
en seulement quelques uns :
-
disparition de la famille élargie et développement de la famille
nucléaire c'est-à-dire échappant à la tutelle des anciens. Mais
aujourd’hui encore, souvent, la femme doit rejoindre d’une
manière ou d’une autre la famille du mari.
-
Disparition du mariage contraint bien que persiste la fonction de
l’entremetteuse mais qui laisse un choix aux futurs dans la
possibilité d’un refus
-
Les parents travaillant souvent à l’extérieur, loin du village,
les enfants sont confiés aux grands parents ; privés de leurs
parents, la notion de famille traditionnelle tend à s’estomper
;
Un
autre aspect de la situation globale nouvelle avec les possibilités
de migrer pour les femmes tient à un phénomène que l’on peut
observer dans toutes les migrations en général. Les femmes qui
restent à la campagne sont les plus âgées, les moins instruites,
celles ayant charge d’enfants et qui fournissent dans le foyer la
main d’œuvre agricole, notamment si le mari étant lui-même un
migrant. Elles doivent souvent accomplir un dur travail physique, non
seulement le travail proprement agricole, mais aussi le
conditionnement des produits pour la vente locale ( séchage,
salaison, etc.…), parfois un travail à domicile pour des
entreprises locales et bien sûr en plus le travail domestique et les
soins des enfants. Elles n’ont pratiquement pas de repos, oeuvrant
7 jours sur 7 et trimant pratiquement deux fois plus que les
hommes. ; De plus, souvent elle vit dans la famille du mari, à
peine reconnue et parfois maltraitée par ses beaux-parents. Si des
produits sont conditionnés par son travail elle n’en a pas le
profit, la venté étant accaparée par le mari ou la belle famille.
Si un travail est disponible dans les entreprises locales ; la
préférence est donnée en général aux hommes mais cela peut
changer avec le transfert de certaines industries qui migrent vers
l’intérieur à la recherche de main d’œuvre meilleur marché
que dans les centres côtiers existants
En
2003, 67% de l’emploi agricole est assuré par les femmes, presque
uniquement du travail manuel soit dans la ferme familiale soit comme
travailleuse agricole dans d’autres fermes ou dans des entreprises
rurales. Pour tous ces travaux bien peu reçoivent les garanties,
même minimales associées au travail salarié (retraite, assurance
médicale, prestations maternité). La dureté de la vie dans les
campagne, pour celles qui n’ont pas la possibilité d’en sortir
est attestée par le nombre élevé de suicides dans les campagnes
chinoises qui tient dans ce domaine un triste record, la Chine étant
le seul pays au monde où 25% de plus de femmes (surtout les jeunes)
se suicident que les hommes et où le taux de suicide est trois fois
plus élevé dans les campagnes que dans les villes.
Il
serait bien long d'énumérer en détail les disparités (d’ailleurs
inégales suivant les provinces) entre les campagnes et les villes
(nous avons déjà évoqué le fit que dans les villes, la moyenne
des revenus est 4 fois plus élevée que la moyenne des revenus des
campagnes). Un seul point permet de mesurer cette inégalité
campagne/ville:en 2002, pour 4 enfants scolarisés dans les villes
on en compte trois à la campagne; il y aurait plus de 1 million
d'enfants ruraux qui ne peuvent avoir accès à l'enseignement
primaire; les enfants des villes ont trois fois plus de chances
d'accéder à l'enseignement supérieur (52)
La
condition des femmes dans le travail salarié
Avant
de voir quelle est la condition de l’ouvrière dans la Chine
d’aujourd’hui, il est utile de rappeler que sur le papier, les
travailleurs peuvent jouir d’un code du travail qui serait au même
niveau que ceux des pays capitalistes occidentaux. . Le
principal problème à ce sujet est que ce code n’est pratiquement
jamais respecté, son application éventuelle étant laissé à
l’arbitraire le plus total des chefs d’entreprise généralement
appuyés par les autorités locales (souvent, ce sont les mêmes, les
responsables du Parti ayant troqué le costume de bureaucrate en
celui d’homme d’affaires) et que, pour ce faire, ils bénéficient
du soutien du seul syndicat autorisé l’ACFTU (53). Il découle de
cette situation que souvent, dans les luttes, c’est l’application
de ce Code du Travail qui est revendiqué.
Depuis
la fin des années 70 leur condition de travailleuses a, pour celles
qui travaillaient dans les unités de travail, considérablement
changé. Il est difficile de dire si celles qui étaient exploitées
hors de ces unités étaient exploitées dans des conditions
similaires à celles que l’on peut voir aujourd’hui. Nous avons
déjà expliqué que celles qui avaient la garantie du « bol de
riz en fer » avaient peut être des salaires bas et
égalitaires, aucune mobilité et la domination constante du Parti,
mais trouvaient dans cette organisation industrielle garantie
d’emploi et sécurité jusqu’à la mort à la fois pour elles et
pour leur famille.
Les
réformes économiques des années 80 ont pratiquement balayé tout
cela pour l’ensemble des travailleurs. Le démantèlement des
entreprises d’Etat par privatisation ou restructuration après 1995
a entraîné des licenciements massifs (les femmes étant dans les
premières fournées avec par exemple des mises à la retraite
forcées à 35-40 ans avec une retraite réduite) et une liberté
totale d’exploitation (en 1997, 39% de la force de travail chinoise
est ainsi « restructurée ».et 61% de ces licenciés
perdent tous les avantages liés à l’unité de travail). Un
exemple de cette discrimination a été donné en 2005 par une
compagnie pétrolière China Northeast Oil, filiale de la compagnie
nationale China National Petroleum . En 2000, cette firme a licencié
30 000 travailleurs âgés de 20 à 55 ans avec indemnisation
suivant l’ancienneté. La même firme restructurée réembauche en
2005 ses anciens travailleurs, s’il s’agit d’un couple,
seulement le mari, s’il y a eu divorce la femme peut l’être à
temps partiel, le tout avec des salaires diminué (l’effet pervers
de cette mesure, trop annoncée à l’avance fut une avalanche de
demande en divorce de couples ayant travaillé dans l’entreprise si
importante que les textes furent remaniés pour introduire un délai
entre le divorce et la demande de réembauche.
Aujourd’hui
tous secteurs confondus, deux femmes sur trois travaillent ;
elles occupent 50% des emplois dans l’agriculture, 33% dans
l’industrie, 50% dans le commerce, 30% dans les bureaux, 16% parmi
les cadres d’entreprise et 10% des postes responsables dans le
Parti. Tous secteurs confondus, leurs salaires sont en moyenne
inférieurs de 25% aux salaires masculins. On ne mentionne que
rarement les emplois domestiques presque uniquement féminins qui en
1988 occupaient rien qu’à Beijing 50 000 femmes.
La
majorité des femmes dans les emplois industriels ou de services sont
des « travailleuses jetables », exploitables pendant
quelques années et jetées ensuite pour différentes raisons (par
exemple, les contrats de travail quand ils existent prévoient
souvent le licenciement si la femme devient enceinte). Pour les
licenciés des entreprise d’Etat en 1997, 75% d’entre elles
étaient encore sans emplois une année après le licenciement contre
50% chez les hommes. Les employeurs jugent finalement que même avec
les salaires différenciés en défaveur des femmes elle sont au bout
d’un certain temps de travail plus chères que les hommes (tendance
à se révolter, congés maternité, plus de protection légale,
etc..).
Au
départ, ils préfèrent employer des « migrantes » qui,
jeunes acceptent des salaires plus bas sans aucun avantage, mais
lorsqu’elles prennent de l’âge et de l’expérience elles
tendent à se défendre et sont alors licenciées. On trouve même
des jeunes filles de 15 ans et moins embauchées sous de fausses
identité leur donnant plus de 18 ans parce qu’elles savent moins
bien se défendre et qu’elles risquent moins d’être enceintes.
Une des raisons principales de la fragilité de la position de
migrant (e) est l’existence d’une sorte d’assignation à
résidence .. Depuis 1958, tout Chinois doit être enregistré dans
une localité où il possède un travail. Le livret d'enregistrement
indique à quelle catégorie il appartient rurale (57% de la
population) ou citadine (grandes villes et petites villes, 43% de la
population). Ce document, le hukou lui impose, s'il change de
localité d'avoir l'accord des autorités tant de son lieu de départ
que de son leu d'accueil qui fait qu’en principe que, même
autorisé à résider et travailler ailleurs que dans sa province
d’origine, on n’a aucun droit (célibataires, famille et enfants)
aux avantages (logement, éducation, santé) réservés aux résidents
de la province d’accueil. Souvent l’exclusion du travail pour une
raison quelconque signifie pratiquement le renvoi dans la province
d’origine, ce qui donne une idée du pouvoir de coercition dont
dispose les dirigeants d’entreprise. Ces règles strictement
appliquées au départ n’ont pu endiguer les migrations
intérieures ; l’importance de cet exode rural tout comme les
besoins de main d’œuvre dans les zones côtières ont fait que peu
à peu à partir de 1984 des assouplissements locaux ont plus ou
moins légalisé la présence hors du lieu de résidence originel
mais sans pour autant ouvrir aux mêmes droits qu’aux résidents
urbains ; Les migrants restent dans leurs ville de travail des
citoyens de seconde zone.
Bien
sûr, les infractions à la législation du travail sont innombrables
et ne touchent pas spécialement les femmes, mais comme dans certains
secteurs comme le textile et l’électronique elle forment 90% des
effectifs, ce sont elles qui supportent le plus le poids de ces
irrégularités ( rien qu’à Shenzhen la ville industrielle
champignon dans la banlieue de Hong Kong on dénombre en 1999 20 000
accidents du travail graves) car , venant des campagnes souvent
lointaines, sans connaissance du monde du travail elles ignorent
totalement leurs droits ou quand elles les connaissent ne cherchent
pas à les faire valoir par crainte d’être virées. On trouve
pourtant d’une part des grèves dont nous parlerons plus loi ou des
recours juridiques pour les salaires ou même contre le harassement
sexuel. Une des conséquences de l’exclusion des femmes enceintes
fait que dans la région de Guangzhou ( Canton et Hong Kong) 90% des
« migrantes » enceintes doivent accoucher clandestinement
dans des cliniques clandestines parce qu’elles ne peuvent aller à
l’hôpital ( pas de couverture santé), cette illégalité
entraînant un taux de mortalité élevée. Globalement, 40% des
travailleurs chinois n’ont aucune couverture sociale, ce taux
moyens recouvrant d’énormes différences notamment pour les
migrants ; (54)
Certains
notent pour la période récente une évolution dans les mentalités
des « migrantes » qui tendraient à avoir plus de souci
d’elle-même que de la famille à laquelle elles ont sacrifié une
partie de leur vie. Un exemple parmi d’autres : en 2003, une
jeune femme ayant travaillé 10 ans dans une usine textile près de
Canton ne veut plus envisager un retour dans son village. Ses gains
pendant toute cette période ont servi à la construction d’une
maison familiale, à payer des études secondaires pour sa sœur, des
dépenses de santé pour ses parents, le mariage du frère mais ne
lui a guère profité. En 2003, sa famille lui demande de rentrer car
ils lui ont trouvé un mari qu’elle ne connaît pas du tout. Elle
le rencontre pourtant mais refuse la proposition d’où la colère
de la mère et la rupture. Ce n’est pas un cas isolé. Souvent mes
« migrantes » sont virées à 25 ans et doivent retourner
dans leurs campagnes ; elles ne peuvent rester à la ville que
si elles peuvent se marier à un citadin mais la plupart de ceux-ci
ne veulent pas épouser une campagnarde. 95% d’entre elles
retournent « chez elles » pour être mariées mais si le
mari est très pauvre, elles doivent revenir à la ville pour se
faire exploiter. « L’année passée, Yang Li quitte sa
maison tranquille de Luzhou dans le Sichuan pour travailler dans une
usine de serrures dans le delta de la Rivière des Perles ( région
Canton –Hong Kong. Après un mois passé à polir des serrures 13
heures par jour, totalement épuisée, elle retourne chez elle (55)
Un
autre témoignage montre ce qu’est la condition de « migrante ».
Elle émane d’une ouvrière à Hangzhou, ville côtière de l’Est
proche de Shanghai qui travaille dans l’usine de coton n° 1 :
«
La chose la plus dure à encaisser fut que les gens de Hangzhou nous
regardent de haut. Ils nous appellent les « sœurs ouvrières »
et nous tiennent pour quantité négligeable ». Aujourd’hui
ça va mieux mais quelques uns nous traitent encore de «
plouks de la campagne ». On en prend plein la gueule. C’était
il y a cinq ans et souvent je revenais au dortoir en pleurant. J’ai
vécu dix ans dans un dortoir et dors dans la case d’en haut. Nous
y sommes cinq. La vie est dure, beaucoup plus dure que celle des
habitants de la ville…Dans ma campagne, les maisons sont toutes
spacieuse…Je n’ai aucune chance ici de sortir. Si je travaille en
équipe, je ne peux pas sortir. Si je suis de nuit, je ne peux guère
me reposer dans la journée et c’est dur. Travailler sur la chaîne
est très dur. Quand ils ont amené des machines japonaises on a dû
en surveiller 10 à la fois. Très dur, on doit bouger sans arrêt,
jamais tranquilles. Pour aller aux toilettes, on doit appeler un
remplaçant. Pas de pauses… Je me sens très frustrée…J’ai un
ami qui travaille dans la même usine, aussi un migrant…Nous ne
sommes pas encore mariés…Nous nous connaissons depuis quatre ans.
Le problème est que nous n’avons pas de logement et on ne peut pas
en avoir parce que nous ne sommes pas enregistrés ici. Si nous
avions un enfant, comme nous ne sommes pas enregistrés nous devrions
payer le double pour tout…Nous nous sentons tellement inférieurs… »
Une
des conséquences du travail des femmes et de cette condition de
migrants hommes et/ou femmes est que, souvent, les enfants restent au
village sous la garde des grands parents. Ils ne voient leurs
parents qu’une fois par an, au Nouvel An Chinois et ne leur parlent
pendant l’année qu’au téléphone. Il n’est pas exceptionnel
de voir des villages comme Qian fu dans le Sichuan où on trouve
seulement 1 000 enfants, des vieux et pas de parents. 20
millions d’enfants seraient dans une situation similaire. Que
deviendront ces enfants et que cela représente-t-il pour les
parents, surtout pour les femmes privées de toute maternité ?
(56)
Un
nouveau sujet dans l’exploitation globalisée de la force de
travail : les « dagongmei » - les migrantes.
Bien
que ce nouveau chapitre de l’exploitation capitaliste de la force
de travail concerne la Chine, on doit préciser qu’il ne concerne
pas seulement ce pays car il s’est étendu dans le monde entier,
particulièrement dans les pays sous-développés ou en
développement, là où la pénétration capitaliste a déversé du
monde rural un surplus de migrants disponibles pour une exploitation
sans précédents
La
Chine, avec l’innovation des Zones économiques Spéciales (SEZ)
fait figure de précurseur (57). Ce nouveau sujet de l’exploitation
de la force de travail est essentiellement féminin. Pas n’importe
quelle catégorie de femmes ; presque exclusivement celles de la
tranche d’âge entre 15 et 25 ans (parfois moins de 15 ans avec de
faux papiers et la question du travail des enfants restant en Chine
un sujet tabou sur lequel il est dangereux de faire des recherches)
(58) Age moyen 23 ans. Elles viennent des campagnes, le plus souvent
ces campagnes les plus pauvres et nous avons souligné les conditions
spécifiques coutumières ancestrales qui les poussent vers l’usine.
L'existence du hukou fait d'elles des sortes d'esclaves, la tolérance
dans un lieu qu n'est pas leur lieu d'origine pouvant, à tout moment
en faire des "illégaux " réels et non plus tolérés. Une
partie de ces lieux d'exploitation ne sont pas les bagnes sordides
qu'on imagine souvent et qui existent .On trouve, notamment dans les
filiales de firmes étrangères des bâtiments récents, propres et
clairs où le travail se fait dans une ambiance calme (trop calme car
il est souvent interdit d parler durant le travail). Le rythme de
travail n'est pas toujours affolant. Certains patrons qui affichent
des "préoccupations sociales" font même construire d es
nouveaux dortoirs "modernes". Il ne s'agit pas
d'humanitarisme mais une réponse à la fuite récente des migrantes
qui outre un turn over important à la recherche de "meilleures
conditions d'exploitation (58)
Leur
nombre est difficile à évaluer pour deux raisons En 2006 il y
aurait ainsi 100 millions de migrantes Dans la seule ville de
Dongguan (Pearl River Delta près de Hong Kong), résider aient 4,13
millions de migrants dont 3 millions de « dongmei" dans un
rapport hommes femmes de 1 à 3 (59). A Shanghai sur 18 millions
d’habitants il y aurait 5 millions de non-résidents. A Jilin, en
2003 , 85% de la force de travail ressortait du secteur privé et sur
ce total, 72% étaient des femmes ; A Shenzhen, dans la
maroquinerie 2/3 étaient des femmes, mais dans certaines entreprises
on trouvait 1 homme pour 50 femmes. Toujours dans la région de
Canton, 400 000 entreprises employaient 5 millions de migrants
sur lesquels 3 millions sont des dongmei dont certaines de moins de
15 ans.
D’une
part on assiste à un double turn over, l’un au sein de la tranche
d’âge de ces migrantes passant d’un travail à un autre ((60),
l’autre par leur remplacement quand elles ont « atteint
l’âge » ou du mariage ou de l’exclusion patronale (61).
D’autre part, parce que récemment pour des raisons de coûts de
production, les entreprises se déplacent vers l’intérieur de la
Chine pour exploiter la main d’œuvre locale ; on ne pourra
plus alors parler de migrantes mais encore de « dagongmei ».
Un tiers de ces migrantes sont dans la province du sud, le Guangdong
où dans les entreprises à fort taux de capital variable, elle
forment parfois entre 60 % et 90% des effectifs (rappelons que pour
toute la Chine, les femmes forment 46% de la force de travail non
agricole soit près d’un actif sur deux). Sur 120 à 150 millions
de migrants, 47% seraient des femmes entre 15 et 25 ans ; dans
les zones économiques spéciales (SEZ) elles forment jusqu’à 70%
de la force de travail (on en dénombrerait 20 millions réparties
dans 800 SEZ). Un seul exemple de cette concentration d’exploités
principalement féminines : en juin 2006, la firme Foxcom
fabriquant des Ipod pour Apple exploite dans le Guandong 200 000
travailleurs (ses) 15 heures par jour pour 35 euros par mois.
D’après
une étude minutieuse faite par une universitaire de Hong Kong ayant
spécialement étudié les migrantes de Shenzhen,
leur
importance économique dans le procès de production est soulignée
par le fait qu’elles font l’objet d’une dénomination spéciale.
La sémantique désignant le porteur de la force de travail dans
l’histoire récente de la Chine illustre les formes et les sujets
successifs de son exploitation. Pendant la période maoïste, le
travailleur asexué était désigné par le terme « gongren »
(travailleur) qui non seulement n’impliquait aucune différenciation
d’après le sexe mais était la glorification d’un personnage
central pour la « construction du communisme ». Au
contraire le terme « da-gong » (travailler pour un patron
ou vendre son travail) introduisait une notion de marchandise, la
force de travail échangée contre un salaire, une dévalorisation de
la notion de travail par rapport au système précédent ; le
symbolisme rejoignait la mutation socio-politique et économique avec
l’ouverture au capitalisme privé. En même temps s’introduisait
une différenciation d’après le sexe : « dagongzai »
(le fils qui travaille) et « dagongmei » (la petite, plus
jeune sœur qui travaille). Pour cette dernière, outre cette
différenciation sexuelle, définissait également un statut par
rapport au mariage : « mei » est la plus jeune
sœur, célibataire opposée à « jie » l’aînée, donc
de statut inférieur. La dénomination « dagongmei »
apparaît comme une construction hégémonique révélant une
identité ouvrière inférieure dans les relations de travail
capitalistes et les relations sexuelles. Mais paradoxalement, les
intéressées souvent ne le ressentent pas comme cela car pour ces
filles de la campagne, ce nouveau statut leur apporte une nouvelle
identité et une nouvelle perception de leur place dans la société.
Nous reviendrons sur cette contradiction qui est au cœur de
l’exploitation de cette nouvelle couche sociale spécifique. (62)
La
formation de ce nouveau sujet d’exploitation de la force de travail
ne s’est pas fait contre le système d’exploitation sou le
capitalisme d’Etat, mais, même s’il a remplacé, parfois
brutalement, les conditions d’exploitation antérieures, tout au
contraire s’est fait avec le concours, la complicité, l’intérêt
de ceux qui formaient antérieurement la classe dominante. Les
principaux caractères de cette couche spécifique de prolétaires
peuvent se définir ainsi pour les « dagongmei » :
-
mobilisation des travailleurs migrants originaires des zones rurales,
le plus souvent pauvres.
-
Limitation à une tranche d’âge des 15 -25 ans impliquant de la
part des sujets « dextérité et docilité » (63)
-
Mobilité aussi bien quant à la flexibilité totale dans le travail
que dans les déplacements fréquents d’un travail à un autre et
dans le remplacement quasi immédiat lorsque les « limites
d’âge » sont atteintes.(64)
-
Double sujétion et fragilité - à la fois géographique parce que
« non résidentes » traitées comme des sous citoyennes,
sorte d’immigrés de l’intérieur pouvant aisément reverser
dans l’illégalité et renvoyées dans leur province et familiale
parce que leur exploitation est déterminée par les besoins du clan
familial.
-
Conditions d’exploitations communes sans aucune limite dans des
travaux ne nécessitant aucune qualification spécifique, mais avec
des méthodes modernes d’organisation du travail (65)
-
Fréquente exploitation dans des unités d’exploitation de grande
dimension n’impliquant une faible utilisation de capital fixe (
investissement minimum en machines)- Concentration hors travail sur
les lieux mêmes de l’exploitation dans des dortoirs souvent
équipés sommairement. Dont la fonction est de mettre
les « dagongmei » à la disposition et contrôle
constants de l’exploiteur pour permettre une flexibilité totale du
temps de travail. (66)
Lorsque
l’on voit dans le détail les conditions d’exploitation des
« dagongmei », on pense inévitablement à ce que l’on
peut savoir sur l’exploitation des femmes et des enfants au tout
début du capitalisme dans les pays occidentaux. Bien sûr il y a des
similitudes depuis l’utilisation d’une main d’œuvre féminine,
l’intensification du travail (domination formelle) jusqu’aux
dortoirs. Mais ces similitudes cachent des conditions très
différentes : la mise en œuvre des méthodes modernes
d’organisation du travail, l’utilisation, même réduite, de
machines modernes qui permettent une extrême division des tâches,
la dimension hallucinante des unités de travail qui peuvent
regrouper des dizaines de milliers de travailleuses, la sélection
d’une force de travail pouvant être exploitée de manière optimum
quant à la précarité de celles qui en sont porteuses, leur faible
capacité de résistance à la domination et leur résistance
physique due à leur jeunesse.(67)
Le
principal problème pour le management est comment discipliner de
jeunes ouvrières venant de toutes les parties de la Chine et qui a
priori n’étaient pas forcément soumises à la discipline du
travail. D’où l’utilisation de ce que comportait leur identité
féminine pour le traduire en langage de management pour faciliter
leur contrôle. D’une certaine façon leur identité en tant
qu’ouvrières était moins importante aux yeux du management que
leur identité en tant que femmes. Il leur était fréquemment
rappelé leur féminité : » Tu es une fille ». Cela
signifiait une fille sur le chemin de devenir une femme,
c'est-à-dire qu’elle devait se comporter au travail selon les
critères culturels communs qu’elle intériorisait. Cet
« apprentissage de femme » à travers le travail
requérait qu’elle soit soumise, obéissante, industrieuse, etc.
Parce que, plus tard vous devez être mariée à quelqu’un et
servir ce quelqu’un donc maintenant vous devez vous conduire
« correctement ». Vous devez prendre soin de votre
travail comme plus tard vous prendrez soin de votre famille. (68)
Ainsi,
l’ouverture de la Chine au marché mondial et à la globalisation a
développé une forme nouvelle de l’exploitation de la force de
travail que l’on pourrait qualifier « économie du dortoir ».
Celle-ci s’est parfaitement adaptée à la situation présente de
la Chine (que l’on retrouve aussi ailleurs) et utilise comme
instrument de domination les tendances culturelles qui imprègnent
encore les identités de ces filles de la campagne. En relation avec
les méthodes modernes de management et l’utilisation de matériel
moderne dans des processus de production du capitalisme moderne, le
capital a trouvé et développé effectivement un nouveau sujet pour
une extraction sans précédent de la plus value.
Mais
les « sujets » de cette exploitation sont des êtres
humains, en l’occurrence des femmes. Les « nouvelles
dagongmei » peuvent ressembler à Liu Hongmei « 19 ans
qui vient d’un village ^pauvre du Hunan contrainte par ses parents
de gagner assez d’argent pour payer les études de son frère et sa
propre dot pour ses projets de mariage croyant dans la morale commune
« Si vous désirez vous marier avec un homme qui a quelque
argent, vous devez avoir de l’argent vous-mêmes » ce que le
vieil adage résume par « Le dragon accompagne un dragon, le
phénix un phénix et le fils d’un pauvre rat devra éternellement
creuser des trous ». Pour d’autres le travail à l’extérieur
peut être un moyen d’échapper à la contrainte familiale.
Toutes
ne supportent pas le dépaysement et la dureté du travail. En 2003,
Yang Li quitte Luzhou dans le Sichuan pour travailler dans une usine
de serrures de Pearl River (région de Canton. Après un mois de
travail de 13 h par jour, elle retourne épuisée dans son village.
D’autres comme Melle Zhang cherchera le meilleur travail et en
deux ans occupera neuf emplois (60). Plus récemment de tels
déplacements et rejet des dures conditions de travail feront que les
déplacements des migrants (es) iront vers les emplois le moins
astreignants et les mieux payés (jouera aussi l’amélioration des
conditions de vie dans les campagnes). On estimait ainsi en 2004,
qu’il manquait 2 millions de migrants essentiellement des femmes.
(69)
Pour
celles qui restent, dans les dortoirs de l’exploitation, le
dépaysement amène les transformations identitaires d’une vie
sociale différente. Apr7s le silence obligé des longues heures sur
les chaînes de production, c’est le défoulement soit dans les
dortoirs, soit dans les rares heures d’évasion hors du périmètre
de l’usine. Le défoulement peut être verbal : « sept
bouches, huit langues » exprime pour les dominants le mépris
de ce qu’ils considèrent comme du bavardage. Mais si tout s’y
échange sur la vie privée il s’y échange aussi sur le travail,
les conditions de travail et le comportement de la maîtrise. On peut
penser que des résistances de base peuvent s’y élaborer. Parfois
des conflits peuvent surgir dans des bagarres entre filles, un autre
défoulement des contraintes de vivre dans un environnement
intolérable : si elles s’ébruitent jusqu’au management,
c’est le licenciement assuré pour toutes celles qui y ont
participé (70). La paix sociale est la garante d’une bonne
production.
Si
les méthodes de domination essaient d’exploiter la féminité
conventionnelle pour gagner une soumission aux règles du travail, la
même féminité tend à être battue en brèche, non seulement pas
les échanges dans une collectivité contrainte de promiscuité
entre femmes, les rares évasions dans les énormes cités que sont
devenues les villes champignon industrielles ne peuvent éluder les
pressions d’une société de consommation qui, bien que destinée
aux classes moyennes s’impose aussi aux « dagongmei ».Par
exemple à Shenzhen c’est une explosion de publicités sous toutes
ses formes mettant en avant le corps de la femme. Là où elles le
peuvent, elles tentent d’adopter le standards de la féminité, en
consommant ce qui est offert comme attributs de la beauté,
l’utilisation du maquillage et même jusqu’à se faire blanchir
le teint pour adoucir le halage de la vie à la campagne. La
tentation est de se mettre au niveau de ces urbains que l’on
côtoie, « d’être modernes » ce qui signifie un désir
de changer de condition, au moins en apparence. (71)
Bien
sûr ces concentrations de jeunes filles attirent les convoitises
masculines, d’autant plus avec la présence constante des attributs
de la sexualité féminine. Les dortoirs sont appelés par le
machisme ambiant « vergers de pêches » avec la
perspective de détourner les projets d’un futur conventionnel
dans le modèle de la femme objet construit dans une autre forme de
régulation sociale et de relations de pouvoir. Les ouvrières
peuvent espérer trouver dans l’environnement du travail l’amour
et/ou des relations sexuelles. Mais s’ouvre alors pour elles une
voie qui est pleine d’embauches. Si l’homme est un résident
urbain il y a de fortes chances pour que sa famille n’accepte pas
une fille d’origine rurale. Si les deux sont des migrants ruraux,
mais de provinces différentes, c’est la famille de la fille qui
n’acceptera pas le futur sauf si les deux sont vraiment pauvres. Si
la fille tombe enceinte, l’homme disparaît dans un monde
industriel anonyme qui n’est nullement celui du village où tout le
monde se connaît. Elle a de fortes chances d’être licenciée et
n’ose pas rentrer chez elle.(72 ) S’ajoute, si elle n’avorter
pas les complications de l’accouchement hors du circuit officiel de
soins auquel elle n’a pas droit parce que non résidente ( il
existe ainsi des cliniques d’accouchement plus ou moins
clandestines) Cette hantise du rejet et d’une situation impossible,
liée à la croyance tenace que le destin est d’être mariée et
d’avoir des enfants, entraîne une forme de répression sexuelle.
non dite mais fortement intériorisée. (73)
Pour
résumer, l’utilisation permanente en Chine d’une main d’œuvre
migrante, essentiellement des femmes, est à mettre en relation
directe avec la globalisation du capital à la recherche de champs
nouveaux pour l’extraction de la plus value maximum et doit être
aussi rattachée à la baisse tendancielle du taux de profit. La
Chine offrant, dans la période post capitalisme d’Etat
d’accumulation primitive et de par cette évolution économique sur
la voie d’une domination réelle se substituant à une domination
formelle, une situation exceptionnelle quant aux possibilités d’une
exploitation moderne du travail (disponibilité d’un potentiel
considérable de main d’œuvre venant d’une ruralité en pleine
évolution. Le capital a pu se permettre de sélectionner dans ce
potentiel ce offrait les meilleures garanties d’exploitation donc
de sources de profit, ce qui a conduit à la situation que nous
venons de décrire dans l’utilisation d’une seule catégorie de
main d’œuvre féminine dans des conditions jamais connues
auparavant sous le capital. On peut ainsi dire qu’un nouveau sujet
ouvrier s’est ainsi développé. (74)
Mais,
créant ainsi une catégorie de prolétaires, conduit à une double
contradiction. D’une part, le capital lui-même, par ses tendances
modernes de la nécessité d’une consommation, transforme les
individualités, sapant ce qui faisait les bases mêmes de ce qui
avait été retenu pour l’exploitation de cette main d’œuvre
spécifique. D’autre part comme toute exploitation du travail
conduit à la lutte de classe, ce facteur devient un élément
important dans une évolution vers des tendances et des luttes qui
peuvent prendre des formes diverses que nous allons tenter
d’analyser.
Les
résistances des ouvrières et les réponses du capital
Il
y a une loi élémentaire dans le capital, c’est que lorsque l’on
fabrique des prolétaires, quelle que soit leur origine antérieure,
pour en faire des exploités dans un cycle quelconque de production,
on obtient la lutte de classe des exploités contre les conditions de
leur exploitation, partant contre cette exploitation elle-même et
contre la société dont elle est l’élément fondamental. Sans
doute bien des migrantes pourraient reprendre les propos de l’une
d’elles : » Je ne comprends pas la loi et même si je le
faisais, qu’est ce que ça m’apporterait ? A quoi ça
servirait d’aller se plaindre au Bureau du Travail ? Si vous
voulez changer votre situation, la seule chose à faire est de
chErcher une autre usine »
La
vision la plus courante de cette lutte de classe privilégie le refus
ouvert de l’exploitation, la grève et toutes formes d’action
jusqu’à l’émeute et les affrontements avec les forces
répressives qui oeuvrent pour pérenniser cette exploitation. La
Chine « moderne », paradis récent d’une exploitation
capitaliste sans précédent et sans mesure n’échappe pas à ces
actions collectives dont le nombre au fil des années ne permet pas
d’en faire ici le recensement Le recensement officiel des « actions
de groupe » de plus de 100 participants (70 000 en 2004,
87 000 en 2005) montre une progression de ces luttes qui ne se
sont pas ralenties récemment. Beaucoup concernent des secteurs comme
le textile, l’électronique, le jouet, etc. dans lesquels la main
d’œuvre féminine atteint parfois 80% des effectifs. (75). En
octobre 2004, 3 000 ouvrières d’une usine de composants
électroniques de Shenzhen ont débrayé et bloqué la rue proche.
Assez rapidement elles ont obtenu l’application du salaire minimum
légal ce qui leur a garanti une augmentation de 170%. A la même
époque, 7 000 travailleurs, en grande majorité des ouvrières
manifestent à Xianyang dans le Shaanxi contre les restructurations
qui les met sur le pavé Ces conflits collectifs ouverts ne
concernent pas seulement les industries nouvelles fortes
consommatrices de migrants et plus particulièrement de migrantes.
Mais alors qu’une bonne partie de ces conflits sont en quelque
sorte des combats d’arrière garde dans le développement
capitaliste contre les restructurations, les privatisations des
industries d’Etat et les nuisances de toutes sortes contre
l’occupation insolente des terres paysannes, des ressources
naturelles par une classe capitaliste avide de s’enrichir, les
conflits de classe dans les nouvelles industries sont, d’une
manière plus classique, dirigés contre les conditions
d’exploitation du travail.
Il
est difficile, dans ces dernières luttes, de faire la part de ce qui
serait la participation des dongmei . Les récits de ces luttes qui
peuvent nous parvenir d’une part ne mentionnent jamais, ni une
participation quelconque des femmes, les grévistes étant étiquetés
sous le titre de « migrants » ou de travailleurs, ni la
manière dont la grève s’est déroulée et comment elle a été
organisée. ; Tout ce que l’on peut supposer alors est que vu
l’importance des effectifs des femmes exploitées dans ces usines
(qui dans les SEZ oscille entre 60 et 80% du total des travailleurs
sur un site), les femmes sont obligatoirement un des éléments
actifs centraux dans la lutte. Mais faute d’éléments, on ne peut
rien dire d’autre.
Par
contre, on peut avoir de temps à autre des détails sur ce qu’il
est advenu de telles luttes, soit qu’elles aient réussi (76), soit
de leur répression venant ou bien de l’extérieur par l’action
de la police contre toute manifestation (se soldant parfois par
l’arrestation des « meneurs » et leur condamnation à
la prison) ou bien de l’intérieur par la répression patronale. Un
exemple : dans un atelier, les ouvrières font grève toute une
journée contre les conditions de travail, sans résultat autre que
des « amendes » entre 100 et 200 yuans et le licenciement
pour certaines d’entre elles.
Que
la répression de telles luttes se déroule à l’intérieur de
l’entreprise ou par une intervention extérieure des autorités
locales, elle reste le plus souvent localisées et ne franchit pas
les barrières administratives et médiatiques pour venir à la
connaissance des autorités centrales. Cela arrive parfois lorsque
une répression particulièrement inique et/ou l’ampleur des
protestations fait sauter cette barrière et que l’autorité
centrale se voit contrainte, par souci de son image politique,
d’intervenir pour paraître imposer »une justice » aux
autorités locales. Un des exemples récents a concerné les veuves
de mineurs tués en novembre 2004 dans une des nombreuses
catastrophes minières qui réussirent après d’énormes pressions
locales à faire sanctionner par le pouvoir central les dirigeants de
la mine et à obtenir une indemnisation (77). Mais de tels cas sont
relativement rares.
Lorsque
les exploités ne peuvent, en raison de la répression constante
envisager de lutte ouverte, ils tentent d’utiliser tout ce qu’ils
peuvent pour résister à leur exploitation. Ces résistances
individuelles sont partie intégrante de la lutte de classe et,
souvent, alors même qu’elles ne sont pas organisées
collectivement posent, à cause de leur généralisation des
problèmes sérieux dans le procès de production, contraignant le
capital, non pas à prendre des mesures répressives, mais à
procéder à des réformes, voire des concessions pour poursuivre son
activité dans les conditions les plus profitables.
On
a peu de précisions et seulement très parcellaires sur le combat
sournois, individuel et parfois collectif dans de petits groupes dans
des grèves perlées par exemple, ou de sabotage, mais bien sûr elle
ne s’ébruitent nullement mais toute une partie de l’appareil
répressif interne, essentiellement des amendes vise sans conteste à
prévenir cette tentation de lutte
Un
de ces moyens de défense individuel est la démission pour tenter de
trouver un meilleur emploi. ; La situation de l’emploi avec le
développement exponentiel de l’industrialisation autorisait le
fréquent recours à cette « course à l’emploi » ;
tendance renforcée récemment par les mutations économiques et le
développement d’emplois plus qualifiés et mieux payés. La
pénurie de main d’œuvre que nous avons évoquée illustre cette
mutation et permet aux exploités d’aller ailleurs pour « trouver
mieux ». (78). Il en résulte un turn over considérable
L’usine Foxcom déjà évoquée avoue un turn over de 30% par an
soit 70 000 travailleurs. Bien qu’il s’agisse souvent de
travailleurs non qualifiés et facilement remplaçables, cette
situation n’est pas sans gêner les patrons qui utilisent toutes
sortes d’astuces, principalement financières pour empêcher les
migrants de quitter leur emploi : rétention de la demande de
démission, rétention des salaires (qui souvent sont payés avec
retard ou irrégulièrement, ce qui permet toutes sortes de
pressions). Est-ce que cette recherche du « meilleur emploi »
est une quête inutile car tous les emplois se vaudraient d’une
manière ou d’une autre ce qui contraint à un renouvellement
constant de la migration ? Si l’on considère que depuis
plusieurs années des plaintes se sont élevées sur un manque de la
main d’œuvre dans le Sud de la Chine, particulièrement de
migrantes, on peut penser que le développement d’emplois plus
qualifiés et la compétition économique à l’intérieur de la
Chine ( notamment l’ouverture de nouvelles SEZ)ont entraîné des
déplacements de main d’œuvre vers les secteurs mieux payés (
relativement bien sût) et que par contrecoup, dans toute cette zone
sud, la pénurie de migrants par contre coup contraint les
entreprises à offrir de meilleurs conditions de travail ( toujours
relativement)
Un
autre élément semble jouer également un rôle dans cette pénurie
de candidats à la sous-exploitation : le retour des migrantes
vers les campagnes, non plus à cause de l’âge ou pour prendre
mari, mais à cause de l’élévation du niveau de vie dans les
campagnes. On voyait déjà parfois ce retour en raison de la dureté
des conditions de travail qui rendait préférable la vie à la
campagne, si astreignante soit-elle. (surtout lorsque s’y
ajoutaient les prélèvements financiers divers pour nourriture,
logement et toutes les pénalités qui pleuvaient facilement dans le
travail). La réduction des taxes agricoles et l’élévation des
prix agricoles (en partie dues à l’agitation des paysans contre
les exactions des pouvoirs locaux) ont augmenté sensiblement les
revenus des familles des campagnes et rendu moins impératif l’exode
principalement des filles et favorisé leur retour (79)
Les
recours légaux et/ou tolérés
Aucune
société n’est jamais statique. C’est particulièrement vrai
pour la Chine prise dans le tourbillon d’un développement
capitaliste pris dans le système productif mondial. Si la domination
totalitaire du Parti Communiste reste la règle, cette domination, si
elle favorise et garantit l’exploitation du travail dans les
conditions que nous avons évoquées particulièrement pour les
femmes, est soumise elle-même à cet impératif économique et doit,
pour garantir cette exploitation, adapter toute la réglementation
assurant cette domination aux besoins du capital et d’abord assurer
le minimum de paix sociale, c'est-à-dire ouvrir quelque peu les
règles antérieures et les conditions de sa domination.
Dans
les années 1980, toute contestation de ce qui était considéré
comme la politique gouvernementale que ce soit au niveau national ou
au niveau local pouvait entraîner une très dure répression, même
dans ce peut vu d’ici assez anodin comme la pétition On peut
penser que le développement postérieur de structures légales ou
tolérées de contestation contre les abus divers de la domination
du Parti est la conséquence de l’ouverture au marché
international et de divers traités concrétisant des liens
internationaux ;. Mais c’est surtout la conséquence de
l’évolution économique qui a fait abandonner la sécurisation du
« bol de riz en fer » et d’une développement effréné
et incontrôlé du capitalisme entraînant à la fois des nuisances
comme la pollution ou l’appropriation des terres et un abîme
croissant entre les riches et les pauvres. On ne peut relater tous
les incidents sérieux jusqu’à l’émeute, qui ont dans la
période récente traduit ces résistances globales de la population
locale dans son ensemble. Il est certain que les femmes y furent
associées comme en témoigne la mort de deux femmes dans des
affrontements avec la police lors de manifestations contre la
pollution d’un ensemble industriel local
Il
paraît que le régime chinois est dans la hantise de la montée de
Solidarnosc en Pologne prémonitoire de la chute du système
soviétique. Sans aucun doute, la domination du syndicat unique ACFTU
, annexe du Parti Communiste, reste totale et la formation de
syndicats indépendant interdite et durement réprimée, mais on
assiste au développement à la fois d’ouvertures timides de
l’ensemble de la législation, à la tolérance d’organisations
qui, sans se revendiquer comme syndicats visent à la protection des
abus les plus criants. Et de telles orientations touchent plus
spécialement les femmes.
Il
faut croire que les résistances ouvrières et les changements lents
mais réels dans les mentalités et les mœurs ont atteint un point
qui contraint les autorités du Parti à promulguer en décembre 2004
une nouvelle loi sur les droits des femmes qui reconnaît leur
« autonomie personnelle et l’égalité des sexes » avec
des protections notamment dans le travail .Mais , comme pour le
Code du Travail Chinois, une telle reconnaissance sur le papier n’a
de sens qu’autant que le rapport de forces l’impose.
En
1991 est créée une organisation Women Workers Commission »
qui a des antennes dans le syndicat officiel : si son existence
répond à des problèmes récurrents chez les femmes, ouvrières ou
pas, l’existence d’une telle organisation officielle tout au plus
peut intervenir dans les abus les plus criants et encore à la
condition qu’ils sortent des limitations locales pour s’étaler à
l’échelle nationale, ce qui est bien rare
En
1990 et 1993, des lois nouvelles ont ouvert des voies de recours
classées sou l’étiquette PIL (Public Interest Litigation) qui
permet des recours judiciaires individuels ou collectifs au-delà des
sempiternelles pétitions. Ce qui ne veut pas dire qu’ils
réussissent et ne sont pas exempts de risques pour ceux qui les
présentent ou les défendent. Mais , cette possibilité de recours a
développé, souvent dans le cadre des universités de centres de
soutien dont certain concernent plus particulièrement les femmes :
Centre for the protection of the rights of disavantaged citizens avec
une section spéciale « femmes » ( université de Wuhan),
Centre for women’s law studies and legal services ( Beijing
University) , Centre for legal assistance to pollution victims,
Research Centre for Women’s Development and rights ( Xian,
Northwest Polytechnic University).A Pékin, s’est formée une
« Migrant Women’s Club. Toutes ces associations dispersées
hésitent à se fédérer pour rester indépendantes et ne pas
tomber sous des tentatives de contrôle gouvernemental. Ce qui est
effectivement le cas, l’Etat tentant de fédérer ces organismes
sociaux dans un regroupement national « Government Operated Non
Gouvernemental Organisation » (CONGO). Il y a bien une
« Women’s Federation établie en 1949 mise d’abord à
l’écart comme nous l’avons souligné en raison de la base
paysanne du Parti, quelque peu réhabilitée en 1971, mais elle reste
un appendice du Parti, une courroie de transmission et en aucune
façon un organe de défense des femmes, encore moins des
« dagongmei » ; Comme le relevait un commentaire,
d’une manière ou d’une autre, tous ces organismes oeuvrent au
bénéfice de l’Etat Chinois et visent à atténuer, discipliner
les tensions sociales (80)
On
pourrait penser que la voie de recours des travailleurs en général
et plus particulièrement des « dagongmei » contre les
conditions de leur exploitation passe par les syndicats. L’ouverture
au marché mondial n’a guère modifié sur ce plan le rôle du
syndicat unique, émanation du parti l’ACFTU (All China Federation
of Trade Unions) Au contraire, aussi bien dans les entreprises
d‘Etat restructurées que dans les entreprises privées, le
syndicat unique et obédient, là où il est présent, est un
puissant auxiliaire de l’exploitation des travailleurs. Là où
l’ACFTU est implantée, des Assemblées Générales des
travailleurs peuvent exister. Créées en 1950, elles ont été
réactivées en 1980, parfois utilisées pour régler des conflits
internes dans la gestion de l’entreprise, ce qui pourrait marquer
le signe d’une évolution (81)
Jusqu’à
tout récemment, les migrants n’étaient pas admis dans l’ACFTU.
Ce qu’une loi de 2003 a modifié mais on peut penser que cela ne
changera guère quant à leurs conditions d’exploitation. Sans
aucun doute la nécessité de garder un certain niveau de paix
sociale a incité le gouvernement à promulguer aussi en juin 2007
une loi sur la réglementation du contrat de travail qui peut aussi
faire l’objet de contrats collectifs, le tout sous le contrôle
strict du syndicat ACFTU. Quelques usines auraient même établi des
« conseils ouvriers » vraisemblablement des sortes de
comités d’entreprise. (82). Comme pour le code chinois du travail,
l’application de ces mesures dépend avant tout du rapport de force
En
2004 un « Premier Document Politique » évoque la
« gestion de l’emploi en ville des paysans et leur accès aux
services publics ». Ce qui assouplira effectivement leur
régularisation de non- résidents dan les villes et leur accès
éventuel aux services réservés jusqu’alors aux résidents. Les
migrants et migrantes restent pourtant dans une situation paradoxale
d’avoir des « droits » largement « reconnus »
et légiférés par les autorités centrales mais pas du tout
garanties quant à leur application sur le lieu d’exploitation,
tout recours devant les autorités locales étant très difficiles et
souvent même dangereux. (83)
Des
tentatives de créer des organismes indépendants de défense des
migrantes
.
Des
organisations de base tendent à se créer surtout dans la zone
côtière du sud, à proximité de Hong Kong ; elle sont souvent
l’émanation d’ONG ou d’annexes d’organisations extérieures
basées à Hong Kong. En 1996 est formée une Chinese Working Women’s
Network. Des deux fondatrices, l’une est une universitaire de Hong
Kong, l’autre une migrante ayant travaillé en usine pendant trois
ans. En 2004, cette organisation comprend 13 permanentes et 10
travailleuses militantes en Chine à Shenzhen
Pour
tourner l’interdiction de créer des syndicats indépendants, ces
militantes tentent de constituer un réseau communautaire de
solidarité surtout orienté vers les « dagongmei » axant
leur activité sur des point très concrets et pas immédiatement
revendicatifs autour de quatre zones d’intérêt : le respect
des droits légaux, contre la discrimination sexuelle, sur la
sécurité et la santé dans le travail, sur des coopératives
d’approvisionnement. Elles créent dans certaines villes
industrielles des centres qui accueillent les migrants et impulsent
des échanges. Elles parviennent à visiter les dortoirs (dont les
occupantes peuvent varier entre 15 à 100) et tentent d’organiser
des débats sur la quotidien autour d’une responsable, le quotidien
le plus terre à terre : fourniture d’eau chaude, installation
de ventilateurs dans les dortoirs, de téléphones pour pouvoir
téléphoner au pays, comment rédiger des lettres aux dirigeants,
comment faire des pétitions. Les questions de salaires et de
conditions de travail ne sont abordées que beaucoup plus tard, si
l’implantation a atteint une certaine dimension et audience,
d’ailleurs sous la forme de pétitions au syndicat ou au Bureau
officiel du Travail pour demander l’application de la loi.
Parallèlement, une camionnette sillonne les rues le soir pour
accueillir les femmes qui ont des « problèmes »
(blessures, enceintes, etc..), 2 à 300 par nuit et peuvent les faire
admettre dans un réseau d’hôpitaux. C’est un peu une travail de
Sisyphe car trop de revendications amène des soupçons des
autorités ce qui les oblige à interrompre leur activité et à
aller porter leurs efforts ailleurs. En 2002, cette activité
militante parallèle restait marginale touchant 80 000 femmes.
En novembre 2004, elles ouvrent un centre fixe près une SEZ située
près de lBao’an, l’aéroport de Shenzhen mais se rendent compte
que les femmes ne peuvent y venir que rarement particulièrement
parce qu’elles sont épuisées par leur travail (84)
Il
peut paraître étrange que parmi les revendications posées par les
migrantes figure l’installation de téléphones. L’explication en
est simple mais un autre paradoxe concerne l’utilisation éventuelle
pour une bonne part d’entre elles des produits ( télés, portables
et autre engins électronique de leur exploitation. Certainement leur
maigre salaire leur interdit l’accès à ces moyens de
communication « modernes ». Mais l’existence et
l’utilisation de ces moyens pose un problème autrement important
aux autorités chinoises qui touche la lutte de classe et est celui
d’une connaissance et éventuellement d’une extension des luttes
locales par la diffusion nationale hors du cercle étroit où les
régime les enferme des luttes locales. Le contrôle étroit de cette
utilisation par le Parti Communiste est très difficile et ne peut
empêcher la diffusion de telles informations même s’il la rend
difficile et parfois dangereuse. On ne peut négliger cet élément
qui peut jouer, même au plan local, dans une certaine extension des
luttes tout en restant conscient qu’en cas de risque majeur, le
système capitaliste dispose des moyens rapide de blocage de ces
moyens de communication directs.
Quel
futur ?
Une
bonne partie des matériauxaux quels nous nous sommes référés
dans cette étude sont le résultat de recherches, analyses et
activisme de femmes chinoises qui tentent de répondre , à propos
des migrantes ( mais on peut aussi se la poser pour l’ensemble des
prolétaires chinois), aux questions suivantes :
« Comment
les migrantes ouvrières comprennent collectivement leur identité en
terme de classe et de sexe ? Pourraient-elles être organisées
en tant que nouveau sujet ouvrier qui émerge maintenant dans le
Chine post socialisme d’Etat ?
Les
efforts déployés pour tenter d’y répondre son sans aucun doute
méritoires mais appellent d’autres observations.L’intervention
des différentes organisations parallèles en faveur des migrants et
migrantes, celle basées à Hong Kong ou les associations diverses de
défense dans toute la Chine voient dans la créations de syndicats à
l’occidentale la solution d’une amélioration de conditions de
travail hors du commun. Inspirées pour une bonne part des ONG ou
syndicats américains, ils ne peuvent (en raison de références
historiques de telles interventions style Solidarnosc en Pologne) que
susciter hostilité et méfiance des autorités chinoises. Mais le
problème essentiel d’une amélioration des conditions de travail
et de la créations de syndicats promouvant cette amélioration et
jouant le rôle que l’on connaît en occident dans la fixation du
prix de la marchandise force de travail, n’est pas dans les
craintes politiques éventuelles, mais dans l’importance qu’une
telle mesure prendrait dans le présent processus économique de la
Chine au sein de l’économie mondiale.
Il
est évident que la fraction du capital dont l’activité repose sur
la plus value absolue ne peut accepter, ni un changement radical des
conditions présentes d’exploitation du travail, ni la présence
d’organes de médiation puisque seule compte son autorité absolue
quant à la mise en œuvre de ces conditions. Différents facteurs
que nous avons mentionné semblent pourtant signifier une évolution
qui n’est pas tant due à la lutte de classe, mais à des facteurs
économiques intrinsèques à la Chine. De tels facteurs touchent une
augmentation du salaire d es migrants et un transfert des industries
de main d’œuvre des zones côtières vers l’intérieur, liés à
des mouvements des migrants vers les emplois ou situations moins durs
et plus bénéfiques.
Si
une telle évolution prenait de l’ampleur, pour rester compétitif
sur le marché mondial, les entreprises devraient quitter la zone
d’exploitation en plus value absolue pour garder leur compétitivité
en passant dans la zone de plus value relative impliquant
l’introduction de nouvelles techniques de production de produits
lus élaborés. C’est alors que les syndicats pourraient être
introduits dans la fonction que nous connaissons ici. Cela
entraînerait des conséquences non seulement politiques en Chine
mais aussi dans les données de la production et du commerce mondial.
données elles-mêmes conditionnées par l’évolution propre du
capital mondial.
De
toutes façons, la condition des migrantes ne changera pas du jour au
lendemain, même si de tels mouvements économiques s’affirment
dans une société en mutation rapide. Pour l’essentiel,
aujourd’hui, leurs conditions d’exploitation restent celles que
nous venons de décrire, même si un avenir plus ou moins proche ou
plus ou moins lointain ne peut – sauf si éclatait une crise
majeures du capital - que s’améliorer entraînant en même temps
une évolution profonde des modes de vie et certaines formes
d’émancipation dégagée plus ou moins de la tutelle des coutumes
ancestrales et de celle du Parti Communiste.
Femmes
chinoises -Notes
(1)
voir l'ouvrage "Une société sans père ni mari, Les Na de
Chine" PUF 1997. Une société de célibataires polyandrogynes
avec un système de relations sexuelles qui excluent le mariage et
ses avatars"
(2)
Confucius - philosophe chinois du 6ème siècle avant notre ère. Ses
théories sont celles d'un despotisme éclairé: elles enseignent la
résignation et requièrent la soumission absolue des enfants aux
parents. La chose la plus importante pour la société (les trois
règles et les cinq devoirs) était que la femme fut soumise à
l'homme, les enfants aux parents, les sujets aux seigneurs. A
diverses reprises, les affrontements de fractions au sein du Parti
Communiste Chinois vont introduire Confucius dans leurs polémiques
(voir "Confucius et la lutte des clans" dans Thèses sur la
Révolution Chinoise, Cajo Brendel, Echanges et Mouvement). Malgré
ces controverses et des condamnations périodiques, on peut estimer
qu'en référence à ce concept de soumission, le confucianisme a
imprégné le maoïsme et reste encore une référence idéologique
(3)
Deng Xiaoping encense le néo-confucianisme moderne avec ses quatre
obéissances modernisées: ordre, obéissance aux supérieurs,
dévouement à l'Etat, défense de la famille. Face aux conséquences
du développement du capitalisme privé dans une société de
compétition et de consommation, cette morale officielle veut
combattre ce qui est considéré comme un relâchement des moeurs
sous-tendant des aspiration à une plus grande liberté, une menace
pour la domination totalitaire du Parti Communiste. Cette nouvelle
morale confucianiste attire particulièrement les technocrates et els
intellectuels (Perspectives Chinoises, n°30, juillet-août 1995).
Les intellectuels recommencent à lire Confucius (Courrier
International, hors série, juillet-août 2005)
(4)
La domination masculine sur les femmes a entraîné un phénomène
longtemps méconnu et révélé récemment: l’invention par les
femmes (notamment dans la province centrale du Hunan méridional)
d'un langage spécifique parlé et écrit le Nü shu (littéralement
"écriture de femmes"), incompris de hommes, qui permettait
dans différentes occasions une communication entre femmes et
transmis seulement par elles. Ce langage a quasiment disparu suite au
bouleversement des structures familiales et au rouleau compresseur
centralisateur de homogénéisant du Parti Communiste ( Danielle
Elisseeff "XXième siècle, la grande mutation des femmes
chinoises", Bleu de Chine p 135 - "Nü shu , signe des
femmes du Hunan méridional" Klara Maria Sala, Perspectives
Chinoises, n° 30, juillet-août 1995)
(5)
Courrier International 23/12/2006
(6)
Fondé par Hong Xiuquan (1813-1864) le mouvement Taïping,
d'inspiration chrétienne, parti du Guandong s'étendit dans tout le
sud de la Chine. Pratiquant une morale stricte, oeuvrant pour le
partage des terres et l'émancipation des femmes, leurs succès
inquiétèrent les puissances coloniales. Ces dernières s'allièrent
à la dynastie impériale des Qing faible et partant "compréhensifs",
pour écraser cette rébellion.
(7)
D'inspiration religieuse, mais anti chrétienne, les Boxers (nom
donné par les occidentaux à cette secte secrète qui pratiquait la
boxe chinoise) apparut au Shandong et prenant de plus en plus
d'influence s'étendit dans le nord de la Chine notamment à Pékin
et Tianjin, assiégeant notamment les légations occidentales de
Pékin. L'impératrice pensa s'appuyer sur ce mouvement contre les
puissances coloniales. De nouveau, en 1900 -1901, une expédition
internationale écrasa les Boxers et pour les mêmes intérêts que
lors de la révolte des Taiping rétablit une dynastie docile à
leurs ambitions colonialistes.
(8)
Après l'écrasement de la révolte des Boxers, se développa une
agitation politique qui s'étendit dans toutes les provinces,
accompagnée de rébellions militaires. Cette situation aboutit à la
proclamation de la République en janvier 1912 et Sun Yat Sen en fut
élu président. Mais .en 1914, les militaires réussirent à
rétablir un pouvoir impérial mais sans parvenir à asseoir leur
autorité sur tout le pays. Il n'est guère possible de décrire en
quelques mots la confusion et le chaos qui va s'abattre sur le pays
pendant plus de trente ans dans l'accouchement difficile d'une
révolution bourgeoise assurant la passage d'un système quasi féodal
à un système capitaliste.. Entre les affrontements des "seigneurs
de la guerre" (potentats militaires locaux), les puissances
coloniales et l'invasion du Japon, les alliances et combats entre le
Kuo Min Tang et le Parti Communiste Chinois, les insurrections
ouvrières noyées dans le sang. Ce n'est que la victoire finale de
l'armée populaire du Parti Communiste Chinois qui mit un terme à
cette situation en 1949
(9)
Julia Kristeva, Des Chinoises, Pauvert p. 156
(10)Julia
Kristeva, op.cit. p 157 et suivantes
(11)
Julia Kristeva, op. cit. p 181
(12)
La mère de Luxun, écrivain chinois, bien qu'instruite elle-même et
encourageant son fils à s'émanciper des traditions, influencée par
le mouvement réformiste imposa pourtant à son fils une épouse
traditionnelle qui n'avait, avant le mariage, pas vu son futur pas
plus que lui ne l'avait vue. Luxun respecta toute sa vie ce mariage
sans le consommer, vivant avec une femme choisie mais entretenant son
épouse "légale"jusqu'à sa mort.; Luxun, La vie et la
mort injuste des femmes, Mercure de France.
(13)
En 1922, 30 000 ouvrières de 60 usines de Shanghai firent grève.
(14)
Sous l'impulsion du Komintern le Parti Communiste Chinois se forme en
1921 par le regroupement de plusieurs tendances. Moscou impose plus
tard une
désastreuse
alliance avec le Kuo Min Tang. Après la rupture, il s'ensuivit une
longue guerre civile (sur fond d'occupation et de guerre avec le
Japon) une longue guerre civile et le repli de l'armée populaire du
Parti Communiste dans les montagnes du nord dans le Shaanxi après ce
qui fut appelé "La Longue Marche" en 1934. C'est de cette
base que devait repartir la reconquête qui se termina en 1949;
(15)Julia
Kristeva, op.cit. p 173
(16)Julia
Kristeva , op.cit. pp 192 et s.
(17)
Julia Kristeva, op. cit. p 196
(18)
En octobre 1933, inférieurs numériquement et en équipement aux
armées du Kuo Min Tang, les armées du Parti Communiste, encerclées
dans le Jiangxi (sud ouest de la Chine) décident de se replier dans
le Shaanxi (Nord Est de la Chine) dans une marche forcée dans des
régions pauvres et montagneuses du centre de la Chine. Sur 130 000
hommes, seuls 30 000 parvinrent au but. Ce fut le début de la
suprématie de Mao sur le Parti.
(19)
Danielle Elisseeff , op.cit., p 93
'(20)
Le Grand Bond en Avant (1958-1959). Devant les résultats décevants
de l’économie, notamment dans la production agricole, Mao et son
clan dans le parti décidèrent de faire appel à l’enthousiasme et
à la volonté des masses pour lancer un programme économique
radical impliquant la création de communes rurales et urbaines
auxquelles il était assigné de réaliser la maîtrise de l’eau
et l’essor d’industries locales (notamment dans des hauts
fourneaux de campagne). Ce fut un désastre total qui conduisit à
l’effondrement de la production agricole et à la désintégration
du secteur industriel. Le résultat fut une famine dans précédent
qui fit des dizaines de millions de morts.
(21)Danielle
Elisseeff, op.cit. p 103
(22)
La Révolution Culturelle (1966-1969) fut une ultime tentative par
Mao et son clan de récupérer son pouvoir contesté par la montée
de la nouvelle classe des managers portée par le développement
économique. Le déchaînement d’un mouvement de jeunes dans une
virulente et violente critique des dirigeants de tous ordres finit
par échapper à ses promoteurs et dut être endigué par
l’intervention de l’Armée Populaire. L’élimination définitive
du clan de Mao n’aboutit qu’après la mort de celui-ci (1976) et
le retour de Deng Xiao ping (1977) leader de la tendance managériale
au sein du Parti Communiste qui fit abandonner le capitalisme d’Etat
et les communes populaires pour engager résolument la Chine dans la
voie capitaliste traditionnelle.
(23)Julia
Kristeva, op.cit. p 208
(24)
Daniela Elisseeff, op.cit. p 120
(25)
Perspectives Chinoises n° 86, novembre-décembre 2004
(26)
Libération 16/1/2007
'(27)
Perspectives Chinoises n° 23, mai-jun 1996
(28)
Le Figaro 24/5/2007
(29)
Le Monde 16/1/2007. Il semble pourtant que des tolérances locales de
plus en plus nombreuses assouplissent quelque peu les rigueurs de
cette politique anti nataliste. En 2004, la commission de
planification des naissances de Shanghai a supprimé les amendes pour
le 2ème enfant illégal ( Danielle Elisseeff, op.cit. p 149) On peut
penser que cet assouplissement tout comme la semi légalisation des
migrants est la conséquence de pressions économiques.
(30)
Danielle Elisseeff,op.cit. p 149
(31)Perspectives
Chinoises n° 29, janvier-févier 1995, n° 86 , mai-juin 2004
(32)Certains
prévoient que de 2030 à 2065 les Chinois venus au monde entre 1955
et 1975 disparaîtront massivement, faisant chuter de moitié la
population chinoise (Danielle Elisseeff, op.cit. p 149)
(33)
Libération 16/1/2007
(34)
Perspectives Chinoises, n° 86, mars avril 2004. Endangered
Daughters and Development in Asia. E. Croll, Routledge
(35)
New York Times cité par Courrier International 23/12/2006
(36)
Zorro, le délivreur de femmes, Libération, 30/5/2006
(37)
Sur ce "tourisme d'accouchement" qui est aussi un phénomène
complexe, cet ex-territoire britannique restitué à la Chine ,
mais avec un statut spécial , souffre d'un manque de femmes et
d'un vieillissement de sa population ( Perspectives Chinoises n°
53maijuin 1999, Financial Times , 31/7/2007)
(38)
Libération 16/1/2007
(39)
Perspectives Chinoises n° 86 novembre-décembre 2004
(40)
Le « bol de riz en fer » fut le nom donné aux garanties
données aux travailleurs des entreprises d’Etat lors de la
première période d’industrialisation. Les « unités de
travail » ( qui pouvaient être non seulement des usines mais
aussi des établissements d’enseignement ou des unités
administratives étaient de véritables cités « totales »
autour du lieu de travail. On y trouvait tout ce que la vie pouvait
nécessiter de la naissance à la mort et y vivre sans avoir à en
sortir. Cette sécurisation autour d’un travail fur démantelé
totalement dans les années 80-90 avec les restructurations et les
privatisations qui jetèrent sur le pavé des millions de
travailleurs, les privant soudain du cocon protecteur lié au
travail.
(41)
Perspectives Chinoises n° 89 mai-juin 2005
(42)
Enjeux, février 2007
(43)
Perspectives Chinoises n° 71, mars-avril 2002 - En 2003, le secteur
d’Etat (SOE et entreprises contrôlées par l’Etat) compte plus
de 150 entreprises (SOE), les plus grandes de Chine (gaz, pétrole,
raffinage, acier, automobile chimie, pharrmacie, tabac) qui,
restructurées sont concurrentielles. En 2001, ces entreprises
assurent 28,5 du PIB e occupent 41% de la force de travail chinoise.
(44)
China Labour Bulletin – Propos du Directeur du Bureau d’Etudes
des Statistiques de Chine, mai 2006 ; Falling through the Floor,
Migrant Women Workers’Quest for Decent Work in Dongguan, p 8
(45)
"Si on veut être diplômé il faut se taire et éviter d'avoir
le moindre problème avec l'administration " (Le Monde 9/8/2007°
(46)
Enjeux février 2007
(47)
Science Monitor cité par Courrier International 23/12/2004
(48)
Science Monitor cité par Courrier International 23/12/2004
(49)
Courrier International 23/12/2004)
(50
Perspectives Chinoises n° 89, mai-juin 2005
(51)
Perspectives Chinoises n° 89, mai- juin 2005
(52)
Perspectives Chinoises n° 89, mai_juin 2005
(53)
ACFTU – All China Federation of Trade Unions – est le syndicat
unique, courroie e transmission des ordres du parti dans les
entreprises et parfait exécutant des plans de la direction des
entreprises. Tout autre syndicat est interdit et ceux qui tentent
d’en établir un se retrouvent en prison. S’il est présent dans
les entreprises d’Etat ou contrôlées par l’Etat, il est rare de
le trouver dans le secteur privé. Le géant américain de la
distribution Wal Mart voulant s’établir en Chine a accepté la
formation de sections de l’ACFTU dans ses supermarchés de Chine
comme condition de son activité alors que cette firme est résolument
anti syndicale ailleurs dans le monde. ACFTU jouera dans ce cas le
rôle qu’il joue partout en Chine
(54)Libération
4/2/2007
(55)
Financial Times 3/11/2004
(56)Libération
15/1/2007, Science Monitor cité par Courrier International
23/12/2006
(57)
SEZ – Special Economic Zone – (éventuellement sous d’autres
appellations) est une région géographique définie dans un Etat par
le pouvoir politique et régie par des lois économiques différentes
de celles en vigueur dans le reste de l’Etat, et souvent isolée
physiquement pour garantir ces protections. Les plus anciennes ont
été établies en Chine au début des années 1980 par Deng Xiao
Ping, pour attirer les investissements étrangers et assumer une
production orientée principalement vers l’exportation. La plus
connue est celle de Shenzhen qui d’un petit village proche de Hong
Kong est devenue une ville de 10 millions d’habitants en 20 années.
D’autres SEZ furent créées en même temps : Zuhai, Shantou,
Xiamen et l’île de Hainan. Depuis elles ont proliféré dans toute
la Chine avec de multiples variantes.
(58)
Sur le travail des enfants en Chine,China Labour Bulletin 2007
(59)
Falling through the floor. Migrants Women Workers’Quest for Decent
Work in Dongguan, China Labour Bulletin , septembre 2006-
(
60) Echanges n° 120 , printemps 2007, p 16 article traduit “The
case of Ms Zhang: peregrinations of a young migrant worker”,
Falling Through the Floor, Migrant Women Workers’ Quest for a
Decent Work in Dongguan, China Labour Bulletin, septembre 2006
(61)
Engendering Chinese Moderniry. The sexual Politics of Dagongmei
Dormitory Labour Regime, Pun Ngai juin 2004 p 9
(62)
Pun Ngai; op.cit. Le manque d’une certaine main d’oeuvre dans
les zones économiques à fort taux d’exploitation du capital
variable doit être mis en parallèle avec l’important réservoir
de main d’œuvre disponible dans les campagnes pour l’exode
rural. On pourrait rapprocher cette situation avec celle des pays
industrialisés qui connaissent un taux plus ou moins élevé de
chômage en regard d’un taux important d’emplois non pourvus et
en analyser les répercussions sur le niveau des salaires.
(63)
Il y a une contradiction entre les louanges sur la qualité du
travail des migrantes et l’incroyable discipline imposée dans le
travail. Le dirigeant de l’usine Flextronics de Zuhai peut déclarer
« Je n’ai jamais vu le niveau de qualité et d’assiduité
comme celle de la force de travail ici » » (Financial
Times 29/10/2006) et le fait que la plupart des migrantes fuient dès
qu’elles le peuvent vers un autre travail ou dans leur campagne
d’origine
(64)
Toutes les astuces patronales sont permises à la fois pou embaucher
les migrantes les plus jeunes possible et pour contraindre les plus
âgées (25 ans) à partir, par exemple en les affectant à des
travaux plus pénibles et/ou dangereux. Par contre, dans la période
d’exploitation ainsi définie, les dirigeants font tout pour
freiner le départ d’une travailleuse, la contraignant souvent à
quitter en laissant un ou deux mois de salaires impayés sans recours
ultérieur possible. Pun Ngai , op cit. p 34
(65)Les
exemples de conditions d’exploitation extrêmes sont innombrables :
équipes de 12, 14,16 heures, sept jours sur sept, un jour de repos
par mois, salaires très bas auxquels s’ajoutent de nombreuses
amendes pour avoir parlé, fait tomber une pièce de tissu, etc…P
sans compter les prélèvements pour une nourriture souvent infecte
et le logement en dortoirs notoirement sous-équipés, .Pun Ngai,
op.cit.
(66
) Pun Ngai, op. cit. souligne l’intérêt pour les patrons à
avoir sous la main dans ces dortoirs une main d’œuvre qui peut
être mobilisée à chaque moment du jour et de la nuit entraînant
une flexibilité totale, conciliant ainsi l’exploitation dans la
plus value absolue avec les impératifs de l’organisation moderne
de la production à flux tendu.
(67)
Pun Ngai, op. cit. D’une certaine façon, la dureté des conditions
de travail et le turn over qui en résulte, peut être vu comme un
processus (conscient ou pas ?) de sélection des sujets les plus
résistants donc les plus aptes à la surexploitation les autres
étant rejetés hors ce circuit de production.
(68)
Pun Ngai, op.cit ;
(69)
Financial Times 11/2/2002
(70)
Pun Ngai, op.cit. p 8
(71)
Pun Ngai op.cit. p 4 et 12 On peut en effet voir des corps exhibés
partout et des femmes par milliers se sont engagées dans des métiers
dont le seul but est de plaire aux hommes (New York Times cité par
Courrier International 23/12/2006
(72)
Pun Ngai, op.cit. p 4 ; Perspectives Chinoises n° 86,
mars-avril 2006, Ce cas précis n’est d’ailleurs qu’un des
aspects du problème global de l’accès aux soins qui, pour
beaucoup de Chinois est parfois une question de vie ou de mort qui
attendent au dernier moment pour se faire soigner à cause du coût
de la médecine. Seuls les riches ont accès au bon hôpital et là
aussi, c’est la fortune qui règle le problème. « If you are
Chinese, try very hard not to be ill » (Financial Times,
30/8/2007) La plupart des migrantes n’ont ni salaires durant le
congé maternité, ni compensation d’aucune sorte, pas même la
garantie d’être réembauchée après l’accouchement. Le taux de
mortalité maternelle chez les migrantes est sensiblement plus élevé
que la moyenne nationale (Perspectives Chinoises n° 86, mars avril
2006)
(73)
Danielle Elisseeff, op.cit p 139 Le médecin lors de la visite
prénuptiale obligatoire doit officiellement dire au fiancé si la
jeune fille est vierge ou pas.
(74)
Le travail fait par Pun Ngai pour montrer comment le capital dans sa
mondialisation a utilise en Chine le créneau disponible de la main
d’oeuvre féminine exploitable et corvéable à merci et façonnant
une catégorie de sujets offrant les possibilités optimum pour cette
exploitation pourrait être également fait pour l’Inde mais dans
une autre catégorie de sujets. Dans ce dernier pays, c’est au
contraire une catégorie de travailleurs sélectionnés par leur
connaissance de l’anglais et leur niveau d’éducation qui
constituent une autre catégorie de sujets d’exploitation dans des
tâches bien définies. Utilisant toutes les possibilités offertes
par le développement des techniques (transports ou internet), le
capital peut ainsi sélectionner dans le monde entier les secteurs
les plus favorables pour l’extraction de la plus value, quitte à
en rechercher d’autres lorsque les précédents, pour diverses
raisons dont la lutte de classe s’avèrent moins rentables.
(75)China
Labour Bulletin n° 85, 9/6/2007
(76)
Falling through the Floor. Migrant women Workers Quest for decent
Work in Dongguan – China Labour Bulletin, septembre 2006; A second
wave of Labour Unrest in China Wong Kun Yan ( Hong Kong, 2005
(77)
China Labour Bulletin n° 59, 12/2/2005
(78)
Echanges n° 120, printemps 2007, p 16
(79)
Financial Times 3/11/2004 ; Financial Times 4/1/2006 ; Le
Monde 2/3/2006
(80)Perspectives
Chinoises n° 90 juillet août 2006.
(81)
Perspectives Chinoises n° 90 , juillet-août 2006
(82)
China Labour Bulletin 29/6/2007
(83)
Perspectives Chinoises n° 90, juillet-août 2006
(84)
China as a World Factory , New Practices
and Struggles of Migrant Women Workers – 2005 ; Standing up: The
Workers Movement in China 200-2004 (China Labour Bulletin) ;The
Chinese Working Women’s Network, Pun Ngai et Yang Lie Ming; Against
The Current n° 130