vendredi 23 mai 2025

Loren Goldner : Joe Hill, les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière

 

Publier dans Echanges N°111-2004-2005

À propos d’un livre de Franklin Rosemont : Joe Hill. The IWW and the Making of a Revolutionary Working Class Counterculture, Chicago, Charles H.Kerr, 2003.

En ces jours de guerre sans fin au Moyen-Orient, où Kerry affronte Bush et où la politique visible aux Etats-Unis se réduit apparemment au combat d’une droite contre une extrême droite, ce livre nous donne une grande envie de descendre dans la rue et d’organiser la lutte. Et je me sens bien démuni pour le critiquer d’une façon quelque peu sévère.

Cet ouvrage est avant tout important pour toute une nouvelle génération de militants qui tentent de se situer au milieu des décombres laissés par la « gauche » bureaucratique d’Etat du XXe siècle (les sociaux-démocrates, staliniens, tiers-mondistes ou trotskystes) et les dernières idéologies qui emploient la langue de bois. Il est fort réjouissant et réconfortant de trouver un livre qui place Joe Hill et les IWW (Industrial Workers of the World) au même niveau qu’Apollinaire, Artaud, Frantz von Baader, Jérôme Bosch, William Blake, Lester Browie, Byron, Dürer, Victor Hugo, Philip Lamantin, Man Ray, Théolonious Monk, Gérard de Nerval, Charlie Parker, Erik Satie, Shelley, Vico et Hélène Wronski (1). Cet ouvrage nous offre ainsi un bref répit pour reprendre haleine (et Rosemont réussit à le faire sans effort, comme s’il s’agissait pour lui d’une évidence). Ce travail représente une véritable œuvre d’amour : l’auteur a rassemblé les bribes de la vie itinérante de Joe Hill, il a su les relier entre elles ainsi qu’aux IWW et à l’ensemble de la culture politique radicale du XXe siècle (le livre est aussi abondamment illustré). Pour son inspiration initiale, Rosemont eut la chance de découvrir les IWW en 1959 et de pouvoir alors rencontrer bon nombre de vieux militants qui se rencontraient encore dans les bureaux des Wobblies (2) à Chicago ou à Seattle, quelques-uns d’entre eux ayant connu personnellement Joe Hill.

Avant d’aller plus avant dans ma critique, il me semble nécessaire d’évoquer le travail de Rosemont. Il commence par passer en revue toute la littérature de référence en nous avertissant qu’une histoire approfondie et totale des IWW reste à écrire. L’auteur souligne qu’une telle tâche est rendue beaucoup plus difficile par la scandaleuse destruction par le gouvernement américain, en 1917, de toutes les archives des IWW. Il évoque la force des relations entre l’œuvre de Marx et les IWW, puisque ceux-ci encourageaient les ouvriers à étudier eux-mêmes collectivement Le Capital, pratique courante dans la vie de l’organisation. Contrairement à bien des militants « révolutionnaires » qui leur succédèrent, les Wobblies « lisaient et étudiaient réellement Marx ». Leur histoire et sa dimension sont étroitement mêlées à celle de Charles H. Kerr (3). Alors que les avant-gardes gauchistes qui apparurent plus tard produisirent des œuvres pour les travailleurs (parfois de bonne qualité), les publications des IWW étaient essentiellement « de et par » les travailleurs autant que « pour » eux. La plupart des Wobblies, selon Rosemont, rejetaient le « label syndical » et étaient considérés comme trop marxistes par la plupart des syndicalistes, et trop anarchistes pour d’autres courants du marxisme. Les IWW étaient « réellement informels, très ouverts, constamment rajeunis par de nouvelles énergies de la base ». Par la place éminente qu’ils accordaient toujours à la spontanéité, à la poésie et à l’humour, les IWW furent uniques dans l’histoire du mouvement ouvrier. Ils en savaient « trop sur le travail pour être ouvriéristes ».

Rosemont évoque aussi l’espace social qui s’organisa autour des salles de rencontre des IWW présentes dans tous les Etats-Unis. L’auteur n’a retrouvé que peu de matériaux biographiques sur Hill, bien que ce dernier ait été le hobo (4) le plus connu de l’histoire américaine. Loin d’être un faux modeste, Hill, d’après ses propres paroles, n’avait « pas grand-chose à dire sur sa propre personne ». Rosemont a raison de considérer que le portrait tracé par Wallace Stegner (5) en 1948 et qui dépeignait Hill comme un criminel de droit commun est particulièrement scandaleux. Stegner a fabriqué une brève biographie à partir d’une brassée de faits avérés, de quelques fortes probabilités et d’une montagne de réflexions universitaires vaseuses et de suppositions plausibles sur la vie de Hill.

« Dans sa propre vie, écrit Rosemont, Hill était surtout connu pour sa poésie et ses chansons. » Il a contribué à de nombreux textes des IWW qui figurent dans leur petit livre rouge de chansons. Alors que la presse des IWW publiait fréquemment des poèmes écrits par ses membres, les véritables « poètes Wobbly » n’ont jamais reçu la moindre reconnaissance pour leur talent littéaire. Les Wobblies chantaient aux meetings, pendant les grèves et dans leurs salles de réunions. Hill, comme tant d’autres Wobblies partit pour le Mexique lorsque éclata la révolution (6). Il participa à la grève de Fraser River au Canada en 1912 (7). Puis en janvier 1914, de passage à Salt Lake City, il fut accusé du meurtre d’un épicier local. Victime d’un coup monté, il fut exécuté en décembre 1915, en dépit d’une campagne internationale en sa faveur. Des dizaines de milliers de personnes suivirent ses funérailles à Chicago ; c’était la plus grande manifestation depuis les funérailles des martyrs de Haymarket en 1887(8). Poète, compositeur, chanteur, peintre et caricaturiste, Hill disposait d’une palette de talents artistiques. Une fois de plus, le rôle de la poésie et de la chanson dans la vie quotidienne et les luttes des IWW anticipait sur les activités joyeuses des grévistes en mai 1968 en France et était aux antipodes de l’atmosphère pesante des manifestations politiques de la gauche organisée depuis la Première Guerre mondiale : on ne le soulignera jamais assez.

Rosemont traite aussi séparément des mythes posthumes – positifs ou négatifs – qui ont obscurci la réalité historique. Hill ne fut ni un super militant sacrifiant toute sa vie, ni un petit voyou itinérant : comme l’auteur le souligne, le rôle d’organisateur du modeste Hill fut nourri par le culte aliéné du « leader » dans une organisation qui s’enorgueillissait d’un slogan anti-démagogique : « Nous sommes tous des dirigeants. » Sur la question raciale, Rosemont se montre nuancé ; c’est un des problèmes à propos desquels les IWW allaient radicalement à contre-courant de la culture réactionnaire dominante de leur époque. « Même Joe Hill, écrit Rosemont, n’était pas absolument sans reproches de ce point de vue. » La chanson de Joe Hill, Scissor Bill, attaque l’ouvrier blanc pour sa haine raciale ; elle attribue à Scissor Bill une série d’épithètes racistes qui « néanmoins, dans n’importe quel rassemblement mixte de Noirs et Blancs, pouvaient seulement provoquer chanteurs et auditeurs ».

Personne ne conteste que les IWW atteignirent les sommets de leur influence dans la décennie avant la Première Guerre mondiale durant la période dite de Jim Crow (9), sous la présidence Woodrow Wilson (10), un « progressiste » apôtre convaincu de la suprématie blanche. Ils allèrent beaucoup plus loin en attaquant le problème blanc américain que n’importe quelle organisation ouvrière auparavant – ou depuis lors. Lucy Parson (11) dédia leur convention fondatrice aux ancêtres noirs et indiens, à une époque où l’AFL (American Federation of Labor) (12) soutenait ouvertement la législation anti-Asiatiques et où les statuts de la plupart des syndicats affiliés à cette confédération syndicale avaient une clause excluant explicitement les non-Blancs. Les IWW accueillaient les travailleurs de toute couleur et de toutes nationalités dans leurs rangs. Covington Hall, poète, organisateur et agitateur qui participa aux batailles des IWW dans l’industrie du bois en Alabama faisait lutter ensemble Blancs et Noirs en plein cœur du Sud ségrégationniste. Les IWW étaient aussi implantés parmi les dockers noirs de Philadelphie, Baltimore et d’ailleurs.

Rosemont (qui est aussi l’auteur d’une très bonne brochure « Karl Marx et les Iroquois » (13) que l’on trouve sur le Net) montre comment les IWW, dans leurs relations avec les Indiens américains et leurs attitudes envers eux, étaient plus en concordance avec la sensibilité d’un Marx dans ses Notes ethnologiques (14) – alors inconnues et encore peu lues aujourd’hui – que ne le furent jamais les sociaux-démocrates, les staliniens ou les trotskystes. (Rosemont admet qu’on ignore tout des positions de Joe Hill sur ce sujet.) Pourtant on sait que Hill, en pleine période d’hystérie anti-Asiatiques et de dénonciation du « péril jaune », préparait avec talent des plats chinois. Rosemont cite les témoignages directs de ceux qui participèrent à des camps de hobos, notamment des Wobblies « particulièrement égalitaires et anti-racistes ».

De la même façon, les Wobblies étaient bien en avance sur leur temps quant à la question féminine. On trouvait bien des femmes au premier plan dans leurs rangs, même si quelquefois ils eurent tendance à décrire les « filles rebelles » comme étant là pour soutenir le moral des « garçons rebelles ». Ils dénonçaient ouvertement la prostitution comme le produit de la misère de la classe ouvrière. Ils combattaient la religion, « ce paradis dans le ciel », tout en ayant hérité un peu du millénarisme des sectes protestantes de la période précédente. Rosemont analyse, de façon particulièrement pertinente, la manière dont les capitalistes utilisèrent les hommes de main et les gangsters contre les locaux des IWW. Ces pratiques patronales favorisèrent le développement du gangstérisme aux Etats-Unis. En effet, une fois que les élites locales eurent autorisé les gangsters à se déchaîner contre les organisateurs des IWW, ils ne surent pas trop comment s’en débarrasser, leur tâche terminée, et comment les empêcher de continuer à prendre leur prébende et piller de façon permanente.

Rosemont décrit de façon intéressante les relations entre les IWW et le Parti communiste américain (le « Parti Comique » comme les Wobblies l’appelaient). Même si les IWW glorifiaient la révolution russe en 1921, ils avaient déjà des préventions contre l’étatisme grandissant en Russie. Comme l’écrit l’auteur : « Pour les IWW, le Parti communiste était devenu une des pires choses ayant fait irruption dans le mouvement ouvrier américain. Les Wobblies connaissaient la différence entre les élites clandestines du Parti et la masse des adhérents. L’expérience amère des Wobblies avec les dirigeants du parti, cette prétendue avant-garde, les conduisit à conclure que le Parti communiste n’était absolument pas une véritable organisation ouvrière mais un parti politique représentant une classe moyenne désespérément autoritaire, néo-byzantine dans ses structures hiérarchiques et bureaucratiques, et totalement dominée par une élite intellectuelle bourgeoise parasitaire. »

Dans son livre, Rosemont raconte aussi comment les Wobblies, au sein de l’AFL, puis du CIO, défendirent leurs idées et leurs pratiques syndicalistes révolutionnaires. Il décrit également les innombrables actes de violence perpétrés par les staliniens contre les éléments les plus radicaux du mouvement ouvrier aux Etats-Unis, crimes qui, comme le souligne Rosemont, ne « sont presque jamais mentionnés dans les livres sur le radicalisme américain ».

Les Wobblies eurent une conscience précise de ce qu’on appelle aujourd’hui l’écologie, comme en témoignent les lettres de Hill. Rosemont retrace ensuite l’influence ultérieure des IWW, de la Beat Generation (surtout à travers Gary Snyder) (15) à la littérature populaire. Et il mentionne de nouveau l’importance de la poésie : « Pour moi et aussi beaucoup de mes amis, la poésie revêtait une importance vitale lors de notre entrée sous les bannières des IWW. L’histoire du syndicat et l’accent constant mis sur la poésie et la chanson nous ont immédiatement impressionnés comme une des qualités décisives qui en font un cas unique dans le mouvement ouvrier et les organisations de gauche. Et nous avions raison. Que les IWW aient inspiré plus de poésie, et de meilleure qualité, que tous les autres syndicats ne les distingue pas seulement de toutes les autres organisations mais nous en dit beaucoup aussi sur le monde qu’ils essayaient de construire. » Cette dimension poétique propulse l’influence des IWW dans l’avant-garde moderniste comme cela apparaît dans les livres de Big Bill Haywood(16) à Greenwich Village (17) ou les artistes du Village qui travaillèrent en 1913 sur le Paterson Pageant(18) lors de la célèbre grève du New Jersey. Rosemont saisit aussi une autre dimension glorieuse des IWW dans un chapitre sur l’art perdu des harangues dans les lieux publics, élément central de leurs campagnes et que Vachel Lindsay (19) décrivait comme un « grand vaudeville ».

À propos de ce livre, je voudrais maintenant exposer quelques réserves, qui sont très secondaires par rapport à toutes ses qualités.

Tout d’abord j’avoue avoir été légèrement irrité par la façon spécieuse dont l’auteur tient absolument à relier Joe Hill à des thèmes plus généraux – souvent à juste titre d’ailleurs, aussi paradoxale que ma remarque puisse paraître. En voici quatre exemples, pris parmi de nombreux autres :

* Joe Hill vécut au Mexique pendant quelque temps lors de la Révolution mexicaine. Rosemont écrit onze pages très intéressantes sur les IWW et la Révolution mexicaine et tout à coup il se demande : « Et quel rôle Joe Hill joua-t-il [ dans cette révolution] ? Là, comme dans presque toute la biographie de Joe Hill, l’absence de détails précis est patente et frustrante. »

* Joe Hill se rendit à Hawai en 1911. Au milieu d’une discussion fort intéressante sur l’activité des IWW dans cette île, Rosemont écrit tout à coup : « Quoique aucun document ne révèle ce que fit Joe Hill à Hawaï, il est virtuellement certain qu’il rendit visite à d’autres représentants des IWW. Vu ce que nous savons de son activité ailleurs, il me paraît vraisemblable de penser qu’il apporta son concours à l’agitation syndicale dans l’île. Et il n’est pas impossible que cette aide fut beaucoup plus importante que ce que quiconque peut avoir espéré. Après 1911, de toute façon, les Wobblies déployèrent une forte agitation à Hawai. »

* Rosemont écrit neuf pages excellentes sur les IWW et les Indiens américains et une fois de plus il s’interroge : « Et Joe Hill ? Ici, c’est le noir total. Nous ne connaissons pas plus ses opinions sur la “question indienne” que sur la neuvième symphonie de Beethoven ou Don Quichotte ou la pensée de Li Po (20) : c’est-à-dire rien du tout. »

* Sur les talents de Joe Hill en matière de cuisine asiatique : « Dans un tel climat de haine, proclamer sa passion pour la cuisine chinoise et son habileté à utiliser les baguettes peut être qualifié comme un acte de dissidence et de défi. Je n’essaie pas de donner une autre dimension à de tels détails. Je tente de comprendre de simples gestes de Hill. Peuvent-ils être considérés comme des actes courageux, politiquement révolutionnaires, ou pas ? Nous informent-ils sur ses pensées réelles ? En même temps, on ne peut ignorer de telles manifestations de non-conformisme, personnelles et non politiques. Elles occupent certainement une place dans le schéma plus large de l’ensemble. »

Sans aucun doute. Et je pourrais continuer ainsi les citations. Un ami indulgent m’a suggéré que, vu le petit nombre de faits connus sur la vie de Joe Hill, Rosemont a dû travailler comme un archéologue qui reconstitue toute une période historique en s’appuyant seulement sur quelques morceaux de poterie. Et, dans bien des endroits du livre, cette méthode fonctionne efficacement.

Malheureusement, Rosemont ne pose jamais la question fondamentale sur les IWW. Qu’est-ce qui clocha chez eux ?

Pour répondre à cette question, il aurait pu utiliser de nombreux auteurs qu’il cite et qui ont écrit des analyses valables sur des épisodes radicaux oubliés ou peu connus : notamment, C.L.R. James (dans Notes sur la dialectique ou dans Facing Reality) ou Peter Linebaugh (21) et Marcus Rediker (22), tous deux coauteurs de The Many-Headed Hydra. Mais Rosemont n’apporte aucune explication concernant la défaite des IWW.

Certes, dans notre période morose, il peut sembler judicieux de ne pas s’appesantir sur des défaites. Depuis l’effondrement du prétendu « bloc soviétique » (les vrais soviets n’existaient plus en 1921), toutes les solutions alternatives au « socialisme » bureaucratique d’Etat qui ont été vaincues au début du XXe siècle suscitent un nouvel engouement : de l’anarchisme au syndicalisme révolutionnaire, en passant par des penseurs comme Rosa Luxembourg ou Bordiga, mais aucun courant n’a suscité autant d’intérêt que les IWW (et pas seulement aux Etats-Unis).

Par conséquent, si nous devons projeter aujourd’hui ce que furent les IWW de 1905 à 1924, je trouve impératif et urgent de comprendre pourquoi ce syndicat a connu une telle éclipse. Qu’est-il arrivé à ce groupe extraordinaire ? Pourquoi devons-nous regarder 90-100 ans en arrière, si nous voulons comprendre ce qui leur est arrivé ?

Le livre de Rosemont ressemble à un météore brillant qui atterrirait dans un paysage triste et déprimant, comme un astéroïde oublié. Nous pensons, pour notre part, que tout s’inscrit dans un processus historique, et nous devons malheureusement constater que, aussi étrange que cela paraisse, ce livre-choc, riche en descriptions factuelles et en reconstructions passionnées de la vie de Hill, des IWW et de bien d’autres personnages, ce livre, donc, ne contient pratiquement pas d’analyse historique tout au long de ses 640 pages.

Il nous suffit de poser quelques questions pour constater que Rosemont n’y apporte aucune réponse :

– Les trotskystes déraillent-ils lorsqu’ils affirment que les IWW furent éclipsés par le Parti communiste américain parce que les Wobblies n’avaient aucune perspective politique cohérente alors que le Parti communiste de Lénine et Trotsky – à ses débuts – en avait une ?

– Pourquoi cela se produisit-il ?

– Pourquoi dans les années 30, le Parti communiste américain fut-il un mouvement de masse et non les IWW ?

Rosemont présente des brassées de faits précis et nous offre de passionnants aperçus sur le développement d’une contre-culture ouvrière révolutionnaire. Il peut sembler abusif de demander à un tel travail d’évoquer aussi l’économie, les changements technologiques et la vaste mutation de l’Etat capitaliste de 1890 à 1945 ; ou bien le triomphe, à partir des années 30, des idées de Mark Hanna (23), Owen Young (24) et Gerard Swope (25) parmi les grands capitalistes ; ou encore l’impact de la culture de masse (radio, cinéma et plus tard télévision) et de l’éducation de masse sur le chant populaire et la poésie qui ont pu jouer un rôle dans la fin des IWW. Bien des points que je viens de soulever ne sont même pas mentionnés dans le livre.

Rosemont attaque Dibovsky (26) et d’autres universitaires parce qu’ils prétendent que les IWW étaient déjà sur le déclin en 1919 ; il leur oppose que ce processus commença en 1924 mais il ne consacre pas une seule ligne pour tenter de l’expliquer.

La crise de 1920 (associée au « péril rouge ») a balayé les syndicats dans tous les Etats-Unis. Quel impact cette vague réactionnaire a-t-elle eu sur les Wobblies ? Rosemont ne le mentionne aucunement.

Il souligne avec brio l’importance du chant et de la poésie pour le mouvement des IWW, mais qui peut dire qu’un recueil de chansons et de poésie puisse aujourd’hui jouer un rôle et être le point de départ d’un mouvement ? La plupart des gauchistes ne sont même pas capables de chanter un couplet de L’Internationale.

Rosemont parle de Joe Hill comme s’il était encore vivant et connu de la classe ouvrière, mais je pense que pas un seul des étudiants d’origine ouvrière que j’ai rencontrés à New York alors que j’enseignais dans un cours pour adultes n’avait entendu parler des IWW, et encore moins de Joe Hill.

Rosemont écrit dans le cadre de ce qui est considéré aujourd’hui comme une sous-culture et il l’élève au niveau d’une culture de classe.

Naturellement, étant donné la dimension de ce qu’il réussit à faire, l’auteur n’était pas obligé de répondre à bien des questions sur ce qui arriva après la fin des IWW. (Il semble pourtant concéder à regret dans quelques endroits de son livre ne pas avoir mené cette tâche à bien.)

On peut présumer que Rosemont n’a pas écrit par simple nostalgie d’un passé révolu, mais pour inspirer le présent et le futur. Et d’ailleurs, j’étais tellement enthousiasmé en terminant son livre que, j’aurais voulu, comme je l’ai déjà dit, me précipiter dans la rue et me mêler à la foule des travailleurs pour que cette vision devienne une réalité de notre temps ; mais je me suis heurté à un mur ou suis tombé dans le vide.

C’est pourquoi je me suis permis de poser un certain nombre de questions sur les limites de ce voyage mystérieux et magique dans le temps. Des dizaines de milliers de gens sublimes se sont-ils mystérieusement regroupés entre 1905 et 1924 ? Se sont-ils dispersés ou furent-ils dispersés tout aussi mystérieusement ?

Ceux qui restèrent en dehors des IWW furent beaucoup plus nombreux que ceux qui rejoignirent les IWW : qui étaient-ils, et pourquoi ne le firent-ils pas ?

Si l’on veut rendre la poésie des IWW potentiellement contemporaine., il me semble qu’il nous faut absolument répondre à toutes ces questions afin de saisir la spécificité des IWW, de leurs forces et de leurs faiblesses au regard des forces qui les reléguèrent dans l’oubli.

Notes

1. Parmi les auteurs et artistes cités, certains sont connus et il est aisé de les retrouver si l’on veut en connaître davantage (Apollinaire, Artaud, Bosch, Blake, Byron, Dürer, Victor Hugo, Man Ray, Gérard de Nerval, Charlie Parker, Erik Satie, Shelley). Nous ne donnons ci-après que quelques références sur les moins connus :

Franz X. von Baader (1765- 1841) : théosophe allemand inclassable qui développa des théories sur la corporalité et l’antagonisme. Baader a aussi inventé le mot « prolétariat » pour désigner les « classes dangereuses ».

Lester Bowie : trompettiste de jazz de l’avant-garde de Chicago des années 1970.

Philip Lamantia : poète américain, adoubé par André Breton comme le « Rimbaud de la deuxième moitié du XXe siècle », personnage de la poésie beat des années 1950.

Thelonius Monk : pianiste et compositeur de jazz des années 1950.

Hoene-Wronski : messianiste et ésotériste romantique polonais qui habitait Paris dans les années 1830 et 1840, considéré par beaucoup comme le modèle du personnage du roman de Balzac A la recherche de l’absolu.

Giambattista Vico : juriste italien « préromantique » du XVIIIe siècle, précurseur de Michelet, Marx et Joyce, connu pour son affirmation que l’Histoire est un « factum » c’est-à-dire est faite par les hommes.

2. Wobbly (pluriel Wobblies) : nom donné à ceux qui se rattachaient aux IWW (Industrial Workers of the World). Il y a peu d’ouvrages exhaustifs et complets en français sur les IWW. Mentionnons Les IWW, le syndicalisme révolutionnaire aux Etats-Unis de Larry Portis, aux éditions Spartacus, et les pages qui leur sont consacrées dans Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, Howard Zinn, éd. Agone.

3. Charles H. Kerr, maison d’édition du mouvement ouvrier établie à Chicago à la fin du XIXe siècle qui publia la première édition aux Etats-Unis du Capital de Marx en anglais ; après un long déclin, elle a été reprise en main par Rosemont et quelques camarades.

4. Hobo : nom donné aux travailleurs migrants aux Etats-Unis qui allaient de chantier en chantier, au début du XXe siècle. Ces travailleurs non qualifiés se déplaçaient d’un bout à l’autre du pays par tous les moyens, notamment en « empruntant » les trains de marchandises (souvent au prix de leur vie ; 50 000 hobos moururent dans des accidents ferroviaires entre 1900 et 1905) tout en développant, entre eux, une grande solidarité. Voir l’ouvrage de Nels Anderson , Le Hobo, sociologie du sans-abri, Nathan (essais et recherches), 1993, traduction de l’original anglais paru en 1923.

5. Wallace Stegner : romancier américain médiocre, auteur d’une étude très malveillante sur Hill en 1948.

6. Révolution mexicaine : la dictature de Porfirio Diaz et la « modernisation » du pays (accompagnée d’une large pénétration économique des Etats-Unis) se firent aux dépens des paysans dont les structures communautaires furent détruites au profit des grands propriétaires fonciers ; en 1912, 80 % des paysans étaient des « sans-terres », les peones, véritables esclaves des haciendas (cf. les romans de B. Traven disponibles en poche). La révolution se déroula dans une période de grande confusion de 1910 à 1914 ; elle vit les chefs rebelles Villa et Zapata s’affronter et se termina par le rétablissement de la légalité bourgeoise avec l’intervention déterminante des Etats-Unis.

7. Fraser River Strike : d’après le nom du fleuve Fraser de Colombie-Britannique (Canada) près de la côte Pacifique et le long duquel était construite la ligne de chemin de fer transcanadienne pour la Canadian Northern Railroad Company avec l’aide de sous-traitants qui exploitaient les migrants dans des conditions terribles proches de l’esclavage. En 1912, les IWW organisèrent ces travailleurs (plus de 8 000 adhérents) et la grève éclata sur les chantiers de Fraser River en mars 1912. Le mouvement s’étendit sur plus de 800 km tout au long de la ligne, jusqu’aux Etats-Unis avec d’innombrables piquets pour prévenir l’embauche de jaunes. Elle se termina par la répression violente habituelle contre toute grève dans cette période héroïque du mouvement ouvrier américain.

8. Dans le cadre d’actions diverses pour la journée de 8 heures, début mai 1886, des grèves se développèrent notamment à Chicago. La police intervint en tirant sur les grévistes – tuant et blessant plusieurs travailleurs. Ce qui déclencha des actions plus déterminantes. Lors d’un rassemblement à Haymarket Square à Chicago, une bombe fut lancée contre les flics qui venaient disperser la manifestation : la police ouvrit le feu de nouveau, tuant et blessant plusieurs manifestants. Il s’ensuivit une vague d’arrestations notamment dans les milieux anarchistes. Sept d’entre eux furent condamnés à mort dont 4 furent pendus sans qu’aucune preuve ait pu être retenue contre eux. Ensuite une vague réactionnaire hystérique se développa dans tout le pays. Ces événements tragiques devinrent le symbole des luttes dans la célébration mondiale du Premier mai.

9. Jim Crow : terme méprisant pour désigner les Noirs américains d’après le nom d’une chanson fondée sur un fait réel. Jim Crow South désigne tout le Sud américain ex-esclavagiste, raciste et ségrégationniste.

10. Woodrow Wilson (1856-1924) : président des Etats-Unis de 1913 à 1921 qui poussa et présida à l’entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale. Idéaliste, il tenta de lancer une collaboration mondiale pour la paix avec la Société des Nations, mais fut désavoué dans ces efforts par ses propres partisans.

11. Lucy Parsons (1853-1942) : militante exceptionnelle du mouvement ouvrier américain à partir des années 1870, métisse de parents noir et indien, veuve d’Albert Parsons, un des « martyrs de Haymarket », participa au congrès fondateur des IWW en 1905.

12. AFL-CIO : « grande » fédération syndicale américaine résultant de la fusion en 1956 de l’American Federation of Labor (AFL) et du Congress of Industrial Organisations (CIO). Le refus de l’AFL d’admettre les travailleurs non qualifiés fut une des causes de la formation des IWW. Quant au CIO il avait été fondé en 1933 pour regrouper les travailleurs de tout ordre, spécialement ceux non admis dans l’AFL.

13. On peut trouver « Karl Marx et les Iroquois » de F. Rosemont sur le site Internet <www.geocities.com/cordobabakaf/marx...>

14. Marx avait écrit différents textes sur l’ethnologie qu’il projetait de publier avant sa mort. On peut trouver ces textes en anglais dans l’ouvrage The Ethnological Notebooks of Karl Marx, Assan 1972.

15. Beat Generation : mouvement littéraire et mode de vie influents des années 1950-60 aux Etats-Unis dont les principaux animateurs furent Kerouac, Ginsberg et Burroughs. À propos de Gary Snyder, Kerouac et Ginsberg disaient qu’il était « le type le plus fou et le plus intelligent que nous ayons jamais rencontré ».

16. Big Bill Haywood : militant mineur de fond qui quitta l’AFL pour devenir l’un des fondateurs des IWW en 1905.

17. Greenwich Village, ou le Village : ce quartier de New York, situé à l’ouest de Manhattan, refuge des artistes et écrivains, passe souvent pour le ghetto des intellectuels.

18. Paterson Pageant : spectacle organisé à New York en 1913, lors de la grande grève de Paterson (New Jersey). Destiné à faire connaître cette lutte, il marqua une collaboration exemplaire entre l’avant-garde new-yorkaise (l’idée en fut lancée par John Reed) et les militants des IWW qui organisaient la grève.

19. Vachel Lindsay (1879-1931) : poète américain en rupture avec l’académisme et la mièvrerie.

20. Li Po : poète chinois (700-762) dont les thèmes poétiques tournent autour de l’amitié, de la nature, du vin et des femmes.

21. Peter Linebaugh : historien américain contemporain influencé par E.P. Thomson et par l’ouvriérisme italien, auteur de l’excellent The London Hanged (1992) et avec Marcus Rediker de The Many-Headed Hydra (2000).

22. Marcus Rediker : historien américain contemporain, auteur d’une étude sur les pirates du XVIIIe siècle Between the devil and the deep-blue sea (1987).

23. Mark Hanna : sénateur de l’Etat d’Ohio. A partir des années 1880, ce capitaliste éclairé revendiqua la création de syndicats industriels, cinquante ans avant la formation du CIO. Il voulait ainsi empêcher une véritable radicalisation du mouvement ouvrier aux Etats-Unis ; pionnier du corporatisme.

24. Owen Young : PDG de General Electric dans les années 20, autre pionnier du corporatisme, favorable à la création d’un syndicat indépendant dans sa propre entreprise. Architecte du Plan Young (1929) qui fournit des crédits pour la stabilisation de l’Allemagne.

25. Il invita l’AFL à organiser un syndicat chez General Electric pour empêcher que « d’autres gens moins aimables ne le fassent » ; à l’époque du New Deal, partisan d’une concertation économique entre le patronat et les syndicats dans le style du fascisme mussolinien.

26. Marvin Dubovsky : historien américain auteur d’une histoire médiocre des IWW We shall be all (1973).

(2003)

(Traduit par Echanges et mouvements)


jeudi 22 mai 2025

Nouvelle-Calédonie 2024. La danse macabre des impérialismes autour des métaux stratégiques

 

Alors que l’île de Mayotte, toute proche de l’Afrique orientale – à l’entrée Nord du Canal du Mozambique, mais à 10.000 km de la « métropole » – est en proie à des explosions récurrentes depuis plusieurs mois, pour des raisons prétendument « migratoires » (dont font leur miel la droite, l’extrême-droite… et leur cousin germain « macroniste »), la Nouvelle-Calédonie, à 17.000 km de Paris, est secouée depuis le lundi 13 mai par les émeutes de jeunes kanaks contre le gouvernement actuel.

L’enjeu est considérable tant du point de vue social que géo-impérialiste.

Dans la zone Indo-Pacifique, feu le colonialisme français a encore de beaux restes. Plus de 90 % de la zone économique exclusive (ZEE) française, soit près de 9 millions de kilomètres carrés, s’étend dans le Pacifique et l’océan Indien, ce qui permet à la France de se vanter d’être le second domaine maritime au monde, avec moins de 1,6 million de Français dans ces territoires.

En Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique de l’océan Pacifique (à 1.500 km de l’Australie !), peuplé de seulement 270.000 habitants, gisent 25 % des ressources mondiales de nickel. Le prolétariat kanak mélanésien subit l’oppression du capitalisme (multinational) français (Eramet et sa Société Le Nickel) et mondialisé : suisse (Prony Resources) et anglo-suisse Glencore, maintenant en très grande difficulté.

Les prix du nickel ont diminué de 45 % en 2023 alors même que la Nouvelle-Calédonie compte pour 6,5 % de la production mondiale. Les aléas du boom de la voiture électrique, faux remède miracle au réchauffement climatique, et fer de lance de l’offensive de l’hypercapitalisme chinois, ont réduit la valeur de la production des métaux vedettes des batteries électriques. Après avoir atteint des sommets spéculatifs, le lithium et le cobalt ont perdu près de 80 % de leur valeur en quelques mois. Le nickel a chuté sous l’effet de la production indonésienne [1] bien moins chère que la néo-calédonienne et pratiquement contrôlée par la Chine. Appelée à être l’Arabie saoudite (sic) du nickel, l’Indonésie pèsera bientôt (en 2030) pour 75 % de la production mondiale. Le groupe franco-calédonien Eramet a déjà dit adieu à la Kanaky : il opère désormais à Weda Bay (archipel des Moluques indonésien), la plus grosse mine de nickel au monde (Le Monde, 1er juin 2024). Le groupe chinois Tsinghan travaille déjà en partenariat avec Eramet à Weda Bay. La presse politico-affairiste aux ordres voit de son côté la « main de la Chine » (pour d’autres, c’est l’Azerbaïdjan !) dans le désastre néo-calédonien.

« Écologique » la voiture électrique ou bulldozerisation capitaliste accélérée contre l’environnement ? L’Indonésie a déjà perdu plus de 80.000 hectares de forêts aux îles Sulawesi (Célèbes), dans les concessions d’exploitation du nickel, soit l’équivalent de la superficie de la ville de New York (article de G. Delfour, 8 avril 2024). C’est un cycle sans fin de destruction de la nature : le président de la République d’Indonésie Joko Widodo a prévu de multiplier par 200 les exportations de nickel... soit des millions d’hectares de forêts réduites en cendres et autant victimes de la pollution.

Or, sur le « caillou » (nom familier donné à la Nouvelle-Calédonie), déjà très pollué, plus de la moitié des employés des mines sont des Kanaks, ouvriers essentiellement, mais aussi des Polynésiens (Tahiti, Wallis et Futuna) et parfois de techniciens sous contrat venus des Philippines. Ils ont remplacé un prolétariat qui avant 1945 venait d’Indochine, assujettis à un code du travail sous contrat. La petite-bourgeoise commerçante domine dans les petits commerces asiatiques de proximité, tenus surtout par des Vietnamiens.

Pour les indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), la manne capitaliste de l’exploitation du nickel est essentielle. Mais la province Nord, dirigée par le FLNKS, subit une grave crise. Le 10 avril 2024, les mines de la Société Le Nickel (SLN) situées dans la province Nord se sont tues. 750 salariés de la SLN (qui compte 2.359 employés au total) sont désormais occupés à des tâches « de mise en sécurité des sites », autrement dit mis en chômage technique, prêts à rejoindre les bureaux de France Travail (nom orwellien donné à l’ex-Pôle emploi).

Les émeutes qui ont éclaté le 13 mai sont la suite attendue de cette grave crise où le capital français essaie cyniquement de tout reprendre ce qu’il avait concédé il y a près de 30 ans. Sous la houlette de Macron, soutenu de fait par la droite et l’extrême droite, l’Assemblée nationale allait se prononcer sur une « révision constitutionnelle » prévoyant une « réforme », dite « dégel », du corps électoral, permettant de réduire le poids politique et économique des indépendantistes de l’île face aux « loyalistes », essentiellement les « caldoches », d’origine « métro » et souvent d’esprit colon, organisés parfois en milices armées, et les habitants de Wallis et Futuna considérés comme plus dociles par le capital français [2].

Le « dégel » macronien, prémédité de longue date, aurait dû être validé par les deux chambres françaises réunies solennellement en congrès au château de Versailles. L’alchimie politicienne du « Dr Macron » s’est révélée une chimie explosive et une « économie de guerre » sociale.

L’explosion s’est quasi mécaniquement déclenchée le lundi 13 mai. L’état d’urgence a été décrété le mercredi 15 mai, sur le territoire de l’archipel français, après trois jours de violences qui ont causé cinq morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés. Partout des barrages, plus ou moins « indépendantistes », surtout tenus par de jeunes kanaks révoltés, ont été installés aux ronds-points des routes. Le coût des émeutes propulsées par ces jeunes révoltés dans les slums de Nouméa, où ils sont relégués, a déjà été chiffré par les médias à 200 millions d’euros.

Mais ces médias aux ordres et les partis bourgeois allant de l’extrême droite à la « gauche démocratique » ont-ils jamais chiffré le coût exorbitant de la domination du capital, autant pour les natifs que pour les « caldoches » eux-mêmes ?

Aujourd’hui, 80 % des Kanaks occupent toujours les professions les moins rémunérées (employés ou ouvriers) contre 45 % pour le reste de la population du Caillou. Le taux de chômage est particulièrement important chez les Kanaks par rapport à l’ensemble de la population calédonienne. Ils sont plus de 20 % sans emploi alors que la moyenne sur l’archipel est de 12 %. Mais le plus criant, ce sont les différences d’accès aux emplois (relativement) les mieux payés : moins de 5 % des Kanaks actifs sont cadres. Seul un Kanak sur quatre a obtenu le bac ou un diplôme universitaire monnayable sur le marché du travail contre près des trois quarts des « Caldoches » (d’origine européenne). Pour l’enseignement le résultat est digne d’un pays sous-développé : en 2019, l’Université de Nouvelle-Calédonie ne comptait que « cinq enseignants kanak, les autres venant de métropole ou d’ailleurs »

Pour toute la population d’un Caillou devenu stérile, les prix à la consommation sont en moyenne 31 % plus élevés qu’en métropole, selon une étude publiée en septembre 2023 par l’Insee. C’est le territoire qualifié comiquement d’« ultramarin » [3], juste devant la Polynésie française, où l’écart de niveaux de prix à la consommation avec l’Hexagone était le plus fort en 2022. La différence est encore plus frappante pour les prix alimentaires : ils sont 78 % plus chers en Nouvelle-Calédonie. Les prix des logements sont 30 % supérieurs, tandis que ceux de l’hôtellerie et de la restauration sont 77 % plus élevés. Un ménage qui croirait en l’existence d’un pays de cocagne et déménagerait de la « métropole » sur l’archipel devrait augmenter son budget de 43 % pour maintenir un niveau décent de consommation [4]. Le salaire sur place bien sûr n’augmenterait pas pour autant de 50 %... Il n’y aurait pas d’échelle mobile des salaires mais une échelle mobile ascendante de la misère.

Pour les prolétaires de Nouvelle-Calédonie quelle que soit leur couleur de peau, il ne peut y avoir de solution capitaliste. « Indépendants » ou « associés » à la métropole, les prolétaires néo-calédoniens seront toujours sous la coupe du ou des capitalismes dominants luttant à mort entre eux sur le marché mondial. Qu’ils soient français, helvètes, britanniques, australiens, brésiliens, chinois, coréens, indonésiens, états-uniens ou canadiens, etc., les exploitants des matières premières, associés ou non, les broieront sans aucune pitié pour tirer les profits maximaux. « Indépendantistes » et/ou « loyalistes », « noirs » et « blancs », les intermédiaires locaux n’auront pour seule vocation que d’être la chiourme impitoyable de l’exploitation quotidienne.

Et si les mines de nickel ou autres cessent vite d’être rentables, les exploités ne pourront compter sur de quelconques « allocations » chômage. La mafia politicienne bourgeoise qui agit de concert avec l’État du capital n’aura aucune honte à claironner qu’elle fera des milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs.

Et si, enfin, les États « indépendants » ou « associés » à l’exploitation du nickel, ou d’autres métaux entrant dans la production des batteries électriques (cobalt, lithium, etc.), cessent d’assurer l’ordre capitaliste et font faillite, tous les impérialismes se donneront ou non la main pour intervenir par la force. Dans un passé pas si lointain, ce furent les canonnières britanniques, françaises, américaines qui assurèrent l’ordre impérialiste. Comme naguère le gendarme yankee, l’Empire du milieu rue dans les brancards pour montrer les muscles de sa toute puissance maritime, de l’occupation-militarisation d’une myriade d’îlots à celle d’îles entières (Le Monde, 7 avril 2024).

La période impérialiste actuelle continue, comme avant et après 1914, à être une lutte sanglante exacerbée pour la domination totale du monde capitaliste. L’analyse de Nicolas Boukharine, dans son ouvrage de vulgarisation l’ABC du communisme (1920 - souligné par nous) n’a rien perdu de sa brûlante actualité :

les petits États périssaient, les grands États pillards s’enrichissaient, gagnaient en étendue et en puissance. Mais une fois tout l’univers pillé, la lutte allait se continuer entre eux : la lutte à mort pour un nouveau partage du monde devenait fatale entre les États brigands.

P., Pantopolis, ler juin 2024.

[1] Avec 21 millions de tonnes, l’Indonésie détient les plus importantes réserves mondiales de nickel. Le pays a fait de ce secteur de transformation du nickel pour la fabrication de batteries électriques la clé de son programme de développement national.

[2] Les Mélanésiens Kanaks, premiers habitants de l’archipel, représentent 41 % de la population actuelle d’après les données de l’Insee (2019), tandis que les « Caldoches », parfois descendants de bagnards, de déportés politiques (Kabyles et Communards) et de vagues de colons blancs, représentent 24 % de cette population.

[3] Pour les habitants des archipels de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie la France est totalement « ultramarine ».

[4] Joséphine Pelois, « La Nouvelle-Calédonie, terre de pauvreté et d’inégalités sociales ? » sur le site web « Capital », 17 mai 2024.

NOUVELLE-CALEDONIE 170 ANS DE COLONIALISME


mercredi 21 mai 2025

infobref n°570 mai 2025

 


L'explosion mondiale des dépenses militaires et la lutte contre la guerre impérialiste

Toutes les puissances impérialistes prétendent que leurs dépenses militaires sont purement défensives, avec des budgets qualifiés de «dépenses de défense». Il s’agit d’un mensonge grotesque.

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Gaza : un demi-million de manifestants à Londres !

lundi 19 mai 2025, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 19 mai 2025).

Un demi-million de personnes ont défilé jusqu’à Downing Street pour exhorter Starmer à rompre les liens avec Israël

https://www.middleeasteye.net/news/…
17 May 2025
Imran Mulla
Traduction Google

Les organisateurs estiment que 600 000 personnes ont participé à la marche de samedi (Middle East Eye)

Les organisateurs ont déclaré qu’ils souhaitaient marquer le 77e anniversaire de la Nakba et exhorter le Royaume-Uni à « prendre des mesures » pour mettre fin au nettoyage ethnique des Palestiniens.

On estime que 600 000 personnes ont défilé dans le centre de Londres jusqu’à Downing Street samedi pour commémorer le 77e anniversaire de la Nakba.

La manifestation a débuté à Embankment, puis a dépassé Big Ben, traversé la Tamise en direction de Waterloo et s’est terminée devant Downing Street.

Elle était organisée par la Campagne de solidarité avec la Palestine, les Amis d’Al-Aqsa, l’Association musulmane de Grande-Bretagne, Stop the War, le Forum palestinien de Grande-Bretagne et d’autres groupes pro-Palestine.

Les manifestants sont venus de tout le pays, notamment du Pays de Galles et du nord de l’Angleterre. Stop the War a indiqué que la manifestation avait rassemblé environ 600 000 personnes, ce qui en faisait la plus importante depuis novembre 2023.

La Campagne de solidarité avec la Palestine a déclaré que la marche visait à « commémorer le 77e anniversaire de la Nakba de 1948 et à exiger de notre gouvernement qu’il prenne des mesures pour mettre fin au nettoyage ethnique en cours des Palestiniens de leurs terres ».

La Nakba, ou catastrophe, fait référence au nettoyage ethnique de la Palestine par les milices sionistes pour ouvrir la voie à la création d’Israël en 1948.

Petite contre-manifestation

Un petit groupe de manifestants pro-israéliens s’est rassemblé sur le Strand, à l’extrémité nord du pont de Waterloo, scandant : « Soutiens du terrorisme, hors de nos rues ». Des drapeaux indiens ont été vus flottant aux côtés de drapeaux israéliens.

Devant Downing Street, les manifestants pro-palestiniens ont entendu plusieurs intervenants, dont la députée Apsana Begum, l’ambassadeur palestinien Hussam Zumlot et l’historien William Dalrymple.

L’acteur britannique Khalid Abdalla tient une clé symbolisant le droit au retour des Palestiniens (Middle East Eye)

La manifestation de samedi intervient alors qu’Israël poursuit son blocus de Gaza, qui dure depuis 77 jours. Les bombardements se sont intensifiés la semaine dernière et le bilan des morts à Gaza a dépassé les 53 000 depuis le 7 octobre 2023.

Pendant la Nakba de 1948, les forces sionistes ont tué des milliers de Palestiniens, détruit des centaines de villages et expulsé de force 80 % de la population palestinienne de leur territoire.

Après plus d’un an de violences incessantes, le nouvel État d’Israël s’est emparé de 78 % de la Palestine historique.

Les 22 % restants, la Cisjordanie et la bande de Gaza, ont été occupés par Israël 19 ans plus tard et demeurent sous domination militaire israélienne.

 



jeu. 8 mai 19:14 GCI-ICG] En marge d’un anniversaire… (8 mai 1945/2025)

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/ GUERRE de CLASSE / Ce 8 mai 2025, d’importantes fractions de la classe bourgeoise célèbrent le quatre-vingtième « anniversaire » de la fin de la seconde boucherie mondiale, de ce gigantesque bain de sang qui a laissé sur le carreau plus de soixante millions d’êtres humains, de prolétaires, tombés sur l’autel du profit et du nationalisme. Hier comme aujourd’hui et demain, c’est au nom de l’antifascisme (pour les uns) ou du fascisme (pour d’autres), au nom de la démocratie, de la liberté, de « la patrie en danger », de la religion, de la paix, que ces massacres sont perpétués.

Le capitalisme semble être arrivé au bout d’un cycle : trop de dévalorisation, trop de marchandises accumulées, trop de machines, trop de prolétaires, pas assez de marchés solvables et de profits… Les contradictions entre les différents secteurs nationaux d’un seul et même être sanguinaire mondial, qui se nourrit de l’exploitation de nos corps, de notre chair, de notre énergie, de nos vies, de nos perspectives, ces contradictions prennent formes guerrières et des blocs bellicistes commencent à se recomposer pour mener à bien l’entreprise de destruction du vivant, tant nécessaire à la revitalisation de cet empire de la mort que constitue le mode de production capitaliste.

Aujourd’hui, le réarmement est à l’honneur et à l’ordre du jour, des milliards de dollars et d’euros sont investis dans les technologies les plus avancées dans cette œuvre morbide qui devra faire table rase des prolétaires surnuméraires et des moyens de production excédentaires. L’armée est à l’honneur, les drapeaux patriotiques (peu importe lesquels) volent au vent de la furie destructrice de nos ennemis de classe, les programmes radio-télévisés, la presse du pouvoir en place (et de celui à venir), toute la propagande de ces larbins de l’ordre capitaliste rugissent d’une seule voix : en avant toute vers la guerre !

Cliquer sur le titre pour la suite


dimanche 18 mai 2025

groupe "Communisme ou barbarie", en coréen

 

Publié le 7 Mai 2025 par pantopolis/TCI in groupe internationaliste

"Communism or Barbarism", May 2025

"Communism or Barbarism", May 2025

Information importante

Nous signalons la formation d'un noyau internationaliste en Corée du Sud, rattaché à la Tendance communiste internationaliste (TCI).

ICT (코뮤니즘이냐 야만이냐/コミュニズムか野蛮か/共产主义或野蛮主义

Ci-joint, en anglais, l'annonce de la formation du groupe Communisme ou barbarie, faite par la TCI récemment.

Pantopolis,  7 mai 2025

Welcome to Communism or Barbarism

As the capitalist system increasingly engulfs the world in imperialist wars and climate catastrophes, more and more young people are looking for an alternative. The revolutionary ideas defended by the Communist Left over the last century are once again gaining wider exposure and as a consequence we see new groups appear around the world.

Communism or Barbarism, based in South Korea and with contacts across East Asia, is trying to build a nucleus of the Internationalist Communist Tendency (ICT) in the region. Since 2023 they have been translating articles and documents into Korean and Chinese, and have been involved in NWBCW Korea together with the comrades of the Internationalist Communist Perspective (국제주의코뮤니스트전망). As they take the next steps in establishing themselves as a group, we publish here their founding statement and would recommend other internationalists in the region to get in touch.(1)

Founding Statement of Communism or Barbarism

Capitalism has been on a path of decline since the imperialist era that began with the First World War in 1914, plunging humanity into two crises, world wars, destruction and reconstruction, followed by new crises. Today, capitalism is currently pushing humanity toward an infectious disease pandemic, climate crisis, ecological destruction, and generalized imperialist war, pushing the international proletariat into war and poverty. Under these circumstances, the so-called "left" is divided between the reformist social-democratic tendency that seeks to maintain and "reform" the current capitalist system, the Stalinist tendency that defends the post-counterrevolutionary Soviet Union, China, Cuba, etc. as "socialist countries", and the Trotskyist tendency that criticizes Stalinism but paradoxically, uncritically supporting the above state capitalist systems as "degenerated workers' states”.

Although the internationalist communist forces are still small and weak, their defense of the revolutionary tradition and steady internationalist activities have recently attracted new generations and workers around the world and are expanding. Therefore, the work of embedding internationalist principles in the global working class and the discussion and exchange among internationalist communist organizations and groups, and the progress they make, are crucial to building an international revolutionary organization.

The political principles (program) of the internationalist communist forces are the product of the experiences and lessons learned from the class struggle of the international working class and the revolutionary struggles of the communist political forces. Our origins are therefore found in the Communist League, the First International (International Workers' Association), the left within the Second International, the left within the Third International (Comintern), and the communist left that defended proletarian internationalism and communism against the Third International, which went through a period of counterrevolution and decline.

Communism or Barbarism–ICT(코뮤니즘이냐 야만이냐/コミュニズムか野蛮か/共产主义或野蛮主义) was founded as a part of the international revolutionary organization to develop internationalist communist organization and movement in East Asia. We present the following basic principles for members and sympathizers to uphold:

  1. We strongly condemn the capitalist system as a whole as a global system parasitic on the exploitation of the working class (proletariat) and the destruction of the global environment. We support communism, a worldwide system in which borders, classes, markets and money are abolished, as the only alternative to this capitalist barbarism, and we are convinced of the necessity and reality of an international proletarian revolution to overthrow this capitalist system, which is blocking all social development and leading to its total collapse.

  2. We strongly condemn all "socialist" states that have ever existed, such as the Soviet Union, China, etc. They were all state capitalist states in which the state assumed the role of private capitalists.

  3. We oppose all nationalisms that sacrifice the working class to the interests of the ruling class, and we criticize bourgeois feminism, ecologism and other sectoral struggles that reject class struggle and undermine class unity.

  4. We strongly condemn the bourgeois electoral and parliamentary system as a device for maintaining the capitalist system of exploitation and ensuring the legitimate domination of the bourgeoisie over the working class. We also criticize trade unions for their administrative role within the capitalist system and support the independent struggle and organization of the working class beyond them.

  5. We therefore advocate the self-organization of the working class and the formation of independent class organizations (workers' councils, proletarian congresses, etc.). We also support the building of a world revolutionary party that can defend the principles of internationalism, intervene internationally in the proletarian struggle, and serve as a political compass for the communist revolution, in a period of capitalist decline, the period of "war or revolution?”.

Notes:

(1) Communism or Barbarism can be contacted through Twitter/X or by email. (communismeoubarbarie@gmail.com)

Wednesday, April 23, 2025

Alors que le système capitaliste engloutit de plus en plus le monde dans les guerres impérialistes et les catastrophes climatiques, de plus en plus de jeunes cherchent une alternative. Les idées révolutionnaires défendues par la Gauche communiste au cours du siècle dernier gagnent à nouveau en visibilité, ce qui entraîne l'émergence de nouveaux groupes dans le monde. Communisme ou Barbarie, basé en Corée du Sud et disposant de contacts en Asie de l'Est, tente de constituer un noyau de la Tendance communiste internationaliste (TCI) dans la région. Depuis 2023, l'association traduit des articles et des documents en coréen et en chinois et participe à la NWBCW Corée avec les camarades de la Perspective communiste internationaliste (국제주의코뮤니스트전망). Alors qu'ils franchissent les prochaines étapes de leur constitution en tant que groupe, nous publions ici leur déclaration fondatrice et recommandons aux autres internationalistes de la région de les contacter.(1) Déclaration fondatrice de Communisme ou Barbarie

Le capitalisme est en déclin depuis l'ère impérialiste qui a débuté avec la Première Guerre mondiale en 1914, plongeant l'humanité dans deux crises : guerres mondiales, destruction et reconstruction, suivies de nouvelles crises. Aujourd'hui, le capitalisme précipite l'humanité vers une pandémie de maladies infectieuses, une crise climatique, une destruction écologique et une guerre impérialiste généralisée, acculant le prolétariat international à la guerre et à la pauvreté. Dans ce contexte, la soi-disant « gauche » est divisée entre la tendance social-démocrate réformiste qui cherche à maintenir et à « réformer » le système capitaliste actuel, la tendance stalinienne qui défend l'Union soviétique post-contre-révolutionnaire, la Chine, Cuba, etc. comme des « pays socialistes », et la tendance trotskiste qui critique le stalinisme mais, paradoxalement, soutient sans réserve les systèmes capitalistes d'État susmentionnés comme des « États ouvriers dégénérés ». Bien que les forces communistes internationalistes soient encore modestes et faibles, leur défense de la tradition révolutionnaire et leurs activités internationalistes constantes ont récemment attiré de nouvelles générations et des travailleurs du monde entier et sont en pleine expansion. Par conséquent, l'ancrage des principes internationalistes dans la classe ouvrière mondiale, ainsi que les discussions et échanges entre organisations et groupes communistes internationalistes, et les progrès qu'ils réalisent, sont essentiels à la construction d'une organisation révolutionnaire internationale. Les principes politiques (programme) des forces communistes internationalistes sont le fruit des expériences et des leçons tirées de la lutte de classe de la classe ouvrière internationale et des luttes révolutionnaires des forces politiques communistes. Nos origines se trouvent donc dans la Ligue communiste, la Première Internationale (Association internationale des travailleurs), la gauche au sein de la Deuxième Internationale, la gauche au sein de la Troisième Internationale (Comintern), et la gauche communiste qui a défendu l'internationalisme prolétarien et le communisme contre la Troisième Internationale, qui a traversé une période de contre-révolution et de déclin. Communisme ou barbarie – ICT (코뮤니즘이냐 야만이냐/コミュニズムか野蛮か/共产主义或野蛮主义) a été fondée au sein de l'organisation révolutionnaire internationale pour développer l'organisation et le mouvement communistes internationalistes en Asie de l'Est. Nous présentons les principes fondamentaux suivants à l'attention de nos membres et sympathisants : 1. Nous condamnons fermement le système capitaliste dans son ensemble, en tant que système mondial parasitaire de l'exploitation de la classe ouvrière (prolétariat) et de la destruction de l'environnement mondial. Nous soutenons le communisme, un système mondial abolissant les frontières, les classes, les marchés et l'argent, comme seule alternative à la barbarie capitaliste. Nous sommes convaincus de la nécessité et de la réalité d'une révolution prolétarienne internationale pour renverser ce système capitaliste, qui bloque tout développement social et conduit à son effondrement total. 2. Nous condamnons fermement tous les États « socialistes » ayant existé, tels que l'Union soviétique, la Chine, etc. Il s'agissait tous d'États capitalistes d'État où l'État assumait le rôle de capitalistes privés. 3. Nous nous opposons à tous les nationalismes qui sacrifient la classe ouvrière aux intérêts de la classe dirigeante, et nous critiquons le féminisme bourgeois, l'écologisme et autres luttes sectorielles qui rejettent la lutte des classes et sapent l'unité de classe. 4. Nous condamnons fermement le système électoral et parlementaire bourgeois, considéré comme un instrument de maintien du système capitaliste d'exploitation et de domination légitime de la bourgeoisie sur la classe ouvrière. Nous critiquons également les syndicats pour leur rôle administratif au sein du système capitaliste et soutenons la lutte et l'organisation indépendantes de la classe ouvrière au-delà de ces derniers. 5. Nous prônons donc l'auto-organisation de la classe ouvrière et la formation d'organisations de classe indépendantes (conseils ouvriers, congrès prolétariens, etc.). Nous soutenons également la construction d'un parti révolutionnaire mondial capable de défendre les principes de l'internationalisme, d'intervenir dans les affaires intérieures et extérieures de la classe ouvrière.

Traduction Google

samedi 17 mai 2025

La Sorcière Electricité : un siècle de maléfices

 

 

Écrit par Pièces et main d’œuvre

Publié le lundi 28 avril 2025

Ce 28 avril 2025, l’Espagne et le Portugal sont privés d’électricité suite à une panne géante. Trains et métros figés, avions cloués au sol et ascenseurs coincés en l’air, feux rouges éteints et méga bouchons, commerces fermés et congélateurs dévastés, centrales nucléaires à l’arrêt, téléphones et Internet muets, portes de garages et prisons bloquées, voitures électriques à plat, distributeurs de billets hors service : « cela ressemble déjà à un film de science-fiction », dit un Portugais. Ça ressemble à Ravage, le roman de Barjavel publié en 1943, dans lequel la panne d’électricité conduit les citadins à un exode apocalyptique, et le héros à une critique sans appel du Progrès.
D’ailleurs, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) l’avoue dans un rapport de 2023 : « L’avènement d’une civilisation massivement électrifiée à l’horizon 2050 qu’avait imaginé René Barjavel dès les années 1940 ne relève plus de la science-fiction. »

Comment cette dépendance à la Sorcière Electricité a-t-elle électroxiqué nos vies ? C’est une histoire d’un siècle, que les technocrates célèbrent cette année à Grenoble, avec le centenaire de l’Exposition internationale de la Houille blanche de 1925. L’occasion pour le lobby de l’hydroélectricité de pousser la filière, au motif que cette énergie « propre et renouvelable » résoudrait la catastrophe écologique. Il n’y a pas d’énergie propre et en cent ans les glaciers ont fondu. Découvrons un siècle de mystification au nom du « Progrès », avec notre article paru dans le numéro de Nature & Progrès d’avril-juin 2025 (n°151).

(Pour lire l’article, ouvrir le PDF ci-dessus.)

Lire aussi : Parution de L’Electron libre, l’autre journal du centenaire de l’Exposition internationale de la Houille blanche et du tourisme


Pour commander la revue : Nature & Progrès, 13, bd Louis Blanc - 30100 Alès (Tél : 04 66 91 21 94).

lundi 12 mai 2025

RTS et troisième révolution industrielle.? 2 éme partie

 


Évolution de l’automation.

Nous pouvons considérer que le phénomène de l’ automatisation a fait son apparition, vers les années 1940-1960, début de l’automatisation des industries de process : cimenteries, raffineries de pétrole, tandis que le travail à la chaîne se généralise dans les industries d’assemblage.

La encore un perfectionnement décisif des automatismes s’est produit avec la maîtrise de l’électronique, technologie plus performante que l’électro-mécanique dans le mesure où la première permet de résoudre le problème du véhicule de l’information, au sens étymologique du mot.

Autrement dit : il faut que l’information se matérialise par un élément qui soit de masse aussi faible que possible et véhiculable par le moins d’énergie possible. L’électron, qui n’a pas de masse, fut cet élément qui permit de faire un saut prodigieux à l’informatique. La capacité à maîtriser l’avancée simultanée des progrès de l’informatique et de l’électronique est un des vecteurs de la généralisation de l’automation. Le développement des automatismes ne pouvait se concevoir sans les progrès conjugués de la micro-électronique et de l’informatique :

“ Les composants de base peuvent être produits par des procédés de fabrication qui intègrent dans un morceau unique de cristal de silicium de plusieurs dizaines de milliers de composants élémentaires, tels que diodes, résistances et capacités. Ils résolvent des fonctions complexes de logique combinatoire et séquentielle, avec mise en mémoire d’informations allant jusqu'à la réalisation d’unités centrales d’ordinateurs complètes, les microprocesseurs ”. ( Réflexions sur l’automatique et ses perspectives - Giralt - La Pensée - 1977 - P. 77)

Le prix des composants électroniques, qui limitait l’automatisation va rapidement être surmonté, par une chute régulière des prix. Coût divisé par cinq tous les ans. Les prix de revient plus bas de l’informatique et de l’électronique permettront d’augurer la généralisation des machines automatiques dans le système productif.

Dans le secteur industriel, on peut distinguer 4 types de machines automatiques :

  • les machines-outils à commande numérique (M.O.C.N.) dirigées par ordinateur

  • les robots et manipulateurs programmables

  • les automatismes de process (régulation de production “ fluente ” : pétrochimie, sidérurgie )

  • la conception assistée par ordinateur ou C.A.O.

La robotique, forme la plus avancée des automatismes.

“ C’est l’anatomie de l’homme qui permet de comprendre l’anatomie du singe ”

Que Marx et Engels aient dès le 18éme siècle compris le sens interne de la révolution industrielle et de ses dommages pour l’homme, son éviction et remplacement par la machine, que l’automation et la robotique actuelle ne soient que le prolongement des machines-outils automatiques cela me semble une évidence. Mais que depuis Marx il n’y ait pas eu de saut qualitatif au sein du capitalisme industrialisé est une hérésie.

Depuis l’invention de l’ordinateur, nous avons connu cinq périodes de développement technologique. Je vais brièvement en rappeler les grandes lignes et surtout développer la 5éme vague.

Les années 60 : automatisation des processus administratif.

Les années 70 : automatisation des processus de production.

Les années 80 : automatisation du travail individuel de bureau.

Les années 90 : automatisation des transmissions :

les années 2000 : automatisation des échanges.

Aux sources.

C’est sans aucun doute la découverte de la mécanique quantique qui nous a ouvert la voie au transistors, au laser , aux microprocesseurs1... Sans cette découverte du savant Enstein le monde ne serait pas aujourd’hui confronté à la révolution dite informationnelle.

C’est à la fin de la seconde guerre mondiale que le premier calculateur électronique (ENIAC 1945) fait son apparition. C’est l’époque dite de l’informatique lourde, qui va se développer dans les années 50 aux USA et 60 en France ( seulement 50 ordinateurs dans les entreprises françaises en 1960) et 10 000 en 1970, période d’automatisation des processus de production.

L’informatique dite lourde n’est capable que de gérer des processus administratifs les plus courants : comptabilité, bulletin de paie, gestion des stocks, tenue des comptes bancaires, facture EDF..

Les mécanographes ( vulgairement les perfos), qui perforent des cartes sont soumissent au système de taylor . A partir de 1964 il devient possible de remplacer le système des cartes perforées par des bandes magnétiques. C’est la fin du “ métier des perfos ”. A partir de la fin des années 1960, se répand à travers tous les pays industrialisés un vaste mouvement de “ résistance ” au travail répétitif et parcellisé, issu du taylorisme. Véritable mouvement de masse aux multiples formes dont les principales sont : l’augmentation de l’absentéisme, du turn-over, du manque de soin /sabotage du travail.2

Au cours des années 70, dans le tertiaire, les bandes magnétiques étaient progressivement remplacées par des ordinateurs à disques. Dans l’industrie, les premiers robots allaient engendrer l’automatisation des processus de production. On parle de la fin du travail à la chaîne de la mise en place d’atelier flexibles.. ( Voir le livre au édt Spartacus Ouvriers et Robots de Michel Kamps qui témoigne bien de cette période)

“ Les dégâts du progrès ” 3 sur l’emploi vont commencer à s’amplifier, les industries touchées seront celles à flux continu ( Chimie, pétrole, agro-alimentaire).

Puis l’industrie automobile, qui au cours de l’année 1980 sera jalonnée d’impressionnantes restructurations et de compressions d’effectif. En avril 1980 : General Motors met au chômage pour une durée indéterminée 12000 de ses ouvriers horaires. Cette mesure découle de la suppression d’équipes postées dans 7 des 26 usines d’assemblage de voitures et de camions, afin d’adapter la production à la demande.

Au même moment, Ford annonce la fermeture d’ici à la fin 1980, de trois usines et la réduction d’activité de 4 autres, ce qui entraîne la suppression de 15000 emplois. Parallèlement, Ford annonce un plan d’investissements de 300 millions de dollars sur 3 ans en Australie, qui s’ajoute aux 500 millions qui doivent être investis dans le sud-est asiatique.

Septembre 1980 : Fiat à son tour annonce un plan de restructuration qui prévoit 14 469 suppression d’emplois. La bataille technologique est déclarée, et Gerald C. Meyers, président à l’époque du Conseil de Direction d’American Motors déclare “ Il y a trente entreprises ( d’automobiles) indépendantes dans le monde entier... d’ici la fin du siècle, il n’en restera plus que douze ou treize. ”

C’est compte tenu de ces exigences de rentabilité, de productivité, de flexibilité de l’appareil de production, dans l’arène internationale dominée par la crise, que les machines à commande numérique, les robots, les ateliers “ flexibles ” pénètrent et se généralisent dans l’industrie automobile.

La 3éme vague, celle de la micro-informatique, ou Bureautique va déferler dans les années 80 sur tous les secteurs. Ce n’est plus une ou plusieurs branches d’industrie ou du tertiaire qui sont touchées, c’est l’ensemble de la société ( de l’entreprise à l’école, des transports au monde médical, des administrations aux banques et assurances, du médecin au pharmacien...c’est l’informatisation de la société qui se met en place.

La 4éme vague ( années 90) automatisation des transmissions elle se caractérise par la mise en réseaux des gros systèmes informatiques et des micro-ordinateurs professionnels , système (EDI) Echange de données Informatisées)

La 5éme vague (années 2000). Elle apparaît comme la résultante de diverses technologies issues de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. C’est le compactage de ces technologies et leur porosité (elles s’introduisent partout) qui engendre le bouleversement actuel du mode de production capitaliste.

Comme toute révolution de ce type elle tend à bouleverser les sphères industrielles les unes après les autres, elle touche la société civile , les transports, l’agriculture,l’enseignement.. Rien n’y résiste. Sa caractéristique est de poursuivre le mouvement déjà entamé à l’époque de la grande révolution industrielle “ la division accrue du travail entre sa partie manuelle et intellectuelle ”.

Nous pouvons observer, l’existence d’un mouvement contradictoire de déqualification de la grande masse des travailleurs et de la “ surqualification ” d’un petit nombre les managers, les informaticiens...

et autres emplois hauts de gamme, qualifiés par les dirigeants d’entreprises de “ cœur de compétence ” le noyau indispensable.

La “ surqualification ” des uns a pour origine la déqualification et l’exclusion des autres et comme le faisait remarquer Marx “ l’homme n’est plus rien il n’est plus que la carcasse du temps ”

En somme au stade de la coopération, les ouvriers ont perdu la maîtrise du procès de production : au stade de la manufacture la maîtrise du procès du travail. Au stade du machinisme, ils perdent la maîtrise de leur travail lui-même. L’automatisation de plus en plus poussée va même faire perdre le contact de la matière à traiter et la proximité avec la machine, nous sommes entré dans le monde virtuel du réel. A noter au passage que l’écriture elle même est une représentation abstraite du réel parlé.

Ce monde virtuel du réel, n’est qu’une recomposition numérique de la réalité. La numérisation est le complément indispensable de la société de l’information, par sa codification numérique et digitale appelés “ bits ” elle fait sa pénétration au cœur même des tissus cellulaires de la société humaine comme système de contrôle permanent.

L’informatisation intégrée et de plus en plus compactée, comme elle devient aussi indispensable que le carburant pour un moteur, toute panne ou défectuosité du système va avoir des conséquences démultipliées puisque par EDI ou Internet le travail est dorénavant dépendant de réseaux..

Impacts de la réorganisation informationnelle du Capital sur le travail.

Ce qui est caractéristique, et vérifiable dans toutes les entreprises, c’est l’accélération des phases de décentralisation /centralisation. Avant une réorganisation avait lieue tous les 8 ou 10 ans. Maintenant avec l’introduction des TIC les réorganisations “ re-engeenering ” le cycle est de trois ou quatre ans.

L’entreprise est à la fois de plus en plus soumise à la nécessité de se réorganiser dans un déséquilibre permanent. Toute transformation à un pôle peut déséquilibrer un ensemble et le rendre obsolète. Toutes les innovations de processus techniques et organisationnelle visent la productivité et l’emploi.

Exemple : Depuis janvier 1999, Renault a regroupé sur un même site à Saint-Quentin -en-Yvelines 7500 salariés dans un technocentre (ils étaient auparavant répartis sur 60 sites différents. Objet du regroupement réduire de plusieurs mois le temps de conception d’un modèle grâce au travail de proximité. Solution déjà en fonction chez Chrysler et BMW.


“ Parallèlement au développement spectaculaire des technologies de l’information, les entreprises américaines ont adopté de “ nouvelles ” pratiques de travail. Ces dernières qualifiées par l ‘ OCDE (1999) de “ flexibles ” - terme que nous retiendrons- ou de “ haute performance ” marquent une rupture avec la logique tayloriste. Les changements organisationnels conjugués avec les technologies de l’ information et de la communication (les TIC) jouent un rôle important dans la réussite de l’économie américaine ces dix dernière années (...)” (Problèmes économiques 2001 la nouvelle odyssée du capitalisme , Le développement des pratiques “ flexibles ” de travail page 31.)

Ces changements peuvent se résumer par l’adoption du juste-à-temps 4, le nivellement des structures hiérarchiques, le re-engineering5, la qualité totale et les certifications ISO ...La modularité, polyvalence, flexibilité, traçabilité,

Les logiciels intégrés de type PGI ou ERP sont des outils technologiques, de diffusion relativement récente ( milieu 1990). Ces logiciels sont constitués de plusieurs modules qui couvrent l’ensemble des activités de l’entreprise ( production , achat, ressources humaines.) qu’ Ils ont pour caractéristique de mettre de mettre à jour . Les entreprises qui adopteront ces logiciels seront obligées de procéder à une réorganisation profonde pour s’adapter aux contraintes du logiciels avec pour objectif final le bon fonctionnement du flux tendu par l’intégration et la simultanéité de diffusion des informations.

Actuellement, en France, c’est le logiciel allemand SAP qui se taille 50% du marché.

 Les conditions d’exploitation de la force de travail.

La liquidation reformulation de pratiquement l’ensemble des conventions collectives en France au moment du passage à la loi Aubry sur les 35h en échange de la flexibilité totale et des pratiques “ flexibles ” n’est pas le fruit du hasard, mais bien un calcul productiviste en conformité avec ce que le gouvernement appelle l’entrée de la France dans la “ société de l’information ” . Le livre blanc de jacques Delors de 1993 insistait beaucoup sur les impacts de la société de l’information qui allaient devenir “ un enjeu décisif pour l’avenir ”. En janvier 1998 le gouvernement met en place le PAGSI (Programme d’Action Gouvernemental pour la Société de l’Information ) on en parlera plus loin.

La flexibilité totale n’est que la consécration de la politique sociale personnalisée du CNPF des années 80 en somme sa victoire. Le concassage du temps de travail est maintenant un fait, les horaires dérogatoires se sont démultiplier, le travail le samedi et aussi le Dimanche (dans le commerce) commence à se banaliser. La flexibilité totale, c’est l’embauche à temps partiel...

Tout maintenant est possible, les externalisations de services et de secteurs entiers, le concassage complet des horaires de travail sont maintenant autorisés dans certaines Conventions Collectives ( horaires par secteur, service et individuel).


La libéralisation a rendue poreuses les frontières entre de grand secteurs, la banque peut faire de l’assurance et l’assurance de la banque, la poste entre dans le mouvement ainsi que les hyper marchés qui vendent des voyages..

Travail en réseaux et suppression des intermédiaires.

La productivité .

On reprend souvent dans la presse cette réflexion du professeur américain Robert Solow, prix nobel d’économie. “ on voit des ordinateurs partout... sauf dans les statistiques. ” Stockholm 1987.

En effet il apparaît qu’il est particulièrement complexe, surtout pour le tertiaire de déterminer si les TIC engendrent des gains de productivité et de nouveau la question déjà posée par Marx revient sur le tapis.

“  on peut cependant demander si ce qui est gagné d’un côté n’est pas perdu de l’autre, si l’emploi des machines économise plus de travail qu’en coûtent leur construction et leur entretien ” le Capital T 1 page 371 édt Moscou.

Avec les TIC ce n’est pas le coût de leur production (toujours en baisse) qui entrave la rentabilité des TIC c’est bien plutôt le coût des réorganisations, des infrastructures, et de la maintenance qui est en cause et je laisse de coté volontairement les pannes .

En avril 1998, un rapport du commissariat général du plan constatait :

“  Les études statistiques n’ont pas permis de mettre en évidence un impact significatif des investissements en technologies de l’information sur la productivité du travail ou sur la productivité globale des facteurs ” on reste dans le doute, cependant poursuit le rapport “  Deux résultats apparaissent néanmoins : d’une part, un impact positif se dégage des études sur les données individuelles d’entreprises. Ces études montrent a minima que les entreprises utilisant intensivement l’informatique ne sont pas pénalisées par rapport aux autres et que les effets sur la productivité sont positifs même s’ils ne sont pas toujours significatifs. ” (Technologies de l’information et de la communication et performances économiques ” avril 1998.

Pour l’instant, et malgré la décision du Conseil européen de Corfou des 24 et 25 juin 1994 de prendre les premières décisions concernant le lancement “ de la société européenne de l’information ” rien ne laisse présager une accélération des investissements en TIC ( la récession menace).

Rien que pour mettre en place un PGI, les entreprises sont réticentes les coûts sont beaucoup plus élevés que prévus : les coûts totaux varient de trois à cinq fois le prix d’achat du logiciel ; les temps de mise en place ne sont pas de six mois comme prévu, mais de plusieurs années (le Monde Informatique du 16 avril 1995)

Il en résulte, que l’introduction et l’amortissement des PGI, est surtout envisager par des réductions d’effectifs. Le PGI est un logiciel “ destructeur d’emplois ” environ de 20à 30% des services concernés.

Le journal l’Expansion du 21 juin au 5juillet produisait un article sur St Gobain sur l’introduction de l’ERP.   (Entreprise Ressources Planning) un équivalent du PGI en voici des extraits :

“ En cinq ans, entre 1997 et 2002, le groupe a investi 150 millions d’euros dans ses systémes d’information (hors distribution). Saint-Gobain a ainsi entamé, il y a trois ans, un long processus d’intégration de progiciels de gestion ERP, qui , à terme, équiperont toutes les branches du groupe. ” et il poursuit “ Du fait de sa politique de décentralisation, le groupe (1000 sociétés, 9 branches indépendantes) n’est pas le plus avancé en termes d’ERP. ”Cela fait tout de même sept ans que ces logiciels ont commencé à être adoptés massivement en Europe ”

A noter au passage la contradiction entre l’article du Monde Informatique et celui de l’Expansion, l’un prétend que l’introduction des PGI/ERP est difficile l’autre dit qu’elle est massive. Par contre l’Expansion ne dit rien sur le nombre d’emplois liquidés par l’ERT.


Il est donc paradoxal, par rapport à l’énorme propagande en faveur des TIC facteur de productivité de constater (voir tableau) que les dépenses informatiques, presque de moitié de celle des USA n’empêche pas l’Allemagne d’être compétitive.


USA

9,4% du PIB

Royaume Uni

8,3% du PIB

France

5,7% du PIB

Allemagne

4,9% du PIB


Brenahan et ali (1999) ont étudié cette question pour 350 entreprises parmi les 1000 Fortune. Toutes choses égales par ailleurs, ils ont mis en évidence que les entreprises seulement intensive en TIC ou seulement flexibles ont un niveau de productivité similaire à celles n’utilisant que peu de TIC et de dispositifs flexibles, alors que celles conjuguant les deux type d’innovations -technologiques et organisationnelles- présentent une productivité significativement supérieure. (...) Ces résultats suggèrent une solution au paradoxe de la productivité de Solow durant les année quatre-vingt : l’absence de corrélation entre informatisation et performances cache un succès dans les entreprises (ou les industries) avec une structures flexible et un échec dans les autres ” (Problèmes économiques 2001 la nouvelle odyssée du capitalisme , Le développement des pratiques “ flexibles ” de travail page 31.)


En 1999, devant le congrès américain, le 22 juillet Alan Greenspan, faisait l’éloge de la netéconomie, celle-ci était devenue le moteur de la croissance américaine depuis 1995 avec un PIB en hausse de 4%.

Depuis nous savons que la netéconomie c’est effondrée.


“ Renault a pour objectif de doubler sa production de son usine phare de sandouville (haute normandie) d’ ici 2002 qui produit la Laguna ii et Estate. Pour y parvenir il faudrait réduire le temps de fabrication d’un véhicule à 15 h contre 24 actuellement et fabriquer 70 voitures par an et par personne. ”.

G.Bad

Depuis

nous avons édité un livre qui est un recueil des articles publié par « Echanges et mouvement » sur les luttes et restructuration de l' industrie automobile mondiale entre 1979 et 2009.

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1 On doit l’invention de la “ puce ” à Jack Saint Clair Killy (1958), ingénieur de Texas Instruments.

2 A noter, qu’en 1910, quand Ford installe ses premiéres chaînes de montage, que le métier céde le pas à une opération de détail parcellaire, que les salaires sont fixés à un niveau uniforme pour tous, les ouvriers expriment leur mécontentement en abandonnant leurs emplois par groupes entiers, il y avait alors, encore beaucoup d’autres emplois. “ Le taux d’abandon était de 380% pour la seule année 1913 , écrit Ford.

3 Référence au livre de la fédération CFDT des services “ Les dégâts du progrés ”.

4 Directement issue de la production toyotiste ( élimination des stocks, juste-à-temps, circulation horizontale de l’information, suggestions des salariés pour améliorer les performances et la qualité.

5 Reconfiguration, recherche la réduction des coûts et l’externalisation. Il concerne plus particulièrement l’encadrement, les nouvelles technologies de communication permettant l’émergence de nouveaux services et la coordination et le contrôle du travail à travers des réseaux locaux et non les cadres intermédiaires.

Loren Goldner : Joe Hill, les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière

  Publier dans Echanges N°111-2004-2005 À propos d’un livre de Franklin Rosemont : Joe Hill. The IWW and the Making of a Revolutionary Work...