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Source en allemand : https://panopticon.noblogs.org/post/2025/10/14/5569/
Des soulèvements qui tiennent la bourgeoisie en haleine.
Ce qui aurait pu être le titre d’un film de Luis Buñuel est une expression récurrente, une réalité récurrente contre le monde de l’argent, contre le monde du capitalisme, et contre l’ordre et la paix sociale de la classe dirigeante, écrits dans le sang. Cette expression est principalement véhiculée par la jeunesse prolétarienne. Des Philippines à l’Équateur, en passant par le Maroc, Madagascar, le Népal et le Pérou, des affrontements violents ont lieu entre les insurgés et le monopole de la violence de l’État, dernier bastion de la classe dominante.
À propos du soulèvement au Maroc, mais pas seulement, et pourquoi nous devons continuer à défendre les soulèvements
Depuis le 27 septembre, le Maroc est secoué par une vague de manifestations et d’affrontements dans les rues qui revêtent un caractère insurrectionnel et une dimension insurrectionnelle.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la paupérisation généralisée (35% de chômage chez les jeunes), l’état catastrophique du système de santé (selon l’Organisation mondiale de la santé, il n’y a que 7,7 médecins pour 10.000 habitants au Maroc, contre 16,6 en Algérie voisine, 46 en Espagne et 45 en Allemagne) – ce qui est également lié au soulèvement, car en août, huit femmes enceintes sont décédées à l’hôpital après une césarienne – et, en outre, les dépenses énormes engagées par l’État marocain pour la Coupe du monde de football 2030 […] et pour la Coupe d’Afrique des nations qui se déroule cette année.
La pauvreté, le désespoir, l’analphabétisme, la répression, la corruption et la conduite du pays selon la bonne volonté et les intérêts de la classe dirigeante (comme partout ailleurs) ont conduit à un mouvement encore plus important dans les rues, comme ce fut le cas lors des manifestations de 2011-2012. La vie des jeunes prolétaires s’enfonce dans la pauvreté causée par le capitalisme, tandis que des milliards sont dépensés dans les stades de football et le tourisme. Le plus grand stade de football du monde sera bientôt situé à Casablanca, une Arène du spectacle pouvant accueillir 115.000 personnes.
Ce ne serait ni la première ni la dernière fois que des sommes colossales seraient dépensées dans le cadre d’événements sportifs, un État capitaliste s’endettant énormément, et comme d’habitude, on sait qui devra rembourser ces dettes. En Italie, en Grèce ou en Espagne également, les Jeux olympiques, les Coupes du monde de football, etc. devaient permettre de gagner beaucoup d’argent et de moderniser le pays, mais en fin de compte, il s’agit seulement de réaliser d’énormes profits aux dépens du prolétariat. D’immenses stades sportifs embellissent les métropoles, côtoyant les bidonvilles, tandis que ces derniers sont nettoyés par la police et l’armée afin que les touristes ne soient pas dérangés par la pauvreté générale.
C’est l’une des raisons pour lesquelles, depuis plus de deux semaines, des milliers de prolétaires descendent dans les rues au Maroc. Il y a eu des affrontements dans presque toutes les villes, des magasins ont été pillés, des commissariats ont été attaqués et pris d’assaut, des portraits du roi ont été brûlés, mais des milliers de prolétaires insurgés ont également été emprisonnés et torturés, la police tire à balles réelles sur la foule, plusieurs morts ont été signalés ; dans un cas, un adolescent a été écrasé par un véhicule de police…
Il est toutefois important de souligner une fois de plus que cela se produit à nouveau simultanément dans plusieurs pays à travers le monde.
À propos de la génération Z et des revendications réformistes
Comme dans le cas de l’Indonésie, tout comme au Népal, on parle ici de la soi-disant « génération Z » qui se révolte actuellement. Nous nous moquons éperdument de ces typologies et catégorisations absolument insignifiantes des personnes, ou des soi-disant caractéristiques imposées à chaque soi-disant « génération ».
Même si les prolétaires révoltés et insurgés s’approprient eux-mêmes ces termes, ce qui montre une fois de plus à quel point l’endoctrinement et les idéologies de la classe dominante fonctionnent, la majorité des exploités préfèrent se voir sous la forme d’une identité nationale, sous-culturelle, identitaire ou autre, et pensent donc en termes de telles catégories/idéologies. Mais rarement ils se pensent en tant que ce qu’ils sont toujours, des êtres humains qui, dans le processus de création de plus-value (c’est-à-dire de profit), sont spoliés de leur vie et des produits qu’ils fabriquent, afin de devoir exercer cette activité (l’exploitation) encore et encore, car sinon ils mourraient de faim, car ils ne possèdent rien d’autre que la force de travail qu’ils vendent, car ils sont prolétaires. Nous rejetons catégoriquement cette approche, car cela ne vise qu’à détourner l’attention des conséquences et des causes du capitalisme (lui seul est responsable de la pauvreté, de la guerre, de la destruction du monde et de toutes les espèces qui y vivent). Les identités, les catégories identitaires, etc. sont censées expliquer, sous une forme complètement vide et dénuée de contenu, une société en réalité divisée en classes, en détournant l’attention de l’antagonisme irréconciliable entre les classes vers d’autres centres d’intérêt. Le conflit doit être présenté comme un conflit entre générations (qui sont censées présenter certaines caractéristiques) et non entre classes. Nous ne pouvons comprendre la société qu’à travers les conditions imposées et contraintes par le capitalisme, et non pas en fonction du fait que telle ou telle génération ait ou ait eu plus ou moins accès aux technologies, ou quelle que soit la différence. Et ces conditions ne sont pas seulement mondiales, elles relient tous les êtres humains de la planète et abolissent toute forme d’identité (nationale, par exemple). La classe dominante (la bourgeoisie) mène quotidiennement une guerre des classes pour protéger ses intérêts, sa position de pouvoir et ses biens (les moyens de production). Pourquoi ceux qui en souffrent ne mèneraient-ils pas eux aussi une guerre des classes pour enfin mettre un terme à tout cela ?
Par conséquent, que le terme soit approprié ou non, les révoltés et les insurgés en Indonésie, au Népal, au Maroc ou ailleurs ne sont pas membres de telle ou telle génération. Cette catégorisation vise à les priver de leur capacité d’agir en raison des conditions capitalistes qui leur sont imposées, à les empêcher de prendre conscience d’eux-mêmes et à les empêcher de prendre conscience de leur condition d’exploités, de prolétaires, et DONC de lutter contre les conditions existantes. Parce qu’ils ne veulent justement plus être des prolétaires. Parce que le but n’est pas de devenir eux-mêmes des bourgeois, mais d’abolir une fois pour toutes la cause de la pauvreté et de la richesse (qui ne peuvent être comprises que comme des conditions matérielles du capitalisme, les deux n’existant que parce qu’elles sont les conditions l’une de l’autre). Ce que nous pouvons constater une fois de plus, c’est que tous ces soulèvements sont l’expression de la négation de nos propres conditions de survie. Ne pas définir clairement toutes ces personnes comme des prolétaires conduit inévitablement à les caricaturer et à vider leur pratique de leur véritable contenu.
Comme nous pouvons le constater […], les revendications connues sont de nature réformiste et ne peuvent et ne pourront jamais parler au nom d’un mouvement. Nous sommes ici à nouveau confrontés à plusieurs problématiques et événements. En tant qu’anarchistes, nous n’avons aucune revendication à l’égard de l’État-nation, du capitalisme et de toutes leurs institutions, si ce n’est leur abolition immédiate, mais il ne s’agit ni d’une revendication au sens d’une réforme, ni d’une demande. L’État-nation, le capitalisme, etc. ne s’aboliront pas d’eux-mêmes.
Un soulèvement n’est pas seulement une rupture de la paix sociale, il peut être le déclencheur qui bouleverse toutes les conditions capitalistes existantes, à savoir la révolution sociale. Cela ne doit pas nécessairement se produire, mais un processus extrêmement important est en cours : le prolétariat n’est plus une classe en soi, mais une classe pour soi, c’est-à-dire que grâce à l’expérience de sa propre pratique, il peut prendre conscience de sa capacité à abolir le capitalisme et tous les États-nations, et que lui seul peut le faire.
Néanmoins, les soulèvements sont rarement des éruptions monolithiques, il y aura toujours des forces et des éléments qui voudront les diriger, les mener et les contrôler. Présenter des revendications au nom du mouvement insurrectionnel en serait un exemple classique, tout comme les syndicats qui veulent se placer à la tête du prolétariat en utilisant les mêmes tactiques, car leur tâche est de le représenter et de négocier en son nom. Aussi radicales ou même révolutionnaires que puissent paraître les revendications, le mouvement se retrouve automatiquement pris au piège, car lui seul peut, sans intermédiaire ni médiation, articuler ses propres intérêts. Mais restons encore un peu sur les exemples de représentation. Qu’il s’agisse de syndicats, d’avant-gardes/partis marxistes-léninistes, d’organisations anarchistes qui se proclament sauveurs du « peuple », de partis de toute obédience – peu importe en fait de quelle tendance/courant au sein de la gauche (radicale) il s’agit, car ils remplissent tous la même fonction : ils comprennent les changements sociaux sous la forme d’une représentation du prolétariat qui, selon eux, DOIT être guidé, car il ne peut briser ses propres chaînes ni être l’artisan de sa propre libération. Il en va de même, bien sûr, pour tous les groupes/organisations nationalistes et fondamentalistes religieux, même si leurs objectifs peuvent être différents ; ils ne les atteignent également que par la représentation. Prétendre agir au nom du prolétariat signifie non seulement que celui-ci ne peut avoir conscience de rien, qu’il doit être guidé, mais aussi qu’en fin de compte, les intérêts et les revendications de toutes les organisations sont identiques à ceux du prolétariat. C’est pourquoi toutes ces organisations se font concurrence entre elles et les unes contre les autres. Cela se produit quotidiennement, mais s’intensifie lors des soulèvements. La gauche (radicale) du capital fait partie des partis de l’ordre, elle ne vise pas la destruction du capital, mais sa gestion. Ce qui, en fin de compte, signifie toujours la domestication, l’intégration, la psychologisation, la pathologisation, l’infantilisation, la sociologisation et l’engourdissement de tous les prolétaires.
La tâche de tous les anarchistes qui prennent au sérieux l’objectif d’une société sans classes et de l’abolition de l’État est de dénoncer ces partis de l’ordre pour ce qu’ils sont, à savoir des prophètes de l’ordre et des forces de la contre-révolution. Toute tentative de représentation politique (ce qui est la tâche de tous les partis, syndicats, etc.) doit être directement attaquée.
Nous avons souvent vu, dans des situations insurrectionnelles, comment, face à cette situation incontrôlable, les partis et les forces de l’ordre tentent sans cesse, à la manière des pompiers, d’éteindre le feu de la révolte. Car cela montre avant tout une chose : ils contrôlent le mouvement insurrectionnel, ce qui fait qu’ils sont automatiquement considérés comme des interlocuteurs par la classe dominante et que les négociations (pour des réformes, par exemple) peuvent avoir lieu. Nous observons le même phénomène dans les grèves.
Le soulèvement au Chili en 2019 en est un très bon exemple. Lorsqu’un soulèvement atteint une certaine limite, par exemple lorsqu’il doit s’étendre à l’échelle internationale, cette contradiction est résolue, ou le mouvement est étouffé à ce stade et les forces réformistes et contre-révolutionnaires tirent profit de cette impasse. Elles encenseront la démocratie (le gouvernement doit respecter la démocratie, quoi que cela signifie) et elles préconiseront la démocratie (toutes les injustices de ce monde seront résolues par plus de démocratie). Dans le cas du Chili, le soulèvement a été étouffé parce que le mouvement n’a pas pu résoudre certaines contradictions : l’extension du soulèvement, la prise de contrôle des moyens de production, la destruction de la société de consommation, c’est-à-dire le commencement d’une révolution sociale. Les forces réformistes et contre-révolutionnaires (c’est-à-dire la gauche (radicale) du capital) ont déplacé l’attention du soulèvement vers le niveau parlementaire, vers le danger d’une droite en pleine croissance (une fois de plus, le spectre du fascisme est invoqué), et il ne s’agissait plus seulement de briser le soulèvement, mais aussi de le faire passer docilement des rues aux urnes pour les prochaines élections. Cela a signifié la fin définitive du soulèvement.
Ce sont là des questions que nous devons examiner très sérieusement, car défendre l’autonomie du prolétariat (l’émancipation du prolétariat ne peut être que l’œuvre du prolétariat lui-même, et non de tel ou tel parti d’avant-garde ou syndicat) signifie soutenir ses propres outils de libération […], et recréer sans cesse l’auto-organisation en fonction de ses propres besoins, sans jamais renoncer à critiquer la fausse opposition du capital.
Comité pour la défense de la pratique insurrectionnelle du prolétariat (parfois connu sous le nom de groupe de solidarité avec les prisonniers)
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / Die Freunde des Klassenkriegs
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