24 septembre 2006
Au moment où le gouvernement Raffarin semble s’opposer pour un temps à une hausse de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) votée par la commission spéciale dont le président est le député UMP du Bas-Rhin Yves Bur, il nous semble important de faire un historique de la mise en place de cet impôt qui frappe la quasi-totalité des revenus, y compris les allocations familiales et les allocations chômage. Avec cet impôt instauré en 1996 « à titre provisoire » [1] pour financer les déficits de la Sécurité sociale entre 1993 et 1995, les salariés, retraités, chômeurs... rembourseront jusqu’en 2008 au budget général de l’Etat une dette dont ils n’avaient pas conscience. Chaque année 12,5 milliards de francs, vont dédommager l’Etat des 110 milliards de dette de la Sécurité sociale. (Voir Echanges 95, hiver 2000-2001, La « dette sociale », ponction fiscale généralisée).
Cette dette de 110 milliards de francs aura donc été payée deux fois : une première fois via la hausse de la CSG décidée en juillet 1993 (1,4 point) et la seconde par l’instauration de la CRDS.
Comment une telle aberration a été imposée au monde du travail
Au cours de l’année 1993, le déficit de la Sécurité sociale a été mis sur le dos de la brutale récession de l’économie française. « Le Trou de la Sécurité sociale », comme nous le connaissons bien en France, tant il nous obsède et nous culpabilise, est d’une telle ampleur, que le gouvernement Balladur fait reprendre le déficit par l’Etat - à titre temporaire.
En 1993, pour rembourser l’Etat, un fonds est créé : le FSV (Fonds de solidarité vieillesse). Il sera alimenté à partir du 1er juillet 1993 par l’augmentation de la CSG, qui passe de 1,1 % à 2,4 %. Depuis, le fonds a été intégré à d’autres prestations, mais le taux de la CSG a continué d’augmenter.
La ponction FSV devait se traduire par un prélèvement annuel de 12,5 milliards de francs sur les con-citoyens pendant treize ans pour rembourser l’Etat.
Le FSV et la hausse de la CSG avaient donc officiellement réglé la dette sociale de 1993. Cependant, quand Alain Juppé arrive à Matignon, en septembre 1995, il est lui aussi confronté au trou éternel de la Sécurité sociale. Pour la période 1994-1995, le déficit bat un nouveau record (120 milliards de francs) auxquels il faut ajouter les 110 milliards de 1993, visiblement pas remboursés, puisque la dette cumulée sera de 230 milliards [2].
Un véritable complot a été monté, pour liquider le système de protection sociale, au profit des sociétés d’assurances. La loi du 30 décembre 1995 va autoriser le gouvernement, en application de l’article 38 de la constitution, à réformer le système de protection sociale ; les fers sont mis au feu pour liquider le système de protection sociale français.
La voie est dégagée pour que l’Etat, mette en place un nouvel étage de prélèvement sur le monde du travail : la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), le 24 janvier 1996, indique de par sa dénomination le sens de sa mission : faire payer aux salariés, retraités, chômeurs... les 137 milliards de francs de dette de la Sécurité sociale d’ici 2009.
Cependant, la Cades ne fera pas disparaître la FSV et le prélèvement de 1,3 % de CSG supplémentaire continuera à alimenter les caisses de l’Etat. Le FSV changera d’affectation : il servira à prendre en charge les périodes de chômage et de service national. Le scandale est si grand que même Mme Weil va reprocher ouvertement au gouvernement de « faire payer deux fois les Français ».
La Cades mise en place, le déficit va se poursuivre, malgré les non remboursement de médicaments... en 1995 il atteint 74,6 milliards de francs au lieu de 64,5 prévus, et en 1996 Juppé reconnaît un déficit de 54 milliards de francs. Il n’en fallait pas plus pour que le déficit reparte. En effet la Cades est un investissement garanti par l’Etat au taux obligataire de 6,033%, noté « triple A » par le agences de rating. Par conséquent la Cades offre un produit financier sans risque à taux élevé financé par les prélèvements sur le monde du travail.
« Une compagnie d’assurance-vie a pris 1 milliard d’un coup » [3] ( La Tribune du 27 septembre 1996) selon le même journal l’emprunt a trouvé preneur « auprès d’une communauté d’investisseurs diversifiée, incluant principalement des assureurs et des gestionnaires français, certes, mais aussi des banques allemandes, belges et luxembourgeoises, des fonds britanniques et italiens, et jusqu’à une banque central du Moyen-Orient ».
Le déficit chronique de la Sécurité sociale peut continuer, il faut qu’il continue pour alimenter le juteux marché de la dette sociale des placements financiers auprès de la Cades. Donc en 1997, le ministère de l’économie et des finances annonce le prolongement de la Cades pour cinq ans ( c’est à dire la ponction sur le peuple) (du 31 janvier 2009 au 31 janvier 2014), pour éponger les nouvelles dettes.
L’Etat étant le principal organisateur du capital financier, et aussi un grand bénéficiaire de la Cades [4], il fera tout pour prolonger la dette sociale et donc son remboursement... La Cades emprunte alors 300 millions d’euros (La Tribune du 26 juin 2001) pour que le spectacle continue.
Dans la situation actuelle, la Cades doit reprendre 35 milliards d’euros de dette pour la fin de l’année, auxquels il faut ajouter des déficits prévisionnels pour 2005 et 2006. Voilà le mécanisme, le déficit de la Sécurité sociale justifiant le prolongement des ponctions CRDS jusqu’en 2020.
« Les banques entourant l’opération avaient également observé que la perception des investissements n’avait pas été altérée par le nouveau prolongement de la durée de vie de la Cades (initialement prévue en 2014), dû au transfert des nouvelles dettes décidé récemment par le ministère de la Santé. » (La Tribune du 9 juin 2004.
Plus étrange encore, un curieux personnage du nom de Reichman a fait un grand tapage au mois d’août, pour célébrer la victoire de son association anti-sécu, le Mouvement pour la libération de la protection sociale (MLPS) [5]. Il indique même comment échapper à la CSG et CRDS en prenant une assurance à l’étranger et en fournissant une attestation à la Sécurité sociale. Si le transfert autorisé par l’Etat depuis 2001 venait à se faire par le truchement de contrat groupe dans des sociétés d’assurances étrangères, la dette sociale serait alors concentrée sur les assurés âgés qui ne pourraient pas quitter la Sécurité sociale.
G.Bad
Juillet 2004
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