vendredi 13 septembre 2024

Audi Brussels : Qui sont les pigeons ?

 C’est une situation complètement inversée. Durant les vacances, c’est la direction qui a fait grève (Lock-out) en interdisant l’usine aux ouvriers, puis a annoncé des licenciements avec comme perspective déguisée la fermeture du site de production. Les ouvriers se sont ainsi trouvés enfermés hors de l’usine dans l’attente d’une hypothétique reprise moyennant licenciements, augmentation de la productivité et une fois de plus le chantage permanent à la fermeture définitive. Pour les informer de cette sinistre perspective, la direction, contrairement à la tradition ouvrière, est allée jusqu’à louer Forest national, une des plus grandes salles de spectacle de la capitale pour annoncer aux travailleurs avec l’aval des syndicats, leur condamnation. Le prétexte de cette mascarade est bien évidement la défense de l’outil de travail et l’empêchement de toute tentative de résistance, sinon les habituelles pleurnicheries pour obtenir un plan social et négocier pour les plus dociles, une mythique continuation de l’activité productive par un chimérique repreneur chinois.

Le pourrissement de la situation est savamment orchestré, les salaires dus ne sont pas payés, les ouvriers des entreprises de sous-traitance sont mis à l’écart et niés mais les syndicats menacent de porter l’affaire en justice ! Ce n’est même pas un simulacre de lutte mais l’organisation de sa pénurie. De là, face à la grogne montante, il fut nécessaire de jouer la menace d’un pseudo sabotage en « confisquant » les clés de 200 des voitures déjà produites, pour les restituer à la direction patronale une semaine plus tard…quelle action d’éclats et quelle efficience !

Tout est fait comme si une riposte existait pour en empêcher tout début de sa mise en pratique. Il faut pour le patronat, l’Etat et ses syndicats à tout pris préserver le calme, le dialogue et la sérénité pour conserver à l’économie belge l’attractivité des profits engendrés. De promesses déçues en espoir trahis, c’est le même scénario macabre que lors des épisodes précédents et de la même liquidation prévisible que celle déjà réalisée dans les secteurs sidérurgiques ou miniers.

Où se trouve la salutaire étincelle qui seule pourrait faire payer chèrement ces répétitions d’échecs et d’impuissance. Ou se trouve la combativité ouvrière indépendante et crainte qui pourrait imposer un autre rapport de force et au moins s’en sortir moyennant pour tous, le plus de fric possible. Quel intérêt à défendre une économie qui nous exploite et nous broie pour nous jeter ensuite comme de vieux mouchoirs usagers ? Quelle stratégie à mettre en place pour ne pas laisser les syndicats une fois de plus noyer le poisson dans une négociation sectorielle, des manifestations bidons et des « actions » spectaculaires condamnées d’avance ?


Quand les pigeons deviendront des rapaces pour enfin abattre le salariat ?


Bruxelles le 13/09/2024, des Internationalistes.

mercredi 11 septembre 2024

Pour l’arrêt immédiat de l’offensive israélienne contre Gaza ! 2009-2011

 


textes publiés en 2009-2011 sur le site La Bataille socialiste


http://bataillesocialiste.wordpress.com

(7 janvier 2009)

 


  • Les guerres sont un phénomène barbare, profondément immoral, réactionnaire et contraire aux intérêts du peuple » (Rosa Luxemburg)


Une nouvelle fois l’État israélien, avec le soutien de presque toute sa classe politique et d’une partie majoritaire de sa population, du moins si l’on en croit les sondages, vient de s’attaquer à la population palestinienne. Répétant la même stratégie qu’au Liban en 2006, l’aviation israélienne s’en prend à des cibles dites “stratégiques”, en sachant parfaitement qu’elles tueront une proportion importante de civils, le tout sous le fallacieux prétexte d’« éradiquer » un « mouvement terroriste ».


L’aviation israélienne, détruit, tout comme au Liban, des installations collectives civiles qu’il faudra des années pour reconstruire, et qui ne pourront que rendre les conditions de vie des Palestiniens encore plus catastrophiques. Dès le premier soir de l’offensive terrestre, le 3 janvier, les infrastructures électriques ont été détruites, privant les habitants de courant, la nuit n’étant éclairée que par les bâtiments et dépôts de carburants en feu. L’armée affame délibérément la population, espérant ainsi que celle-ci se retourne contre le Hamas, un calcul cynique et stupide. Les rares convois humanitaires qui entrent à Gaza ne servent à rien puisque la population ne peut pas sortir et se rendre aux points de ravitaillement. La distribution d’eau est pratiquement interrompue.


Cette stratégie meurtrière est présentée comme un geste de « légitime défense », y compris par le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France). A la fin d’une manifestation en faveur de l’État d’Israël, dimanche 4 janvier 2009, un de ses représentants a évoqué les victimes des roquettes du Hamas (moins d’une dizaine de morts à l’heure où nous écrivons). Mais il n’a pas dit un mot des 500 morts et 2 500 blessés palestiniens suite aux bombardements de Tsahal. Beaucoup plus que d’une riposte « disproportionnée », il s’agit d’un nouveau crime de guerre prémédité de l’État israélien. C’est d’ailleurs ce qu’affirment les militants israéliens favorables à une négociation avec le Hamas et à l’arrêt immédiat de l’embargo contre Gaza, comme premières mesures.


Cette agression sanglante s’explique aussi par des calculs cyniques des élites politiques israéliennes : d’une part, elles veulent profiter de l’interrègne entre Bush et Obama pour mettre les États -Unis devant le fait accompli ; et, d’autre part elles préparent les élections qui sont censées se tenir en février 2009. « On ne construit pas une campagne électorale sur des cadavres d’enfants ! Tous les ministres du gouvernement sont des criminels de guerre ! » ont crié les manifestants à Tel Aviv le 3 janvier 2009. Ils ont dénoncé aussi dans leurs slogans la « guerre des 6 sièges » car les travaillistes, d’après les sondages, sont censés gagner 6 députés en raison de leur position favorable à l’opération « Plomb durci ».

Aussi barbares que soient les bombardements israéliens, il ne peut être question pour nous de reprendre, à l’égard des militaires ou des gouvernements israéliens, des termes comme “sionazis” que l’on voit fleurir sur Internet et que l’on entend dans les manifestations. L’émotion et la colère justifiées contre cette guerre ne doivent en aucun cas nous amener sur le terrain de ceux qui tracent un trait d’égalité entre sionisme et nazisme.

Quant à l’usage du mot génocide, on ne peut mettre sur le même plan le génocide des Juifs, le génocide arménien, le génocide des Tutsi, d’un côté, et, de l’autre, le massacre des Palestiniens lors des bombardements israéliens. Un tel usage vide ce mot de son sens très spécifique: extermination systématique d’un peuple et ne peut que créer la confusion politique.

Rappelons à ce propos que la guerre d’Algérie a fait un million de morts parmi le peuple algérien, et

qu’il n’est nul besoin d’invoquer le judéocide et de le retourner contre les gouvernements israéliens ou, pire, contre tout le peuple israélien, pour condamner la barbarie des troupes de Tsahal. De notre point de vue, à nous socialistes, laïques et internationalistes, c’est aux travailleurs israéliens et palestiniens de choisir le système politique sous lequel ils veulent immédiatement vivre

  • un seul État laïque ou deux États laïques. C’est aussi aux travailleurs palestiniens et israéliens de choisir s’ils veulent aller plus loin : ne pas simplement lutter pour des droits démocratiques sociaux et démocratiques égalitaires, mais aussi remettre en cause le système capitaliste qui les opprime en Israël comme en Palestine.

Pour notre part, nous ne croyons pas que le nationalisme israélien (le sionisme) et le nationalisme palestinien (celui de l’Autorité palestinienne ou celui, à tendance plus religieuse, du Hamas) offrent la moindre perspective commune aux deux peuples et aux exploités de la région.

Par ses agressions et son expansion territoriale permanentes l’État israélien nourrit la haine non seulement contre ses propres citoyens mais aussi contre la religion juive dont il prétend défendre les valeurs. En mélangeant les conséquences absolument dramatiques du judéocide et de la barbarie nazie, la nécessité pour les Israéliens de se défendre contre les États voisins, et les références bibliques, le tout pour justifier sa politique colonialiste jusqu’à aujourd’hui, l’État israélien a fait le jeu du nationalisme de l’OLP hier, du Hamas aujourd’hui, mouvement qui, tout comme la plupart des courants du sionisme, brouille les frontières entre questions politiques et questions religieuses. Or, l’on sait que les guerres de religion se terminent toujours par un bain de sang (la France en a fait l’expérience avec les protestants) et par la partition et l’exil accompagnés de massacres (la séparation entre l’Inde et le Pakistan en étant le dernier grand exemple) .

Il faut donc absolument si l’on souhaite arriver à des accords de paix, que l’on mette de côté la religion, ses symboles, ses « commandements divins » et ses principes réactionnaires. Il n’y aura pas de paix :

  • sans qu’Israël et le Hamas acceptent d’entamer ensemble des négociations (négociations qui ont d’ailleurs déjà eu lieu à plusieurs reprises) ;

  • sans la fin du blocus de Gaza ;

  • sans une redistribution radicale et égalitaire des territoires et des ressources entre Israéliens et Palestiniens ;

  • sans des droits démocratiques égaux pour tous dans les deux États ou dans la fédération israélo-palestinienne qui pourrait se créer ;

  • sans une séparation radicale entre la religion et l’État ou les États.

Dans l’immédiat, la solidarité internationale doit se manifester pour l’arrêt immédiat de cette escalade guerrière. De plus, il ne s’agit pas de céder à des logiques communautaires. Présenter la situation comme divisant d’un côté les soutiens du gouvernement israélien, et de l’autre des soutiens du Hamas, serait une caricature profondément mensongère. Sans soutenir aucun de ces deux belligérants, et même si nous pouvons avoir des appréciations divergentes sur ce que l’un et l’autre représentent, nous nous plaçons dans le camp de l’intérêt de l’immense majorité, le camp des travailleurs, quelle que soit l’étiquette nationale que le hasard a posé sur eux : c’est au mouvement ouvrier d’organiser la lutte contre la guerre.

C’est pourquoi nous luttons pour une paix juste au Proche-Orient, sans jamais mettre dans notre poche nos convictions démocratiques, anti-étatistes, égalitaires, libertaires, et socialistes.


Collective Reinventions (États-Unis), Yves Coleman (Ni patrie ni frontières), Quentin Dauphiné (militant syndical), Nicolas Dessaux (Solidarité Irak), João Pedro Freire ( Tribuna socialista, Portugal), The Hobgoblin, Goldfax (militant anarchiste), Congrès des libertés en Irak/ Iraq Freedom Congress (IFC), Stéphane Julien (militant syndical), Patsy (Le Monde comme il va), Pierre Loinod (Démocratie Communiste (Luxemburgiste)), Vincent Présumey (militant socialiste et syndicaliste, Allier, France)

Une voix internationaliste sur la question palestinienne

(15juin 2010)

Entretien


Pascal, tu es de ces militants internationalistes qui défendent les militantes et militants progressistes du “3ème camp” au Moyen-Orient (ni impérialisme, ni islamisme). Tu es aussi un vrai militant communiste qui n’oublie pas que l’État palestinien attendu sera aussi un État capitaliste au service de la bourgeoisie palestinienne. Ça n’a l’air de rien, mais je crois que nous ne sommes peut-être plus si nombreux par les temps qui courent à garder ces principes clairs à l’esprit. Je voudrais donc prendre un moment pour échanger avec toi sur l’état d’excitation à gauche suite aux derniers crimes de l’armée israélienne au large de Gaza.


On assiste ces derniers temps à des “échauffements”, comme une sorte de basculement de la condamnation habituelle et légitime de la politique d’Israël envers les palestiniens vers un ralliement de plus en plus généralisé au camp nationaliste palestinien, fut-il instrumentalisé par les réactionnaires du Hamas: glissement dans les mots d’ordre de manifs, dans les prises de positions habituelles, dans qui participe à quels meetings organisé par qui pour y faire et y dire quoi, etc. Comment expliques-tu que la question palestinienne ait rendu un peu folle l’extrême-gauche ? Est-ce simplement parce qu’elle a pris l’habitude de n’y voir qu’une problématique coloniale sans s’intéresser vraiment aux luttes de classe sur place? Ou au-delà de ça y a t-il une faille profonde dans les traditions de l’extrême-gauche française qui la rend perméable aux récupérations?


  • Je ne crois pas que l’on peut parler de basculement récent, mais plus d’une conséquence d’une veille tradition politique, tradition qui est celle du renoncement, en fait, à lutter pour la création d’organisations communistes révolutionnaires et pour le socialisme. Lors des mouvements anti-coloniaux de l’après guerre, une grande partie de l’extrême-gauche s’est mise à la remorque des organisations nationalistes des pays du tiers-monde. On peut rappeler que des trotskistes sautillaient après 1968 en criant “Hô hô hô Chi Min, Che che Guevara”… Or, pour tout communiste internationaliste, Hô Chi Min reste ce dirigeant stalinien et nationaliste qui a fait massacrer les communistes indochinois du groupe “La lutte”. Et cette position, ce soutien aux nationalistes, se retrouvait aussi sur la Palestine, où l’OLP était quasiment considéré comme une organisation socialiste, alors que ça n’a toujours été qu’un front nationaliste, dominé par la bourgeoisie palestinienne et, aussi, par différents intérêts des États et bourgeoisies arabes de la région. Ce qui s’est passé ces dernières années, c’est le renforcement du poids de l’Islam politique en Palestine, avec le Hamas qui a pris le pouvoir dans la Bande de Gaza et qui apparaît aujourd’hui comme l’aile la plus radicale du nationalisme palestinien. Les mêmes qui hier soutenaient l’OLP ou le Fatah soutiennent aujourd’hui, de façon plus ou moins (et surtout moins) critique, le Hamas. On peut ajouter qu’on voit le même phénomène avec le soutien au Hezbollah au Liban, aux groupes islamistes en Irak, ou même, pour certains, des Talibans en Afghanistan. Mais en 1979 déjà, une partie de la gauche et de l’extrême-gauche, avait vu en Khomeiny le leader d’une “fraction nationale progressiste” de la petite-bourgeoisie et une force “anti-impérialiste”.


Au nom de cet “anti-impérialisme“, qui, contrairement à Lénine, ne voit pas dans l’impérialisme “le stade suprême du capitalisme” et donc un phénomène normal du mode de production capitaliste, mais le limite à “quelques pays méchants”, une partie de la gauche et de l’extrême-gauche s’est, comme je le disais, mise à la remorque de mouvements nationalistes, et donc bourgeois, y compris les plus réactionnaires. C’est bien sûr, tourner le dos à toute analyse marxiste, oublier qu’aujourd’hui chaque pays est divisé entre bourgeoisie et prolétariat, et pour le cas des courants islamistes c’est même tourner le dos aux droits humains en particulier les droits des femmes.


La différence entre aujourd’hui et hier, c’est que le Hamas, par exemple, n’est pas seulement un courant isolé palestinien mais qu’il fait parti d’un mouvement politique et social global, celui de l’Islam politique, mouvement qui a aussi ses militants en Europe, ce qui change énormément, dans le concret, par rapport à un soutien qui ne serait que symbolique ou platonique à tel ou tel

mouvement nationaliste situé à des milliers de kilomètres. Et de fait, on peut voir des meetings contre-natures où des personnalités qui se disent de gauche interviennent aux côtés d’islamistes. C’est en Grande-Bretagne, avec le SWP, que cette stratégie est allée le plus loin et a été le plus théorisée avec la fameuse phrase, lors de la guerre civile en Algérie, “Avec l’État jamais, avec les islamistes parfois”.


Derrière cette logique, il y a, je trouve, un véritable mépris pour les peuples des pays sous occupation. En gros, ces mêmes groupes se définissent féministes, parlent de la lutte des classes, et parfois même de la perspective révolutionnaire d’en finir avec toute forme d’oppression lorsqu’il s’agit de l’Europe, mais semblent ne voir aucun problème à ce que des femmes, arabes en l’occurrence, soit fliquées et assassinées par des bandes armées islamistes au Moyen- Orient ou au Mahgreb, que des communistes ou des progressistes doivent subir la répression de ces groupes, etc, etc. L’impression que ça donne c’est que, pour ces gauchistes, l’internationalisme, le marxisme, le féminisme, la liberté, l’égalité ne seraient que des concepts pour “l’Occident”, et qu’en Palestine les gens devraient subir ce que eux ne supporteraient pas une seule journée, au nom de la “priorité à la lutte nationale”.


  • Concrètement, plusieurs camarades en province se posent la question de leur participation ou pas aux manifs organisées régulièrement contre chaque saloperie commise par l’armée israélienne dès lors qu’ils ne sont pas en mesure de se retrouver à quelques un dans une partie du cortège pour y porter un slogan internationaliste ou au moins laïque, n’étant pas de facto à la remorque des nationalistes et surtout des pro-Hamas. Qu’en penses-tu?


  • Je comprend bien ces camarades. La question de la participation à une manifestation est une question tactique, et à mon avis, l’activité communiste ne se limite pas, loin de là, aux manifs, il y a tout un travail de fond à faire avec la population dont la majorité ne va pas ou pas souvent aux manifs, dans les quartiers populaires, dans les boîtes, etc. Pour répondre à ta question, je crois que, pour ce genre de manif, la question est : peut-on y intervenir ? Peut-on y faire entendre une voix internationaliste ? Mais pour cela il ne faut pas être isolé. C’est une vraie question tactique que tu poses, parce que bien sûr, on a tous et toutes envie d’exprimer notre rage après un nouveau crime de l’armée israélienne, mais, pour moi, si c’est pour me retrouver isolé au milieu de drapeaux nationaux, de fanions du Hezbollah et de slogans à la gloire du Hamas, très peu pour moi. En fait, les seuls manifs contre la politique militariste israélienne où je me suis senti à l’aise, c’était lors de la guerre contre le Liban, en 2006, à Tel Aviv. Le slogan principal était “juifs-arabes, nous refusons d’être ennemis” et les drapeaux étaient, à 90%, des drapeaux rouges.



  • Quelles sont d’après toi les forces progressistes sur place qui peuvent lutter contre la situation et qu’on pourrait encourager ? Le syndicalisme israélien dit défendre les travailleurs palestiniens

mais ne semble guère condamner les crimes de l’armée. L’extrême-gauche israélienne semble complètement marginale. Pourtant il y a eu récemment une manifestation qui, rapportée à l’échelle du pays, n’était pas si négligeable. Faut-il n’attendre ainsi que des “réactions citoyennes” ou y a-t-il à ta connaissance des débuts d’organisation en mouvements intéressants?


  • Le syndicalisme israélien, l’Histadrout, est complètement intégré à l’appareil d’État israélien. Lorsque pendant l’Intifada, tous les ouvriers palestiniens travaillant en Israël ont été licenciés, l’Histadrout n’a pas bougé ni n’a protesté ensuite pour que ces travailleurs obtiennent leurs allocations chômage. Je ne vois pas trop en quoi ce syndicat défendrait les ouvriers palestiniens, et je pense pas non plus qu’il défende, d’ailleurs, réellement les ouvriers israéliens. Après, ce n’est pas spécifique à Israël, même en France où le syndicalisme est plutôt politisé, je n’ai pas souvenir de campagnes de la CGT contre l’impérialisme français en Afrique, les bombardements au Kosovo ou pour le retrait des troupes françaises d’Afghanistan. Et si l’extrême-gauche israélienne est marginale, c’est aussi le cas dans quasiment tous les pays du monde.


Comme tu le rappelles, peu après l’attaque de la flotille aux larges de la Bande de Gaza, il y a eu une manifestation de 7.000 personnes à Tel Aviv contre cet acte de guerre et contre l’occupation. Il y a un peu plus de 7 millions d’habitants en Israël, alors en comparaison, cela ferait dans les 60.000 personnes à Paris. C’est important à souligner parce qu’on rencontre souvent cette idée selon laquelle toute la population d’Israël serait complice de son gouvernement, or Israël est un pays capitaliste comme un autre, dirigé par la bourgeoisie, mais où la majorité de la population sont, pour nous communistes, des sœurs et frères de classe.


De notre point de vue, il y aurait bien des choses à critiquer dans le Parti Communiste d’Israël, mais il a le mérite d’exister et de travailler à l’unité des prolétaires juifs et arabes en Israël. C’est souvent lui la plus grande force dans l’organisation des manifestation contre les guerres et contre l’occupation. Lors des dernières élections municipales, en novembre 2008, il a conservé la mairie de Nazareth, la plus grande ville arabe d’Israël, contre les islamistes, et, si dans le secteur arabe il y a une tradition communiste, puisque le PCI était longtemps le seul parti non-sioniste d’Israël, une surprise fut son score à Tel Aviv. Dov Hanin, le candidat du PCI, qui avait refusé de faire son service militaire dans les territoires palestiniens, y a obtenu 32,4 %. Si ce n’est qu’une élection, elle peut être utilisé comme un baromètre, et montre qu’une partie non-négligeable de la population israélienne est à la recherche d’une alternative, est fatiguée de ces guerres qui n’en finissent pas, et aussi des multiples attaques anti-ouvrières, de l’accroissement de la pauvreté, etc. Un autre point important, c’est que les militantes du PCI sont très actives et souvent à l’initiative des mouvements de femmes dans le secteur arabe d’Israël, organisent des campagnes contre les violences faites aux femmes, etc.


Un exemple d’unité prolétarienne juifs-arabes que j’ai pu voir, c’était lors de l’été 2007 à Jérusalem. Il y avait, au centre-ville, un campement de sans-logis juifs israéliens qui protestaient contre le manque de logements. Peu après, des arabes, bédouins du Néguev, manifestaient devant la Knesset contre les projets de destructions de leurs villages. Et il y a eu, grâce à des militants communistes de Jérusalem, une manifestation commune, où résonnaient des slogans comme “Juifs-Arabes unis pour des logements” ou “Intifada contre les riches maintenant”. La manif a fini devant le domicile du premier ministre, dans une atmosphère assez tendue vis-à-vis des flics mais aussi de solidarité et de fraternité entre des manifestants, juifs et arabes, qui apprenaient à se connaître. Plusieurs bédouins ont pris la parole pour dire qu’avant cette journée, ils ne pensaient pas qu’il y avait des Juifs qui subissaient la même misère qu’eux, et qu’il faut une lutte de tous les pauvres contre les riches.


Manif pour le logement à Jérusalem (2007)


Pendant l’été 2007, aussi, un an après la guerre avec le Liban, il était question d’une possible grève

  • l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Le syndicat patronal a réagit en disant qu’une telle action serait “pire que le Hezbollah”. Cela résume bien la situation : le plus grand danger pour la bourgeoisie israélienne, ce n’est ni le Hamas ni le Hezbollah, c’est la lutte de la classe ouvrière israélienne.


Et si on passe de l’autre côté du mur, en Palestine, il y a là aussi eu des grèves contre l’austérité, notamment dans la Bande de Gaza. Il y a aussi des mouvements de femmes pour l’égalité, bref il existe une aspiration à la liberté et à l’égalité, aspiration qui existe aussi en Israël, comme partout dans le monde. Ce qui manque finalement, c’est ce qui nous manque dans la plupart des pays du monde, c’est un parti communiste, ouvrier, internationaliste pour faire vivre cette aspiration, pour faire vivre la perspective du socialisme, de la fin de l’oppression et de l’exploitation.


Ni les nationalistes du Fatah, ni les islamistes du Hamas, côté palestinien, ni les différents partis bourgeois, côté israélien, ne peuvent apporter une telle perspective. Contrairement aux gauchistes qui veulent absolument soutenir un camp bourgeois et réactionnaire contre un autre, je pense que justement, la barbarie de la guerre, montre la nécessité de la révolution ouvrière, et que seule la perspective communiste, perspective qui s’adresse tant aux prolétaires parlant hébreux qu’aux prolétaires parlant arabe, est capable de construire un Proche-Orient où chaque être humain pourrait vivre une vie digne du 21ème siècle. Face aux racistes, aux nationalistes, aux réactionnaires religieux des deux camps, le socialisme est finalement la seule solution vraiment humaine, la seule perspective pour créer une vie meilleure, libre et égalitaire pour chaque humain, qu’il soit israélien ou palestinien, juif ou arabe, femme ou homme.


Enfin, il ne faut pas oublier le contexte régional. Il y a eu des luttes ouvrières très dures en Égypte ces derniers temps, des soulèvements ouvriers dans le bâtiment à Dubaï et bien sur une année de lutte révolutionnaire en Iran. Tout cela peut et doit redonner espoir, celui d’en finir tant avec les atrocités militaristes d’Israël et des impérialistes qu’avec la barbarie moyen-âgeuse des islamistes.

(Entretien réalisé par Stéphane Julien pour la BS)


Manif à Tel Aviv contre l’attaque de la "flotille pour Gaza" (9 juin 2010)

Manifeste de la jeunesse de Gaza pour le changement


(décembre 2010)


Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l’ONU et à l’Unrwa (1). Merde à l’Amérique ! Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations permanentes des droits de l’homme et de l’indifférence de la communauté internationale.


Nous voulons crier, percer le mur du silence, de l’injustice et de l’apathie de même que les F16 israéliens pètent le mur du son au-dessus de nos têtes, hurler de toute la force de nos âmes pour exprimer toute la rage que cette situation pourrie nous inspire. Nous sommes comme des poux coincés entre deux ongles, nous vivons un cauchemar au sein d’un autre cauchemar. Il n’y a pas d’espace laissé à l’espoir, ni de place pour la liberté. Nous n’en pouvons plus d’être piégés dans cette confrontation politique permanente, et des nuits plus noires que la suie sous la menace des avions de chasse qui tournent au-dessus de nos maisons, et des paysans innocents qui se font tirer dessus simplement parce qu’ils vont s’occuper de leurs champs dans la zone «de sécurité», et des barbus qui se pavanent avec leurs flingues et passent à tabac ou emprisonnent les jeunes qui ont leurs idées à eux, et du mur de la honte qui nous coupe du reste de note pays et nous enferme dans une bande de terre étriquée.


On en marre d’être présentés comme des terroristes en puissance, des fanatiques aux poches bourrées d’explosifs et aux yeux chargés de haine ; marre de l’indifférence du reste du monde, des soi-disant experts qui sont toujours là pour faire des déclarations et pondre des projets de résolution mais se débinent dès qu’il s’agit d’appliquer ce qu’ils ont décidé ; marre de cette vie de merde où nous sommes emprisonnés par Israël, brutalisés par le Hamas et complètement ignorés par la communauté internationale.


Il y a une révolution qui bouillonne en nous, une énorme indignation qui finira par nous démolir si nous ne trouvons pas le moyen de canaliser cette immense énergie pour remettre en cause le statu quo et nous donner un peu d’espoir. Le dernier coup qui a encore aggravé notre frustration et notre désespoir s’est produit le 30 novembre, quand des miliciens du Hamas ont débarqué au siège du Sharek Youth Forum (www.sharek.ps, une organisation de jeunesse très active à Gaza) avec leurs fusils, leurs mensonges et leur agressivité. Ils ont jeté tout le monde dehors, arrêté et emprisonné plusieurs personnes, empêché Sharek de poursuivre ses activités ; quelques jours plus tard, des manifestants regroupés devant le siège de Sharek ont été agressés, battus et pour certains emprisonnés.


C’est vraiment un cauchemar au sein d’un autre cauchemar que nous vivons. Il n’est pas facile de trouver les mots pour décrire la pression qui s’exerce sur nous. Nous avons difficilement survécu à l’opération «Plomb durci» de 2008-2009, quand Israël nous a systématiquement bombardé la gueule, a détruit des milliers de logements et encore plus de vies et de rêves. Ils ne se sont pas débarrassés du Hamas comme ils en avaient l’intention mais ils nous ont fichu la trouille pour toujours, et le syndrome du «stress post-traumatique» s’est installé à jamais en chacun de nous, parce qu’il n’y avait nulle part où fuir les bombes.


Nous sommes une jeunesse au cœur lourd. Nous portons en nous un poids tellement accablant qu’il nous empêche d’admirer le coucher de soleil : comment pourrait-on, alors que des nuages menaçants bouchent l’horizon et que des souvenirs effrayants passent dans nos yeux à chaque fois que nous les fermons ? Nous sourions pour cacher la douleur, nous rions pour oublier la guerre, nous gardons l’espoir pour ne pas nous suicider tout de suite.


Au cours des dernières années, Hamas a tout fait pour prendre le contrôle de nos pensées, de notre comportement et de nos attentes. Nous sommes une génération de jeunes qui se sont déjà habitués à évoluer sous la menace des missiles, à poursuivre la mission apparemment impossible qui consiste à mener une existence normale et saine, et nous sommes à peine tolérés par une organisation tentaculaire qui s’est étendue à travers notre société, tel un cancer malveillant déterminé à détruire

dans sa propagation jusqu’à la dernière cellule vivante, la dernière opinion divergente, le dernier rêve possible, à paralyser chacun de nous en faisant régner la terreur. Et tout ça arrive dans la prison qu’est devenu Gaza, une prison imposée par un pays qui se prétend démocratique.


A nouveau l’histoire se répète dans toute sa cruauté et tout le monde a l’air de s’en moquer. Nous vivons dans la peur. Ici, à Gaza, nous avons peur d’être incarcérés, interrogés, battus, torturés, bombardés, tués. Nous avons peur de vivre parce que chaque pas que nous faisons doit être sérieusement considéré et préparé, parce qu’il y a des obstacles et des interdits partout, parce qu’on nous empêche d’aller où nous voulons, de parler et d’agir comme nous le voulons et même parfois de penser ce que nous voulons, parce que l’occupation colonise nos cerveaux et nos cœurs, et c’est tellement affreux que c’est une souffrance physique, que nous voulons verser des larmes de révolte et de colère intarissables.


Nous ne voulons pas avoir de haine, ressentir toute cette rage, et nous ne voulons pas être encore une fois des victimes. Assez ! Nous en avons assez de la douleur, des larmes, de la souffrance, des contrôles, des limites, des justifications injustifiées, de la terreur, de la torture, des fausses excuses, des bombes, des nuits sans sommeil, des civils tués aveuglément, des souvenirs amers, d’un avenir bouché, d’un présent désespérant, des politiques insensées, des politiciens fanatiques, du baratin religieux, de l’emprisonnement. Nous disons : ASSEZ ! Ce n’est pas le futur que nous voulons !


Nous avons trois exigences : nous voulons être libres, nous voulons être en mesure de vivre normalement et nous voulons la paix. Est-ce que c’est trop demander ? Nous sommes un mouvement pacifiste formé par des jeunes de Gaza et des sympathisants de partout ailleurs, un mouvement qui continuera tant que la vérité sur ce qui se passe chez nous ne sera pas connue du monde entier, et à tel point que la complicité tacite et la tonitruante indifférence ne seront plus acceptables.


Ceci est le manifeste pour le changement de la jeunesse de Gaza !


Nous allons commencer par rompre l’occupation qui nous étouffe, par nous libérer de l’enfermement mental, par retrouver la dignité et le respect de soi. Nous garderons la tête haute même si nous rencontrons le refus. Nous allons travailler nuit et jour pour changer la situation lamentable dans laquelle nous nous débattons. Là où nous nous heurtons à des murs, nous construirons des rêves.


Nous espérons que vous qui lisez maintenant ces lignes, oui, vous, vous nous apporterez votre soutien. Pour savoir sous quelle forme c’est possible, écrivez sur notre mur ou contactez-nous directement à freegazayouth@hotmail.com


Nous voulons être libres, nous voulons vivre, nous voulons la paix.


Gaza Youth Breaks Out


Note:


(1) Agence de l’ONU crée en 1948 pour prendre en charge les réfugiés palestiniens.

Entretien sur les protestations en Israël


(5 août 2011)


Pascal, tu milites à l’Initiative communiste-ouvrière, tu suis régulièrement l’actualité en Israël où tu es déjà allé. Avant tout, que se passe-t-il donc là bas ?


Israël est secoué par le plus fort mouvement social depuis la création de l’État en 1948. Pour bien comprendre le mouvement, il faut faire un point rapide sur la situation sociale en Israël qui est loin d’être, pour les travailleuses et les travailleurs, une « terre promise ». Pour juste donner un exemple, les salaires n’ont quasiment pas augmenté alors que ces cinq dernières années, la population a subi une inflation de 16%, et près de 30% pour les produits alimentaires. 25% de la population israélienne vit en dessous du seuil de pauvreté, et à cela il faut ajouter les politiques de privatisation qui s’en prennent à des secteurs comme l’éducation ou la santé publique. Chez les jeunes travailleurs d’Israël, il n’est pas rare d’avoir deux ou trois emplois précaires pour essayer de joindre les deux bouts… C’est donc sur la hausse des prix que les protestations ont commencé, d’abord, en particulier par des réseaux sociaux, contre la hausse du prix du fromage blanc, un aliment de base en Israël, puis sur la question de l’accès et des prix du logement, avec, à Tel Aviv d’abord et dans d’autres villes ensuite, la mise en place de campement de tentes. Après une manifestations de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Tel Aviv le samedi 23 juillet, le mouvement ne cesse de se renforcer pour dénoncer à la fois la vie chère et les privatisations. Et si la question du logement est celle qui a lancé le mouvement, il y a de nombreuses autres protestations, comme celle des médecins des hôpitaux publics, de salariés de l’éducation contre la privatisation, des parents lors des « marches des landaus » pour la baisse des prix des produits pour bébés, l’accès aux crèches et aux congés maternité et parentaux.


Quelle est l’ampleur du mouvement social et quelles sont ses revendications ?


Pour mesurer l’ampleur du mouvement, il faut rappeler que Israël est un petit pays avec 7,5 millions d’habitants. Or, la manifestation du samedi 30 juillet ont rassemblées 150.000 personnes. Et si les manifestations de samedi (qui est le jour où l’on ne travaille pas en Israël) sont les plus massives, il y a quotidiennement des protestations, dans les grandes villes comme Tel Aviv, Jérusalem ou Haïfa, mais aussi dans des villes plus petites comme Kiryat Shmola, Natanya, etc. Et il est à noter que le mouvement de protestation touche aussi les villes arabes comme Nazareth et les villages arabes ou druzes de Galilée ou bédouins dans le Néguev.


Les revendications concernent essentiellement l’accès au logement, la vie chère et le refus des privatisations. Le 2 août, les représentant(e)s de quarante campements de protestation à travers tout le pays ont élaboré une plate- forme revendicative où on trouve, en plus de l’accès au logement et le refus du plan de Netanyahou sur le logement (la promesse de construire 50.000 logements… dans sept ans), des revendications comme la gratuité de l’éducation, la création de postes, de lits et l’augmentation du budget pour les hôpitaux, le refus de la privatisation de l’éducation et de la santé mentale, la baisse des impôts indirects, etc. Ce qui est à noter c’est que le lendemain, suite à une rencontre avec des protestataires du secteur arabe, deux revendications spécifiques à la communauté arabe d’Israël ont été ajoutées. Il s’agit de la reconnaissance officielle des villages non-reconnus des bédouins du Néguev et l’augmentation des terrains pour la construction dans les villes et villages arabes.



Blocage de rue à Tel Aviv le 25 juillet


Peux-tu en dire plus sur ces villages non-reconnus du Néguev et sur les protestations dans la communauté arabe ?


Tout d’abord, il faut rappeler que 20% de la population israélienne est arabe. Les arabes subissent, comme les autres israéliens, l’exploitation capitaliste, le chômage, les hausses des prix et les politiques d’austérité. A cela s’ajoute en plus des discriminations racistes, parfois indirects par exemple pour ce qui est de l’emploi. A l’exception des druzes et des volontaires, les arabes d’Israël ne font pas leur service militaire, et pour les emplois par exemple, il arrive fréquemment que des annonces indiquent rechercher quelqu’un « ayant terminé son service militaire », ce qui exclut de fait les Arabes.


Dans le Néguev, au sud d’Israël, bien des bédouins vivent dans ce qu’on appelle des villages non-reconnus. Aussi, les habitant(e)s de ces villages n’ont quasiment pas accès aux services ou équipements publics et sont sous la menace constante de voir leurs villages détruits par l’armée. Il y a depuis des années régulièrement des protestations des habitant(e)s de ces villages, et il est intéressant de souligner le lien, parmi les revendications, entre les bédouins du Néguev et les habitants des villes. A Beer Sheva d’ailleurs, les bédouins ont participé aux manifestations pour le logement aux côtés des étudiants et des jeunes de la ville.


Au delà du Néguev, le mouvement de protestation touche également les villes et les villages arabes au nord d’Israël. Ainsi il y a eu des manifestations à Nazareth, un campement a été installé à Taibeh, etc. Et bien sûr, dans les villes comme Haïfa, juifs et arabes manifestent ensemble. Il s’agit bien d’un mouvement qui regroupe l’ensemble de la classe ouvrière et au-delà des classes populaires (il y a eu une manifestation de fermiers à Tel Aviv par exemple le 3 août), qu’il s’agisse de Juifs ou d’Arabes.


Tel Aviv, 30 juillet


Du Wisconsin à l’Europe, un nombre croissant de manifestations de masse se développe contre les politiques de restrictions budgétaires qui font payer aux travailleurs la crise financière. Le mouvement social en Israël relève t-il plutôt de cette caractéristique ou s’inspire t-il, comme un peu les Indignés espagnols, du mouvement dans les pays arabes ?


Il me semble qu’il y a actuellement un mouvement global de contestation des politiques d’austérité et des attaques de la bourgeoisie, mouvement qui prend des formes différentes selon les pays, les contextes et les forces politiques en présence, mais qui est l’expression d’une révolte commune. Par exemple, pour la Tunisie ou l’Égypte, on a essentiellement mis en avant les revendications contre la dictature, mais dans ces deux pays, les protestations s’en prenaient aussi au chômage, à la misère et

  • l’exploitation. En Tunisie, le mouvement de révolte a commencé par l’immolation par le feu d’un jeune chômeur et la classe ouvrière a joué un rôle essentiel dans la fuite de Ben Ali, tout comme en Égypte, avec des grèves massives. En Espagne, bien que des militants d’extrême-gauche aient tenté de construire des liens entre les protestations des « indignés » et les luttes ouvrières dans les usines, il semble que la direction du mouvement soit restée à un vague apolitisme, ce qui est souvent une couverture pour des politiques réformistes. Dans des pays comme la France ou la Grande-Bretagne, les protestations sont actuellement plutôt dans un cadre syndical, en Grèce on retrouve un peu des deux, tout comme au Chili avec des protestations étudiantes et des grèves ouvrières dans les mines.


Pour des raisons géographiques, les protestations d’Israël s’inspirent bien sûr des mouvements dans des pays voisins comme l’Égypte ou la Syrie. Un slogan, dans des manifestations, indique

  • printemps arabe, été israélien », ce qui est particulièrement sympathique dans un pays où le gouvernement et la bourgeoisie cherchent à faire taire les conflits de classe au nom d’une « union sacrée » vis-à-vis de la Palestine et des pays arabes voisins. Après, le contexte politique en Israël est plus proche de celui de l’Europe ou des États-Unis que de celui de l’Égypte ou de la Syrie. Lors de manifestations, en particulier lors de blocages de routes ou de la tentative de bloquer la Knesset (le parlement israélien) le 3 août, il y a eu quelques affrontements avec les forces de police et des arrestations de manifestants, mais cette répression ne peut pas être, aujourd’hui, comparée avec celle de pays comme l’Égypte, l’Iran ou la Syrie avec des bains de sang et des tirs à balles réelles ou des tortures sur les protestataires.


Par contre, les mouvements révolutionnaires en Tunisie, en Égypte et plus globalement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, inspirent je crois les protestations partout dans le monde, elles ont permis de montrer que la rue peut faire dégager des dictateurs, même si rien n’est gagné pour les ouvriers et plus largement la population, tant en Égypte qu’en Tunisie, que ce soit pour le pain ou pour la liberté. Elles ont montré que les ouvriers, et plus largement la population, peut descendre dans la rue et prendre en main son destin. Et au-delà des revendications en elles-mêmes, un

éléments très intéressant en Israël, c’est cette volonté des gens d’agir directement sur leur futur. Les protestataires du campements de Tel Aviv ont ainsi déclaré être prêt à négocier directement avec Netanyahou à la condition que les négociations soient publiques, c’est à dire filmées et diffusées, ce que bien sûr, la bureaucratie syndicale de l’Histadrout n’a pas apprécié.


Dans un précédent entretien tu ne semblais guère voir que le Parti Communiste d’Israël comme force progressiste organisée dans ce pays. Est-ce que cela se confirme ou y a-t-il un élargissement ?


J’ai dû mal me faire comprendre dans le précédent entretien. Il y a, en Israël, de nombreux mouvements et campagnes que l’on pourrait qualifier de progressistes, des mouvements de femmes, des mouvements contre le racisme, contre le militarisme, pour les droits des homosexuels face aux religieux, pour la paix contre l’occupation, ainsi que des petits groupes d’extrême-gauche anarchistes ou trotskistes. Le Parti Communiste d’Israël n’est probablement pas le parti révolutionnaire qui pourrait permettre à la classe ouvrière de faire la révolution et de prendre le pouvoir. Par contre, c’est le seul parti qui n’est ni sioniste ni nationaliste arabe, et il organise des militantes et des militants, juifs et arabes, qui luttent en direction de la classe ouvrière, combattent le racisme et l’occupation en Palestine, pour les droits des femmes ou les droits des homosexuels, etc. Dans le mouvement actuel, les militants du Parti Communiste sont très actifs, on le voit aux drapeaux rouges dans les manifestations, ils organisent certains des campements en particulier dans les villes et villages arabes du nord, et la présence de militants communistes n’est par pour rien dans certaines initiatives comme la participation des protestataires du campement de Jérusalem à la Gay Pride de cette ville (qui est à chaque fois une manifestation sous forte tension face aux réactionnaires religieux) ou dans la prise en compte des revendications spécifiques de la communauté arabe dans la plate-forme revendicative.


Comment se comportent les syndicats israéliens ?


Le syndicat en Israël, l’Histadrout, est une centrale très bureaucratisée, conciliatrice, nationaliste, etc. Son activité habituelle est essentiellement de négocier avec le gouvernement et le patronat, en lançant parfois des grèves très encadrées et limitée à une journée. Le mouvement actuel n’a été à aucun moment lancé par l’Histadrout. La position de la bureaucratie syndicale est ambigüe, elle ne peut pas se désolidariser d’un mouvement massif, qui d’après les sondages est soutenu par plus de 80% de la population, tout en s’inquiétant des potentialités radicales de ces protestations. Ainsi, l’Histadrout a organisé un meeting ouvrier de masse à Tel Aviv le 4 août, mais dans le même temps, Eini, le secrétaire général de l’Histadrout, a déclaré que si le but du mouvement était de renverser le gouvernement de Netanyahou, il ne le soutiendrait pas. La direction de l’Histadrout s’inquiète également et a dénoncé la demande des campeurs de Tel Aviv de négociations publiques. Il est à noter aussi qu’il existe une fraction communiste au sein de l’Histadrout et qu’elle milite pour un appel à la grève générale. Et c’est là aussi quelque chose de nouveau en Israël, la question de la grève générale est posée et dépasse les cercles militants. C’est ainsi que lundi 1 août, 150.000 travailleurs des collectivités locales se sont mis en grève pour soutenir le mouvement contre la vie chère.


A propos du syndicalisme en Israël, il peut être intéressant de revenir un peu en arrière. Au mois de mars 2011, les travailleurs sociaux avaient fait 23 jours de grève pour les salaires, une grève longue et dure, là aussi un phénomène nouveau dans le pays, avec des manifestations devant le siège de l’Histadrout pour refuser la fin de la grève et la signature d’un accord au rabais, et des tentatives de formes d’auto-organisation indépendante de la bureaucratie syndicale.


Ce mouvement ne permet-il pas de remettre en cause l’idée d’un Israël monolithique et homogène, avec une population qui serait soudée autour d’un projet national sioniste, colonialiste, relais de l’impérialisme américain, comme certains s’appliquent à le dépeindre ? Le pays n’est-il pas tout autant, sinon davantage, traversé de contradictions liées davantage à la lutte des classes comme pour tout autre pays ?

Je pense que je vais t’étonner et étonner des lecteurs, mais à mon avis le « projet sioniste » est bel bien mort et enterré en Israël. Bien sûr, à part le Parti Communiste, les nationalistes arabes, les islamistes et quelques ultra-orthodoxes de Méa Shéarim, tous les partis se réclament du sionisme, mais ça me semble être un résidu idéologique, un peu comme le pan-arabisme en Syrie. En tout cas, il n’y a plus de « projet sioniste », les nouveaux arrivants en Israël, qui viennent de l’ex-URSS, sont plus des immigrés économiques que des pionniers sionistes, les kibboutz sont devenus des entreprises capitalistes comme les autres, et même en ce qui concerne les territoires occupés en Palestine, la quasi- totalité de la population et même des politiciens, savent que tôt ou tard ils devront les quitter. Cela ne signifie pas, bien sûr, la fin de l’occupation dans un futur proche, les gouvernements successifs ne savent pas comment quitter les territoires palestiniens, mais le projet d’annexion pure et simple de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, du « Grand Israël » de la mer à la rivière (le Jourdain) n’est plus à l’ordre du jour, sauf pour quelques fanatiques nationalistes. Lors des dernières guerres menées par Israël, comme au Liban en 2006 ou dans la Bande de Gaza en 2008, le discours du gouvernement se basait non pas sur un projet sioniste, mais uniquement sur la

  • sécurité ». Il n’y a donc plus, à mon avis de « projet sioniste », en tout cas de projet sioniste capable de mobiliser la population, et même au-delà je dirais que la bourgeoisie israélienne, comme la bourgeoisie de bien des pays du monde, n’a même plus de projet mobilisateur du tout, elle se contente de gérer pour défendre ses intérêts au jour le jour.


Des décennies de conflits, par contre, ont longtemps permis à la bourgeoisie israélienne d’imposer une union sacrée autour de ses intérêts. Je t’avais parlé, lors d’un précédent entretien, comment lors d’une menace de grève à l’aéroport Ben Gourion, le patronat avait hurlé qu’une telle grève serait

  • pire que le Hezbollah ». Les politiques nationalistes et guerrières, où que ce soit dans le monde, ont toujours comme but et conséquence d’enchainer la classe ouvrière à la bourgeoisie, du moins jusqu’au jour où cela craque. L’État d’Israël est à mon sens un État bourgeois comme un autre, et cela n’a rien de sioniste ou de pro-israélien que de dire ça pour un communiste qui vise à la destruction de tous les États bourgeois et du système capitaliste à l’échelle mondiale. L’occupation de la Palestine ou les bombardements sur le Liban ou la Bande de Gaza, sont bien entendu barbares et inhumains, tout comme l’est la politique de la France en Afrique, des États-Unis en Irak, de la Russie dans le Caucase, les interventions militaires de l’Iran et de la Turquie au Kurdistan, etc. Mais toutes ces guerres et interventions militaires, si elles sont payées par le sang et les morts dans les pays où elles ont lieu, sont aussi payés par la classe ouvrière des pays qui interviennent. Quel est le prix en dollars de l’occupation de l’Irak pour les États-Unis et combien d’écoles, de logements sociaux, de programmes de santé ou autres politiques sociales auraient pu être financées avec cet argent ? Même chose en Israël, où la population subit à la fois la recherche du profit maximum par la bourgeoisie et doit en plus supporter le coût de l’occupation et du militarisme, au détriment de services utiles pour la population.


Pour Israël, les nationalistes des deux bords ont toujours cherché à nier ou à masquer les conflits de classes. Mais comme je l’indiquais avec quelques chiffres au début de l’interview, Israël est loin d’être une terre promise pour les ouvriers, qu’ils soient juifs ou non. Le mouvement massif auquel nous assistons permet de rappeler au monde que ce pays du Proche-Orient est bien un pays comme un autre, avec une classe ouvrière, des pauvres, bref des gens qui souffrent de l’exploitation capitaliste et des politiques bourgeoises, et qui sont capables, comme tous les prolétaires sur cette terre, de se révolter. Le soulèvement de 2009 en Iran a mis fin à cette idée répandue en Occident d’un peuple iranien fanatisé par la religion et uni derrière les mollahs, les révolutions en Égypte et en Tunisie ont définitivement balayé l’image de populations arabes soumises aux dictatures, et de la même façon, le mouvement actuel en Israël met fin à l’image d’un gouvernement israélien représentatif de la population du pays. En gros, les préjugés contre telle ou telle population, les délires réactionnaires sur le prétendu « choc des civilisations », tout cela vole en éclat dans les faits, montrant aux quatre coins du monde, face aux bourgeoisie, des exploités qui se révoltent et luttent pour le pain et la liberté, pour un avenir meilleur. Les révoltés d’Israël s’inspirent de ceux d’Égypte, et à n’en pas douter, les protestations en Israël auront aussi un impact et une influence sur les

prolétaires palestiniens… quelle meilleure illustration de la nécessité d’une politique internationaliste, de cette phrase de conclusion du « Manifeste Communiste » de Karl Marx et d’Engels, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » !


(entretien réalisé par Stéphane Julien)

voir aussi

Le terrorisme juif sous le mandat britannique

https://fr-cjpme.nationbuilder.com/…

 

 

 

 

 

lundi 9 septembre 2024

La propagande impérialiste dans les jeux vidéo



 Laisser un commentaire / Par bruno

Avec des chiffres d’affaires vertigineux, le monde des jeux vidéo est un secteur culturel de plus en plus influent qui touche principalement un jeune public. Si l’on a pu souvent souligner leur danger en terme de violence ou d’addiction, d’autres aspects plus idéologiques sont souvent passés à la trappe. Au-delà de l’aspect ludique pur, ces jeux recèlent souvent des messages plus profonds, notamment des éléments de propagande impérialiste. Cet article explore comment des jeux populaires contribuent, volontairement ou non, à diffuser des idéologies pro-capitalistes et impérialistes.

Le rôle de l’industrie du jeu vidéo dans la diffusion de la propagande impérialiste

Le rôle de l’industrie du jeu vidéo dans la diffusion de la propagande impérialiste est à la fois complexe et significatif. Avec un marché global générant des milliards, ces jeux touchent principalement un jeune public, façonnant inconsciemment leurs perceptions du monde. Des titres comme « Call of Duty Modern Warfare 2 » et « Call of Duty Black Ops » incarnent particulièrement ce phénomène.

Ces jeux, souvent situés dans des contextes géopolitiques tendus, représentent pratiquement systématiquement des « ennemis » issus de nations russes, arabes ou des figures communistes, dans une narration simplifiée. A l’image de l’habituel soft power américain, cette approche propage peu subtilement une idéologie pro-impérialiste, dépeignant les interventions américaines et occidentales comme étant moralement justes et nécessaires.

Les combattants de la liberté contre le mal ? L’oncle Sam et ses relais idéologique nous ont déjà joué cela des milliers de fois mais des esprits peu alertes peuvent encore tomber dans le panneau à pieds joints. En insérant des éléments de réalité historique et contemporaine, ces jeux renforcent des stéréotypes et soutiennent une vision du monde alignée sur les intérêts impérialistes, contribuant ainsi à la propagation d’une certaine forme de propagande , voire de néocolonialisme, auprès de leur vaste audience.

L’influence psychologique et culturelle sur les joueurs

L’influence psychologique et culturelle des jeux vidéo sur les joueurs est profonde, en particulier chez les jeunes. En incarnant des personnages dans des scénarios de guerre ou de conflit géopolitique, les joueurs s’immergent dans des récits qui peuvent façonner leur perception du monde sans doute plus encore que favoriser leur propension réelle à la violence.

Russes, arabes, latinos, ou dit autrement criminels, terroristes, ou narco trafiquants, certains jeux plongent les joueurs dans des environnements où les « ennemis » sont souvent des stéréotypes de nations ou de groupes spécifiques. Cette interaction active, contrairement à la passivité des médias traditionnels comme le cinéma ou la littérature, crée une immersion plus intense. Elle peut renforcer des préjugés et des visions manichéennes du bien et du mal, influençant ainsi la manière dont les joueurs voient les conflits réels et les politiques internationales.

Le Soft power au service des mondes ludiques, nourri et propagé par eux… De plus, en récompensant les actions violentes, ces jeux peuvent aussi subtilement normaliser l’agressivité et la confrontation comme des moyens acceptables de résoudre les conflits, impactant ainsi la culture et les attitudes des joueurs dans la vie réelle.

La critique du capitalisme dans les jeux vidéo : un double tranchant

Quelquefois et plus insidieusement, la critique du capitalisme dans les jeux vidéo est un double tranchant. Quand on la trouve traitée, elle prétend refléter à la fois une tentative de remise en question et les limites imposées par le système même qu’ils cherchent à critiquer. Des jeux comme « Cyberpunk 2077 » et « Grand Theft Auto V » abordent des thèmes anticapitalistes, mais souvent de manière caricaturale et exagérée, perdant ainsi en nuance et crédibilité.

Au final, ces représentations tendent à simplifier la complexité des enjeux économiques et sociaux, se limitant à des stéréotypes de barons capitalistes et de sociétés dystopiques. Ironiquement, ces jeux sont eux-mêmes produits et commercialisés dans un cadre capitaliste, soulevant des questions sur l’authenticité et l’efficacité de leur critique. On remarquera que les jeux proposant des univers dystopiques ou orientés survie reprenne souvent cette caractéristique du héros individualiste qui doit se battre pour continuer de consommer et acquérir toujours plus de confort, d’armes, d’options, etc…

Cette dynamique suggère que, pour une analyse plus fine et réaliste du capitalisme, il est souvent nécessaire de se tourner vers des jeux indépendants, où la créativité n’est pas entravée par les contraintes commerciales du marché de masse. Il faut aussi comprendre qu’un formatage s’est déjà opéré dans les critères de consommation de ce qu’est « un bon jeu ». La créativité est donc plus que jamais nécessaire pour penser ce loisir autrement.

Lutte des classes et casino : rien ne va plus pour les riches casinos de Vegas

Lutte des classes et casino : rien ne va plus pour les riches casinos de Vegas

 


Laisser un commentaire / Par bruno Astarian

Surnommée « Sin City » ou la ville du péché, Las Vegas est mondialement connue pour ses casinos somptueux et son ambiance de fête perpétuelle. Toutefois, derrière le strass et les paillettes se cache une réalité moins reluisante, marquée par des tensions sociales croissantes. Sous le strass et les tours de roulette, la lutte des classes s’intensifie, particulièrement dans l’industrie du jeu, et, de plus en plus, les employés des casinos revendiquent des conditions de travail et des salaires plus équitables.

Cet article explore notamment les récentes grèves qui ont secoué les établissements de jeux les plus emblématiques de Vegas. Nous en profiterons pour passer en revue les chiffres d’affaires mirobolants de cette industrie ludique dans la ville.

La grève dans les casinos de Sin City

Contre toute attente, plus de 50 000 employés des casinos de Las Vegas ont récemment voté en faveur d’une grève pour revendiquer de meilleures conditions de travail, des salaires plus élevés et une réduction du temps de travail. Leur mouvement s’inscrit sous le slogan « One Job Should Be Enough », dont la traduction donne « Un seul emploi devrait suffire », comprenez pour « vivre ». Autrement dit, les travailleurs expriment leur désir légitime de pouvoir subvenir à leurs besoins avec un seul emploi, mieux rémunéré.

Ainsi, on a vu des témoins divers dans la presse outre-Atlantique, confirmer leur difficulté à concilier travail et vie familiale dans les conditions actuelles. C’est notamment, le cas de María, femme de chambre au casino Bellagio, Harassée par la surcharge de travail exacerbée depuis la pandémie, elle aspire à une vie où un seul emploi permettrait de vivre décemment pour pouvoir passer un peu de temps avec sa famille. Comme elle, 60 000 employés, majoritairement des femmes, membres des syndicats de la restauration et des barmans, sont à présent déterminés à obtenir une convention collective plus favorable.

Des revendications légitimes au sein d’une industrie du jeu hautement profitable

La situation a désormais atteint un stade crucial. La grève a, en effet, été approuvée par 95 % des votants, donnant aux syndicats le droit légal de déclencher une grève. Les employés des établissements de jeux revendiquent une nouvelle convention de cinq ans avec des améliorations salariales, une réduction du temps de travail et de meilleures conditions générales. Actuellement, les négociations se poursuivent avec plusieurs grandes chaînes de casinos à Las Vegas, notamment MGM Resorts, Caesars Palace et Wynn Resorts.

Cette mobilisation des travailleurs des casinos intervient dans un contexte plus large de luttes ouvrières aux États-Unis. Elle illustre la volonté des salariés à obtenir une part plus équitable des bénéfices générés par les entreprises, notamment dans une industrie aussi lucrative que celle des casinos. On le comprend un peu mieux quand on sait que MGM Resorts a enregistré à elle seule 1,47 milliard de dollars de bénéfices en 2022. Sous ses dehors d’événement isolé, ne nous y trompons pas : cette grève pourrait marquer un tournant dans la lutte pour des salaires plus justes et une meilleure qualité de vie au travail aux États-Unis.

Un aperçu des casinos de Vegas, leurs jeux, leur volume d’affaires

Nous plongeons un peu ici dans l’univers des casinos de Las Vegas, où l’éclat des néons et le cliquetis des jetons se mêlent pour créer un monde de paillettes et de promesse qui attire des millions de joueurs à l’année. Nous y découvrirons comment ces temples du divertissement génèrent des chiffres d’affaires colossaux.

Quelques chiffres

Dans le Nevada, 2022 a été une période faste pour l’industrie des casinos, avec des revenus atteignant des sommets historiques. Les casinos de l’État ont, en effet, généré 14,8 milliards de dollars en revenus de jeu, surpassant le record précédent de 13,4 milliards établi en 2021. Cette hausse représente une augmentation de 10,5 % par rapport à l’année précédente. Le Strip de Las Vegas a particulièrement brillé, contribuant à hauteur de 8,28 milliards de dollars, en hausse de 17 % par rapport à 2021.

Après la récession due à la pandémie, la reprise économique a été marquée par 22 mois consécutifs de revenus mensuels supérieurs à 1 milliard de dollars. Michael Lawton, analyste économique senior au Nevada Gaming Control Board, attribue ce succès à une demande constante pour les jeux d’argent et à une forte fréquentation touristique, malgré l’inflation et les craintes de récession. Rien ne semble arrêter les joueurs attirés par les lumières de Las Vegas.

Les machines à sous ont été particulièrement lucratives, générant 10 milliards de dollars, soit 67,4 % des gains totaux. Les paris sportifs ont également enregistré des revenus record. Cependant, selon Fitch Ratings, une baisse de 10 % des revenus est anticipée pour 2023, en raison du ralentissement économique global. Bien que des signes de reprise soient observés dans les segments des voyages d’affaires et des conventions, une baisse est attendue avant un retour à la croissance modeste en 2024.

Quelques casinos de Las Vegas

Pour prolonger un peu ce voyage au cœur des jeux d’argent, découvrons quelques-uns des casinos les plus emblématiques de Las Vegas. Dans ces temples du divertissement et du jeu, tout est pensé et posément réfléchi pour retenir le joueur. En forte concurrence les uns avec les autres, les casinotiers se font fort d’offrir à leurs visiteurs une expérience unique, mélangeant luxe, frissons du jeu et spectacles d’envergure.

Bellagio Las Vegas

Le Bellagio Las Vegas est une destination prisée des amateurs de poker. Cet hôtel-casino, distingué par 5 diamants par l’American Automobile Association, offre une expérience de jeu foisonnante avec environ ses 40 tables de poker et ses 2 300 machines à sous dans un cadre vibrant et démesuré. La Bobby’s Room, célèbre pour attirer des célébrités et des joueurs professionnels, est une attraction phare du casino. Il faut dire que les stars ont souvent été les meilleurs arguments marketing pour ces établissements de jeu.

Au-delà du jeu, le Bellagio propose une large variété d’activités. Les visiteurs peuvent se détendre dans l’Orangerie, admirer les jardins botaniques luxuriants ou se laisser captiver par les fontaines dansantes et leur spectacle de lumières. Pour les divertissements, l’établissement offre des spectacles en direct et cinq piscines extérieures. Bref une débauche de luxe et un véritable monde à part.

Situé au cœur du Strip de Las Vegas, face à un vaste lac, le Bellagio est facilement accessible. Il est stratégiquement posé à 3,2 kilomètres de l’aéroport international McCarran, avec des options de transport telles que le monorail, les bus publics et les navettes, facilitant l’arrivée des visiteurs et des joueurs.

MGM Grand Las Vegas

Le MGM Grand Las Vegas, célèbre pour son imposante statue de lion en bronze et sa couleur émeraude distinctive, est un autre choix de prédilection pour les joueurs débutants de passage à Las Vegas. Sur une superficie de 16 000 mètres carrés, c’est le plus grand casino du comté de Clark et il ouvre ses portes à tout touriste en quête d’une expérience de jeu sans limite autre que son propre budget.

Sur place, la salle Level Up propose une quantité de jeux vertigineuse. On pourra citer le beer-pong, le billard et des machines à sous thématiques, et tout un tas de divertissement spécialement conçus pour ceux qui souhaitent s’initier aux jeux d’argent dans une ambiance décontractée. Le casino dispose également d’une salle de poker où les mises débutent à moins d’un euro. Les visiteurs les plus aficionados peuvent même y bénéficier de réductions en devenant membres VIP. Un privilège dans le privilège en quelque sorte.

En dehors du jeu, le MGM Grand offre une cohorte de divertissements, incluant 16 restaurants, un grand spa, une arena et un centre de convention. A Vegas chaque casino est un monde en soi dans lequel le nouveau venu se perd plus facilement que dans un IKEA. Situé à l’extrémité sud du Strip, en face de l’hôtel Tropicana, il est facilement accessible depuis l’aéroport de Las Vegas via divers moyens de transport, y compris le bus et le monorail.

Stratosphere Casino, Hotel & Tower

Le Stratosphere Casino, Hotel & Tower, plus connu sous le nom de STRAT Las Vegas, offre une autre expérience de jeu unique dans la ville. Cet établissement est célèbre pour sa Stratosphere Tower, qui offre une vue imprenable sur Las Vegas. On y monte pour la vue et pour le grand frisson de la hauteur.

La salle de jeux et le casino de cet établissement s’étend sur plus de 7500 mètres carrés et décoré dans des tons bleus et gris élégants. Il propose une sélection de 750 machines à sous et 44 tables de jeux, incluant craps, poker, blackjack, baccarat et roulette. Les visiteurs peuvent tenter leur chance aux machines à sous dès un centime, marquant la volonté de l’établissement de rendre l’expérience accessible au plus grand nombre. Pour les amateurs de sport et de paris, le casino dispose aussi d’un bar sportif William Hill, parfait pour se retrouver entre fans. De plus, le restaurant de luxe situé au sommet de la tour offre une expérience gastronomique mémorable avec une vue panoramique sur la ville.

Le STRAT se situe sur South Las Vegas Boulevard, facilement accessible en bus public, avec les stations les plus proches sur la ligne Deuce à Nb Las Vegas at the Strat ou à Wb Aahara after Paradise sur la ligne CX. La station de monorail Sahara est également à proximité. Quand il s’agit de trouver un casino à Vegas, on ne risque pas de passer à côté.

Ce ne sont là que quelques exemples des établissements de jeux les plus en vue de Las Vegas. Devant tant de luxe, on comprend que la lutte des classes y soit bien vivante. De l’entretien, à l’accueil, l’animation ou la maintenance, il faut, en effet, des milliers d’ouvriers pour que ce monde continue de fonctionner à plein. Bien entendu, certains de ces hôtels ont aussi développé des casinos en lignes. Moins coûteux en ressources humaines, ils restent toutefois marginaux sur place Pour celui qui se rend à Vegas, l’expérience du casino traditionnel continue de primer sur le casino en ligne et les jeux virtuels.

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