samedi 29 juin 2024

Sur l'immense décharge du capital fictif.

 

« Sur l'immense décharge du capital fictif. Les limites de l'ajournement de la crise par le capital financier et le délire des programmes d'austérité », par Ernst Lohoff et Norbert Trenkle

9 Mai 2014

 


Sur l'immense décharge du capital fictif

Les limites de l’ajournement de la crise par le capital financier

et le délire des programmes d’austérité.

 

*

ERNST LOHOFF & NORBERT TRENKLE



1.

 

Au cours des trente dernières années, le capitalisme a changé dramatiquement de visage : jamais dans son histoire le secteur financier n’a pris autant d’importance par rapport à l’ensemble de l’économie qu’à l’époque actuelle. Dans les années soixante-dix, les produits financiers dérivés étaient encore quasiment inconnus. Aujourd’hui, d’après les estimations fournies par la Banque des Règlements Internationaux, la somme totale de ce seul outil financier arriverait à six cent mille milliards de dollars, c’est-à-dire environ 15 fois la somme de tous les produits intérieurs bruts. En 2011, le volume quotidien des transactions financières était de 4,7 milliers de milliards de dollars. Moins d’1 % de cette somme provenait des transactions de marchandises. L’achat et la vente d’actions, de titres et autres promesses de paiements sont devenus centraux dans l’accumulation du capital et « l’économie réelle » est devenue un accessoire de « l’industrie financière ».

 

Ce développement est critiqué de tous les côtés depuis que l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis a fait plonger l’économie mondiale à une vitesse vertigineuse comme on ne l’avait plus vu depuis les années 1930. La cause de ce malaise serait le gonflement de la superstructure financière. Après le krach de 2008, la colère s’était retournée essentiellement contre les banques et contre d’autres acteurs financiers privés qui, dans leur cupidité, seraient devenus aveugles et insensés. Entretemps, le regard s’est focalisé sur l’endettement étatique, et ce sont les gouvernements emprunteurs, prétendument irresponsables et dépensiers, qui sont pointés du doigt. Mais là comme ici, l’idée de base est la même : tout le monde rêve d’un capitalisme « sain », basé sur « le travail honnête », un capitalisme dans lequel « l’économie réelle » dicterait la marche, et où l’économie financière jouerait ce rôle secondaire, de service, s’alignant sur ce qu’essaient aujourd’hui de nous faire croire les manuels scolaires de l’économie nationale.

 

Le capitalisme est un système profondément absurde, et c’est dans la crise que ses contradictions criantes et sa folie se manifestent le plus ouvertement. Mais la pensée dominante ne veut rien savoir, elle admet tout au plus des « erreurs » ou des « abus spéculatifs » dans certains domaines du système. De cette manière, elle prétend non seulement qu’il n’y a pas d’alternative à l’économie de marché, mais elle personnifie en plus les maux de la société en les projetant sur « les banquiers et les spéculateurs », ou, de manière encore plus générale, sur « la côte ouest américaine ». La critique simpliste du capital spéculatif et de l’endettement grandissant qu’on retrouve partout est idéologiquement biscornue et dangereuse, et met en outre à l’envers le contexte économique réel. Ce n’est pas parce que les manifestations de crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui prennent leurs origines dans la sphère financière que c’est là qu’il faut chercher les causes fondamentales et structurelles de ces crises. La confusion entre déclencheur et cause ne date pas d’aujourd’hui. En 1857, lors du premier grand krach mondial, de telles explications erronées avaient déjà été avancées. Un certain Karl Marx se moquait à l’époque : « Si au bout d’une certaine période de commerce la spéculation apparaît comme annonciatrice d’un effondrement, il ne faudrait pas oublier que cette spéculation est née auparavant dans cette même période de commerce et qu’elle représente donc un résultat, une apparence et non pas une cause ou une essence. Les représentants de l’économie politique qui tentent d’expliquer les soubresauts de l’industrie et du commerce en les attribuant à la spéculation ressemblent à l’école défunte des philosophes de la nature qui considéraient la fièvre comme la cause fondamentale de toutes les maladies » (En allemand : Marx Engels Werke, tome 12, page 336).

 

2.

 

La production capitaliste ne connaît qu’un seul but : la transformation de l’argent en plus d’argent. Si le capital n’a plus la valorisation en perspective, il cesse d’être capital. C’est pour cela que le système capitaliste est condamné à l’expansion. Il doit perpétuellement investir de nouveaux domaines pour réaliser la valorisation, absorber toujours plus de travail vivant, et empiler toujours plus de marchandises. Déjà au cours du 19ème siècle on constatait régulièrement des interruptions dans ce processus d’expansion. En comparaison de la quantité de capital accumulé, on se retrouvait périodiquement confronté à l’absence de possibilités d’investissements rentables dans « l’économie réelle ». À l’approche de ces crises de suraccumulation, les capitaux avaient tendance à se déplacer vers la superstructure financière où, sous la forme de « capital fictif » (Marx), ils pouvaient se reproduire pendant un certain temps à travers l’accumulation de créances monétaires. Et c’était uniquement au moment où cette reproduction du capital sans passer par la valorisation atteignait ses limites qu’on assistait à de véritables épisodes de crises.

 

À une échelle tout à fait nouvelle, ce schéma de base se reproduit actuellement lors des processus de crises. Sa durée est déjà éloquente. À l’époque, l’accroissement du capital fictif était un phénomène de courte durée, tout au plus un ou deux ans, qu’on retrouvait à l’aube des crises cycliques. Aujourd’hui, la multiplication du capital fictif est devenue la caractéristique principale de toute une période. Depuis le début des années quatre-vingts, le volume total des titres échangés sur les marchés financiers croît sans arrêt et de manière exponentielle. Et même si le support de cette dynamique change régulièrement (emprunts d’États, actions, crédits hypothécaires, produits dérivés, etc.), ce n’est pas un hasard si c’est toujours « l’industrie financière » qui constitue le centre dont dépend l’accumulation du capital. À la différence des stades de développement capitaliste antérieurs, le déplacement vers les structures financières, lors des dernières trente années, n’est pas juste le résultat d’une absence momentanée de possibilités de valorisation dans l’économie réelle. Depuis la fin des trente glorieuses et du fordisme, une accumulation auto-entretenue dans l’économie réelle est devenue définitivement impossible. L’énorme gain de productivité qui a suivi la troisième révolution industrielle entraîne une éviction massive de la force de travail hors des secteurs produisant de la valeur et mine ainsi la seule base de la valorisation de la valeur : l’utilisation de force de travail vivante dans la production de marchandises. Depuis plusieurs décennies, le mouvement global d’accumulation ne peut se poursuivre uniquement grâce à la sphère financière qui, en produisant inlassablement de nouvelles créances monétaires, est devenue le moteur central de l’accroissement du capital. Si ce « processus de production » de l’industrie financière s’enraye, l’effondrement catastrophique de l’économie mondiale devient inéluctable.

 

3.

 

Dans le jargon boursier, on dit toujours que le cours des actions serait « nourri » par des attentes et que les marchés financiers font commerce avec « l’avenir ». À travers de telles formules, même si elles ne sont pas bien comprises, on peut apercevoir le secret de base du capitalisme contemporain. Lors de la création de nouveaux titres de propriété, une chose incroyable se produit qui serait impensable dans le monde des biens réels et de la richesse matérielle et sensible. La richesse matérielle et sensible doit avoir une existence en amont de sa consommation. Jamais par exemple on ne pourra s’assoir sur une chaise dont la construction est en projet. Pour la richesse produite par l’industrie financière, cette logique temporelle est renversée. De la valeur qui n’est pas encore produite, et qui ne verra éventuellement jamais le jour, se transforme à l’avance en capital, en capital fictif. Lorsque quelqu’un achète des parts d’emprunts d’États ou d’entreprises, lors de l’émission d’actions ou de nouveaux produits financiers dérivés, on voit de l’argent-capital qui était dans les mains d’un acheteur s’échanger contre une promesse de paiement. L’acheteur se lance dans cette transaction avec l’espoir que dans le futur la revente de cette promesse de paiement lui rapportera plus que ce qu’il lui en a coûté aujourd’hui pour l’acheter. C’est grâce à cette perspective que la promesse de paiement devient la forme actuelle de son capital.

 

Pour le bilan global de la richesse du capitalisme, ce n’est pas tant la question de la conversion des promesses qui est importante. Ce qui est particulier, c’est une bizarrerie qui se produit dans le laps de temps entre l’émission et la vente d’un titre de propriété. Aussi longtemps que cette promesse de paiement est valable et crédible, elle constitue un capital supplémentaire, à côté du capital de départ. Par la simple création d’une créance monétaire écrite, on dédouble le capital. Ce capital supplémentaire n’existe pas uniquement sur le papier comme simple écriture dans le bilan d’un capitaliste monétaire. Il mène une vie autonome, participe en tant que titre de propriété au circuit économique et au processus de valorisation, tout comme un capital monétaire provenant de la valorisation réelle l’aurait fait. En tous points semblables, il peut être utilisé pour l’achat de biens de consommation ou être investi, sa provenance ne se reconnaît pas.

 

4.

 

À l’ère de la troisième révolution industrielle, le capitalisme ne peut survivre que s’il réussit à ramener toujours plus de valeur future vers le présent. C’est pour cela qu’aujourd’hui les produits financiers sont devenus le type de marchandises le plus important. Alors que la production de valeur se rétrécit, c’est la mutation du capitalisme vers un système basé sur l’anticipation de valeur future qui lui a permis de se créer de nouvelles marges de développement. Mais l’expansion de l’industrie financière se heurte de plus en plus à ses limites. La « ressource avenir » n’est pas aussi inépuisable qu’elle en a l’air. Au niveau logique, l’accumulation du capital fictif par ce processus de duplication au sein de l’industrie financière possède des particularités par rapport à l’accumulation du capital provenant de la production de valeur. L’une parmi d’autres a déjà été citée : la durée de vie limitée de ce procédé de multiplication de capital. A l’échéance d’un titre de propriété (remboursement, terme d’une créance, etc.), la somme de capital fictif supplémentaire qu’il incarnait rejoint le royaume d’Hadès. Pour qu’il puisse y avoir expansion, il doit d’abord être remplacé par de nouveaux titres. Pour que la production de titres puisse jouer le rôle de moteur pour relancer l’ensemble du fonctionnement capitaliste, son débit d’émission doit croître beaucoup plus rapidement que la production dans les secteurs clefs de l’économie réelle des périodes précédentes. Elle est soumise à une obligation de croissance exponentielle, car elle doit en permanence transformer en capital de la nouvelle valeur future tout en trouvant, sans répit, un remplacement pour les anticipations de valeur précédentes qui arrivent à échéance. Le fait que la multiplication de capital fictif ait explosé durant les dernières décennies n’est pas une erreur de parcours sur laquelle on pourrait juste revenir. Ce développement était obligatoire pour un système capitaliste qui est basé sur l’anticipation de la production de valeur future.

 

Mais plus le poids de l’avenir capitaliste, déjà consommé, pèse lourd, plus il devient difficile de maintenir en vie la dynamique de création de capital fictif. Ce qui aggrave le problème, c’est que la ponction de valeur future ne peut marcher que si les titres de propriété proposés se réfèrent à un secteur de l’économie réelle promettant des gains futurs. À l’ère de Reagan, ce secteur était constitué par les bons du trésor américain (emprunts d’État) ; à l’ère de la nouvelle économie, c’étaient les start-up dans le domaine de l’Internet, et dans les années 2000, c’était l’immobilier dont les prix semblaient pouvoir monter jusqu’au ciel. Mais si de tels secteurs prometteurs viennent à manquer, le capitalisme maintenu en vie par la perfusion de valeur future parvient à ses limites. Dorénavant ce point critique a été atteint. Depuis la crise de 2008, l’expansion des produits financiers a pu continuer, mais cette dynamique n’est portée par aucune perspective de gains dans aucun secteur croissant de l’économie privée. Cette expansion n’est alimentée que par les budgets des États et des banques centrales. Afin d’éviter l’effondrement immédiat du système financier, c’est la puissance publique, traditionnellement le débiteur le plus fiable, qui a repris les crédits pourris. Les banques centrales ont même franchi un pas supplémentaire. Non seulement elles proposent aux banques d’affaires des montants de crédits, à des niveaux jamais atteints et à des taux d’intérêts proches de zéro, mais en plus elles se sont transformées en des « Bad Banks », des sortes de décharges pour déchets toxiques de l’avenir capitaliste déjà consumé. Elles acceptent des titres de propriété qui ne trouvent plus preneur sur le marché comme garanties pour accorder des crédits, et en plus elles achètent, pour refinancer la puissance publique, des emprunts de leurs propres États. Il est clair qu’à terme on ne peut pas enrayer un processus de crise avec de telles mesures : on ne fait que le déplacer tout en lui attribuant une nouvelle qualité.

 

5.

 

La mutation des banques centrales en « Bad Banks » est déterminante pour le futur. Les gardiens monétaires peuvent, momentanément, en rachetant des titres de propriété pourris, maintenir à flot la création de capital fictif, mais en faisant cela ils créent un énorme potentiel inflationniste. Tôt ou tard, la dévalorisation du capital fictif va entraîner aux États-Unis comme en Europe une dévalorisation du médium argent. En Chine, ce processus se manifeste déjà.

 

Mais ce qui est plus caractéristique de la situation actuelle, c’est la double politique paradoxale de rigueur et d’endettement. Afin d’entretenir leur crédibilité sur les marchés financiers, et de pouvoir continuer à trouver de l’argent nouveau, les États mettent en place des programmes d’austérité pour l’avenir. Le cas de l’Allemagne est symptomatique : en pleine année de crise 2009, tous les partis ont décidé de la mise en place à partir de 2016 d’un programme de « frein à l’endettement ». Entretemps, cette politique a été exportée vers la moitié de l’Europe. On sait déjà pertinemment que, le moment venu, ces programmes seront abandonnés, ou alors « suspendus temporairement » comme ce fut le cas l’année dernière aux États-Unis lors du conflit budgétaire. Toute autre attitude aurait des répercussions catastrophiques sur l’économie. Dans un premier temps, l’annonce que l’on va  faire des économies calme les esprits sur les marchés financiers, apaise l’opinion inquiète et garantit à l’Allemagne sa notation « triple A » ce qui lui permet de contracter de nouveaux crédits à des conditions favorables.

 

Mais évidemment la politique d’austérité proclamée ne reste pas sans conséquences. La volonté de faire des économies est mise en œuvre de manière démonstrative sur le dos de ceux qui sont considérés comme « inutiles pour le système ». Ce n’est pas pour rembourser les dettes de l’État qu’on leur enlève les dernières miettes, mais pour garder un peu plus longtemps un semblant de crédibilité face aux marchés financiers, dans le but de pouvoir continuer à emprunter. C’est le caractère cynique des programmes d’austérité mis en place dans les pays du sud de la zone Euro et en Irlande. C’est uniquement pour que la zone Euro puisse maintenir encore un temps le simulacre de la capacité de rembourser ses dettes que la majorité des populations sont poussées dans la misère.

 

6.

 

La manière de légitimer ces programmes de paupérisation est bien connue. L’idéologie d’austérité arrache jusqu’aux dernières miettes de pain de la bouche de la retraitée grecque, en proclamant que la société vit « au dessus de ses moyens ». L’absurdité de cet argument dépasse même son insolence. Elle renverse le problème de base auquel la société mondiale est confrontée aujourd’hui. Depuis longtemps notre société vit, quantitativement comme qualitativement, loin en dessous des possibilités qu’offrirait une utilisation sensée du potentiel de production engendré par le capitalisme. Avec moins de cinq heures hebdomadaires d’activité productive par personne, on pourrait produire une richesse permettant une vie décente à tous les habitants de la planète, et vraiment à tous, et cela sans détruire les bases naturelles de la vie. Si cette possibilité ne s’est pas réalisée, c’est que, sous les conditions du capitalisme, les richesses matérielles ne possèdent de raison d’existence que si elles se soumettent au but de l’accumulation du capital en adoptant la forme de la richesse abstraite.

 

Avec l’avènement de la troisième révolution industrielle, la société a atteint un tel niveau qu’elle est devenue trop productive pour le but auto-référentiel et misérable de la valorisation de la valeur. Ce n’est que l’anticipation grandissante sur de la future valeur produite ainsi que la pré-capitalisation de valeur qui ne sera jamais produite qui ont permis pendant trois décennies de maintenir la dynamique capitaliste. Mais entretemps cette stratégie d’ajournement délirante est elle-même tombée dans une crise profonde. Ceci n’est pas une raison de se « serrer la ceinture », ni de se complaire dans des fantaisies régressives au sujet d’un capitalisme « sain » basé sur du « travail honnête ». Un mouvement émancipateur contre « l’austérité » et la gestion répressive de la crise devrait viser à rompre, consciemment, le lien obligatoire entre la production de richesses sensibles et la production de valeur. Il s’agit de refuser de manière offensive la question de la « viabilité financière ». Savoir si des logements seront construits, des hôpitaux entretenus, de la nourriture produite ou des lignes de chemin de fer maintenues ne peut pas dépendre du fait de savoir s’il y a assez d’argent. Le seul et unique critère doit être la satisfaction des besoins concrets. S’il a été décidé, par « manque d’argent », d’abandonner des ressources, il faut se les réapproprier et les transformer à travers une opposition consciente à la logique fétichiste de la production de marchandises. Une vie décente pour tous ne peut exister qu’au-delà de la forme de richesse abstraite. 

 

Ernst Lohoff et Norbert Trenkle

 

Traduction de l'allemand : Paul Braun

Version allemande du texte

 

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Voir le Fichier : Sur_limmense_decharge_du_capital_fictif_Lohoff_et_Trenkle.pdf  

     

Norbert Trenkle et Ernst Lohoff ont fait récemment paraître en France avec Ernst Lohoff, un ouvrage que nous recommandons tout particulièrement aux lecteurs de Palim Psao : 

LA GRANDE DEVALORISATION.

POURQUOI LA SPECULATION ET LA DETTE DE L'ETAT

NE SONT PAS LES CAUSES DE LA CRISE

(Post-éditions, 2014, 350 pages, traduction par Paul Braun, Vincent Roulet et Gérard Briche). 

 

Voir la page suivante sur le site de l'éditeur. 

 

Ernst Lohoff et Norbert Trenkle sont membres du groupe allemand Krisis, auteur du Manifeste contre le travail en 1999, ils viennent de publier un livre important sur la théorie de la crise, La Grande dévaluation. Pourquoi la spéculation et la dette de l'Etat ne sont pas les causes de la crise (Post-éditions - mai 2014) [« Die Grosse Entwertung. Warung Spekulation und Staatsverschuldung nicht die Ursache der Krise sind » (2012)], qui développe les analyses présentées dans le texte ci-dessus. La mouvance allemande de la critique de la valeur, explique que les racines profondes de la crise globale des sociétés capitalistes sont à renvoyer à la crise interne de la dynamique sociale contradictoire des sociétés capitalistes modernes : le déploiement de la dynamique même de la valorisation amène paradoxalement à son propre effondrement. On parle alors de la " limite interne " du rapport-capital (qui lui même a une limite externe : l'épuisement du support matériel naturel dans la vaste crise écologique engendrée par le rapport-capital). Le rapport-capital à force de se développer rend obsolète ce qui est pourtant le fondement social de sa valorisation : la face abstraite de tout travail sous le capitalisme (travail abstrait). Ainsi à l'origine de la crise globale de la forme de vie sociale capitaliste en ce début du XXIe siècle, il y a la crise du travail abstrait dû à la 3ème révolution industrielle des technologies de la communication et de l'information (TIC et la microélectronique). La financiarisation de l'économie capitaliste à partir des années 1980, les multiples crises financières à partir des années 1990, les crises des dettes souveraines, les crises des monnaies, ne sont que les expressions dérivées du long ajournement de cette crise profonde du travail abstrait durant les quarante dernières années. Ce n'est pas une crise cyclique, une crise passagère et momentanée qui laissera place à une sortie de crise,  un redémarrage, un redécollage de la croissance économique des centres capitalistes du Nord et de la croissance mondiale, parce que la crise est celle du noyau social au fondement même de la forme de vie sociale structurée autour du travail socialement médiatisant.

 

Palim Psao

 

 

D'autres textes sur l'analyse de la limite interne absolue du rapport-capital (une analyse renouvelée en Allemagne par Robert Kurz à partir des années 1990) : 

 

- La véritable barrière à la production capitaliste est le capital lui-même : Le mécanisme et la tendance historique des crises (Robert Kurz)

Le capital financier, la bulle spéculative et la crise de la monnaie (Robert Kurz)

- Dumping salarial, haute technologie et crise (Claus Peter Ortlieb)

- Aveugles face à la crise (Claus Peter Ortlieb)

- L'argent est-il devenu obsolète ? (Anselm Jappe, article paru dans le journal " Le Monde ")

- Qu'est-ce que la valeur ? Qu'en est-il de sa crise ? (Norbert Trenkle)

- Crédit à mort (Anselm Jappe).

- Séisme sur le marché mondial. Des causes sous-jacente de la crise financière (Norbert Trenkle)

- C'est la faute à qui ? (Anselm Jappe)

- Le capital face à sa dynamique historique (Robert Kurz)

- Des dépotoirs pour des créances pourries (Robert Kurz)

- Impérialisme de crise (Robert Kurz)

- Euthanasie économique (Robert Kurz)

- Le capitalisme ne se répète (Robert Kurz)

- Course à la dévaluation (Robert Kurz)

- Dopage de l'économie (Robert Kurz)

- Le dernier stade du capitalisme d'Etat (Robert Kurz)

- Il y a le feu chez les pompiers : à propos de la BCE-décharge (Ernst Lohoff)

- Essai d'une (auto)critique de la gauche politique, économique et alternative (Johannes Vogele)

- Crash Course. Pourquoi l'effondrement de la bulle financière n'est pas la faute de " banquiers cupides " et pourquoi il ne peut y avoir un retour à un capitalisme social d'assistance (par le groupe Krisis, 2008).

- Le spéculateur déchaîné. Taxe Tobin et nationalisme keynésien, une mixture indigeste. Pour l'abolition du salariat (par Ernst Lohoff du groupe Krisis)

- La " crise financière " est une crise du mode de production capitaliste (résumé des thèses de Norbert Trenkle du groupe Krisis)

- Crise financière : mode d'emploi (par Denis Baba)

- Pourquoi la crise s'aggrave : la croissance ne crée pas de la richesse mais de la pauvreté (par Gérard Briche)

- Le " retour de l'Etat " comme administrateur de la crise (par Norbert Trenkle 2009)

- Le dernier stade du capitalisme d'Etat (par Robert Kurz, 2008)

- Le vilain spéculateur (par Robert Kurz, 2003) 


vendredi 28 juin 2024

G.Bad-La révolution technique et scientifique bat son plein. (juin 2024)

 


Depuis que le capitalisme s'est développé, celui-ci n' a fait qu' accroître la productivité des entreprises, accroître leur concentration, démultiplier les fusions acquisitions ,les monopoles , oligopoles et multinationales de par le monde. Cette révolution des forces productives étant booster par la puissance du capital financier et son système de crédit.

La machinerie s'est imposée systématiquement comme plus performante que le travail humain de la période dite du pré-capitalisme, celle que Marx considérera comme étant la domination formelle du capital.

Avec le développement de la Grande industrie , il va en être tout autrement, la classe ouvrière devient un producteur de seconde zone et, malgré son développement encore important dans le monde, elle n' est plus au centre du système productif.


« Dans la machine - et davantage encore dans le système de la machinerie automatique- le moyen de travail est transformé, jusque dans sa valeur d'usage et sa nature physique, en un mode d' existence correspondant au capital fixe et au capital en général. La forme revêtue par l' instrument de travail immédiat, au moment où il a été recueilli dans le procès de production capitaliste, est abolie elle est désormais conforme au capital lui-même, et son produit. La machine n' a plus rien de commun avec l' instrument du travailleur individuel . Elle se distingue tout à fait de l' outil qui transmet l' activité du travailleur à l'objet. En effet, l'activité se manifeste bien plutôt comme le seul fait de la machine, l'ouvrier surveillant l' action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements. » (Marx « Grundrisse » 3, Chapitre du Capital ,ed.10/18, p.326)


La machinerie remplace maintenant l'être humain dans tous les secteurs : primaire, secondaire, et tertiaire, allant jusqu'à utiliser le consommateur comme travailleur à son insu.1 En ce début du XXIéme siècle la question sociale, prend le dessus sous des expressions comme la précarisation,la paupérisation, les déserts médicaux, la crise des retraites, celle du logements, la crise migratoire et bien sur la recrudescence des guerres nationales et impérialistes, mais aussi des guerres civiles, ethnique et religieuse.

La période du salariat avec ses charges sociales tend à disparaître, et laisse la place aux petits boulots entrepreneurial2, aux contrats zéro heure, au temps partiel et ses dérivés au point qu'il fut envisagé par l'ordre bourgeois d'instaurer une « sécurité sociale professionnelle » voir un « revenu universel » c' est à dire de procéder à une abolition du travail salarié et par conséquent du capitalisme et son accumulation de plus value.

Le capitalisme du XXI siècle, est celui ou les forces productives se transforment à tous les niveaux en forces destructrices, ayant même recours aux mafias pour assainir la montée en puissance de leurs dettes publiques et privées.


Ceux qui se réclament de K.Marx, ont toujours cru que le capitalisme au travers de ses crises à répétition, comme celle de 1929 allait s'effondrer et que le prolétariat révolutionnaire lui ferait la peau. Cependant le sujet de l'histoire ne fut pas au rendez vous, le prolétariat restera à quelques exceptions prés une classe pour le capital.3


« Mais cela n'est pas la voie par laquelle le machinisme a surgi dans son ensemble, et encore moins celle par laquelle elle progresse dans le détail. Cette voie est celle de l'analyse qui, par la division du travail, transforme les opérations des ouvriers en opérations déjà de plus en plus mécanisées, si bien qu'à un certain point le mécanisme peut prendre place. Donc ici le mode de travail déterminé apparaît directement transposé de l'ouvrier au capital sous la forme de la machine, et la puissance de travail de l'ouvrier apparaît dévalorisée par cette transposition. D'où la lutte de l'ouvrier contre les machines. Ce qui était activité du travailleur vivant devient activité de la machine. L'ouvrier voit ainsi se dresser face à lui de manière crûment tangible l'appropriation du travail par le capital, le capital absorbant en lui le travail vivant « comme s'il avait l'amour au corps ». (Marx. Grundrisse. Tome 2. P. 192. Ed. Sociales.)


Quand Marx a écrit cela,il était considérablement en avance sur son temps,il faudra attendre le début du XXI siècle pour voir se réaliser pleinement la domination dans les industries du capital fixe. Ce faisant, comme la machinerie ne fait que transférer la plus value elle ne saurait créer de la valeur, elle devient inévitablement un frein à la reproduction élargie du capital.


Quand est il de l' accumulation de plus value et de la reproduction élargie du capital.

Le processus de l' accumulation de la plus value, comme nous l' avons signalé à plusieurs reprises n' est pas linéaire, il est régulièrement traversé par des crises relatives aux difficultés engendrées par cette accumulation. Accumulation soumise au progrès de productivité engendré par les nouvelles découvertes. Toute l'histoire détaillée de cette destruction créatrice est mentionnée dans l' importante étude de Lewis Mumford « Le mythe de la machine » et « Technique et civilisation »4


La théorie de la valeur est le principal pilier de la théorie marxiste, c'est pourquoi tout tourne autour d' elle, alors que Rosa Luxemburg développa sa théorie de l' effondrement, Anton Pannekoek ira dans le sens opposé, considérant que le capitalisme pouvait encore se développer.

« Tant que le capitalisme a la possibilité d'étendre son empire à d' autres régions du globe,il réussit à faire face à leur besoins. Voilà pourquoi, aussi longtemps que la moitié de la population mondiale se trouve en dehors du système, ce dernier peut poursuivre son cours. Les centaines et les centaines de millions d'hommes, pullulant dans les plaines fertiles de l' Asie de l' Est et du Sud, vivent encore dans des conditions précapitalistes. Tant qu'ils pourront offrir un débouché aux rails et aux locomotives, aux machines et aux usines, les entreprises capitalistes, en Amérique plus particulièrement pourront prospérer et s'agrandir. » (A. Pannekoek et les conseils ouvriers ed. Edi, p. 289)

Si la théorie de l' effondrement fut réfutée par Pannekoek, elle ne le fut que pour la période dont Pannekoek parle, celle ou le capital est encore en expansion territoriale. La problématique qui se pose à nous est de savoir ou nous en sommes de cette évolution chaotique du capitalisme, qui trouve toujours un moyen de perdurer dans les pires conditions.

Actuellement, celui-ci mise à fonds sur la numérisation du monde, comme pouvant le stabiliser sous la forme d'un capitalisme rentier basé sur une expansion démesurée du capital fictif. Le salariat lui même avec tout son volet social, notamment le système de retraite apparaissant comme incongrus pour la classe capitaliste assise sur la poudrière du capital fictif.

Cette attaque en règle de ce qui a fait les beaux jours de la sociale démocratie, est remise en cause par la difficulté de l'accumulation de valeur (travail gratuit), Le recours à l'économie numérique se présente comme la solution par l' utilisation du « consommateur » comme nouvel apporteur de valeur ,le plus caractéristique est celui de wikipédia.

« fondée en 2001,l'encyclopédie collaborative compte, à l'heure ou nous écrivons, 26 millions de pages et 24 millions de personnes inscrites qui participent au projet et révisent les articles, dont environ 12 000 personnes qui révisent régulièrement ces articles et 140 000 personnes qui participent moins assidûment.

« Wikipédia compte 283 salariés. Les milliers de personnes qui éditent l' encyclopédie le font gratuitement. Un sondage réalisé auprès d’utilisateurs a montré que 71% d' entre eux le font,car ils apprécient l'idée de travailler bénévolement, tandis que 63% d' entre eux estiment que l'information devrait être gratuitement accessible, Avec 8,5 milliards de pages consultées par mois,wikipédia est le 6éme site internet le plus populaire au monde, juste avant Amazon, l' entreprise d'e-commerce la plus puissante du monde, Selon une estimation, si elle était gérée comme un site commercial, les revenus de Wikipédia pourraient s'élever à 2,8milliards de dollars par an. » (Paul Mason, post capitalisme, édition diateino,p,197)

Vous aurez remarqué ou expérimenté que de nombreux sites sont au début gratuits, puis ils deviennent payants, c'est le cas notamment des sites de généalogie dont j' ai fait personnellement l' expérience.

Evolution de la robotique et de la numérisation.

Pour avoir une vision globale de cette évolution/expansion de la robotique, il faut suivre l' 'atelier du monde c'est à dire la Chine populaire. Selon la Fédération internationale de robotique (IFR ) le parc de robots industriels dans le monde est de 550 000 unités, en hausse de 5%. La Chine à elle seule en aligne 290 000 avec cette particularité d' être en expansion rapide. 5


 

Si la Chine s'impose sur le marché mondial de l’automobile, elle commence aussi son expansion dans le domaine militaire. Elle serait actuellement capable de fabriquer 1000 missiles de croisière par jour. Ce n'est pas neutre car elle peut produire en seulement une semaine le stock de 4000 missiles de croisière de la défense américaine dont l' assemblage se fait encore à la main.

La gouvernance européenne mise elle aussi sur la robotique pour retrouver la croissance.

Nous ne sommes plus au niveau de la robotique des années 60 qui se limitait à automatiser les taches répétitives. Actuellement la Robotique comme la Bureautique se sont accouplées à l' intelligence artificielle, elles étendent aussi leurs tentacules sur le monde agricole en crise permanente.

« La grande industrie et la grande agriculture mécanisée agissent de concert. Si à l' origine, la première tend à ravager et à ruiner la force de travail, donc la force naturelle de l' homme tandis que la seconde s' attaque directement à la force naturelle de la terre, elles finissent par se conjuguer dans leur marche avant : le système industriel à la campagne affaiblit également les travailleurs et, pour leur part, l'industrie et le commerce procurent à l' agriculture les moyens d' épuiser la terre. » (Capital III,6.Pléiade t.2 p.1424)


Voir la vidéo sur le sujet https://youtu.be/cFERsHr2CYI

Bien entendu,l'introduction d'une robotique couplée avec l' IA est une menace importante pour l' emploi dans tous les secteurs de l' économie, et dépasse nos frontières. La « destruction créatrice » devrait générer de nouveaux emplois, nous disent les plus optimistes, au stade ou se développe la dite « nouvelle économie » sur la planète les laisser pour compte vont s'amonceler en classes dangereuses, en surnuméraires.

Cependant il y a une contradiction que soulignait déjà Marx :

« Il est évident au premier coup d’œil que l'industrie mécanique, en s'incorporant la science et les forces naturelles puissantes, augmente d'une manière merveilleuse la productivité du travail, on peut cependant demander si ce qui est gagné d'un côté n’est pas perdu de l'autre, si l'emploi de machines économise plus de travail que n'en coûtent leur construction et leur entretien. Comme tout autre élément du capital constant, la machine ne produit pas de valeur, mais transmet simplement la sienne à l’article qu’elle sert à fabriquer. C'est ainsi que sa propre valeur entre dans celle du produit. Au lieu de le rendre meilleur marché, elle l’enchérit en proportion de ce qu'elle vaut. Et il est facile de voir que ce moyen de travail caractéristique de la grande industrie est très coûteux, comparé aux moyens de travail employés par le métier et la manufacture » (Karl Marx, Le Capital ed. de Moscou- Livre premier, IV° section, Chap.XV, II)

Il va nous falloir approfondir, cette problématique qui expliquerait le retour à l'inflation et la détérioration du niveau d' emploi et de qualification . D'autant que maintenant des robots fabriquent des robots.6 D' ailleurs c' est sans détour que les exploiteurs exultent :


« En France, l’automatisation pourrait permettre de réduire les charges sociales et augmenter la rentabilité des entreprises, rendant donc le pays plus attractif pour la ré industrialisation. Cette nouvelle ère d’industrialisation qui émerge en France se différencie nettement de celle que nous avons connue il y a trente ans, avec un plan d’investissement de plus de 800 millions d’euros au secteur de la robotique à l’horizon de 203O, la France met un point d’honneur sur la robotisation de ses industries.

Au-delà de l’économie, les robots contribuent à l’écologie et au bien-être social.Les usines automatisées sont souvent plus propres et économes en énergie, réduisant ainsi l’empreinte carbone de la production industrielle. En outre, en réduisant la dépendance à une main-d’œuvre à bas coût, l’automatisation peut aider à diminuer les emplois peu gratifiants, pour lesquels il devient de plus en plus difficile de trouver de la main-d’œuvre chaque jour. Les robots pourraient bien être les sauveurs inattendus de notre économie, mais leur intégration doit être gérée avec soin. Il est essentiel de veiller à ce que la transition vers une industrie plus automatisée soit bénéfique pour tous. Par ailleurs, ils pourront aussi renforcer l’attractivité de notre pays, tant que pour l’industrialisation de la France ainsi que dans l’exportation de produits plus compétitifs. En fin de compte, l’équilibre entre l’innovation technologique et le bien-être humain demeure la clé. En façonnant l’avenir de notre économie, la robotisation doit être guidée par une vision responsable et équitable, assurant ainsi le progrès technologique et la prospérité de notre pays. »(sources Robotmag )

https://youtu.be/cFERsHr2CYI

Selon un rapport du sénat :

« Des travaux plus récents conduits par les chercheurs Melanie Arntz, Terry Gregory et Ulrich Zierahn estiment que l'approche par métiers de Frey et Osborne ne prend pas en compte l'hétérogénéité des tâches accomplies par les salariés, certaines étant en réalité peu automatisables. Cette étude revoit considérablement à la baisse le chiffre de presque 50 % des emplois risquant de disparaître avec l'automatisation. L'ouvrage « La fin du travail » de l'économiste Jeremy Rifkin, paru en 1995, prophétisait déjà la fin du travail tel que nous le connaissions alors, appelé selon lui à être de plus en plus automatisé. En 2013, les chercheurs à l'Université d'Oxford Carl Frey et Michael Osborne ont publié une étude très commentée portant sur 700 types d'emplois et 70 métiers et cherchant à évaluer pour chacun d'entre eux la probabilité d'automatisation. Cette étude concluait que 47 % des emplois américains étaient menacés par l'automatisation à une échéance de 20 années . Cette étude distinguait tâches manuelles et tâches cognitives d'une part et tâches routinières et non routinières d'autre part. Appliquant la même méthode, une étude de 1994 du cabinet Roland Berger avait estimé que 42 % des métiers présentaient en France un risque d'automatisation forte du fait de la digitalisation de l'économie, laissant craindre la destruction de 3 millions d'emplois en 20 ans. Les principaux métiers considérés comme automatisables relevaient du secteur des services et représentent un très grand nombre d'emplois : ainsi Frey et Osborne estimaient probable la suppression aux Etats-Unis, du fait de l'automatisation, de plus de 4 millions d'emplois de vendeurs, 3,3 millions d'emplois de caissiers et billettistes, 2,8 millions d'employés de bureau, 2,2 millions d'emplois de serveurs, 2 millions d'emplois de manutentionnaires, 1,5 million de conducteurs de poids lourds, 1 million de cadres comptables et 1,5 million d'assistants comptables.

Des travaux plus récents conduits par les chercheurs Melanie Arntz, Terry Gregory et Ulrich Zierahn estiment que l'approche par métiers de Frey et Osborne ne prend pas en compte l'hétérogénéité des tâches accomplies par les salariés, certaines étant en réalité peu automatisables. Cette étude revoit considérablement à la baisse le chiffre de presque 50 % des emplois risquant de disparaître avec l'automatisation. (robotisation et emplois de service sénat7 p 35)

Nous voyons, que même si les experts ne sont pas d'accord entre eux sur l'étendue des dégâts du progrès sur l' emplois salariés et non salarié, ils se demandent quel va être l' avenir immédiat de millions d'individus devenus des surnuméraires.

G.Bad juin 2024

Notes

1Voir sur le sujet le très bon livre de Marie Anne Dujarier « le travail du consommateur ».

3-MAX HÖLZ : UN DANS LA RÉVOLUTION-ALLEMAGNE 1918-1921- présenté par Serge Cosseron, Spartacus, Paris, 1988. Cette autobiographie est celle d’un personnage haut en couleur et emblématique du drame de la révolution allemande du début des années vingt. Drame, car il s’agit d’une succession de défaites certes dans un processus révolutionnaire plus général, mais immature, excessivement minoritaire et caractérisé par des zigzags tactiques dévastateurs. L’exigence de la généralisation de la révolution aux principaux pays du M.P.C, marque le pas (Italie, Hongrie, Bavière,…) et se traduit tragiquement par un renforcement incohérent des politiques putschistes et opportunistes. C’est le cas typique de l’ « Action de mars » ( 1921) qui vit une tentative de prise révolutionnaire du pouvoir dans le bassin industriel de la Ruhr dans laquelle Max Hölz, s’illustra une fois de plus brillamment comme chef de guerre révolutionnaire, malheureusement dans une situation globalement défavorable où la grande majorité du prolétariat resta passif , soumis aux syndicats et partis de la gauche capitaliste


4-Publié aux États-Unis en 1934, Technique et civilisation est le livre par lequel la France découvre, en 1950, Lewis Mumford. Alors accueillie par un réel succès, cette pièce maîtresse de l'œuvre d'un écrivain engagé et visionnaire, affranchi des raideurs universitaires, saisit encore par sa clairvoyance et sa modernité.
Désignant l'invention de l'horloge et le partage des heures en minutes comme le point de départ de l'ère de la machine, Lewis Mumford déroule les trois phases - éotechnique, paléotechnique et néotechnique - d'une immense fresque historique où la machine apparaît tour à tour comme un outil vertueux, porteur de civilisation, et comme l'agent sans conscience de l'aliénation et de la destruction des hommes. Lucide, sans complaisance envers le complexe militaro?industriel et les financiers, il tire déjà la sonnette d'alarme?: le «?progrès?» de l'industrie a conduit à un chaos fait de gaspillage, de pollution, de mal-être, et l'époque appelle à remettre le système productif sur les rails d'un développement favorable à l'humanité. Aux ed. Fayard et du Seuil


5 Entre 2017 et 2021, la densité de robots y a plus que triplé, passant de 97 à 322 unités pour 10 000 employés. les autres grands marchés arrivent très loin derrière la Chine. En deuxième position, on retrouve le Japon avec plus de 50 000 robots industriels déployés en 2022, puis les Etats-Unis avec près de 40 000. L'Union européenne reste le deuxième marché mondial, avec près de 71 000 unités .

6 Chez CGXI, une start-up de 300 employés sise à Wuxi, au nord de Shanghaï, qui fabrique des « cobots » (contraction de « robot » et de « collaboratif »), à savoir de petits robots industriels capables de travailler en collaboration avec les humains.Ici, les robots fabriquent des robots.

7-voir l' étude sur robotisation et emplois de service, Par Mme Marie MERCIER et M. René-Paul SAVARY, Sénateurs.

(

jeudi 27 juin 2024

GCI-Contre le mythe des droits et des libertés démocratiques (et la libération d' Assange)


 Nous publions ici un texte largement basé sur la traduction d'un article "El mito de los derechos y libertades democraticas" publié dans notre revue centrale en langue espagnole: Comunismo (1)(1). Ce texte s'inscrit pleinement dans notre souci de toujours: la critique impitoyable de ce qui est et en particulier la critique/démolition de la démocratie comme expression la plus pure de la dictature terroriste du capital.

* * *

Le prolétariat dans sa tendance à s'organiser en classe autonome, a besoin de se réunir, de développer la presse ouvrière, de s'associer, de mener des grèves, des occupations d'usines, d'organiser l'action directe, de libérer des camarades emprisonnés, de s'armer,... Ces taches ont été assumées avec différents résultats à toutes les époques de sa lutte historique, indépendamment de la forme de domination de la bourgeoisie: bonapartiste ou parlementaire, républicaine ou fasciste.

La politique de la bourgeoisie à l'égard du prolétariat consiste à présenter ces besoins comme identiques à l'ensemble des institutions et libertés démocratiques (droit de presse, liberté d'association, amnistie). Ce ne sont pas seulement les libéraux bourgeois classiques qui essaient de nous convaincre que la démocratie est meilleure, mais c'est la totalité des partis pseudo-ouvriers (socialistes, staliniens, trotskistes,...) qui basent leur politique contre-révolutionnaire sur l'affirmation que la classe ouvrière se rapprocherait du socialisme par la conquête et la défense de la totalité des droits et libertés.

En réalité, il existe une opposition irrémédiable entre l'ensemble des libertés démocratiques bourgeoises et les besoins du prolétariat de s'organiser sur son terrain de classe. Les positions que le prolétariat conquiert sur ce terrain ne peuvent jamais être confondues avec les prétendues "libertés ouvrières".

De la même manière qu'existent deux classes antagoniques, existent deux conceptions fondamentales de la lutte ouvrière. L'une bourgeoise, où l'on critique le manque d'égalité, de démocratie, où il faudrait lutter pour plus de droits, de libertés,... L'autre prolétarienne, basée sur la compréhension que les racines mêmes de toutes ces libertés, égalités et droits sont essentiellement anti-ouvrières, qui implique pratiquement la destruction de fond en comble de l'état démocratique avec son cortège d'égalités, de libertés et de droits. Ces deux conceptions antagoniques expriment en fait la contradiction entre d'une part la critique passive d'amélioration, de réforme et donc de renforcement du système d'exploitation et d'autre part la critique active, la nôtre, la destruction de ce système d'exploitation.

Quand la "droite" nous dit que la "gauche" est dictatoriale et antidémocratique, que lorsque la gauche est au gouvernement elle ne respecte plus les droits de l'homme et que pour cela notre intérêt serait de brandir le drapeau de la démocratie, de lutter sous son aile protectrice pour la démocratie pure: est-ce un mythe ou a-t-elle un réel intérêt objectif à la démocratisation? Quand la gauche nous dit au nom du "marxisme" que la "bourgeoisie" et "le capitalisme" ne respectent pas les libertés démocratiques, que nous devons, les défendre contre l'attaque fasciste, que nous devons les réclamer là où elles sont inexistantes, que c'est la voie vers le socialisme: n'est-ce qu'un ensemble de mots d'ordre opportunistes, ou lutte-t-elle réellement pour la démocratie?

La bourgeoisie a toujours tenté d'utiliser le prolétariat (alors ouvriers atomisés, pris comme citoyens) comme base sociale, comme chair à canon pour servir ses propres intérêts de classe dominante. En ce sens, nous comprenons déjà en quoi la bourgeoisie essaie toujours de faire combattre les ouvriers pour des intérêts qui ne sont pas les leurs (ceci répond partiellement à la question). Mais les bourgeoisies de "droite" comme de "gauche" aspirent-elles ou non à la démocratie? Le conte des libertés et de l'homme, est-ce seulement une mystification sans aucune base matérielle ou existe-t-il une réalité objective qui produise la mystification démocratique? Doit-on conclure qu'aucune fraction de la bourgeoisie n'a intérêt à voir appliquer ces droits et libertés des citoyens? (Le corollaire à cette position serait donc que le prolétariat pourrait ne pas tomber sous la domination bourgeoise s'il luttait vraiment pour la défense de la démocratie). Ou faut-il conclure au contraire, que la lutte des bourgeois pour le paradis des droits démocratiques correspond réellement à l'aspiration suprême de la bourgeoisie?

Evidemment la critique marxiste révolutionnaire que nous développons ici reprend cette dernière thèse: l'ensemble des droits de l'homme et du citoyen correspond parfaitement à la forme idéale de la reproduction de l'oppression capitaliste. Voyons en quoi consiste et d'où émerge cette forme idéale de la démocratie.

Le paradis des droits de l'homme et du citoyen

Le parti de l'ordre, le parti général du capital, où si l'on veut l'ensemble des partis bourgeois, est absolument incapable d'affronter le prolétariat constitué en classe et par cela en parti. C'est pourquoi le secret central de la domination bourgeoise consiste à empêcher cette constitution du prolétariat en force autonome et il n'y a rien de plus efficace pour la bourgeoisie que l'ensemble des libertés et droits de l'homme et du citoyen pour noyer le prolétariat, pour l'asphyxier dans le peuple. En effet, lorsque le prolétariat n'existe plus en tant que classe, que chaque ouvrier est un bon citoyen, avec ses libertés, droits et devoirs qui dérivent de sa citoyenneté, il accepte l'ensemble des règles du jeu qui l'atomise et qui le dilue dans le peuple où ses intérêts spécifiques de classe ne trouvent aucune place. Comme citoyen égal à tous, il n'existe pas comme classe. C'est précisément la condition du meilleur fonctionnement de la démocratie.

Mais ce règne de la démocratie que nous promettent la "gauche" et la "droite" au nom du socialisme et/ou de la liberté, où n'existent pas de classes mais des citoyens et des hommes libres, comme toute forme idéologique de la bourgeoisie, ne surgit pas du néant et ne se maintient pas comme idée pure en dehors du monde. D'un coté, ce monde, "paradis terrestre" des droits de l'homme et du citoyen, obéit à une réalité matérielle bien précise, le règne de la circulation des marchandises duquel tous les avocats du capital extraient ses catégories et ses conclusions; de l'autre coté l'ensemble des formes mentales, idéologies, qui dérivent de ce même règne sont acceptées par la société et sont donc objectives: la dissolution du prolétariat dans le monde amorphe du citoyen n'a rien d'immatériel, même si elle se base sur le monde mystique de la marchandise on pourrait croire que les millions de pages écrites par des marxologues et autres juristes du capital,... les constitutions des Etats bourgeois, les chartes, les déclarations,... ne servent que passivement la bourgeoisie, que celle-ci en tient ou non compte en fonction des circonstances. Mais c'est oublier que ces mêmes chiffons de papier reflètent et consolident la réalité, qu'ils font partie de l'idéologie dominante et que celle-ci se transforme en force matérielle qui renforce et assure la reproduction de la société. Les lois et autres paperasseries sont des produits idéologiques de la dictature bourgeoise qui deviennent autant de remparts la défendant.

Dans la sphère de la circulation de la marchandise, il n'existe pas de classes; tout le monde est citoyen, chacun apparaît comme acheteur et vendeur de marchandises, égal, libre et propriétaire. Même dans le cas de l'achat et de la vente de la force de travail, on se trouve dans le paradis des droits de l'homme et du citoyen. Chacun vise ses propres intérêts privés dans le règne de l'égalité, la liberté et la propriété privée.

Liberté: parce que l'acheteur et vendeur des marchandises, dont la force de travail, n'obéit à aucune autre loi que celle de sa libre volonté.

Egalité: parce que dans le monde des marchandises, tous sont acheteurs et vendeurs et chacun reçoit une valeur égale aux valeurs contenues dans les marchandises qu'il vend, échangeant équivalent contre équivalent.

Propriété: Parce que chacun se présente dans le monde de l'échange comme propriétaire de sa marchandise et il ne peut disposer que de ce qui lui est propre.

Tous les citoyens contractent en tant qu'hommes libres, égaux et propriétaires, relations d'où émerge naturellement une fraternité qui est le reflet juridique garantissant les libertés, l'égalité, les possibilités identiques d'accès à la propriété des marchandises pour tous les hommes. Tout achat et vente de marchandises est le résultat d'un accord de volonté entre les hommes (l'expression juridique en est le contrat) qui, du fait de la marchandise, sont propriétaires, libres, égaux et fraternels.

De ce monde fétiche de la marchandise où les classes n'ont pas de place mais où se retrouvent les hommes et les citoyens émerge l'ensemble des libertés et droits qui leur permet comme tels de décider dans la société de la régulation et l'amélioration de ce monde. Il est non seulement permis de voter et de choisir comme citoyen, mais il est également possible d'avoir ses représentants dans les organes démocratiques pour lesquels les libertés de réunion, de presse et d'association, d'expression, etc. sont assurées. Les citoyens peuvent s'associer comme électeurs et éligible (dans les partis bourgeois) ou comme acheteurs et vendeurs de marchandises (dans les syndicats). Rien de plus naturel donc que les citoyens puissent se constituer en partis politiques, aspirer à obtenir des postes dans le gouvernement, dans les ministères, les parlements ou les "soviets". Pour cela, pas besoin non plus de montrer un certificat de noblesse, en tant que citoyen, n'importe qui, indépendamment de sa condition sociale (dont le monde du droit fait abstraction) peut être député, ministre ou président. De même, en tant qu'acheteurs et vendeurs de marchandises, ils peuvent s'associer et se syndiquer, refuser de vendre ou d'acheter si l'affaire n'est pas convenable. A ceci correspond un autre ensemble de droits et de libertés comme celui qui régit les sociétés anonymes ou les syndicats pseudo-ouvriers. Les vendeurs et acheteurs de marchandises (force de travail) associés comme tels (jamais comme ouvriers ou comme bourgeois étant donné que dans le monde de la circulation des marchandises personne ne travaille ni ne s'approprie le travail d'un autre), peuvent même suspendre la livraison des valeurs d'usage, c'est le droit de grève. De même, le citoyen qui achète la dite marchandise peut décider d'en acheter une autre équivalente, c'est la liberté de travail (ce serait profaner le sacro-saint règne de la marchandise que de parler des jaunes, briseurs de grève ou des moutons). Ou encore, le citoyen peut refuser de continuer à acheter la dite-marchandise, c'est la liberté d'entreprise (sous ce règne, il n'existe pas de lock-out!). Sans oublier les droits des prisonniers, ni l'amnistie générale qui n'existent qu'avec la condition préalable que tout le monde se comporte en bon citoyen, en bon acheteur et vendeur, comme le profèrent Amnesty International et autres humanistes!

On nous fera remarquer que nulle part existent de tels droits et libertés que partout existent des prisonniers, que partout on limite le droit de grève, qu'en tel pays on limite le droit à la propriété, que dans tel autre on ne permet que le parti unique, etc. Tout cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Cependant, dans tous ces pays il existe toujours une fraction bourgeoise qui critique les carences dans la démocratie de ces différents régimes et pour le faire, elle doit nécessairement avoir un système de référence: l'idéal démocratique. C'est précisément celui-ci que nous voulons expliciter et dénoncer. C'est la seule manière pour pouvoir rompre avec la critique bourgeoise de la démocratie et reconnaître l'ennemi dans tous les défenseurs de la démocratie pure et parfaite. En effet, de même que celle-ci est le produit et le reflet de la base mercantile de la société capitaliste, elle est aussi le cadre de référence de toutes les critiques bourgeoises qui ne visent qu'à corriger les imperfections de la démocratie et où convergent, en périodes de crises révolutionnaires, toutes les forces de la contre-révolution.

Mais est-il possible que l'idéologie bourgeoise arrive à s'imaginer, une telle société? où il n'existerait pas de prisonniers parce que personne ne volerait ou/et parce qu'aucun groupe ouvrier ne s'organiserait, où toute grève dans le cadre strict du droit, de "grève", où toute association ne tendrait qu'à regrouper des acheteurs et vendeurs pour assurer que les marchandises s'échangent à leur juste prix? Evidemment oui. Il y a plus de deux siècles, les démocrates n'avaient pas de problèmes à reconnaître que la république démocratique devait correspondre au "peuple des dieux", comme le disait Rousseau. Aujourd'hui encore, la bourgeoisie, dans son apothéotique décomposition, incapable de comprendre sa perspective historique bornée, s'agrippe à toute bouée aussi mystique soit-elle. Si la bourgeoisie a eu besoin et a été capable d'intégrer, d'assimiler toute religion qu'hier elle combattait au nom de la Raison et de la Science, si elle a eu besoin et a été capable de canoniser, sanctifier le "marxisme-léninisme" qu'hier elle affrontait, comment douter qu'elle n'aspire pas "honnêtement" à son paradis démocratique qu'elle a toujours défendu?

L'homme imagine dieu comme l'image parfaite de lui-même, donc épurée de ses contradictions. Le capital s'imagine un règne éternel et parfait, en se basant sur la conviction qu'il est le pôle positif de la société, épuré de ses aspects antagoniques. Il est incapable de se comprendre lui-même comme réalité contradictoire (richesse/misère, croissance/entrave dans le développement des forces productives, "développement/sous-développement", égalité/oppression). Il ne se comprend que comme identique à son pôle positif (richesse, croissance, égalité, liberté, démocratie,...). Par exemple, il entretient une conception tout à fait a-historique et mystique de la valorisation du capital qu'il voit sans destruction périodique, massive et croissante des forces productives sociales que le capital se nomme ou non socialisme, s'auto-proclame ou non communisme, il construit toujours ses catégories, son analyse, sa vision du monde, en ignorant sa propre réalité contradictoire, en méconnaissent l'unité et l'opposition indissociable entre le travail salarié et le capital. On ne doit donc pas du tout s'étonner que dans ce monde démocratique il n'existe personne qui se fasse exploiter, qui soit emprisonné, qu'il n'existe que capital, richesse, égalité, justice, croissance et liberté.

L'unité contradictoire de la prosaïque réalité

Abandonnons maintenant le monde des idées et des catégories du capital, celui de la circulation et du citoyen et retournons à celui de tous les jours, celui de la production et de la valorisation du capital. Le vendeur de la force de travail, qu'il le veuille ou non, qu'il croit au père Noël ou à la démocratie, dans l'usine, c'est un ouvrier et là, il doit travailler, donner du rendement, cracher de la valeur, suer du capital. Dans l'usine il n'est l'égal de personne, ni libre de rien, ni propriétaire de rien, même pas de ce qu'il manipule. S'il veut, le prolétaire peut s'imaginer que sa citoyenneté n'est que suspendue, que ses égalité, liberté et propriété, il les a laissées à la porte de l'usine et qu'il les récupérera à la sortie. Mais il se trompe lourdement Si dans les huit heures ou plus, il consomme des matières premières et des machines pour produire des valeurs d'usage qui restent propriétés du capital, dans les seize restantes, durant les congés, les vacances, il consomme nourriture, bière, football ou télévision pour encore produire une valeur d'usage: sa force de travail qui ne sera à nouveau utilisée que pour la valorisation du capital. En dehors du paradis mystique et fugace de la circulation et des élections libres, l'ouvrier est, qu'il le veuille ou non, un ouvrier; même quand il fornique que ce soit par plaisir ou pour augmenter sa progéniture (la prole, origine du mot prolétaire), il n'est plus que force de travail et valorisation du capital. Comme tel, il n'est ni libre, ni égal, ni citoyen, ni propriétaire et ce pas même un moment de sa vie il n'est qu'esclave salarié. Même avant de tendre à s'organiser pour défendre ses intérêts d'ouvrier il a déjà toute la légalité, la propriété, la liberté contre lui.

Cependant, pour pénétrer la réelle signification de l'ensemble des droits et libertés bourgeois, il faut non seulement passer de la circulation à la production (comprises dans une unité contradictoire), mais encore capter l'essence même des contradictions de classes de la société. Ainsi, on comprend que la première liberté qu'a le prolétariat est celle contenue dans sa propre définition, être libre de toute propriété. En effet, les ancêtres de l'actuel prolétariat ont été libérés par la violence physique de toute autre propriété que celle, de leur progéniture et de leur propre capacité à travailler pour un autre. Cette liberté de toute propriété est la plus importante qui détermine toutes les autres. Grâce à cette liberté, le prolétaire n'est pas seulement libre de vendre, sa force de travail, mais il a aussi le droit de mourir de faim (lui et sa progéniture), s'il ne trouve pas d'acheteur. L'égalité existante dans le règne de la circulation des marchandises (cf. supra) permet à l'ouvrier de recevoir une valeur égale à celle de sa force de travail et c'est précisément celle qui le prive du produit de son propre travail et assure l'exploitation capitaliste. La fraternité n'est pas non plus un mot d'ordre bourgeois vide de sens. Il a signifié dans la pratique, la fraternisation des bourgeois contre le prolétariat, sous la forme de fraternité nationale et démocratique a servi à lier pieds et mains des prolétaires à leurs exploiteurs respectifs, a mener au massacre de frères de classe dans les champs de guerres impérialistes.

La liberté, l'égalité, la propriété, et la fraternité réelles de la démocratie implique donc une situation permanente de violence anti-prolétarienne. La répression, non seulement ne constitue aucune rupture avec la démocratie, mais elle constitue un de ses éléments indispensables d'imposition de reproduction et d'extension. Il y a déjà longtemps que Marx dénonçait la trinité sacrée, "Liberté, Egalité, Fraternité", comme équivalent de "Infanterie, Cavalerie, Artillerie". Plus encore, la tendance au paradis de la démocratie pure (où personne ne se plaindrait de ces liberté, égalité, propriété, fraternité) implique le passage au niveau supérieur de réalisation de la démocratie, ce qui implique aussi le plein fonctionnement de la machine terroriste de l'état démocratique avec des formes variées. Pour cela, par exemple, entre la forme libérale et fasciste de l'état, il ne s'opère aucune modification organique, mais un processus de purification de l'état dans sa tendance, à réaliser l'inaccessible démocratie (cf. article "fasciste ou antifasciste, la dictature du capital c'est la démocratie" in Le Communiste No.9).

Examinons maintenant d'autres droits et libertés démocratiques: le droit électoral consiste en ceci que tous les 4, 5, 6, 7,... ans, l'ouvrier peut s'habiller en citoyen pour aller choisir librement ses oppresseurs. Cela suppose évidemment d'un côté une libre campagne électorale, c'est-à-dire la liberté pour chaque fraction bourgeoise d'investir à cette fin selon ses capacités, et pour les autres, la liberté de s'imaginer que la société pourrait changer avec l'accession de tel ou tel parti au gouvernement de l'état bourgeois. Les dits droits et libertés octroient même aux ouvriers le "privilège" de choisir entre les partis autoproclamés ouvriers: de choisir celui qui serait le plus capable de diriger l'état du capital et d'organiser le massacre des prolétaires qui auraient tendance à méconnaître les directives des grands partis "ouvriers", qui rejetteraient ce que la sacro-sainte majorité a décidé. La liberté de presse et de propagande consiste aussi à assurer la libre entreprise de telle manière que ce soit seulement le potentiel économique et la capacité financière des différents partis qui assurent le contrôle et la domination de l'opinion publique, qui garantissent la libre application du principe majoritaire. Face à tout cet appareil économico-politique de la classe dominante, les ouvriers ont comme alternative: soit la liberté, le droit et le devoir de se résigner, soit la force et la volonté de s'organiser en classe, ce pour quoi aucun droit, aucune liberté ne sera jamais octroyé!

Les prétendues "libertés ouvrières"

"Nous sommes d'accord en théorie que la démocratie bourgeoise est le système de domination de la bourgeoisie", répondraient les socialistes de gauche, les staliniens, les trotskistes, etc. "mais, ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de revendiquer les droits et les libertés qui servent l'organisation de la classe ouvrière: droit à l'association, de réunion, de syndicalisation, de grève, l'amnistie pour les prisonniers politiques,... là où ces droits n'existent pas, et de les défendre là où le fascisme les attaque,...". "Ce que vous ne comprenez pas", ajouteraient-ils, "c'est qu'on ne pourrait, lutter pour le socialisme sans ces droits"!

Laissons de côté, parce que trop évident, le fait que toutes ces forces du capital dissimulent bien cette "théorie" qu'ils promettent de ressortir le jour du jugement dernier, mais voyons en quoi consiste la pratique des droits et libertés inscrits dans le programme que les dits partis appellent "minimum" ou "transitoire". (De tous ces droits, nous n'examinons ici que ceux supposés être des libertés ouvrières. Par exemple, au sujet du droit d'association, nous n'analyserons pas le rôle des S.A. ou SPRL... dans la centralisation et concentration du capital.)

"Le droit de réunion, d'association, de syndicalisation, la liberté de presse", nous dit la bourgeoisie (de droite comme de gauche), "sont des droits concédés aux ouvriers, sont des conquêtes de la classe ouvrière". Voyons la réalité. Après avoir craché tous les jours de la valeur au service du capital, en y laissant leur force, leurs bras, leur cerveau, leur sueur, leur sang,... leur vie, les ouvriers ont non seulement le droit d'aller au football ou de se saouler au café pour se distraire, pour être en forme et redonne un bon rendement le lendemain, mais encore, la bourgeoisie leur octroie le droit discuter, de se syndicaliser et d'envoyer leurs "représentants" pour négocier le prix auquel ils vendront leur peau. Il est tout à fait logique qu'un vendeur essaie de vendre sa marchandise le plus cher possible et le capital accepte avec plaisir que les syndicats transforment les exigences "excessives" des ouvriers en "justes revendications salariales". La "juste revendication" est celle qui permet une augmentation du taux d'exploitation suffisante pour contrer la tendance à la baisse du taux de profit! Et elle est même considérée "légitime" par l'ensemble de la bourgeoisie quand elle ne porte pas atteinte à la compétitivité de la sacro-sainte économie nationale. Il n'y a pas de doute quant à la spécialité des syndicats de formuler de "justes" et "légitimes" revendications qui ne portent pas atteinte au profit du capital. Que peut-il être compris d'autre d'ans ces droits octroyés par la bourgeoisie? RIEN, absolument rien de plus!

Face à une association ouvrière réelle qui se situe sur la défense des intérêts ouvriers, luttant pour une réduction réelle du temps de travail, pour une augmentation effective du salaire relatif, le capital n'a aucun intérêt à reconnaître le droit d'association, de réunion, de presse et de syndicalisation parce que ceux-ci portent nécessairement atteinte au taux de profit et à l'économie nationale. Dans ce cas la démocratie n'a pas d'autre option que de sortir ses griffes répressives: flics, corps de choc syndicaux,... Les partis n'hésitent pas à recourir à la terreur blanche contre l'organisation classiste des ouvriers, et ce au nom de la démocratie, de la liberté, du droit au travail, du respect des décisions syndicales,... A n'en pas douter, il se passera la même chose chaque fois que sera assumée l'association, ouvrière comme école du communisme, que les problèmes du socialisme cesseront, d'être un problème de mots et que le combat sera mené, non plus uniquement pour l'amélioration des salaires, mais pour l'abolition du salariat.

Il doit être bien clair que les associations ouvrières, leurs presses, leurs réunions, leurs actions,... qui ont comme unique fondement les intérêts immédiats et historiques du prolétariat se situent ouvertement contre le capital, son profit et son économie nationale. Et au nom du respect des syndicats légaux, de la lutte contre la subversion, de l'unité contre les provocateurs, de la défense de la sûreté nationale, ce seront les prétendues libertés ouvrières, de réunion, d'association,... qui seront brandies comme force répressive contre les organisations de classe. Et cette pratique n'est pas en rupture avec la démocratie, la répression est démocratique parce qu'elle se fait quand les ouvriers abandonnent leur costume de citoyen et agissent en tant que classe, quand ils n'acceptent plus d'être l'armée bien disciplinée de la valorisation du capital pour laquelle la bourgeoisie leur avait octroyé ces droits et ces libertés. Cela prouve que, contrairement ce que dit la bourgeoisie, aucun droit n'est accordé à la classe ouvrière agissant comme classe et que tous ces droits ne sont octroyés qu'aux citoyens vendeurs de marchandises. La terreur répressive pour tous ceux qui n'acceptent pas de se comporter en bons citoyens répond de manière absolument cohérente à l'aspiration bourgeoise au paradis démocratique. Il n'y a de paradis démocratique que pour ceux qui respectent la démocratie!! Dès qu'une force -le prolétariat organisé en classe- tente de remettre la dictature capitaliste en question, la démocratie montre son visage terroriste; tant que sa dictature se maintient fermement, la démocratie peut présenter aux peuples abrutis son visage libéral. Ce doux visage des droits et libertés n'est donc réservé qu'au citoyen, celui qui se plie pacifiquement à la violence quotidienne des rapports de production capitalistes: le salariat.

Avec le droit de grève, présenté par la gauche bourgeoise comme ayant une valeur en soi antagonique à la superstructure juridique capitaliste, il en est de même. Il n'existe pas un droit octroyé à la classe, aux ouvriers en lutte, mais aux vendeurs de marchandises. Tant que les ouvriers acceptent de se maintenir comme simple force de valorisation du capital, ils ont tous les droits d'adopter l'attitude de tout vendeur de marchandises: réclamer la juste valeur de sa marchandise, refuser de vendre, suspendre la livraison des valeurs d'usage, etc. Et évidemment, en contre partie de ces droits, correspondent ceux de l'acheteur: la liberté du travail qui signifie chômage, lock-out, les jaunes briseurs de grèves,... Avec cette liberté, comme avec les autres, ceux qui en ressortent encore plus exploités, plus asservis, le cuir tanné par des années d'esclavage salarié, ce sont les ouvriers.

Et quand se réalise une véritable grève qui se passe de tout droit, où les intérêts bourgeois sont vraiment attaqués, il n'y a pas de droits qui jouent: tout de suite, les grévistes sont accusés d'agents provocateurs, de voyous, d'agents de l'extérieur, la réelle grève de classe est déclarée illégale, antisyndicale,... ce qu'elle est en réalité! Consciemment ou non, toute lutte de classe se situe contre la légalité du règne de la marchandise et pour sa destruction. Et pour cela, elle ne peut accepter ni moutons, ni jaunes, ni liberté de travail, ni droit de grève, ni conventions syndicales. Sur le terrain de l'affrontement au capital qui passe toujours par l'action directe contre les syndicalistes au service du patronat, les ouvriers n'ont aucun droit qui garantisse quoi que ce soit. Il faut être naïf ou aveugle pour croire que la légalisation de la grève opérée non par nous, mais par nos ennemis de classe, offre une seule garantie pour la gagner ou pour nous protéger contre la répression étatique. Au contraire, la légalisation de la de grève est une tentative de la bourgeoisie d'amenuiser la force de classe de la grève.

Un autre exemple est celui de "l'amnistie pour les prisonniers politiques" que réclame Amnesty, de concert avec les pacifistes de tous bords, les trotskistes, les sociaux-démocrates et les gouvernements. "Amnistie pour les prisonniers politiques" répètent en choeur les staliniens, les démocrates, les curés, les humanistes, ces partis de l'un ou l'autre camp impérialiste, à condition qu'ils aient été faits prisonniers par l'Etat du camp adverse. Chaque Etat s'arrange bien pour garder ses propres prisonniers tout en dénonçant, au nom des droits de l'homme, ceux de ses voisins. De plus, à l'heure où les conventions internationales telles que l'espace judiciaire européen relèguent systématiquement au rang de délits de "droit commun" tous les actes de violence prolétarienne, ces humanistes de gauche se targuent de ne s'occuper que des prisonniers "politiques". Et le summum de leurs campagnes, c'est que tous, les comités d'exilés chiliens, argentins, uruguayens ou salvadoriens; les groupes de soutien à la RAF, à l'IRA,... se fixent comme but de recueillir la signature de l'humaniste social-démocratie dont l'allemande qui ne retient que fort peu de prisonniers politiques,... puisqu'elle les a déjà éliminés un à un et comme dans les guerres impérialistes, chaque Etat est prêt à négocier un peu de chair humaine contre des investissements ou des camions,... ils échangent des espions russes contre des sionistes, etc. Et dans tous ces répugnants trafics de viande humaine, la bourgeoisie mêle habilement tous les prisonniers, y noyant, camouflant les prisonniers ouvriers nos camarades qui sont tombés en combattant l'Etat bourgeois, quelles que soient ses couleurs. Et ils nous parlent d'"amnistie". Si une junte tombe, si un président change, il y a alors "une grande amnistie générale", si tel ou tel autre parti gagne, il octroiera une large "amnistie populaire". Et ils prétendent que le meilleur moyen de se solidariser avec nos prisonniers serait de collecter des signatures de démocrates, de collaborer avec les campagnes par chèques et télégrammes que réalisent Amnesty, les partis, les gouvernements respectueux des droits de l'homme, etc.

Nous savons que toute cette confusion se trouve diamétralement opposée à la solidarité qu'attendent et qu'exigent de nous les camarades emprisonnés, que l'unique solidarité qui existe est la solidarité de classe, que celle-ci ne passe pas par des discours humanitaires et ne se joue pas sur l'échiquier des droits de l'homme du côté des Etats-Unis, de l'URSS ou de Cuba, qu'elle ne s'obtient pas avec des lettres de protestation envoyées aux tortionnaires pour qu'ils torturent un peu moins, mais par contre, qu'elle passe par la contre la bourgeoisie de chaque pays. Seule l'action directe de la classe ouvrière avec tous les moyens qui lui sont propres: grèves, occupations, sabotage de la production et de l'ensemble de l'économie de chaque nation nous rendra capables d'imposer un rapport de forces, qui n'a rien à voir avec la revendication d'un droit ou d'une grâce, pour non seulement arracher les actuels prisonniers ouvriers des griffes de l'Etat, mais aussi, pour établir les bases organisatives de son propre pouvoir de classe, de sa propre dictature qui balaiera de l'histoire tous les Etats et tous les prisonniers.

Comme les autres droits et libertés, l'amnistie parlementaire ou gouvernementale n'a rien à voir avec la lutte ouvrière pour arracher des camarades des cachots, parce que, tant que se maintient le système d'exploitation, d'oppression et de misère capitalistes, il y aura toujours des prisonniers et particulièrement des prisonniers ouvriers. Il ne faut pas seulement affirmer que contre la prison et la torture aucune garantie de droit et de liberté existe, mais il faut encore savoir que l'utilisation de la prison et de la torture se fera toujours au nom de la défense des droits et libertés. De la même façon que le capitalisme, tout ouvrier est potentiellement un chômeur, tout prolétaire qui n'accepte pas l'ensemble des règles du jeu du citoyen -droit, devoir et liberté- est potentiellement un prisonnier. La répression physique ouverte, la torture, ou l'assassinat ne sont que l'application de la démocratie.

De plus, la signification même de l'amnistie implique le pardon cher à tous les curés du monde. Cela veut dire que les personnes graciées sont excusées, sont pardonnées des actions qu'elles avaient menées et qu'en corollaire à ce pardon, les accusés d'hier renient les actes pour lesquels ils avaient été condamnés, ou au moins, qu'ils expriment que ces actes valables hier, ne le sont plus aujourd'hui... Ainsi l'amnistie permet après coup, au nom du "pardon chrétien", la récupération d'actions qui si à l'origine attaquaient l'Etat bourgeois, deviennent avec le temps ou avec le changement d'une faction bourgeoise au gouvernement, des actions "certes exagérées mais compréhensibles dans le cadre de la lutte contre la dictature..." (cf. tous les beaux discours des avocats démocrates).

Un bon exemple de ce processus est l'amnistie accordée dernièrement par "la jeune démocratie espagnole". Celle-ci gracia quelques "militants antifascistes pour surtout cacher le fait que de nombreux ouvriers emprisonnés luttaient à la fois contre Franco et contre ses cousins antifascistes: contre la globalité de l'Etat bourgeois. Certains de ces "anarchistes", de ces "incontrôlés" sont toujours dans les geôles "redevenues" démocratiques (cf. "Appels de la prison de Ségovie" par la coordination des groupes autonomes d'Espagne, éditions Champ Libre).

Pour nous, par contre, la libération de nos frères de classe emprisonnés se fait par la revendication de leurs actions héroïques. Nous n'attendons ni grâce ni pitié d'une classe qui démontre quotidiennement qu'elle ne s'embarrasse pas de monceaux de cadavres d'ouvriers pour faire avancer sa civilisation. Nous savons que seul notre force organisée et armée peut faire sortir nos camarades des geôles fascistes comme de celles antifascistes. Et cela justement parce que notre force s'inscrit, en parfaite continuité avec, les actions pour lesquelles nos camarades sont tombés. C'est pourquoi, non seulement nous ne revendiquons pas l'amnistie pour nos camarades, mais au contraire, nous revendiquons ce pour quoi ils ont été réprimés! K. Marx défendait déjà cette position lorsqu'il répondait à ses juges: "Nous ne demandons ni excuses, ni pitié; n'en attendez pas non plus de nous demain!"

Vis-à-vis du capital tous les prolétaires sont subversifs. Le fait même de "ne pas se soumettre" à son emprise ou de lutter pour sa destruction. C'est pourquoi, avec toutes les victimes du capital "politique" ou de "droit commun",... nous crions: "Nous sommes tous subversifs"!! Nous sommes tous coupables de vouloir détruire ce monde inhumain.

Pour tout cela, la position des communistes face aux libertés d'association, de presse, de grève, de réunion, l'amnistie,... face à toute la légalité, est d'affirmer sans aucune ambiguïté que l'organisation du prolétariat n'est basée sur aucune loi, sur aucune liberté,... concédé par son ennemi; mais se base, par contre, nécessairement sur le terrain illégal, celui de l'organisation révolutionnaire pour la destruction de l'esclavage salarié. Comme le disait Marx: "Nous ne l'avons jamais dissimulé: le terrain sur lequel on agit n'est pas le terrain légal, mais le terrain révolutionnaire."

Cela ne signifie pas qu'on abandonne une grève parce qu'elle est déclarée légale, qu'on ne diffuse pas ou qu'on ne publie pas la presse révolutionnaire parce qu'elle circule légalement, à telle époque, dans tel pays, ou qu'on refuse de sortir de prison parce qu'un juge ou Amnesty nous donne la liberté. Cela reviendrait à se placer antithétiquement sur le même terrain que le légalisme!

Il ne faut pas non plus identifier illégalité avec clandestinité. Toute véritable grève ouvrière est illégale mais n'est pas clandestine même s'il y a des préparatifs clandestins. L'organisation des ouvriers dans des associations classistes: conseils révolutionnaires, soviets,... se situe entièrement sur le terrain de l'illégalité (indépendamment du fait que les gouvernements tentent de la légaliser), mais elle développe un ensemble d'activité publique et non clandestines. Le meilleur exemple en est la destruction de l'armée bourgeoise par le prolétariat. Quand les soldats s'unifient avec le reste de la classe ouvrière, grâce à un long travail communiste d'action et de propagande clandestines, commencent à utiliser leurs armes contre les officiers, à détruire l'armée bourgeoise, ils ne le font pas nécessairement d'une façon clandestine, mais ouvertement. Cependant, c'est l'acte le plus illégal que l'on puisse s'imaginer.

Se placer sur le terrain de l'illégalité implique donc assumer la totalité des tâches indépendamment des droits et libertés démocratiques, ce qui signifie bien comprendre que toutes ces libertés et droits sont des décisions de l'ennemi et que comme telles elles ne peuvent être autre chose qu'une tactique de la bourgeoisie pour nous combattre.

Corrélation des forces entre les classes et formalisation juridique d'une situation de fait inévitable

Ecoutons encore une fois les avocats du capital: "Nous sommes des marxistes et nous savons très bien que tous ces droits sont des droits démocratiques bourgeois, mais la bourgeoisie est incapable des les accorder ou de les maintenir, on doit donc les imposer et les arracher" et d'appeler à "lutter aujourd'hui pour le droit de grève, l'assemblée constituante, l'amnistie des prisonniers politiques, la liberté de réunion, les élections libres la liberté de presse, etc." A cela quelques-uns ajouteront "qu'il faut maintenir l'autonomie de la classe ouvrière (!?) pour réaliser la révolution permanente" et les autres "qu'il s'agit seulement d'une étape".

Où a-t-on vu une classe qui puisse maintenir son autonomie, ce qui veut dire, si on ne joue pas avec les mots, lutter pour ses propres intérêts de classe, tout en luttant précisément pour la purification de l'Etat démocratique, pour les intérêts de son ennemi de classe? Cette question n'a pas de réponse de la part des "marxistes" trotskistes et autres staliniens. Selon leur vision démocratique de l'histoire le prolétariat ne serait plus la première classe de l'histoire à être en même temps opprimée et à avoir la capacité d'être révolutionnaire, mais serait par contre en même temps que classe dominée la classe la moins autonome et la plus servile de toute l'histoire. Alors que dans leurs révoltes passées, les esclaves attaquaient l'esclavage et les esclavagistes, les serfs attaquaient toutes les institutions médiévales, l'Eglise et les seigneurs, d'après ces "marxistes", le prolétariat devrait quant à lui d'abord lutter pour des objectifs bourgeois, avec des méthodes bourgeoises pour, par la suite (?!) préparer sa propre révolution!!!

Mais quelle est la relation qui existe entre une avance ouvrière, des forces défavorables pour la bourgeoisie et la concession de tel droit ou de telle liberté? Prenons un exemple: la situation en Argentine en 1973. Durant des années, d'énormes et glorieuses luttes ouvrières ont arraché les prisonniers des prisons. Au même moment, les péronistes "bureaucratiques" et "anti-bureaucratiques", les trotsko-morénistes du PST appelaient les ouvriers à attendre les décrets d'amnistie dont personne ne connaissait encore la validité générale ou non, s'ils incluraient ou non la libération de ceux qui commirent de "graves délits". La lutte ouvrière a vidé Villa Devoto (grand centre pénitencier) et a permis la réintégration de beaucoup de camarades dans l'inébranlable lutte du prolétariat. Comment interpréter les faits? Pour les partis bourgeois classiques, la sortie des prisonniers est toujours une conséquence de ce qu'ils décrètent légalement; pour les partis bourgeois autoproclamés ouvriers, c'est l'opposé: les décrets d'amnistie sont la grande victoire ouvrière. Ces deux types de partis de l'ordre sont d'accord pour caractériser comme fondamentale la formalisation juridique. Il existe bien une différence entre ces deux tendances, mais il s'agit de tendances d'une même classe: la bourgeoisie. Les désaccords perdent seulement sur le choix des voies à prendre pour mieux liquider et récupérer le mouvement ouvrier, pour intégrer démocratiquement et justifier juridiquement la situation.

Mais pour tous les communistes révolutionnaires, au contraire, la victoire obtenue par la classe ne consiste pas à obtenir des décrets, mais d'exprimer dans la fortification organisative de la classe, dans l'affirmation pratique de son autonomie et dans le fait que les prisonniers rejoignent leurs frères de classe dans la rue.

Et l'amnistie? Dénonçons-la pour ce qu'elle est: une manoeuvre juridique de la bourgeoisie qui tente d'intégrer dans la légalité, dans l'état démocratique, ce qui se passe dans la rue et qu'elle ne peut éviter. Son objectif est évident: transformer un rapport de force conjoncturellement favorable à son ennemi historique en son contraire en reprenant les rênes de la situation. La formalisation juridique permet de déguiser la sortie des prisonniers en amnistie (la gauche et la droite apportent les costumes pour l'occasion), de cacher derrière la liberté des citoyens tout ce qui peut sembler sympathique à l'ensemble des ouvriers.

Entre le droit de presse et l'existence de la presse ouvrière autonome, il existait la même opposition. Indépendamment des cas plus généraux déjà analysés ou la liberté de presse ne garantit la liberté d'entreprise et où l'aspect financier et prédominant, dans certaines circonstances la liberté de presse peut englober la presse ouvrière tant que celle-ci n'a pas d'impact et par ce qu'en la laissant circuler légalement, la bourgeoisie vise à la contrôler. Mais dans une société où tout ce qui se vend est marchandise, où tout tend à se diluer dans le monde de l'échange, de l'argent, de la consommation, il ne faut pas se faire d'illusion, sur ce terrain, la presse ouvrière ne pourra jamais se développer.

La même chose se produit avec le droit de grève. Laissons le cas déjà analysé de la grève qui n'attaque pas le taux de profit de la bourgeoisie. La grève est seulement reconnue légalement lorsque la bourgeoisie prise dans un rapport de force qui lui est défavorable n'a d'autre solution pour tenter de briser la grève que de la légaliser. Les deux cas apparaissent indissociablement unis dans la pratique, mais dans aucun cas, la légalisation n'apporte quoi que ce soit de nouveau au prolétariat en lutte. Sa force est seulement sa force organisée et consciente, c'est tout ce dont dispose le prolétariat avant et après la légalisation.

Encore une question à laquelle les "marxistes" ne pourront répondre: si ce n'est pas pour ces deux raisons: un rapport de force qui lui est défavorable, une tentative de briser la lutte en isolant des grèves sauvages, pourquoi la bourgeoisie octroierait-elle un droit, non au citoyen anonyme, mais à son ennemi historique, le prolétariat? Et les questions sans réponse pourraient se suivre à l'infini...

S'il était vrai que le fonctionnement de l'ensemble des droits et des libertés favoriserait la révolution, pourquoi dans les pays à longue tradition démocratique, comme par exemple aux Etats-Unis, ne s'est-il pas produit une insurrection ouvrière digne de ce nom? Comment a-t-il été possible que la crise révolutionnaire se développe dans un pays comme la Russie qui ne connaissait que le tsarisme "antidémocratique" pendant des siècles et la "démocratie" que pendant quelques mois? Et comment se fait-il en plus que l'insurrection d'octobre s'est justement déclenchée contre le régime le plus "démocratique" de toute l'histoire de la Russie, celui du social-démocrate Kerensky? Sur quels droits et quelles libertés les ouvriers du pétrole et les autres se basaient-ils pour défendre leur grève et leur lutte en '78, '79 en Iran? Nous pourrions de la même manière demander à tous les apologistes sans fard des grèves en Pologne ce que la reconnaissance du syndicat "Solidarité" a apporté à l'extension/généralisation du mouvement, et plus particulièrement si cette reconnaissance/légalisation n'est pas justement intervenue à un moment de recul de la lutte (accords de Gdansk, septembre/octobre 80) pour tenter de récupérer le mouvement, de l'étouffer définitivement, en le détournant de ses objectifs anti-capitalistes et donc internationaliste et autonome, pour l'orienter vers la réforme/démocratisation du système d'exploitation, sous la bénédiction conjuguée du pape et de Brejnev. (Pour l'analyse des grèves en Pologne, nous renvoyons nos lecteurs aux articles parus dans Le Communiste No. 7 et 8).

Et tant qu'on y est, pourquoi ne pas réclamer le droit à l'insurrection?

En réalité, il ne s'agit pas que de questions sans réponse, mais d'intérêts matériels de classe antagoniques à ceux de la classe ouvrière. Et il est absolument normal que la bourgeoisie démocratique de droite ou de gauche essaie d'imposer ses droits de l'homme et du citoyen et confonde sciemment l'amnistie et la libération des prisonniers, le droit de grève et la grève, l'axe centrale de toute la mystification consiste à considérer la formalisation juridique (liberté ou droit) comme la victoire ouvrière alors qu'elle n'est en réalité qu'une arme de la bourgeoisie.

Deux façons d'interpréter l'histoire

Pour se reproduire, la contre-révolution a interprété l'histoire à son gré. Pour cette raison, chaque fois que nous clamons quatre ou cinq vérités, elle essaie de nous faire taire en nous disant qu'on méconnaît l'histoire, que la classe ouvrière a mené une longue lutte pour obtenir le suffrage universel, le droit syndical,... Tous les partis pseudo-ouvriers réduisent l'histoire des luttes ouvrières à la conquête des droits démocratiques, ce qui leur permet à chaque coup de justifier leur pratique passée, présente et à venir.

Ces lèches-culs du pouvoir utilisent comme méthode "d'interprétation", en fait de révision et de falsification, non les antagonismes de classes et les intérêts spécifiques de la classe ouvrière en lutte, mais ce que les masses encore soumises à l'idéologie bourgeoise inscrivent sur leur drapeau à chaque moment. Entre l'interprétation des partis pseudo-ouvriers et la position communiste, il y a un abîme de classe. Toutes les racailles démocrates visent à prouver que les combats prolétariens ont chaque fois plus rapproché les ouvriers du règne de la démocratie pure et par là, ils falsifient l'histoire de notre classe et tuent une seconde fois les milliers de cadavres d'ouvriers massacrés démocratiquement! Ainsi, ils essaient de justifier leur fonction de "représentants" dans les appareils du pouvoir bourgeois (parlement, gouvernement, armée,...). Mais toutes leurs "interprétations" s'effondrent si l'on replace les problèmes sur leurs véritables bases: les intérêts immédiats et historiques du prolétariat irrémédiablement opposés à ceux bornés de la bourgeoisie. Les combats ouvriers sont en effet incompréhensibles si on ne les replace pas chaque fois en continuité avec leur passé et avec leur but historique: l'abolition de la société de classes, quelle que soit la conscience momentanée des prolétaires qui vivent ces luttes. "Peu importe ce que tel ou tel prolétaire ou même ce que le prolétariat tout entier s'imagine être son but, momentanément, ce qui importe, c'est ce qu'il est réellement et historiquement contraint de faire conformément à son être." (Marx) Ce qui nous intéresse dans l'histoire des combats ouvriers, ce n'est pas tel ou tel drapeau encore confus qui flotte sur la lutte, mais les gigantesques efforts que fait chaque lutte pour s'organiser et affronter la totalité de la bourgeoisie.

Il est donc tout à fait logique que pendant que les pseudo-marxistes considèrent le suffrage universel comme une conquête ouvrière, vous considérions que toute réforme de l'état est une tentative de perfectionner les méthodes de domination capitaliste conte la classe ouvrière. La véritable conquête ouvrière est l'expérience de sa lutte, son exemple pour le prolétariat mondial, son autonomie et son organisation croissantes à travers l'histoire. Les seuls acquis des luttes sont donc les leçons politiques que des minorités d'ouvriers peuvent tirer des ces événements, les théoriser pour peu à peu comprendre qui sont les ennemis du prolétariat, indépendamment de la couleur dont ils revêtent leurs intentions. Et c'est uniquement grâce à cette "mémoire ouvrière" mise en actions dans les luttes par la minorité communiste que le mouvement parvient à ne pas à chaque fois refaire les mêmes erreurs et à aller de l'avant. Par contre, l'interprétation de l'histoire basée sur les conquêtes démocratiques successives des "ouvriers" conduit inévitablement les apôtres de cette vision au Parlement et au ministère. Tout cela ne doit pas nous étonner! Il ne faut pas oublier que la classe capitaliste est la première classe dominante de l'Histoire où les privilèges de sang ne joue pas un rôle déterminant même s'ils ne sont pas négligeables. C'est pourquoi, tout individu citoyen, même "ouvrier" est peut-être amené, en fonction de ses capacités, du point de vue bourgeois, à accéder à cette classe: c'est la promotion sociale! Le mécanisme démocratique permet ainsi de recruter les meilleurs éléments pour la gestion du capital et donc d'incorporer à la classe dominante des individus d'origine ouvrière qui, du fait de cette origine, on une plus grande capacité à contrôler les mouvements ouvriers. Nous pouvons citer comme exemple de ce processus, l'ouvrier Noske devenu ministre et massacreur en chef de l'insurrection de Berlin en 1919, responsable de l'assassinat de Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches,... et de milliers d'autres ouvriers révolutionnaires. C'est la voie qui a non seulement permis à tel ou tel ouvrier d'arriver à un poste d'oppression de ses ex- frères de classe, mais qui a carrément abouti à ce que des partis ouvriers entiers ait été cooptés par le capital pour consolider sa gestion (cf. les partis de la IIème Internationale). Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ces partis interprète l'histoire du mouvement ouvrier comme un ensemble de réformes triomphales vers le parlementarisme et la démocratie.

En synthèse, nous dirons que les deux façons d'interpréter l'histoire correspondent aux intérêts de deux classes antagoniques qui de la société: soit à la lutte du prolétariat pour la révolution communiste, soit à la défense bourgeoise de la démocratique dictature du capital.

A quoi aspirent les pseudo-marxistes?

Laissons maintenant de coté les postes parlementaires, les ministères, la participation à la propriété et à la gestion du capital à partir des gouvernements, des syndicats, des directions de société,... intéressons-nous à la question suivante: à quelle "classe ouvrière" aspire la gauche du capital, quel serait le résultat de ces mots d'ordre, quelle situation sociale vise-t-elle à imposer?

Accepter leur consigne implique mener les grèves ouvrières pour la défense du droit syndical, liberté de réunion, la défense du droit de grève et d'autres libertés, s'associer au nom du droit d'association (avec eux et sous leur direction), parler au nom du droit à la parole, ou du droit d'expression de la "libre pensée", voter pour les députés "ouvriers" au nom du "parlementarisme ouvrier" ou pour défendre le droit de vote, le suffrage universel; et pourquoi n'irions-nous pas en prison au nom du droit des prisonniers et de l'amnistie, ne risquerions-nous pas notre peau au nom du droit sacré de l'homme et du citoyen? Exagérerions-nous? Pas du tout: combien d'ouvriers qui les ont cru ne sont-ils pas mort ou allés en prison pour avoir écrit sur un mur le mot d'ordre de leur propre soumission: "Vive la démocratie, à bas la dictature!"? L'objectif est évident: arracher la classe ouvrière de son terrain de classe, faire pourrir et dévier vers la défense de la démocratie tout ce que la classe ouvrière tente de réaliser: grèves, réunions, presses, discussions,... sa dictature de classes pour l'abolition du travail salarié.

Si elle atteint cet objectif, la bourgeoisie assurerait dans le détail le contrôle de son système de domination et c'est ce qui s'est effectivement passé historiquement. Chaque fraction de la bourgeoisie trop "usée" par l'exercice du pouvoir aime bien souffler quelques temps grâce à une formule de rechange qui lui permet de se recrédibiliser: la cure d'opposition. La droite, loin d'avoir le monopole de la répression, pourrait ainsi tuer, réprimer les grèves ouvrières, emprisonner des prolétaires,... tandis que la gauche aurait réussi à canaliser tout le mécontentement vers la défense des droits de l'homme et des libertés démocratiques. Nous pouvons même imaginer un moment où il ne viendrait même plus à l'idée des ouvriers de faire grève pour leurs "intérêts matériels mesquins", où il n'y aurait plus aucun groupe d'"enragés" qui aurait la "maléfique" idée de lutter contre la démocratie et encore moins de préparer l'insurrection. La gauche aurait alors sa "très estimable" contribution à la construction du paradis terrestre de la démocratie pure dont rêve tous les bourgeois, en réussissant à "convaincre" les ouvriers que le but de leur lutte est l'obtention des droits démocratiques. Mais comme naturellement, pour "convaincre" ces prolétaires, les mots ne suffisent pas toujours, la gauche aura d'autres moyens. Pour défendre la démocratie "tous les moyens sont bons"...! Et de voir ainsi nos humanistes de gauche pratiquer l'assassinat bien entendu uniquement contre les "provocateurs", les agents de l'extérieur... ou de la CIA. La gauche a dans le domaine de la répression anti-ouvrière une aussi grande expérience que la droite! Aucune fraction de la bourgeoisie n'a le privilège de la répression, toutes assument en période de crise, le cannibalisme de la contre-révolution.

Cependant, ce paradis terrestre bourgeois ne peut pas durer éternellement même avec le concours de la gauche. On accusait Lénine d'être un espion allemand, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés par des socialistes au nom de la défense de la démocratie, la démocratie, la torture sous le régime d'Allende était aussi férocement organisés par des socialistes au nom du gouvernement des travailleurs et la sacro-sainte liberté que sous le règne de Pinochet. Mais ce que tous ces bourgeois ne peuvent, ni ne pourront jamais éviter, c'est que des "têtes brûlées", des "ingrats de la nation", des "anarchistes" continuent à resurgir chaque fois avec plus de force, en détruisant toutes les illusions démocratiques. Et nous, prolétaires, nous n'accepterons plus de faire "grève" pour tel ou tel droit, nous ne ferons grève que pour nos propres intérêts historiques de notre classe, nous lutterons pour arracher nos camarades prisonniers des griffes capitalistes, mais cela ne signifie à aucun instant, pour nous, faire des concessions avec le parlementarisme ou participer aux campagnes d'amnistie.

Les pseudo-marxistes, dans leur lutte pour la purification de la démocratie, n'aspirent qu'à la soumission totale de la classe ouvrière, autrement dit à sa disparition, son atomisation en bons citoyens ou bourgeois (citoyen = habitant de la cité, -du bourg = bourgeois).

Les droits démocratiques ne sont jamais une victoire ouvrière, mais sont toujours une arme de la bourgeoisie

Tout au long de ce texte, nous avons considéré de manière distincte, pour des motifs d'exposition, les différents aspects des droits et libertés démocratiques qui, en réalité, se combinent:

A/ La démocratie pure, l'idéologie du capital où il n'existe pas de tentative d'organisation classiste, mais seulement des citoyens.

B/ Pratiquement, la tendance à la purification de la démocratie réelle qui se concrétise historiquement par l'atomisation du prolétariat en citoyens, lorsque gauche et droite les font lutter pour la défense des droits et libertés, et par le terrorisme étatique exécuté dans le cadre strict de la démocratie contre ceux qui la violent: toute organisation de la classe porte atteinte à la démocratie.

C/ la formalisation juridique des droits et libertés d'une situation de fait inévitable.

D/ cette formalisation tendant à renverser le rapport de force en faveur de la bourgeoisie.

Il était évident qu'aucun de ses aspects n'est favorable au prolétariat et que tous sont inséparables: étant donné que le cadre de références (A) peut seulement se concrétiser par une situation de relative stabilité démocratico-terroriste (B) et que des grèves sauvages sont trop nombreuses, que des pamphlets et autres feuillets subversifs sont incontrôlables, que les périodiques ouvriers circulent dans le prolétariat comme poisson dans l'eau; la bourgeoisie a besoin de légaliser la situation (C). Elle autorise donc quelques publications, elle relâche quelques prisonniers qui n'ont pas commis de "délit de droit commun ou graves", elle légalise quelques grèves,... il est évident qu'elle vise à briser (D) l'unité des "agents provocateurs du désordre, de ceux qui ne respectent pas la démocratie" (ce qui est vrai) et ne trouvera pas d'autre solution que de les tuer: "maintenant que l'on permet des grèves, il faut être très sévère avec ceux qui ne respectent pas le droit au travail et qui, en continuant à mener des grèves sauvages, ne tiennent même pas compte des intérêts de la nation" (ce qui est vrai), etc. Quant aux autres, elle essaiera de les amadouer avec des miettes "en accord avec les intérêts de la nation" (ce qui est vrai): le droit de "grève", d'"expression", le droit des travailleurs "à la dignité nationale"! Combien de fois n'a-t-on pas vécu cette situation!!!

Chaque fois que la bourgeoisie se trouve confrontée à une situation complexe très lointaine de son paradis démocratique (A), elle formalise juridiquement certaines situations de fait (C), ce qui constitue une arme décisive (D) pour obtenir au moins une situation de démocratie normalisée (B). Dans cette démocratie recomposée (même si elle est pourrie depuis longtemps), les démocrates libéraux, les syndicalistes, les staliniens, les trotskistes, les maoïstes, les socialistes, pourront encore se congratuler dans les couloirs du Parlement et des chambres de conciliation: "les droits de l'homme et du citoyen ont été sauvés,... les ouvriers rentrent normalement au travail et bientôt ils pourront exercer leurs droits civiques!"

Il ne faut pas arriver à une situation de crise politique totale de la bourgeoisie pour constater l'articulation de tous ces éléments. Cependant, c'est dans ces conditions extrêmes que se pose avec acuité pour le prolétariat l'alternative: ou accepter la démocratie et le désastre contre-révolutionnaire est inévitable -les exemples historiques foisonnent-, ou balayer la démocratie -de cela il n'existe qu'un seul exemplee historique limité: celui de l'insurrection d'octobre 1917 en Russie-!

Note :

1. cf. Comunismo No.1 centré sur la lutte historique des communistes contre la démocratie: "Contra la democracia". Nous renvoyons aussi les lecteurs intéressés aux textes suivants: "Fasciste ou antifasciste, la dictature du capital c'est la démocratie" in Le Communiste No.9; "La démocratie nous assassine" in Le Communiste No.5; "Crève la démocratie" in Le Communiste No.2.

Le Communiste No.10/11

Lisez aussi: "Communisme contre Démocratie"

"Thèses sur la démocratie"

Mémoire ouvrière: "La mystification démocratique" (Invariance)


Julian Assange est libre, mais la lutte pour la défense des droits démocratiques se poursuit

Déclaration du comité de rédaction du World Socialist Web Site
il y a un jour
  • Lundi, Julian Assange a été libéré de la prison britannique de Belmarsh après cinq ans d’emprisonnement et près de 15 ans de persécution par une cabale de gouvernements impérialistes dirigés par les États-Unis qui l’ont traqué pour avoir divulgué leurs crimes. Cet après-midi, un tribunal américain des îles Mariannes du Nord a entériné un accord de plaidoyer, mettant fin à la tentative américaine d’extrader Assange, qui retourne en Australie.

Julian Assange quitte le tribunal fédéral de Saipan, dans les îles Mariannes, le mercredi 26 juin 2024. [AP Photo/Eugene Hoshiko]

Assange sera à jamais considéré par les générations futures comme un militant pour la liberté d’expression et les droits démocratiques. Sa persécution sera perçue comme l’une des chasses aux sorcières les plus brutales de l’histoire moderne.

Le World Socialist Web Site adresse ses plus chaleureuses salutations et félicitations à Julian Assange pour sa libération. Nous félicitons également tous ceux qui ont joué un rôle remarquable dans la lutte contre la persécution de Julian Assange. Au premier rang de ces personnes figurent sa femme, Stella Assange, son père, John Shipton, et son frère, Gabriel Shipton.

Parmi les principaux défenseurs publics d’Assange figurent le musicien Roger Waters et le militant des droits de l’homme Craig Murray. Nous notons avec tristesse que le courageux journaliste John Pilger, qui s’est battu sans relâche pour la libération d’Assange, est décédé avant d’avoir pu célébrer cet événement, tout comme le célèbre lanceur d’alerte Daniel Ellsberg.

La décision du gouvernement Biden de libérer Assange est un recul politique majeur et une admission de fait par le gouvernement américain que l’affaire contre lui était un coup monté dès le début. La Maison-Blanche a évalué qu’un procès politique monté de toutes pièces contre un journaliste courageux aux États-Unis démasquerait la fraude de l’impérialisme américain qui fait la guerre dans le monde entier au nom de la «démocratie».

La persécution d’Assange a pris la forme d’une campagne de mensonges et de diffamation. Quatre gouvernements présidentiels successifs, dont Bush, Obama, Trump et Biden, ont cherché à faire taire ce journaliste courageux.

Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006, après l’invasion illégale de l’Irak et de l’Afghanistan par les États-Unis dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme». WikiLeaks était une initiative audacieuse et efficace qui vise à utiliser les technologies de l’information pour faire ce que les journalistes sérieux sont censés faire: faire la lumière sur les actes illégaux que le gouvernement veut garder cachés.

En 2010, Julian Assange et WikiLeaks ont publié une série de documents révélant les crimes de guerre commis par l’armée américaine. Les «Iraq War Logs» (Journaux de la guerre en Irak) et l’«Afghan War Diary» (Dossier sur la guerre en Afghanistan) ont constitué les révélations les plus complètes sur la criminalité impérialiste depuis les «Pentagon Papers» des années 1970.

Les Journaux de la guerre en Irak décrivent en détail le meurtre de 66.081 civils par les forces américaines dans le cadre de l’invasion et de l’occupation de l’Irak. WikiLeaks a également publié la vidéo «Collateral Murder», qui montre le massacre de plus d’une dizaine de civils non armés, dont deux journalistes de Reuters, par les forces américaines en Irak.

En novembre 2010, WikiLeaks a commencé à publier des extraits de centaines de milliers de câbles diplomatiques américains. Ceux-ci ont mis à nu l’illégalité quotidienne de la politique impérialiste, y compris la préparation de coups d’État, la formation de politiciens étrangers en tant qu’agents secrets des États-Unis et d’autres attaques contre la démocratie dans le monde entier.

En réaction, les agences de renseignement américaines ont lancé une campagne de destruction de Julian Assange dans le cadre d’un effort systématique qui visait à purger les médias indépendants et à orchestrer l’intégration totale des médias à l’appareil de sécurité nationale américain.

Assange a été visé dans le cadre d’une machination opérée par l’État. Les moyens par lesquels cela a été entrepris revêtent une importance particulière. Afin de créer une base d’appui pour la persécution d’Assange, ils ont entrepris de noircir complètement sa réputation. L’État a utilisé à bon escient la politique de genre de la pseudo-gauche de la classe moyenne aisée, qui a insisté sur le fait que les allégations d’agression sexuelle devaient être crues même lorsqu’il s’agissait de coups montés évidents fomentés par l’État.

Le journal britannique The Guardian, qui a servi d’exutoire aux couches de la classe moyenne éprises de politique identitaire, a fait tout ce qu’il a pu pour donner une légitimité à ces allégations.

En décembre 2010, des procureurs suédois ont ouvert une procédure contre Assange sur la base d’allégations d’inconduite sexuelle fabriquées de toutes pièces, qui ont toutes été abandonnées par la suite. Les efforts des autorités suédoises pour extrader Assange – d’où il pourrait être extradé vers les États-Unis – l’ont contraint à se réfugier dans l’ambassade de l’Équateur à Londres en 2012.

L’International Socialist Organization a demandé en 2012 que le public «prenne au sérieux ces allégations de viol à l’encontre d’Assange». Socialist Alternative a insisté sur le fait que «les graves allégations de viol» contre Assange «doivent faire l'objet d’une enquête».

La chasse aux sorcières contre Julian Assange s’est déroulée parallèlement à la campagne vindicative qui visait à arrêter et à poursuivre Edward Snowden, qui n’a échappé au sort d’Assange qu’en s’enfuyant en Russie, et Chelsea Manning, qui a été emprisonnée pendant sept ans par le gouvernement Obama.

En 2016, WikiLeaks a publié les courriels Podesta, qui documentent les efforts systématiques du Parti démocrate pour truquer les primaires de 2016 au détriment de Bernie Sanders et au profit d’Hillary Clinton. En réaction à ces révélations, Debbie Wasserman Schultz, la présidente du Comité national démocrate, a démissionné en disgrâce.

Mais le Parti démocrate a lancé une contre-attaque, accusant faussement WikiLeaks de «collusion» avec le gouvernement russe pour influencer l’élection présidentielle de 2016. Après la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump en 2016, l’establishment démocrate et les médias américains sont devenus, si cela est possible, encore plus brutalement hostiles à Assange.

La campagne systématique menée depuis des années par les médias américains et la pseudo-gauche pour empoisonner l’opinion publique contre Assange a créé les conditions permettant au gouvernement Trump d’accuser officiellement Assange d’espionnage en 2018. En avril 2019, la police britannique a fait irruption dans l’ambassade équatorienne et a traîné Assange dehors, pour l’emmener à la prison de Belmarsh, où il a été emprisonné pendant cinq ans.

Le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal ont tous approuvé avec enthousiasme l’arrestation d’Assange et son extradition vers les États-Unis. Le Washington Post de Jeff Bezos a été le plus explicite, déclarant qu’Assange avait «depuis longtemps besoin de rendre des comptes personnellement». Le New York Times a fait l’éloge de son arrestation, déclarant: «Le gouvernement a bien commencé en inculpant M. Assange d’un crime incontestable. Le Guardian a mené la meute dans la calomnie vindicative, affirmant faussement et absurdement qu’Assange avait tenu des réunions avec Paul Manafort, conseiller de la campagne Trump.

Tous les grands journaux bourgeois ont eu recours au pire sensationnalisme pour discréditer Assange, imprimant des mensonges sur ordre du gouvernement. Aucune dénonciation n’était trop grotesque.

Jeremy Corbyn, qui se présente comme un partisan et un défenseur d’Assange, est resté presque totalement silencieux sur l’incarcération d’Assange à la prison de Belmarsh lorsqu’il était chef du Parti travailliste, de 2015 à 2020.

Contrairement aux organisations de la pseudo-gauche qui ont rejoint la chasse aux sorcières ou n’ont rien dit, le mouvement trotskiste – le World Socialist Web Site (WSWS) et le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) – a lancé une campagne pour mobiliser le soutien au sein de la classe ouvrière à l’échelle internationale. En tant que mouvement ayant subi d’immenses persécutions, nous nous sommes immédiatement solidarisés avec Assange. Nous sommes immensément fiers de notre contribution à sa défense.

Dans des centaines d’articles, le WSWS a fait la lumière sur la chasse aux sorcières de la droite contre Assange. Nos articles sur la persécution d’Assange ont été lus des centaines de milliers de fois. Le WSWS et le CIQI ont organisé des rassemblements dans le monde entier, impliquant des centaines de participants et des journalistes de premier plan, tels que Pilger, en tant qu’intervenants. En 2018, nous avons organisé le webinaire «Organiser la résistance à la censure sur Internet», auquel Assange a envoyé ses salutations peu avant que son accès à Internet à l'ambassade d’Équateur ne soit coupé.

Bien qu’Assange soit libre, l’offensive capitaliste mondiale contre les droits démocratiques ne fait que s’accélérer. Chaque recul tactique de l’impérialisme est suivi d’une contre-attaque plus brutale. Il ne faut pas se faire d’illusion que la décision du gouvernement Biden de libérer Assange était motivée par des principes démocratiques ou que le danger pour les droits démocratiques est passé. En réalité, tant que ces conditions existeront, Assange ne sera jamais hors de danger.

En fait, en torturant un journaliste pour qu’il admette avoir violé la loi sur l’espionnage en diffusant des informations véridiques dans l’intérêt du public, le gouvernement Biden a créé un nouveau précédent dangereux en matière d’attaque contre la liberté de la presse.

Les conditions fondamentales qui ont motivé la persécution d’Assange – la guerre mondiale et les niveaux extrêmes d’inégalité sociale – non seulement persistent, mais s’intensifient. Les États-Unis et les puissances de l’OTAN appuient un génocide à Gaza qui a tué plus de 47.000 Palestiniens. Les plans sont bien avancés pour une escalade massive de la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, y compris le déploiement direct de troupes de l’OTAN.

En Ukraine, Bogdan Syrotiuk, courageux militant socialiste et opposant à la guerre, a été emprisonné pour s’être opposé au régime de Zelensky. Le gouvernement Biden mène une campagne pour criminaliser l’opposition au génocide à Gaza, procédant à des milliers d’arrestations violentes de manifestants pacifiques.

Au cours de sa campagne pour la libération d’Assange, le WSWS a expliqué que la lutte pour les droits démocratiques doit être enracinée dans la classe ouvrière et liée à la lutte pour le socialisme et contre la guerre impérialiste. Cette leçon centrale prend de plus en plus d’importance dans un contexte d’escalade de la guerre impérialiste mondiale: la lutte pour la défense des droits démocratiques est inséparable de la lutte contre le système capitaliste.

(Article paru en anglais le 26 juin 2024)


 

 


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