Michel Husson est décédé. Economiste et statisticien, il savait décortiquer comme personne les modèles néoclassiques pour en pointer les incohérences, voire les absurdités, notamment dans ses nombreuses chroniques pour Alternatives Economiques. L’économiste Jean-Marie Harribey lui rend hommage.
Michel Husson nous a quittés. La nouvelle nous laisse sans voix. Faut-il rendre d’abord hommage à l’économiste hors pair qu’il était ou bien à l’homme pétri de gentillesse et d’humour ravageur, doté d’un sens pédagogue peu commun pour décortiquer les études les plus techniques ?
Michel Husson fait partie d’une génération d’économistes-statisticiens, formés à la rigueur scientifique tout en possédant une culture d’économie politique critique fondée à la meilleure source : Marx. Il compte parmi les quelques rares analystes ayant consacré leur travail à analyser l’évolution du capitalisme contemporain mondialisé et financiarisé en utilisant les concepts de suraccumulation du capital et de taux de profit dont l’évolution rythme les transformations du capitalisme. Des transformations dont les conséquences sur le travail, la répartition des revenus, la protection sociale ont été au centre de ses préoccupations pendant toute la période néolibérale.
Michel Husson fut entre autres l’un les plus ardents défenseurs de la réduction du temps de travail et ses travaux récents montraient encore l’enjeu qu’elle représentait même au temps de la crise sanitaire. Et le moindre de ses mérites n’est pas de s’être dégagé d’une culture productiviste, trop longtemps véhiculé par les mouvements progressistes, pour prendre en compte la crise écologique et associer sa résolution à celle de la crise sociale.
On n’aura une idée de l’ampleur du travail accompli par Michel Husson en regardant son site « hussonet », qui est une mine documentaire sans pareille, constitué autant de textes courts et pédagogiques que d’analyses approfondies grâce à une maîtrise des outils économétriques lui permettant de montrer l’inanité de beaucoup de travaux académiques se réclamant de l’orthodoxie, comme la baisse des salaires qui devrait soi-disant augmenter l’emploi, ou bien, lui le mathématicien-statisticien, de mettre en évidence la prétention scientifique des modèles néoclassiques.
Mais cette maîtrise qu’il déployait professionnellement, notamment à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) dans la dernière partie de sa carrière, il la mettait à disposition en participant le plus activement possible aux associations engagées dans la bataille sociale : Attac, la Fondation Copernic, les Economistes atterrés, sans parler de ses engagements syndicaux et politiques. On ne compte plus ses contributions à des œuvres collectives sur la crise du capitalisme, les retraites ou la dette publique, notamment sa participation à l’Audit de la dette publique grecque en 2015 à Athènes.
On aura aussi un aperçu de l’intelligence de son humour si on lit la citation grotesque d’un économiste bien-pensant le concernant, qu’il avait mise en exergue de son site : Michel Husson, « idéologue inconnu du monde académique se livrant à une critique incompétente ».
C’est que Michel Husson restera aussi pour sa contribution à la démystification de la prétendue épistémologie de l’économie néoclassique, car, pour lui, ce qui importait sans doute le plus, c’était de replacer l’économie dans le cadre des rapports sociaux d’exploitation et d’aliénation. Du point de vue de Michel Husson, l’analyse en termes de classes n’a pas pris une ride. Que son message puisse être poursuivi dans les batailles sociales qui restent devant nous. Sa disparition nous bouleverse. Pas seulement pour son talent qui s’en va, mais pour la place qu’il tenait amicalement dans un combat collectif.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire