Article paru dans ECHANGES N°155, Printemps 2016
Amazon fait partie des plus gros
vendeurs de livres, distributeurs et hébergeurs du Web – célèbre pour
ses vastes réseaux de logistique et d’entrepôts où des travailleurs
prennent et transportent rapidement les articles qu’ils envoient aux
clients.
Contrairement à ce que
prétend Amazon, et que les médias répètent comme des perroquets, Amazon
n’a pas révolutionné la vente et la distribution de marchandises, elle
s’est bornée à associer les nouvelles possibilités du commerce en ligne
aux pratiques anciennes de la vente à distance. Elle a réduit les coûts
et les délais de livraison en mécanisant, taylorisant et standardisant
les processus logistiques, créant ainsi dans ses entrepôts du monde
entier un environnement de travail qui en fait un exploiteur, avec des
centaines de milliers d’emplois non qualifiés, pénibles et ennuyeux.
Arrêts
de travail, grèves perlées, et autres actions prouvent que les
travailleurs n’endurent pas passivement leur exploitation, mais qu’ils
résistent. Un exemple récent de ces luttes est celle de l’entrepôt mazon
qui s’est ouvert en septembre 2014 à Sady, dans la banlieue de Poznan,
dans l’Ouest de la Pologne. Cet article a pour but d’exposer les
conditions de travail et les tentatives des travailleurs pour
s’organiser et résister et de définir les enjeux et les problèmes
auxquels sont confrontés les travailleurs et les militants qui les
soutiennent (2).
Une entreprise globalisée
Amazon
a commencé par vendre des livres aux Etats-Unis en 1994, mais elle
propose aujourd’hui toutes sortes de produits dans nombre de pays, de
l’électronique à l’alimentation, par le biais de son propre réseau
d’entrepôts ; et elle fonctionne comme une plate-forme de distribution,
où d’autres producteurs et entreprises commerciales peuvent proposer
leurs produits (3). Amazon produit et vend également des appareils
électroniques (Kindle, Echo…), se lance dans le streaming de films et de
musique, et gère un service hébergeur et Cloud sur le Web, son secteur
le plus dynamique en ce moment (4). Aux Etats-Unis, elle fournit
également un service B2B (d’entreprise à entreprise), c’est-à-dire la
vente de machines et de fournitures entre entreprises (5).
Amazon
a étendu son réseau d’entrepôts en Europe en 1999, d’abord au
Royaume-Uni et en Allemagne, puis en France, en Italie et en Espagne.
Depuis 2004-2005, elle a des entrepôts au Japon et en Chine (6), et elle
est en train de s’étendre rapidement en Inde (7). Actuellement, Amazon
possède dans le monde entier plus de 200 centres de distribution, de
triage et de centres dits logistiques (FC : fulfillment centers) (8).
L’entreprise
n’a pas encore réalisé beaucoup de bénéfices parce que – selon sa
politique de gestion – la plus grande partie du surplus a été investi
dans sa croissance : nouveaux centres logistiques, nouvelles lignes de
produits, nouvelles technologies, etc. (9). Avec un revenu net de plus
de 107 milliards de dollars en 2015, Amazon est l’un des plus grands
distributeurs mondiaux, bien qu’il se place loin derrière Walmart et ses
490 milliards de dollars (10). Cependant, alors que Walmart compte
environ 2,2 millions d’employés au début de 2015, Amazon n’en possède
qu’environ 150 000 (auxquels il faut en ajouter 100 000 pendant la
période des soldes à la fin de l’automne) (11).
Amazon en Pologne
Dans le cadre de son expansion en
Europe, Amazon a installé trois nouveaux centres logistiques en Pologne à
la fin de l’été 2014, un à Sady près de Poznan et deux à proximité de
Wroclaw – avec l’aide de subventions de l’Etat (12). Pour le moment,
Amazon n’a pas de plate-forme polonaise de vente en ligne. Ses centres
de logistique polonais desservent l’Europe de l’Ouest et principalement
le marché allemand qui est le deuxième marché d’Amazon dans le monde
(13). Les centres de logistique polonais sont tous des investissements
entièrement nouveaux, situés en périphérie d’une ville dans des zones
industrielles reliées à l’Allemagne par des autoroutes et des aéroports
proches. Les villes de Poznan et de Wroclaw ont toutes deux très peu de
chômage – phénomène radicalement différent selon la région en Pologne –
et Amazon doit attirer des travailleurs dans un rayon de 50 à 60
kilomètres et organiser leur transport par bus.
A
Poznan-Sady, en septembre 2014, Amazon a d’abord embauché directement
des travailleurs avec des contrats de trois mois. En prenant leur
service, ils n’avaient bénéficié que d’une formation courte de quelques
jours. Nombre d’entre eux ont obtenu des CDI en décembre. Des
intérimaires ont été embauchés dès octobre par le biais d’agences de
travail temporaire – Manpower, Randstad, et Adecco.
Amazon
utilise le dualisme de sa force de travail dans le but de diviser les
travailleurs : ceux qui bénéficient d’un CDI se repèrent à leur badge
bleu (celui de l’entreprise), les intérimaires, qui ont des contrats de
quelques semaines ou de quelques mois, arborent un badge vert pour
montrer que leur statut est différent (14). Jusqu’à présent, les
intérimaires constituaient au moins la moitié des effectifs de tous les
travailleurs des entrepôts de Poznan-Sady pendant les périodes creuses,
et leur nombre doublait ou triplait pendant les périodes de pointe (15).
Il y a un nombre égal de travailleurs masculins et féminins, bien que
certains services emploient plus d’hommes et d’autres plus de femmes. La
plupart sont soit jeunes (la vingtaine) soit plus âgés (plus de 45
ans), ce qui concorde avec la situation du marché du travail : pour les
travailleurs jeunes, il s’agit d’un travail saisonnier ou l’un de leurs
premiers emplois, pour les travailleurs plus âgés c’est une dernière
chance tardive d’obtenir un emploi déclaré (16). Il y a quelques
travailleurs étrangers, notamment ukrainiens. Ceux d’entre eux qui ont
un permis de travail et une connaissance suffisante du polonais
travaillent dans l’entrepôt, d’autres travaillent à la cantine et au
nettoyage, ces deux postes étant sous-traités (17).
Hier, il m’a fallu cinq minutes pour aller à la cantine,
où j’ai dû attendre mon repas pendant vingt minutes.
En comptant cinq minutes
pour le retour, il me restait zéro minute pour manger (18).
Dans l’entrepôt de Poznan, le travail
s’organise en deux équipes – équipe de jour et équipe de nuit. Chaque
semaine, les employés font quatre jours de dix heures – auxquelles
s’ajoute une pause de trente minutes non rémunérée, et peut-être des
heures supplémentaires. La semaine de travail va généralement du
dimanche au mercredi, du lundi au jeudi, ou du mercredi au samedi, et on
change d’équipe toutes les quatre semaines : quatre semaines dans
l’équipe de jour, puis quatre dans l’équipe de nuit.
Comme
dans d’autres entreprises de logistique, les services sont divisés
entre « réception » et « expédition ». A la « réception », les employés
déchargent les camions avec des chariots élévateurs, déballent, scannent
les reçus et entreposent les marchandises.
L’expédition
consiste à prendre les marchandises sur les étagères, c’est-à-dire à
réunir les articles d’une commande, puis à les emballer et à les
expédier, c’est-à-dire à les mettre dans les camions. Les machines sont
des tapis roulants, des scanners, et des ordinateurs. L’essentiel du
travail s’effectue « à la main », sauf lorsqu’il s’agit de ranger ou de
prendre avec des chariots élévateurs (19).
Lorsque je travaille trop lentement, je reçois une sorte
de SMS sur mon scanner : « Travaillez plus vite ! » (20)
Comme nous l’avons dit, ce type de
travail n’est pas du tout entièrement nouveau. D’autres centres de
distribution et de logistique travaillaient de la même manière, même
avant l’introduction de systèmes contrôlés par ordinateur, par exemple
dans les entrepôts des entreprises de vente par correspondance qui
envoyaient des catalogues à des clients qui commandaient par téléphone
ou par courrier (21). Amazon s’est servie de la standardisation des
systèmes de transport (containers), du potentiel des services en ligne
(commandes sur des plates-formes en ligne centralisées), de la
taylorisation et de la restructuration du travail logistique
(surveillance numérisée, codes de scan, tapis roulants commandés par
ordinateur, robots capables de ranger ou de saisir les marchandises,
etc.).
Tous les services du FC
de Poznan-Sady imposent des quotas de travail ou normes (nombre
d’articles que le travailleur est censé manipuler en une heure ou
pendant son service d’équipe), le travail est plus rapide et les quotas
plus rigides dans le service des expéditions car il s’agit des commandes
des clients, plus tenues par les délais de livraison que l’emmagasinage
dans le service réception.
Amazon
tente fréquemment d’élever les quotas. Les dirigeants prétendent
calculer une performance minimum individuelle basée sur la production
moyenne des 90 % des travailleurs les plus productifs. Ce « minimum »
est utilisé pour faire directement pression sur des travailleurs
individuels et les menacer de licenciement. Celui qui n’atteint pas le «
minimum » requis doit avoir un entretien de soi-disant « feed-back »
avec les cadres, et à l’issue de plusieurs de ces entretiens, les
travailleurs peuvent être licenciés (22).
La
manière dont la direction établit l’« objectif » collectif,
c’est-à-dire le quota exigé de tous les travailleurs, reste obscure. Ce
n’est que lorsque cet « objectif » est atteint par l’ensemble de
l’entrepôt que tous les travailleurs obtiennent une prime sur leur
salaire (23).
La rapidité du
travail, la pression, et dans nombre de cas le travail manuel lui-même,
créent des conditions difficiles et ont des conséquences sur la santé
des travailleurs (24), et le mécanisme des quotas que nous avons décrit
engendrerait encore plus de pression en raison des niveaux de
productivité en augmentation constante – si les travailleurs ne
résistaient pas.
Le salaire de
départ des employés de l’entrepôt du FC de Poznan-Sady était de 13 PLN
(zloties) de l’heure (25). Pour un mois, le salaire de base plus les
primes s’élève à environ 2 000 PLN net (480 US$, soit 450 €). En 2015,
le salaire minimum dans toute la Pologne était de1 750 PLN brut par mois
(420 US-$/390 €) (26). Chez Amazon, les chefs d’équipe touchent environ
20 % à 25 % de plus que les travailleurs de base, les intérimaires
touchent le même salaire de base mais n’ont pas droit aux primes.
A
Poznan et à Wroclaw, les salaires d’Amazon sont légèrement plus élevés
que ceux d’autres entreprises parce qu’elle a constamment besoin
d’attirer de nouveaux employés dans ces régions où le chômage est
relativement bas, en particulier des intérimaires pour la saison de
pointe. Mais si 2 000 PLN net par mois peuvent permettre à une personne
seule de s’en sortir, cela ne permet pas de nourrir et de loger une
famille avec des enfants en Pologne.
Organisation et lutte
à Poznan-Sady
Avant
l’ouverture en Pologne des entrepôts d’Amazon à la fin de l’été 2014,
les principaux médias polonais ne parlaient pas seulement de
l’importance des investissements et du nombre d’emplois créés, mais
également des conditions de vie misérables dans les entrepôts d’Amazon
dans d’autres pays. A Poznan-Sady, les employés étaient en partie formés
par des chefs d’équipe d’Amazon venus de l’étranger, et les chefs
d’équipe polonais allaient se former dans des FC au Royaume-Uni et en
Allemagne. Ils connaissaient donc tous les niveaux de salaire et les
conditions de travail à l’étranger.
Amazon nous dit : Vous êtes les meilleurs travailleurs d’Europe ! Nous demandons : Pourquoi, alors, avons-nous les salaires les plus bas d’Europe ? (27)
Après quelques semaines de travail,
certains employés et chefs d’équipe du FC de Poznan-Sady commencèrent à
discuter de leur mécontentement au sujet des conditions de travail et
des possibilités de s’organiser et de revendiquer des améliorations. Une
de leurs propositions était de former une section syndicale dans
l’entrepôt avec l’aide de l’un des syndicats polonais existants. Pour
plusieurs raisons, ces travailleurs n’aiment guère le gros syndicat
Solidarność. Ils le considèrent comme une organisation plutôt passive
qui s’intéresse plus à des questions réactionnaires d’ordre religieux et
nationaliste qu’aux luttes des travailleurs. Il y a également une
différence culturelle entre ces travailleurs, jeunes pour la plupart,
dont certains ont fait des études et ont travaillé en Europe de l’Ouest,
et ceux de Solidarność qu’ils voient comme « de vieux syndicalistes à
moustaches » (28).
Ils ont donc
recherché des alternatives sur l’Internet et trouvé le syndicat de base
Inicjatywa Pracownicza (IP, Initiative des Travailleurs) à Poznan. Ils
ne connaissaient rien de ce syndicat mais ils ont lu sur son site les
comptes rendus des luttes militantes de base auxquelles il prenait part –
et le chat noir rebelle sur le logo du syndicat IP leur plaisait. Une
première rencontre entre les travailleurs d’Amazon et les militants d’IP
fut organisée par courriels et appels téléphoniques pour la
mi-décembre. Un travailleur se souvient qu’avant cette rencontre dans le
local d’IP, les travailleurs avaient décidé que si le bureau était
situé dans un énorme immeuble haut de gamme, ils sauraient qu’ils
auraient affaire à des « voleurs » et s’en iraient. Heureusement, le
local d’IP est une pièce minuscule dans un vieil immeuble (29).
Quelques
militants d’IP qui avaient contribué à organiser des campagnes de
soutien avaient déjà eux-mêmes commencé à travailler chez Amazon à la
fin de l’été 2014 (30).
Sans
connaître les travailleurs qui avaient ils avaient distribué des tracts
sur les conditions de travail chez Amazon à l’automne – sans utiliser
le nom ni le logo du syndicat.
Ce ne serait pas un mauvais travail si je n’étais pas obligé de travailler de nuit tous les deux mois. Quand je rentre chez moi, je ne dors pas. Il faut que j’emmène les enfants à l’école, fasse le ménage et pense au déjeuner. Juste après 15 heures, je dois être à l’arrêt du bus. Je dors dans le bus (31).
Les deux groupes – les employés
mécontents et les quelques militants qui travaillaient chez Amazon – se
rencontrèrent sur le parking de l’entrepôt du FC de Poznan-Sady le 16
décembre 2014, dans le but de former une section syndicale IP chez
Amazon. Par la suite, le travail d’organisation fut impulsé par
l’activité et l’énergie des travailleurs qui n’avaient aucune expérience
de ce genre de mobilisation, et par les quelques militants qui
fournirent les compétences et l’infrastructure nécessaires à
l’enregistrement de la section, à la rédaction et à l’impression des
tracts, et au travail syndical face à la direction, etc.
Cette
collaboration était possible parce que tous partageaient la même
expérience quotidienne d’exploitation sur le terrain, et l’on peut y
voir l’exemple d’un processus dialectique de militantisme et de
compétence des travailleurs et des militants basé non seulement sur une
situation commune mais également sur le but commun consistant à lutter
pour obtenir des améliorations, et sur le principe d’une
auto-organisation non hiérarchique.
En
l’espace d’un an, la section IP chez Amazon à Poznan était passée de 20
membres à environ 350 (mi-février 2016), majoritairement des
travailleurs de base en CDI, avec une petite minorité d’intérimaires et
très peu de chefs d’équipe. La direction d’Amazon ne connaît que les
noms d’environ 15 délégués élus que le code du travail polonais interdit
de licencier. Les noms de tous les autres membres d’IP sont inconnus de
la direction, afin de leur éviter des pressions (32). Au cours des
premiers mois de 2015, la section IP rédigea et distribua plusieurs
tracts donnant la parole aux employés sur les problèmes qu’ils
rencontraient au travail, des informations sur leurs droits, et plus
encore. Les travailleurs, dont certains n’étaient pas membres du
syndicat, lancèrent une série de pétitions – qui furent signées par des
centaines d’employés. Les motifs reflétaient les principales
revendications : contre l’augmentation des quotas, contre les
modifications des horaires des équipes, contre le travail les jours
fériés – ils reflétaient également la colère engendrée par les bas
salaires et la pénibilité du travail par équipes en général.
En
étudiant la stratégie d’Amazon face à la syndicalisation aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni, et en Allemagne, on voit qu’elle va du
mépris et du désir d’éviter la confrontation ouverte à des tentatives
d’isoler l’activité syndicale et à des manœuvres anti-syndicales (33).
Mais,
dans tous les cas, Amazon n’a fait aucune concession officielle. C’est
également ce qui s’est produit en Pologne. Puisque IP est officiellement
le syndicat représentatif des travailleurs Amazon de Poznan-Sady,
Amazon est tenue d’informer la section IP de certains problèmes
concernant les ressources humaines, comme par exemple le licenciement
d’un employé en CDI, ou des problèmes de sécurité et de santé (34).
Bien
qu’Amazon respecte plus ou moins la loi ici, elle évite de reconnaître
ouvertement que ses agissements sont liés aux exigences ou aux actions
d’IP. En outre, Amazon a commencé à promouvoir son propre organe de
représentation de tous ses employés en organisant des comités et des
réunions – sorte d’imitation d’un syndicat « jaune » intitulé Forum
Pracownicze (Forum des employés) dans l’intention d’affaiblir d’autres
formes d’organisation des travailleurs.
Travailler en réseau en Pologne et au-delà
La
section IP d’Amazon a gagné des centaines d’adhérents dans le FC de
Poznan-Sady et y est devenue le représentant légal de la force de
travail, mais elle est peu présente dans les deux autres FC près de
Wroclaw où Solidarność compte environ 100 adhérents et représente les
employés. En Pologne, tous les FC appartiennent à une seule entreprise,
il serait donc logique, quels que soient leurs désaccords politiques,
qu’IP et Solidarność travaillent ensemble sur des problèmes comme les
prestations sociales ou les problèmes de sécurité et de santé. La
section IP d’Amazon essaie de rester en contact avec les travailleurs et
les délégués de Solidarność qui travaillent chez Amazon, mais leurs
relations demeurent tendues.
Solidarność
a fait plusieurs déclarations publiques dans lesquelles il reprochait à
IP d’être « agressif » et « irresponsable » tout en se présentant
lui-même comme un syndicat ouvert au dialogue et collaborant avec la
direction pour le bien de l’entreprise (35) .
Pendant ce temps, Amazon ne fait pas de différence entre Solidarność et IP, du moins officiellement.
Parce
que les FC en Pologne desservent principalement le marché allemand, la
section IP d’Amazon a tenté d’entrer en contact avec des travailleurs
des entrepôts Amazon en Allemagne dès janvier 2015 (36). Le grand
syndicat allemand des services Verdi organise des grèves à court-terme
depuis 2013. Sa principale revendication consiste à demander à Amazon de
signer le protocole d’accord collectif de Verdi avec les employés de
l’industrie allemande de commerce de détail et par correspondance. Cela
entraînerait une augmentation des salaires chez Amazon puisque, selon
les dires d’Amazon, ceux-ci sont alignés sur le niveau des salaires du
secteur logistique allemand. Bien qu’Amazon ait, de fait, augmenté les
salaires depuis le début des grèves, elle refuse toujours de signer un
accord collectif avec Verdi.
Verdi
est connu pour sa politique de « partenariat social », pour sa mainmise
sur les mobilisations des travailleurs, et pour y mettre fin dès que
ces derniers menacent de le déborder (37). La position de Verdi dans le
commerce de détail s’est affaiblie en raison d’une diminution du nombre
de syndiqués (comme à Karstadt ou à Quelle) et de l’essor d’autres
détaillants comme Amazon ou Zalando où la syndicalisation fait peu de
progrès ou qui résistent à la syndicalisation (38).
En
même temps, ses adhérents sont de plus en plus mécontents de la manière
dont Verdi mène ses luttes dans les entreprises et se tournent vers des
syndicats de secteurs différents (par exemple dans les chemins de fer,
les aéroports et les compagnies aériennes). Verdi a besoin d’une
campagne de mobilisation et de grèves chez Amazon pour prouver qu’il
peut encore obliger les employeurs à « négocier » des accords et montrer
aux travailleurs qu’il est réellement prêt à faire grève et à soutenir
de longues affrontements (39). Les grèves chez Amazon n’ont jamais été
totales, il s’agit plutôt de grèves courtes très espacées, épargnant le
fonds de solidarité de Verdi.
Lorsque
les militants d’IP ont contacté les FC Amazon allemands, ils ne
savaient pas à quoi s’attendre, compte tenu, également, du fait que
Verdi est partenaire de Solidarność par le biais de l’organisation
intersyndicale Uniglobal (40).
Cependant,
les travailleurs (adhérents de Verdi) des FC de Bad Hersfeld, de
Brieselang (près de Berlin) et de Leipzig se sont dits intéressés par
une rencontre avec ceux de la section IP ainsi qu’à la création de liens
directs entre travailleurs. Les travailleurs Amazon de Bad Hersfeld, en
particulier, semblent avoir défendu leur autonomie face à la
bureaucratie de Verdi et ont déjà établi des contacts avec des groupes
de militants à l’extérieur d’Amazon et des syndicats, par exemple, avec
la campagne blockupy dans la ville proche Francfort (41).
Il est très possible que nous réussissions à expédier 800 000 commandes ! Rendez-vous compte, c’est un événement ! Les Allemands, les Anglais et les Français vont nous envier ! (Annonce d’Amazon au FC de Poznan-Sady) (42)
Depuis mars 2015, plusieurs de ces
réunions « transfrontalières » de travailleurs Amazon ont été organisées
en Pologne et en Allemagne, réunissant entre 10 et 30 employés de
Poznan-Sady, Bad Hersfeld, Brieselang et Leipzig – et des militants qui
les soutiennent. Il a été décidé d’un commun accord que ces réunions ne
seraient pas des rendez-vous officiels d’IP ou de Verdi et se
dérouleraient à l’écart de la hiérarchie du syndicat, c’est-à-dire
qu’elles seraient de véritables réunions de travailleurs.
Les
effets de ces petites réunions de la base ne doivent pas être
sous-estimés. Au FC de Poznan-Sady, elles ont changé la perception qu’on
avait des employés Amazon en Allemagne, car ils n’apparaissent plus
seulement comme des travailleurs bien payés ou même comme des
concurrents, mais comme des travailleurs ayant des problèmes similaires
(quotas, pression, etc.) et qui sont même en grève contre la même
direction. En Allemagne, les travailleurs militants ont fait état
d’évolutions similaires : lors de l’ouverture des FC polonais, nombre
d’employés Amazon en Allemagne craignaient qu’Amazon délocalise tous ses
entrepôts en Pologne « où les salaires sont bas », mais après avoir
pris contact avec les travailleurs en Pologne et devant leur
militantisme, ils ont appris à les considérer comme des alliés
potentiels contre un ennemi commun (43).
La grève perlée
de juin 2015
L’incident
le plus surprenant à ce jour est lié au fait que les travailleurs «
transfrontaliers » voient les choses sous un jour nouveau. Fin juin
2015, Verdi a déclenché une nouvelle grève dans les FC allemands, et la
direction d’Amazon à Poznan-Sady a demandé aux employés de faire une
heure supplémentaire chacun pendant deux jours à la fin de leur travail
en équipe. Lorsqu’il y a des grèves en Allemagne, Amazon délocalise
fréquemment le traitement des commandes dans d’autres FC, comme elle le
fait en cas de problèmes d’approvisionnement ou de livraison (dus à la
météo, par exemple).
Grâce à
leurs nouveaux contacts transfrontaliers, les travailleurs de Poznan
savaient que leurs heures supplémentaires étaient dues à la grève en
Allemagne, et la section IP a largement diffusé cette information sur
son tableau d’affichage et sur des tracts. Au FC de Poznan-Sady, la
tension montait depuis des mois, et les pétitions ainsi que la
mobilisation réussie d’IP avaient déjà engendré un savoir et une
expérience collectifs. Plusieurs jours avant les heures supplémentaires
prévues, les travailleurs et les chefs d’équipe savaient qu’il allait se
passer quelque chose. Au travail, dans les bus de l’entreprise, et même
sur Facebook, les travailleurs échangeaient des idées sur la manière de
ralentir le processus de travail. La direction était donc prévenue.
Lors de l’équipe de nuit du 24 au 25 juin, les délégués IP sont arrivés
en portant des T-shirts de grève Verdi qu’ils venaient de recevoir du FC
de Bad Hersfeld. Dans l’espoir de se débarrasser des meneurs
potentiels, les cadres envoyèrent certains délégués IP dans un cours de
formation.
Pendant ce temps,
d’autres travailleurs étaient déterminés à poursuivre leur action. Ils
avaient découvert un goulot d’étranglement dans le flux de travail qui
pourrait servir à accroître les effets de cette action. Dans une section
du service de préparation des commandes, les travailleurs doivent
placer les articles dans un container et le placer sur un tapis roulant.
Ce soir-là, au lieu de mettre quelques articles dans chaque container,
ils commencèrent par n’en mettre qu’un seul par container. Par la suite,
pendant l’heure supplémentaire de l’équipe de nuit, le tapis roulant
fut couvert de containers ne comportant qu’un seul article qui finirent
par bloquer le tapis et en tomber. Lorsqu’il y eut un tas de containers
et d’articles, il fallut arrêter le tapis roulant – tout cela sous les
yeux du cadre de service qui – s’attendant à quelque chose ce soir-là,
était arrivé tard. Des actions similaires se produisaient en même temps
dans d’autres sections du FC.
Cette
grève perlée était sauvage et n’était pas officiellement organisée par
la section IP. Il s’agissait d’une action de désordre auto-organisée par
des travailleurs mécontents, sans annonce officielle et sans liste de
revendications. Elle impliquait des dizaines de travailleurs, dont bon
nombre n’étaient pas adhérents d’IP et n’avaient aucune expérience de ce
genre de lutte. Selon les travailleurs qui y ont participé, la grève
perlée était l’expression de leur colère qu’engendraient les problèmes
du FC de Poznan-Sady, et elle exprimait leur solidarité avec la grève
qui se déroulait au même moment en Allemagne. Ils insistaient sur le
fait qu’ils ne voulaient pas agir comme des « briseurs de grève ».
La
nouvelle se répandit rapidement dans l’entrepôt, créant une grande
excitation puisque les travailleurs avaient prouvé, à eux-mêmes autant
qu’à la direction, qu’ils n’allaient dorénavant plus accepter tous ses
ordres (44).
Cet incident est
remarquable dans la mesure où il s’agit d’un exemple rare de solidarité
transfrontalière, et non d’une déclaration de solidarité désincarnée
émanant des bureaucrates d’un syndicat ou sous la forme d’un petit
rassemblement de militants devant les bureaux d’une entreprise, mais
d’une action directe de travailleurs sur leur lieu de travail qui ont
pris des risques et montré leur détermination à résister. En Allemagne,
les travailleurs d’Amazon qui avaient participé aux rencontres
transfrontalières en furent à la fois stupéfaits et heureux. Depuis, on a
parlé d’un soutien identique des FC allemands pour les actions des
collègues de Poznan-Sady, mais jusqu’à présent il ne s’est rien passé.
Les
médias polonais et certains médias étrangers ont parlé de la grève
perlée comme de la première expression de militantisme ouvrier dans les
FC polonais d’Amazon (45). La direction de Poznan-Sady commença à
interroger les employés qui avaient pris part à l’action, en mit cinq à
pied puis en licencia deux autres. D’autres employés cédèrent à la
pression pour signer des accords mettant fin à leur contrat de travail.
La direction ne s’attaqua pas directement aux militants connus mais
essaya de les isoler en s’attaquant à des travailleurs non organisés. Il
n’empêche qu’une femme qui avait participé à l’action a déclaré pendant
son interrogatoire : « Je recommencerai si on nous oblige à nouveau à
faire des heures supplémentaires ! » Deux employés attaquent Amazon aux
prud’hommes en exigeant leur réintégration et sont soutenus par IP (46).
Comme
nous l’avons déjà dit, la grève perlée n’a pas été officiellement
reconnue par IP, le faire était courir le risque d’être attaqué au
tribunal en raison du caractère « illégal » de l’action. Cela n’a pas
empêché la section Solidarność des FC de Wroclaw d’attaquer IP et son
action dans une déclaration à la presse quelques jours plus tard, ce qui
prouve qu’après tout, les travailleurs ne peuvent espérer aucune
solidarité de la part de Solidarność (Solidarité en polonais) (47).
Suite à ces événements, l’attitude d’Amazon à l’égard d’IP s’est faite
plus hostile. Au cours d’une assemblée de tous les employés (« tous à la
réunion ») au FC de Poznan-Sady, le PDG d’Amazon déclara que
l’entreprise « préférerait parler directement aux employés plutôt que
par le biais du syndicat ».
IP
avait officiellement engagé un processus de négociation collective avec
Amazon le lendemain de la grève perlée et avait présenté les
revendications des travailleurs, y compris pour une augmentation des
salaires (16 PLN de l’heure) et des pauses plus longues. A la fin de
l’été et au début de l’automne 2015, plusieurs réunions de négociation
n’aboutirent pas parce que la direction d’Amazon n’envisageait pas
sérieusement de satisfaire les revendications, de faire le moindre
compromis, ni même de simplement signer un accord officiel avec IP.
Amazon
déclara que la médiation suivante, qui venait de débuter, était un
échec. Il semble qu’il s’agissait d’empêcher IP de déclencher une grève
légale de deux heures, en manière d’avertissement, pendant la durée de
la médiation. Il aurait été facile d’organiser une telle grève et elle
aurait permis de mobiliser les travailleurs. Parce que le processus de
médiation est officiellement terminé, IP devra s’engager dans le
processus légal qu’exige l’organisation d’une grève formelle : un vote
majoritaire en faveur de la grève dans tous les FC polonais, y compris
ceux de Wroclaw. Pour l’instant, il n’est pas certain que la section
d’IP Amazon s’engage dans cette voie. Elle n’est pas sûre d’obtenir
suffisamment de soutien dans l’entreprise, et il lui faudra probablement
obtenir l’aval de Solidarność pour remporter un vote en faveur de la
grève.
Entre-temps, les
discussions entre les travailleurs de la section IP d’Amazon se
concentrent sur leur présence quotidienne dans l’entreprise et une
activité fréquente (pétitions, tractage…) plutôt que sur une grève
formelle. D’une part, cela s’explique par le fait que les actions de
grèves en Allemagne n’ont entraîné aucun accord avec Amazon. D’autre
part, une présence quotidienne et une pression constante sur Amazon
semblent essentielles, puisque les actions et les efforts de
mobilisation passés ont, de fait, produit des résultats. Amazon a fait
passer le salaire horaire à 14 PLN (à la fois à Poznan et à Wroclaw)
quelques semaines après la grève perlée et augmenté le montant des
primes à la fin de l’automne 2015. Dans les deux cas, en prétendant que
ces augmentations n’avaient rien à voir avec les actions des
travailleurs. Dans d’autres cas, elle a annulé ou retardé certaines
décisions, par exemple, les changements d’horaires, après que les
employés eurent ouvertement exprimé leur mécontentement.
Enjeux auxquels est confronté
le syndicat des travailleurs
de Poznan-Sady
Au
début 2016, après la période de pointe qui précède Noël et un an après
le début de la tentative de mobilisation, les travailleurs de la section
IP d’Amazon sont confrontés à plusieurs problèmes épineux concernant le
statut d’IP en tant que syndicat, la situation au FC de Poznan-Sady, et
la stratégie à utiliser face à la direction d’Amazon :
1. Communications et assemblées :
il
n’est guère possible aux travailleurs IP d’Amazon de se réunir en
assemblée générale. D’abord, en raison du système d’équipes, il n’existe
pas de jour de congé commun qui le leur permette ; ensuite, après dix
heures de travail et quatre heures passées dans les transports, les
travailleurs sont épuisés – et certains n’ont pas terminé leur journée,
il y a les enfants, etc. ; troisièmement, nombre de travailleurs
n’habitent pas à Poznan ou à proximité et ne possèdent pas de voiture.
Ces
assemblées sont nécessaires, particulièrement en raison du fait que les
adhérents d’IP sont concentrés dans une équipe et dans quelques
services du FC de Poznan-Sady. La mobilisation des travailleurs de
l’autre équipe et d’autres services a un peu progressé au FC de Poznan
et, dernièrement, également dans celui de Wroclaw, mais l’équilibre
n’est pas encore rétabli.
Des
centaines de salariés ont déjà été licenciés d’un jour sur l’autre, et
le reste vit dans l’insécurité permanente puisqu’ils ne savent pas s’ils
continueront à être employés. Les travailleurs refusent qu’on les
divise en bons et mauvais employés (48).
2. Rapports entre les employés en CDI et les intérimaires :
la
majorité des des travailleurs de la section IP sont employés par Amazon
en CDI, alors que les intérimaires, une fraction importante de la main
d’œuvre totale, sont sous-représentés.
Cependant,
à quelques exceptions près, la plupart des intérimaires travaillent
chez Amazon pour de courtes périodes. Ils n’ont pas beaucoup de temps
pour s’engager dans des mobilisations, et ils disent eux-mêmes ne pas
vouloir adhérer à IP parce que leur emploi n’est que temporaire.
Nombre
d’entre eux sont mécontents de leurs conditions de travail et de leur
statut précaire, mais nombre d’entre eux espèrent également obtenir un
emploi en CDI chez Amazon, ce qui les pousse à travailler dur et à faire
monter les quotas. Cela entraîne parfois des conflits avec les
travailleurs en CDI, donc moins précaires, et qui ont plus de « contrôle
» sur les quotas.
Ces rapports
se sont encore compliqués pendant la période de pointe qui a précédé
Noël, lorsque les travailleurs en CDI ont obtenu des postes « plus
faciles » sans quotas, puisque les intérimaires étaient embauchés pour
tenir les postes « plus durs » avec plus de pression. Au début de 2016,
la pression sur les travailleurs en CDI s’est accrue, et on leur a
distribué des tâches assorties de quotas. S’ils travaillent trop
lentement ou font des erreurs, ils peuvent être pénalisés. Dans certains
cas, les travailleurs des agences de travail temporaire supervisent
même le travail des employés en CDI.
La
section IP d’Amazon s’est emparée du problème de précarité des
intérimaires et organise des rassemblements devant les bureaux des
agences de travail temporaire Adecco à Poznan et à Varsovie (49).
Elle
exige aussi qu’Amazon limite le nombre d’intérimaires par rapport à
l’ensemble de la main-d’œuvre, sans donner de chiffres précis, et Amazon
n’a pas réagi. De toute évidence, Amazon veut continuer à diviser la
main-d’œuvre ; grâce au contingent d’intérimaires la direction peut
embaucher et licencier au gré des fluctuations des ventes, et grâce aux
CDI elle peut conserver le savoir et les compétences nécessaires au
fonctionnement des entrepôts. En outre, Amazon continuera à employer des
intérimaires pour accélérer le rythme de travail et mettre la pression
sur les permanents – aussi longtemps que les travailleurs, qu’ils soient
en CDI ou intérimaires, ne mettront pas fin à cette pratique (50).
3. Les travailleurs en CDI sont épuisés :
au
cours de l’année écoulée, certains travailleurs en CDI, actifs dans la
section IP d’Amazon, ont déjà quitté leur travail parce qu’ils ne
pouvaient plus le supporter ou parce qu’ils ont trouvé mieux. Nombre de
ceux qui restent actifs dans la section travaillent chez Amazon depuis
plus d’un an, c’est-à-dire qu’ils travaillent quatre semaines en équipe
de jour et quatre semaines en équipe de nuit, ils sont fatigués et
épuisés. Comme pour tous les employés en CDI, le taux d’arrêts maladie
s’est envolé, particulièrement pendant la période de pointe qui précède
Noël.
Plusieurs travailleurs de
la section IP d’Amazon n’ont pas travaillé à ce moment-là et cela a
entraîné des difficultés pour la mobilisation et la lutte. Par exemple,
peu de travailleurs ont participé au rassemblement organisé devant le FC
de Poznan-Sady à la mi-décembre 2015 (51).
4. Stratégies efficaces contre limites légales :
la
section IP d’Amazon s’est engagée dans un processus de mobilisation qui
non seulement l’a préparée au conflit collectif ouvert avec la
direction – ce qui n’a entraîné aucune concession de la part de
l’entreprise – mais lui a fourni également la base d’actions sauvages
telle la grève perlée.
IP ne
peut pas se déclarer responsable de ce genre d’actions « en tant que
syndicat » tandis que les mesures qu’elle peut prendre « en tant que
syndicat » semblent avoir peu d’effet. Les travailleurs Amazon à
Poznan-Sady ont conclu que des actions comme la grève perlée permettent
d’exercer une pression directe et immédiate sur Amazon même si elles
comportent plus de risques pour les travailleurs qui y participent.
C’est l’une des leçons des grèves chez Amazon en Allemagne. Lors d’une
rencontre à Poznan, l’un des militants du FC de Bad Hersfeld a insisté
sur le fait que selon leur expérience, les actions spontanées de
travailleurs dans l’entreprise interrompaient le flux de travail et
gênaient la direction d’Amazon qui ne pouvait pas, sans préparatifs,
reprogrammer les commandes dans d’autres FC – comme elle l’avait fait
avant et pendant les grèves annoncées. En outre, la cohésion des
travailleurs de la section Verdi du FC de Bad Hersfeld et
l’imprévisibilité de certaines de leurs actions y avaient entraîné une
amélioration de leurs conditions de travail (52).
Reste
la question plus générale, qui ne concerne pas que les employés
d’Amazon : comment établir une stratégie de lutte à long terme et
efficace contre une entreprise comme Amazon – étant donné d’une part les
limites et la prévisibilité des actions des syndicats officiels, et
d’autre part l’efficacité des actions sauvages ?
5. Amazon attaque :
en
règle générale, la stratégie d’Amazon face aux syndicats oscille entre
l’indifférence à la mobilisation et aux exigences des travailleurs et
une politique antisyndicale active. L’activité de la section IP d’Amazon
n’a pas entraîné de perturbations plus durables dans le processus de
travail, mais la grève perlée de juin 2015, le processus de négociation
collective et le conflit qui s’en sont suivis, les conflits ouverts lors
des assemblées des employés d’Amazon, et une série d’articles critiques
dans les médias avec la participation d’IP, engendrent de plus en plus
de tensions entre la direction d’Amazon et les délégués IP, et l’on peut
s’attendre à des conflits plus nombreux au cours des mois à venir. Par
exemple, selon la législation syndicale polonaise, un employeur est
obligé de fournir au syndicat un bureau dans l’entreprise, mais Amazon
tente de maintenir l’activité syndicale hors de ses entrepôts et a
fourni un bureau à l’extérieur ; et alors que jusqu’à présent, les
délégués pouvaient utiliser leurs « heures syndicales » pour se
rencontrer sur le lieu de travail, Amazon ne les y autorise plus ; et,
au cours des dernières semaines, plusieurs délégués IP ont été mutés et
rétrogradés, c’est-à-dire qu’on leur a donné des tâches plus pénibles
(53).
Si les travailleurs
sympathisants d’IP réussissent à maintenir la pression sur Amazon, il se
pourrait que la direction redouble d’agressivité.
Extension de la lutte
Amazon
agrandit encore son réseau d’entrepôts et de centres logistiques en
Europe de l’Est, en ouvrant un nouveau FC à Dobrovice près de Prague à
l’automne 2015 (54), et, récemment, en annonçant les projets d’un autre
FC en Pologne (55).
Il est plus
important que jamais de faire progresser la lutte des travailleurs, la
mobilisation transfrontalière et la solidarité.
Actuellement,
la collaboration entre les travailleurs d’Amazon de Poznan-Sady et ceux
des différents FC en Allemagne est prometteuse. Les secrétaires
syndicaux du syndicat allemand des services Verdi tentent cependant
fréquemment de l’affaiblir et d’y mettre fin, faisant valoir, entre
autres choses, qu’IP ne fait pas partie de l’organisation intersyndicale
Uniglobal, ce qui n’est pas le cas de Solidarność (56). En réalité, il
semble que les dirigeants de Verdi craignent que leurs propres
militants soient « contaminés » par le syndicalisme de base d’IP. Verdi
ne peut guère ignorer le fait que, sur le terrain, IP a plus de succès
pour mobiliser chez Amazon que Solidarność, en dépit du soutien
d’Uniglobal à ce dernier. Pendant ce temps, Solidarność considère IP
comme un concurrent et l’attaque en public pour ses positions et sa
politique « radicales » (57).
Les travailleurs devront repousser ces tentatives des dirigeants syndicaux d’affaiblir leur capacité d’auto-organisation.
La
dernière rencontre transfrontalière des travailleurs d’Amazon – y
compris des travailleurs venus de Pologne et d’Allemagne – s’est tenue à
Berlin du 18 au 21 février 2016. On tente actuellement d’entrer en
contact avec les entrepôts Amazon dans d’autres pays comme la France,
l’Italie, la République tchèque et l’Espagne, mais cela n’a pour
l’instant pas abouti à une mobilisation des travailleurs dans ces pays
(58).
Les travailleurs de la
section IP d’Amazon à Poznan-Sady insistent sur le fait qu’il est
essentiel d’entrer également en contact avec encore plus de travailleurs
dans d’autres pays possédant de grands entrepôts Amazon : les
Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et la Chine.
Ralf R. (mars 2016)
(traduit de l’anglais par A. G.)
NOTES
(1) « Le rêve américain pour 8,5 zloty de l’heure », c’est le titre d’un article du journal polonais Gazeta Wyborcza du 6 juillet 2015 : « Bunt w polskim Amazonie. Amerykański sen za 8,5 zł za godzinę » (8,5 PLN valent à peu près 2,05 US-$, taux de change du 24 janvier 2016): http://wyborcza.biz/biznes/1,100896,18305728,Bunt_w_polskim_Amazonie__Amerykanski_sen_za_8_5_zl.html
(2) Une traduction en allemand d’une version de cet article doit être publiée dans Sozial.Geschichte Online. L’article se base sur l’expérience collective des travailleurs de l’entrepôt Amazon de Poznan-Sady et sur les discussions que l’auteur a eues avec eux depuis l’été 2014 où ils se sont organisés et ont commencé à résister. Cependant, les informations et les interprétations données n’engagent que l’auteur. L’article se borne à documenter l’activité des travailleurs de cet entrepôt Amazon, tandis qu’une discussion politique et stratégique des tentatives d’organisation et des aspects plus généraux de la lutte de classe dans la région, ainsi qu’une analyse exhaustive du développement d’Amazon dans d’autres pays comme l’Allemagne et, par exemple, des conflits entre les travailleurs et le syndicat allemand des services, Verdi, reste à faire.
(3) Actuellement, Amazon prévoit de
prendre aussi (partiellement) en charge le transport, en montant sa
propre flotte de véhicules, d’avions et peut-être de drones. Voir par
exemple,
http://www.seattletimes.com/business/amazon/amazon-in-talks-to-lease-20-jets-to-launch-air-cargo-business
(4) Pour les services hébergeur et cloud, voir :
https://aws.amazon.com/?nc1=h_ls
(5) Pour la plate-forme entreprises, voir :
http://www.amazon.com/b?node=11261610011
(6) En Chine, Amazon éprouve des
difficultés à s’étendre en raison de la forte position d’Alibaba, et
elle gère même une boutique en ligne sur le site web d’Alibaba
taobao.com, voir :
http://blogs.wsj.com/digits/2015/03/06/amazon-opens-store-inside-alibabas-tmall-in-china;
https://amazon.world.tmall.comhttp://blogs.wsj.com/digits/2015/03/06/amazon-opens-store-
(7) Voir : https://angryworkersworld.wordpress.com/ 2015/11/11/amazon-in-india-the-e-commerce-jungle-and-workers-reality
(8)
Pour une liste des entrepôts d’Amazon, voir :
http://www.mwpvl.com/html/amazon_com.html. Les FC d’Amazon sont conçus
pour remplir les commandes des clients ; il s’agit d’un système
d’espaces d’entreposage reliés par des tapis roulants et de milliers de
postes de travail pour recevoir, entreposer, préparer, emballer et
expédier les marchandises.
(9)
Ceci vient de changer, peut-être de manière temporaire, car Amazon a
réalisé des profits en 2015, en partie grâce au succès de ses services
web ; voir : http://www.wired.com/
2015/10/get-used-to-amazon-being-a-profitable-company
(18) Employé Amazon de Poznan-Sady, cité par Gazeta Wyborcza.
(19) Dans certains entrepôts, Amazon
utilise des robots dans certains services, mais uniquement sur des
tâches spécifiques. En conséquence, l’essentiel de l’activité des
travailleurs est du travail non qualifié, il s’agit de prendre
rapidement, de scanner, de courir, de vérifier l’information sur un
écran, etc.
(20) Employé Amazon de Poznan-Sady, cité par Gazeta Wyborcza, 17 décembre 2015.
(21)
L’auteur a participé à une enquête à Leipzig, en Allemagne, au milieu
des années 1990. L’une des entreprises étudiées était l’entrepôt et le
service expédition de la grande entreprise de vente par correspondance
Quelle. L’organisation et le déroulement du travail y étaient très
similaires à ceux des FC d’Amazon aujourd’hui. Pour voir le rapport :
Wildcat. « Im Quelle-Versandzentrum: Code Town Fun Club », in Wildcat-Zirkular n° 23, janvier 1996.
(22) En fait, personne n’a été
licencié à Poznan-Sady à la suite de tels entretiens jusqu’à présent,
mais les travailleurs en sont souvent menacés. Avant de licencier un
travailleur (pour des infractions, absence de performance (…), la
direction d’Amazon met en général la pression sur ce travailleur afin de
lui faire signer un « accord » mettant fin à son contrat.
(23)
Selon un document Amazon daté du 1er août 2014, la prime sur le
salaire de tous les employés est variable : si l’entrepôt atteint entre
95 % et 97,9 % de l’objectif, la prime est de 1 % du salaire individuel,
si il atteint entre 98 % et 99,9 %, la prime est de 3 %, s’il atteint
entre 100 % et 104 %, la prime est de 5 %, et au-dessus de 105 %, elle
est de 7 %.
(24) Voir, par
exemple : http://www.theguardian.com/
technology/2015/aug/18/amazon-regime-making-british-staff-physically-and-mentally-ill-says-union
(25) Le salaire était de 12,50 PLN de
l’heure dans les deux entrepôts de Wroclaw. Ensuite, les salaires
horaires des FC polonais sont passés à 14 PLN. Actuellement, 14 PLN
équivaut à environ 3,50 US-$ ou 3,20 €. Les salaires horaires d’Amazon
en Allemagne et aux États-Unis sont trois ou quatre fois plus élevés :
10-11 US-$ (environ 9-10 €) aux États-Unis et 10-12 € en Allemagne
(environ 11-13 US-$ ; taux de change du 27 février 2016).
(26)
Le salaire minimum polonais est passé à 1,850 PLN en janvier 2016.
Après les déductions, il reste aux travailleurs 1,300-1,400 PLN : :
http://www.wageindicator.org/ main/salary/minimum-wage/poland. Chez
Amazon, les salaires varient selon les endroits car l’entreprise compare
son niveau de salaire avec les salaires locaux et l’ajuste
automatiquement.
(27) Tract des travailleurs d’Amazon Poznan, 16 décembre 2015, on peut le voir sur : http://ozzip.pl/teksty/informacje/ogolnopolskie/item/2019-pikieta-przed-amazonem
(28) Expression utilisée par l’un des travailleurs.
(29)
IP est un syndicat légal d’environ 1 000 membres. Il s’est constitué en
2004 sous l’impulsion de travailleurs militants de gauche qui étaient
mécontents de Solidarność et des autres syndicats, et de militants
anarchistes qui avaient commencé à participer à des luttes ouvrières. Il
est organisé selon les principes de la démocratie directe et n’a pas de
permanents rémunérés. Plus de renseignements sur : http://ozzip.pl
http://ozzip.pl . Pour la participation d’IP à des luttes antérieures
voir cet article sur :
http://www.gongchao.org/en/texts/2013/strike-in-chinese-company-in-polish-sez
http://www.gongchao.org/en/texts/2013/strike-in-chinese-company-in-polish-sez
(30) Pour plus de renseignements à ce sujet, voir l’entretien avec un militant d’IP/travailleur chez Amazon dans Wildcat, n° 99 (hiver 2016) – Voir Echanges n° 154, p. 51.
(31) Employée Amazon de Poznan-Sady, citée par Gazeta Wyborcza, 17 décembre 2015.
(32) Il arrive souvent que des
entreprises licencient des syndiqués en dépit du code du travail. Les
tribunaux de prud’hommes en Pologne sont lents à traiter les cas de
licenciements illégaux et, en général, les entreprises s’en tirent en
payant les salaires sans réintégration.
(33) Sur la politique anti-syndicale d’Amazon aux Etats-Unis, voir, par exemple :
http://www.seattletimes.com/business/small-group-of-amazon-workers-seeks-union-representation
et http://www.bloomberg.com/bw/articles/
2014-01-15/amazon-employees-vote-to-reject-union. En Allemagne, des
groupes d’employés soi-disant “Pro Amazon” se sont ouvertement opposés à
la campagne du syndicat des services allemand Verdi, apparemment avec
le soutien de la direction, voir par exemple :
http://www.zeit.de/wirtschaft/2014-01/verdi-amazon-streik-loehne,
http://www.augsburger-allgemeine.de/wirtschaft/Pro-Amazon-Bewegung-Glueckliche-Mitarbeiter-oder-alles-nur-PR-id28354242.html
(34)
Selon le code du travail polonais, un syndicat est représentatif si le
nombre de ses adhérents représente au moins dix pour cent de la force de
travail ou s’il est le seul et plus puissant syndicat en termes
d’adhérents.
(35) Les travailleurs adhérents d’IP à
Poznan-Sady ont déclaré au cours d’une réunion à Berlin en février 2016
que des travailleurs adhérents de Solidarność à Wroclaw leur avaient
dit qu’ils aimeraient soutenir leurs actions et leurs revendications,
mais qu’ils ne pouvaient pas prendre ce genre de décisions puisqu’elles
étaient prises par les cadres régionaux de Solidarność.
(36)
Pendant ce temps, les FC en Pologne et en République Tchèque sont
devenus extrêmement importants pour Amazon Allemagne. Selon des délégués
de Verdi, environ 50 % du volume total de livraisons sur le marché
allemand étaient traités dans ces FC, et pendant la période de pointe
avant Noël, les cinq FC allemands ne traitaient que les commandes
urgentes (« Prime » et « Express ») tandis que toutes les autres
commandes étaient traitées à Poznan, Wroclaw et Prague (discussion lors
d’une réunion à Berlin, février 2016).
(37)
Des exemples nous sont fournis avec les grèves des travailleurs du
commerce de détail depuis 2008 ainsi que la grève des travailleurs de la
petite enfance et celle des postiers en 2015. Pour des vidéos des
grèves des travailleurs du commerce de détail auxquelles Verdi a
participé, voir : http://de.labournet.tv/6760/streiks-im-einzelhandel ; à
propos de la tactique douteuse de Verdi pendant la grève des
travailleurs de la petite enfance et celle des postiers, voir par
exemple :
http://www.taz.de/Kommentar-Verdi/!5202355/
(38)
De 2001 à 2014, Verdi a perdu environ 750 000 adhérents et est passé de
2,8 millions à environ 2 millions d’adhérents, voir :
http://www.zeit.de/wirtschaft/2014-01/verdi-amazon-streik-loehne
(39)
Il n’y a pas assez de place ici pour analyser les grèves chez Amazon
Allemagne en détail. Elles ont commencé par des actions plutôt
improvisées et partiellement auto-organisées de travailleurs mécontents,
comme pendant la courte grève dans le FC de Leipzig en 2011 et des
actions plus militantes lors de la campagne de mobilisation de Verdi
dans le FC de Bad Hersfeld en 2011 et 2012. Plus tard, les secrétaires
du syndicat professionnel ont empêché les actions qu’ils trouvaient trop
radicales. Sur fond de la syndicalisation réussie des neuf FC Amazon en
Allemagne et de grèves ponctuelles dans huit d’entre eux depuis 2013 –
c’est la première fois qu’Amazon était confrontée à des grèves – il y a
un conflit latent entre les militants de base et les secrétaires de
Verdi. Un travailleur dans un FC allemand a déclaré que les secrétaires «
n’écoutent pas les travailleurs » mais prennent leurs propres
décisions. Au moins dans les FC de Leipzig et de Bad Hersfeld les
travailleurs actifs sur le terrain réussissent fréquemment à arracher
des concessions à Verdi, mais les décisions qui concernent les tactiques
et les dates des grèves continuent à être prises par le comité central
de Verdi et non par les grévistes eux-mêmes.
(40) http://www.uniglobalunion.org/
(41) Sur la campagne blockupy, voir :
http://blockupy.org ;
sur la réunion avec les travailleurs d’Amazon, voir :
http://www.notroika.org/artikel/blockupy-meets-amazon-strikers-bad-hersfeld
(42)
Vu dans Gazeta Wyborcza, 17 décembre 2015 :
http://wyborcza.pl/duzyformat/1,149485,19353708,jak-sie-pracuje-w-amazonie-polak-picker-doskonaly.htmlbre
2015:
http://wyborcza.pl/duzyformat/1,149485,19353708,jak-sie-pracuje-w-amazonie-polak-picker-doskonaly.html
(43) Voir le film sur labournet.tv :
http://en.labournet.tv/video/6925/amazon-workers-meeting-poznan
(44) Le lendemain, en prévision de
l’heure supplémentaire, certains travailleurs se firent porter pâles ou
prirent un jour de congé pour ne pas agir en « briseurs de grève ».
Toutefois, il faut reconnaître que tous les employés ne soutenaient pas
cette grève, et que certains soutinrent plus tard qu’elle était mal
préparée, leur faisait courir des risques, etc.
(45)
Par exemple : http://poznan.wyborcza.pl/poznan/
1,36001,18280312,W_podpoznanskim_Amazonie_sie_zbuntowali__Czy_bedzie.html
et https://www.jungewelt.de/ 2015/07-25/027.php. Il n’est pas
inintéressant que certains médias polonais continuent à parler de la
situation à Amazon à Poznan et à Wroclaw de manière critique en ce qui
concerne les conditions de travail et les salaires, et même qu’ils
parlent avec plus ou moins de sympathie de l’activité d’IP en dépit du
fait que l’image et la terminologie radicales de ce syndicat le classent
parmi les syndicats d’obédience anarchiste.
(46) La session des prud’hommes s’est ouverte en février 2016, mais n’a pas encore pris de décision.
(47) Voir : http://poznan.wyborcza.pl/poznan/ 1,36001, 18317836,amazon-Solidarność-krytykuje-inicjatywe-pracownicza.html
(48) Rapport IP sur le rassemblement au FC de Poznan, 16 décembre 2015 :
http://ozzip.pl/teksty/informacje/ogolnopolskie/item/2019-pikieta-przed-amazonem
(49) Voir http://ozzip.pl/teksty/informacje/wielkopolskie/item/1979-adecco-wyzyskuje-amazon-zyskuje-protest-w-poznaniu; http://ozzip.pl/teksty/informacje/mazowieckie/item/2018-solidarnosciowy-protest-pod-adecco-poland-w-warszaw
(50) Il restera sans doute difficile de mobiliser les intérimaires dans la section IP d’Amazon en raison de leurs contrats courts, et les mobiliser au niveau d’une unique entreprise n’est pas forcément une bonne idée. Une analyse du travail temporaire et de la situation, des intérêts et des luttes des intérimaires dans toute la région pourrait servir de base à la formation d’un cadre (supplémentaire) pour la mobilisation et la lutte des intérimaires au-delà des limites d’une entreprise.
(51) Malgré tout, les médias en ont fait grand cas : http://poznan.wyborcza.pl/poznan/1,36037,19357237,amazon-protest-pod-poznaniem-pracownicy-przechodza-20-km.html)) et ont poussé Amazon à réagir à certains problèmes soulevés par IP, par exemple le statut des intérimaires.
(52) Voir le film sur labournet.tv:
http://en.labournet.tv/video/6925/amazon-workers-meeting-poznan
(53) Officiellement, les transferts s’expliquent par des variations dans les charges de travail, mais les managers ont clairement indiqué que les rétrogradations dépendaient des ordres de la direction (conversation avec des employés d'Amazon à Poznan, février 2016).
(54) http://www.praguepost.com/realty/49666-amazon-center-in-dobroviz-starts-operation
(55) http://wyborcza.pl/1,91446,19399591,amazon-planuje-rozbudowe-sieci-centrow-logistycznych-w-polsce.html
(56)
Le coordinateur de Verdi pour Amazon, par exemple, a qualifié les
rencontres transfrontalières de « contreproductives » et déclaré
qu’elles renforceraient la direction d’Amazon (d’après un travailleur au
cours d’une réunion à Berlin en janvier 2016).
(57) Ceux qui font campagne en Allemagne pour la solidarité veulent également éviter une rupture avec Verdi.
Il
leur arrive à des degrés divers de critiquer la direction de Verdi,
mais ils sont incapables d’imaginer des luttes autonomes de travailleurs
hors des partis et des syndicats puissants. Certains sont sur des
positions trotskistes, d’autres simplement payés par Verdi, d’autres par
des syndicats DGB (association de syndicats allemands) ou par le parti
social-démocrate Die Linke.
Ce
parti a déjà tenté d’utiliser l’activité des travailleurs chez Amazon en
Pologne pour ses propres manœuvres politiques. Au cours d’un atelier
sur les luttes internationales des travailleurs chez Amazon, organisé
avec Verdi et Solidarność à Berlin en octobre 2015, il a fait en sorte
que les actions « spontanées » et les formes autonomes de mobilisation
n’apparaissent pas sur l’ordre du jour.
(58) Pour plus d’informations, voir le site Rencontre transfrontalière des travailleurs d’Amazon :
https://amworkers.wordpress.com
Chronologie des événements chez Amazon à Poznan-Sady (février 2014 -février 2016)
Eté 2014
-
Amazon commence à embaucher à Poznan, d’abord des chefs d’équipe, puis d’autres employés, avec des contrats de trois mois.
-
Discussions entre les militants Inicjatiwa Pracownicza (IP) de Poznan : travailler et intervenir chez Amazon.
Septembre 2014
-
Le FC Amazon de Poznan-Sady ouvre le 15 (les deux FC de Wroclaw deux semaines plus tard).
Octobre 2014
-
Début des embauches d’intérimaires.
Novembre 2014
-
Beaucoup d’heures supplémentaires, premiers conflits avec la direction.
-
Des travailleurs prennent contact avec IP à Poznan pour former une section syndicale.
-
20 novembre : première rencontre entre les employés d’Amazon et les militants d’IP dans le local d’IP.
Décembre 2014
-
8 décembre : les premiers embauchés avec des contrats de trois mois passent en CDI.
-
8 et 18 décembre : distribution de tracts sans le logo IP aux arrêts de bus de l’entreprise.
-
16 décembre, sur le parking d’Amazon : formation d’une section syndicale.
-
23 décembre : la direction d’Amazon est informée de l’existence de la section syndicale IP.
-
Enregistrement officiel de deux délégués parmi les employés.
-
La plupart des intérimaires doivent partir après la période de pointe qui a précédé Noël.
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La plupart des employés ayant des contrats de trois mois passent en CDI.
Janvier 2015
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Début janvier : Solidarność ouvre une section syndicale au FC de Wroclaw.
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Première pétition des employés du FC de Poznan-Sady contre le travail le 6 janvier (jour férié) ; elle reçoit 100 signatures.
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9 janvier : première réunion publique de la section IP d’Amazon (à l’extérieur du FC).
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16 janvier : tract IP dénonçant le non-paiement des primes de décembre.
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Mi-janvier : première réunion d’IP avec la direction, on parle des salaires amputés, de la confusion sur les primes, des bulletins de salaire illisibles, du rôle des agences de travail temporaires.
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Premières discussions pour contacter les travailleurs en grève en Allemagne, doutes au sujet de l’engagement de Verdi.
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Premier contact avec les travailleurs d’Amazon et leurs soutiens (Bad Hersfeld, Berlin, Leipzig) par courriel.
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Fin janvier : IP compte plus de 80 adhérents au FC de Poznan-Sady.
Février 2015
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2 février : distribution d’un tract expliquant comment le syndicat fonctionne.
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20 février : assemblée générales des adhérents d’IP chez Amazon et choix des délégués.
Mars 2015
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La section IP d’Amazon devient une section inter-entreprises afin de couvrir les intérimaires qui travaillent chez Amazon.
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6 mars : la section IP d’Amazon distribue aux travailleurs un tract de 4 pages sur les problèmes au travail et le travail de syndicalisation.
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19 mars : les travailleurs d’Amazon à Poznan-Sady rencontrent ceux de Bad Hersfeld et les militants de blockupy à Francfort.
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23 mars : première réunion de la section de Wroclaw avec Solidarność. On parle de la caisse d’aide sociale.
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Fin mars : pétition des employés contre le travail le lundi de Pâques (Amazon donne son accord : ce jour sera chômé).
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Fin mars, IP a plus de 150 adhérents au FC de Poznan.
Avril 2015
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2 avril : pétition de 53 employés pour une journée de travail plus courte (jusqu’à 12 h 30) le samedi de Pâques (4 avril) ; Amazon refuse sous prétexte qu’il est « trop tard ».
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Bad Hersfeld 24-26 avril : première rencontre transfrontalière « officielle » entre les travailleurs d’Amazon de Poznan-Sady, Bad Hersfeld, Leipzig et Brieselang.
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Fin avril : IP déclare officiellement sept délégués.
Mai 2015
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15 mai : pétition signée par 400 employés contre l’élévation des normes et les bas salaires.
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15 mai : réunion IP avec la direction au sujet de la pétition, la mauvaise qualité des bus de l’entreprise, l’exigence d’un calendrier répartissant le travail longtemps à l’avance, la caisse d’aide sociale, demande d’informations sur la compétitivité dans la région et les augmentations de salaires possibles.
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Poznan 22 mai : rencontre des travailleurs Amazon de Poznan-Sady, Bad Hersfeld et Brieselang.
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Varsovie 23 mai : participation de ces travailleurs d’Amazon à la manifestation IP contre le travail précaire.
Juin 2015
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3 juin : Amazon prend contact avec IP au sujet des premiers licenciements de ceux qui n’ont pas atteint les quotas, IP s’y oppose, les employés restent.
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Poznan 13 juin : rencontre des travailleurs de Poznan-Sady, Bad Hersfeld et Brieselang
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23 juin : IP diffuse une enquête signée par 550 travailleurs pour protester contre les prévisions de modification des horaires d’équipe.
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24-25 juin des dizaines de travailleurs commencent une grève perlée sauvage au FC de Poznan-Sady contre les heures supplémentaires, en liaison avec une grève en Allemagne.
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Cinq femmes sont mises à pied à cause de la grève perlée du 25 juin. Deux d’entre elles sont licenciées ultérieurement.
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25 juin : IP diffuse un tract sur les grèves à Amazon en Allemagne et une banderole de soutien est suspendue à un pont près du FC de Poznan-Sady.
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26 juin : IP fait part de ses revendications et annonce officiellement le début d’un processus de négociation collective (pour le 1er juillet).
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28 juin : Amazon commence une série d’entretiens de ceux qui ont participé à la grève perlée ; les délégués IP n’y sont pas admis. IP informe les travailleurs de leurs droits.
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Fin juin : IP a plus de 200 adhérents et 10 délégués au FC de Poznan-Sady.
Juillet 2015
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7 juillet : Solidarność attaque IP dans un communiqué de presse à propos de la grève perlée.
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9 juillet : IP répond à l’attaque de Solidarność.
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Poznan 10 juillet : début des premières négociations collectives sur une liste de revendications.
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10 juillet : IP diffuse un tract devant les deux FC Amazon de Wroclaw.
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15 juillet : conférence de presse d’IP à l’occasion du vingtième anniversaire de la création d’Amazon.
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Fin juillet : IP compte plus de 240 adhérents au FC de Poznan.
Août 2015
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11 août : deuxième session de négociations collectives sur les revendications d’IP.
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Fin août : ouverture du deuxième service de préparation des commandes au FC de Poznan-Sady.
Septembre 2015
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Poznan 11-13 septembre : deuxième rencontre transfrontalière « officielle » des travailleurs d’Amazon.
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11 septembre : IP diffuse des tracts au FC de Poznan-Sady
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12 septembre : rassemblement au centre-ville de Poznan en liaison avec la rencontre transfrontalière.
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15 septembre : troisième séance de négociations avec la direction ; IP reconnaît l’échec des négociations.
Octobre 2015
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Début octobre : Amazon emploie 1 700 « badges bleus » (CDI) et 1 600 « badges verts » (intérimaires) à Poznan.
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En prévision des fêtes de Noël, des centaines de nouveaux intérimaires sont embauchés chaque semaine.
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22 octobre : IP diffuse un tract sur les problèmes des intérimaires au FC de Poznan-Sady.
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28 octobre : IP organise un piquet de grève devant l’agence Adecco de travail temporaire à Poznan.
Novembre 2015
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18 novembre : IP distribue un tract au FC de Poznan-Sady annonçant « un million d’articles en magasin ».
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20 novembre : distribution de tracts IP dans l’un des FC de Wroclaw (WRO2).
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24 novembre : Amazon met fin à la médiation dans le cadre du processus de négociations collectives.
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26 novembre : Solidarność émet un autre communiqué de presse attaquant IP et ses menaces de grève.
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29 novembre : diffusion de tracts au nouveau FC Amazon de Dobrovice, en République tchèque.
Décembre 2015
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Leipzig 9 décembre : rencontre des travailleurs de Poznan-Sady et de Leipzig et de leurs soutiens.
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Deuxième semaine de décembre : pétition des caristes du FC de Poznan-Sady exigeant des salaires plus élevés et des primes.
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Rassemblements IP en soutien des intérimaires devant les bureaux de l’agence de travail temporaire Adecco à Poznan et à Varsovie.
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16 décembre : piquet de grève IP devant Amazon à Poznan-Sady, diffusion d’un tract de solidarité rédigé par les travailleurs d’Amazon de Leipzig.
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De nombreux licenciements d’intérimaires débutent à la mi-décembre (fin de la période de pointe qui précède Noël).
Janvier 2016
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Amazon emploie 1 700 « badges bleus » et 2 400 « badges verts » à Poznan-Sady ; et 700 responsables, 1 600 « badges bleus » et 1 000 responsables, 2 000 « badges verts » dans les deux FC de Wroclaw.
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FC de Poznan-Sady 21 janvier : distribution de tracts d’information sur les activités d’IP, invitant les travailleurs à adhérer.
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25 janvier : Adecco propose des emplois chez Amazon alors que de nombreux intérimaires viennent d’être licenciés.
Février 2016
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2 février : procès aux prud’hommes d’un travailleur licencié à cause de la grève perlée au FC de Poznan-Sady.
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Berlin 18-21 février : troisième rencontre transfrontalière « officielle » des travailleurs Amazon de Poznan-Sady, Bad Hersfeld, Brieselang et Leipzig.
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19 février : diffusion d’un tract IP devant le FC de Brieselang (près de Berlin) en liaison avec la rencontre transfrontalière.
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