jeudi 6 juin 2024

Capitalisme et bizness maritime : le durable prend l'eau !

 

Septembre 2015

  Le capitalisme bâtit ses fortunes, à l'instar des petits ruisseaux et grandes rivières, en creusant son lit dans les territoires qu'il traverse, entamant les reliefs jusqu'à l'usure. […] Déjà la fonte de la calotte glaciaire ouvre d'âpres bagarres pour le contrôle du passage du nord-ouest, tout autant que pour les gisements des terres qui vont devenir accessibles. ”(1)

Ces lignes sont tirées de l'épilogue de l'ouvrage Fortunes de Mer que nous publiions en 2010 aux éditions Acratie.

Le capitalisme n'a pas attendu le dégel et le monde marchand, happé par sa course exponentielle, avance à la techno-machette au Moyen Orient et en Amérique Centrale. Des grands projets toujours encensés lors de leur avènement et assez peu discutés avant et au cours de leur réalisation.

 Suez : le capitalisme double la mise

Ainsi, ce 6 août 2015, Hollande était en bonne place pour l'inauguration du doublement du canal de Suez, plus symboliquement en mémoire de Ferdinand de Lesseps qu'en référence à l'intervention militaire franco-britannique de 1956 contre la nationaliation du canal par Nasser. Trois Rafales et une frégate auront entériné l'a(r)mitié dûment contractualisée entre la France et l'Egypte. L'ensemble de la presse a déjà fait état de la cérémonie, des chiffres et des déclarations relatives à ce projet (forcément!) “pharaonique”.

On peut d'emblée se poser la question de l'achèvement à marche forcée - l'inauguration était initialement prévue en 2017 - et des conséqences pour les ouvriers du chantier et la population locale. Pour les délais, la réponse est simple : il ne s'agit que de la concurrence en économie de marché basique; une tentative de rogner sur le canal de Panama avant le... doublement de ce dernier, en profitant de la capacité actuelle de Suez à accueillir les cargos géants. Aussi le chantier a-t-il fonctionné jour et nuit, augmentant les risques et contraignant la main d'œuvre à des conditions de travail extrèmes. Officiellement, on compte trois morts en septembre 2014 (contre 100 000 lors de la percée du premier canal !) et le nombre de blessés reste inconnu. Des milliers d'habitants ont reçu un avis d'expulsion dix jours seulement avant la démolition de leur maison et de leurs champs et ne reçurent aucune compensation. (2) Malgré les déclarations officielles, le peuple Égyptien a commencé à subir avant même de pouvoir profiter (3) des retombées de l'opération.

Autre motif à la nécessité de faire fissa : la situation intérieure décourage le touriste, première ressource jusqu'alors de l'Égypte.

 

Car, au-delà de ces enjeux économiques évidents, des problèmes intérieurs, stratégiques et géopolitiques dominent en la circonstance les choix politiques du militaire Al Sissi. La menace du groupe islamiste du Sinaï est omniprésente; un tir de roquette sur une frégate qui naviguait à proximité de la côte. Aussi le canal sera-t-il un point crucial surmilitarisé - à l'instar des eaux somaliennes quand les actes de piraterie étaient réguliers - et l'“État islamiste “a menacé d'exécuter un otage croate travaillant pour une compagnie française. Le canal et toutes les infrastructures du pays, comme l'État et la population sont sous le contrôle direct de l'armée. Sur le plan intérieur, le projet aura également permis de rassurer et d'obtenir l'adhésion des “simples citoyens”, vraisemblablement en partie des classes moyennes (le salaire minimum des Égyptiens est de 120 euros; plus de la moitié des jeunes “vit” avec environ deux dollars par jour). De nombreux petits porteurs se sont rendus dans les banques, incités par les médias, pour acheter les certificats d’investissement. Les 6 milliards d’euros nécessaires ont été trouvés en dix jours. La propagande patriotique, la main de fer du pouvoir militaire et l'absence d'information ne permet pas de dire si quelque type de résistance a pu se produire.

Un petit rappel historique estici nécessaire : démarré sous Moubarak, le chantier n'a évidemment pas échappé à la “Révolution” et quelques 6 000 ouvriers se mirent en grève dans les arsenaux de Port-Saïd, à l’entrée nord du canal de Suez, ainsi que chez plusieurs sociétés privées travaillant sur cet axe stratégique du commerce mondial, pour de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire, ainsi que la démission du directeur opérationnel du canal. La grève coûtera environ 200 millions d’euros au gouvernement en manque à gagner - si la circulation est toujours ouverte sur le canal, (4) une autorité militaire spéciale est en charge de sa sécurité (ainsi que de l'oéloduc Sumed) - et l'Asie comme l'Occident commencent à s'inquiéter des conséquences sur le trafic et le prix des hydrocarbures. Des navires US seront même envoyés sur zone.

Aujourd'hui, l'opération de doublement du canal de Suez est donc vouée à conforter le pouvoir d'Al Sissi, à générer du profit et à renforcer ses liens militaires et économiques avec l'Occident. Le tout sur fond de paternalisme et de sentiment nationaliste, prétextes à élimination de toute forme d'opposition - amalgame oblige - avec le soutien bienveillant et les intérêts bien compris des États et compagnies occidentaux.

Rien ne vaut le béton et les dollards pour camoufler une “instatbilité politique” mâtinée de totalitarisme.

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