samedi 3 août 2024

Le quotidien intenable des routiers, nouveaux forçats de l’industrie automobile européenne

 

Le quotidien intenable des routiers, nouveaux forçats de l’industrie automobile européenne

8 octobre 2018 par Leila Minano

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Renault, Volkswagen, Jaguar, Fiat… Derrière les carrosseries rutilantes qui sortent des usines des géants européens de l’automobile, se cache une réalité moins reluisante : celle des conditions de travail des dizaines de milliers de chauffeurs-routiers qui livrent chaque jour les constructeurs. Les journalistes d’Investigate Europe ont enquêté, du Portugal à la Norvège, auprès d’une centaine de chauffeurs de quatorze nationalités différentes, d’élus européens, de syndicats, de constructeurs. Partout, le constat est accablant : l’exploitation des chauffeurs qui transportent les pièces ou les voitures des constructeurs montre l’un des pires visages de l’Union européenne.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’une enquête menée par les journalistes d’Investigate Europe à travers toute l’Union européenne. Les différents articles, publiés dans plusieurs pays, sont regroupés sur le site du collectif.

En ce dimanche de la mi-septembre, l’usine Renault-Flins a des airs de manufacture désaffectée. Les 2500 ouvriers sont rentrés chez eux pour le week-end, laissant les chaînes de montage à l’arrêt. Le silence règne sur ce qui est habituellement une gigantesque fourmilière de 230 hectares. Personne... ni pour demander son chemin, ni pour témoigner qu’un jour quelqu’un a bien travaillé sur ce site, posé le long de la Seine au nord-ouest de la région parisienne. Soudain, au bout de la route longée par un grillage, des éclats de voix résonnent, provenant du parking situé à quelques mètres de la réception – un carré de bitume entouré par une barrière métallique. Une soixantaine de poids-lourds y sont garés en épi, de manière quasi-militaire. Les géants de la route sont floqués aux noms des entreprises de transport, des sous-traitants turcs, polonais, roumains, slovènes, mais aussi parfois français, de Renault.

A 14h, le thermomètre frise les 30 degrés. Le soleil cuit le goudron et les trois bennes à ordures installées dans les coins. Les conducteurs se sont installés à l’ombre, dans les interstices, entre les portières des camions. Ils profitent tant bien que mal de leur dimanche, assis sur des tabourets dépliants. Dans un coin, un groupe regarde un film sur un ordinateur portable, posé sur une table de camping. Un chauffeur fait sa toilette à l’aide d’un jerrican accroché sous son véhicule. Plus loin, un jeune homme étend son linge devant un immense pare-choc, après l’avoir lavé dans une bassine. Ça et là, de petits réchauds à gaz cuisent des entrecôtes ou des cuisses de poulet dans un bain d’huile.

La plupart devisent discrètement, mais Cosmin*, un roumain de 26 ans, blague fort, au milieu d’un petit groupe de collègues Moldaves et Bulgares. Hier, ils ne se connaissaient pas, mais aujourd’hui ils rigolent comme de vieux copains dans un mélange d’anglais et de russe. « Le dimanche, c’est free-time ! », lance-t-il, ravi de se reposer enfin après cette semaine passée sur la route. De grands yeux clairs, un corps d’athlète et des cheveux coupés ras, Cosmin a quitté Bucarest il y a trois mois. Depuis, il n’a dormi qu’une fois ou deux dans un vrai lit, se contentant de la banquette du fond de la cabine de son camion. Comme ses collègues, il cuisine chaque soir au réchaud et se passe de douche quand il n’en trouve pas une « un peu propre » sur les aires d’autoroute où il s’arrête.

Pour sa peine, il gagne 1200 euros par mois, dont 400 euros de frais réservés à ses dépenses sur la route. Un montant dérisoire pour se loger et se nourrir pendant un mois dans des pays comme la France, l’Allemagne ou la Suède. Alors, comme ses camarades du parking, il mène une vie de campeur, et il pourrait s’en arranger si les siens ne lui manquaient pas si durement. « J’ai une petite fille de deux ans, confie-t-il dans ce sourire dont il n’arrive pas à se départir. La dernière fois que je suis rentré, elle ne se rappelait même plus de moi... » Dans deux semaines, le jeune père de famille rentrera chez lui. En attendant, il compte les jours « en priant pour que cela passe plus vite ».

L’industrie automobile, friande du transport routier

Demain, les pièces détachées livrées par Cosmin et ses collègues seront montées sur les chaines de l’usine, spécialisée dans la fabrication des « citadines » de la marque au losange : Clio, Twingo, Micra, Renault 5... Depuis 1952, plus de dix-huit millions d’entre-elles ont été assemblées dans ces bâtiments, de l’autre côté du grillage. Mais toutes les pièces ne sont plus fabriquées ici depuis des années. A force de délocalisations, les morceaux de véhicules construits en Turquie, en Slovénie ou ailleurs doivent être rapatriés jusqu’à Flins. Une fois montés, les modèles flambants neufs doivent ensuite être livrés dans les 12 000 points de vente que la marque française, aux 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires, utilise dans le monde (56% sont en Europe).

Courtes ou longues distances, dans la majorité des cas, ce sont les chauffeurs-routiers qui sont missionnés. Mais le constructeur français n’est pas le seul à faire la part belle au transport routier : ses concurrents aussi. Après les multinationales de l’agro-alimentaire et des produits manufacturés, les géants de l’automobile européens font partie des premiers « donneurs d’ordre » du secteur. Les journalistes d’Investigate Europe (IE) ont enquêté, du Portugal à la Norvège, auprès d’une centaine de routiers de quatorze nationalités différentes, des élus européens, des syndicats, des constructeurs. Partout, le constat est accablant. L’exploitation des chauffeurs-routiers étrangers qui transportent les pièces détachées ou les voitures des géants de l’automobile montre l’un des pires visages de l’Union européenne.

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Un camion pour dix habitants en Pologne

Les constructeurs européens effectuent rarement les livraisons avec leurs propres camions. Ils font presque toujours appel à des sous-traitants, de grandes multinationales spécialisées dans le transport-routier, qui emploient elles-mêmes des filiales généralement basées dans les pays de l’Est ou du Sud de l’Union Européenne (UE). Il y aurait de quoi s’y perdre, mais la logique économique est pourtant limpide comme de l’eau de roche : il s’agit d’embaucher à l’endroit où les salaires sont les plus bas. Renault Trucks – comme Volkswagen, Volvo ou Scania –, travaille par exemple avec le transporteur néerlandais De Rooy, qui lui-même a une filiale en Pologne (De Rooy-Polska). Cette dernière embauche à des salaires de misère, et en toute légalité, des milliers de conducteurs qui traverseront les frontières avec leurs charges de véhicules.

Depuis l’entrée progressive des pays de l’Est dans l’UE, entre 2004 et 2007, les entreprises de transport ont pu faire des économies conséquentes. Les différences salariales entre les travailleurs de l’Ouest et ceux de l’Est sont immenses. Un chauffeur polonais gagne en moyenne 602 euros brut par mois, quand un français reçoit 2478 euros. Quatre fois moins. Aujourd’hui, la Pologne est devenue leader européen du transport international, devant la France et l’Allemagne. Trente-deux mille entreprises y ont fleuri, et 3,2 millions de poids-lourds y étaient enregistrés en 2017 [1]. Près d’un camion pour dix habitants.

Interminable course au moins-disant social

Mais ce qui pourrait apparaître comme une bonne nouvelle pour ce grand pays de l’Est, en est aussi une mauvaise pour l’ensemble des travailleurs de la route, qui doivent faire face à un féroce « dumping social », une interminable course au moins-disant salarial dont les limites semblent sans-cesse repoussées. Les travailleurs de l’Ouest subissent pertes d’emplois et baisses de salaires. Quant aux travailleurs de l’Est, déjà paupérisés, ils sont confrontés à une nouvelle concurrence : l’arrivée de conducteurs encore plus vulnérables en provenance de pays extérieurs à l’UE. Une véritable explosion si l’on en croit les chiffres obtenus par Investigate Europe : le nombre d’ « attestations » – documents qui autorisent les chauffeurs extra-communautaires à travailler dans l’UE – a augmenté de 286 % entre 2012 et 2017.

L’année dernière, 108 233 de ces documents ont été délivrés, dont plus de la moitié par la Pologne [2]. Moldaves, Biélorusses, Russes, Ukrainiens, Philippins, Kazakhs et même Sri Lankais, disputent désormais la route à l’ultra-prolétariat Est-européen. Interrogé, le ministère français de l’Écologie – en charge du Transport – assure pourtant que « ces conducteurs étrangers bénéficient de droits sociaux très proches de ceux des conducteurs de l’UE ». Notre enquête prouve le contraire.

« Fatigués ou malades, ils roulent, sans jamais s’arrêter »

Ewin Atema, syndicaliste du FNV, le syndicat routier des Pays-Bas, connait bien la misère dans laquelle sont plongés ces chauffeurs de troisième classe. En 2016, cet ancien chauffeur licencié en droit a fait reconnaître par la justice de son pays le statut de victime de la traite des êtres humains à 25 conducteurs philippins, qui gagnaient 690 euros par mois et dormaient tous les jours dans les cabines de leurs camions. Mais celui qui est devenu la bête noire des transporteurs ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Armé de sa caméra, il continue de parcourir les routes à la recherche de nouvelles preuves contre les entreprises qui ont recours à l’exploitation. En août dernier, l’infatigable syndicaliste a fait condamner la société Brinkman – sous-traitante d’Ikea - à une amende de 100 000 euros pour avoir payé des routiers roumains en deçà des minimas légaux. Épinglé par la presse – notamment par un reportage édifiant de la chaîne britannique BBC – le magnat des meubles en kit s’est engagé à réagir.

Nous nous sommes rendu, avec Edwin Atema, aux abords de l’usine Renault Trucks – spécialisée dans les véhicules industriels et commerciaux – à Bourg-en-Bresse, alors qu’il s’apprêtait à recueillir de nouveaux témoignages. « Ces routiers sont privés de leur dignité. Ils sont sous-payés, ne peuvent jamais se reposer, ne peuvent pas rentrer dans leurs foyers car c’est trop loin... Ils ne dorment jamais dans un lit et mangent sur la route. Certains ne sont même pas inscrits à la sécurité sociale », se désespère le militant. Ces conducteurs, dont l’autorisation de travail en Europe dépend de leur employeur, osent encore moins se plaindre, alors « ils roulent, fatigués ou malades, ils roulent, sans jamais s’arrêter ».

Sur les routes d’Europe, nous avons recueilli plusieurs témoignages de ces travailleurs extra-communautaires embauchés par des sous-traitants de constructeurs automobiles (Renault, Peugeot, Volkswagen, Scania, Jaguar). La majorité était payée « aux kilomètres parcourus », une pratique illégale qui les pousse à conduire le plus longtemps possible, et peut avoir des conséquences dramatiques sur la route. En 2015, La Dépêche du Midi rapporte un accident meurtrier sur une départementale près de Dax, dans le Sud-Ouest de la France. Tomasz Krzempek, 33 ans, transportait des pièces automobiles pour une usine locale. Le chauffeur polonais avait avalé 2000 kilomètres en plus ou moins 24 heures, avec à peine une halte pour dormir dans son véhicule. A l’aube, le chauffeur, « très fatigué », s’était endormi au volant, le camion était sorti de la route pour percuter une voiture, tuant sur le coup sa conductrice, une aide-soignante retraitée.

Sous pression permanente

De tels cas dramatiques sont censés être évités par la réglementation européenne qui interdit, sous peine d’amende, de conduire plus de neuf heures par jour et 56 heures par semaine [3]. Mais certains employeurs ont trouvé la parade. Treize chauffeurs interrogés par Investigate Europe et travaillant pour De Rooy, un des sous-traitants de Renaults Trucks, affirment avoir été forcés par leur encadrement à truquer leur tachygraphe – un appareil qui enregistre la vitesse, les temps de conduite et de repos – afin de pouvoir dépasser le nombres d’heures autorisées. Une pratique confirmée en France par un fonctionnaire de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), en charge des contrôles sur les routes, qui parle sous couvert de l’anonymat. Philippe*, 25 années de contrôles routiers à son actif, affirme que les chauffeurs de De Rooy sont victimes de « nombreuses pressions. Car ils conduisent avec des tracteurs à 100 000 euros dont les clients ne tolèrent aucune égratignure ». Par ailleurs, ajoute-t-il, « grâce à la géolocalisation, De Rooy peut savoir quand le chauffeur se repose et n’hésite pas à le rappeler à l’ordre plusieurs fois par jour pour qu’il accélère la cadence » [4].

Il faut dire que dans le transport, l’employeur semble avoir un bon moyen de pression à sa disposition : les salaires déjà misérables peuvent varier du simple ou double quand on applique des pénalités aux chauffeurs « pour les égratignures constatées sur les camions ou sur les véhicules transportés », mais aussi pour les retards, ou pour les erreurs dans les documents administratifs à remplir. Grands princes, les transporteurs peuvent aussi ajouter des « bonus » – entre 20 centimes et 5 euros – si le chauffeur parle anglais ou s’il réalise plus de 11 000 kilomètres par semaine. La carotte et le bâton. Une méthode managériale plus ancienne que le droit du travail, mais qui sur la route peut avoir des conséquences désastreuses...

Vétérans de guerre au volant

Autre obstacle à la protection des travailleurs extra-communautaires : ils ne sont la plupart du temps pas en mesure de lire leurs contrats de travail, qui ne sont pas rédigés dans leur langue d’origine mais dans celle de leur pays d’« accueil ». Autrement dit, le pays de l’entreprise qui les embauche : De Rooy Polska imprime ainsi des contrats en polonais pour ses chauffeurs biélorusses ou kazakhs. Mais au premier rang des nationalités de ces routiers de troisième classe [5], on trouve les chauffeurs originaires d’Ukraine, un pays en guerre depuis quatre ans. Le malheur des uns fait donc le bonheur des transporteurs européens. Aujourd’hui, il n’est donc pas rare de croiser sur les routes d’Europe des vétérans de guerre au volant d’un poids-lourd.

Nous avons rencontré Bogdan sur le parking d’AutoEuropa, l’usine d’assemblage de Volkswagen, au Portugal. Le combattant au bomber « Kalashnikov » a été capturé plusieurs fois, et a même été le héros d’un documentaire tourné sur le front du Donbass. Mais le père de famille a fini par fuir la violence de la guerre, et par se reconvertir en chauffeur-routier pour le compte d’une entreprise polonaise. A Soumagne, en Belgique, nous avons aussi rencontré avec un autre ancien militaire ukrainien, à l’occasion d’un contrôle routier à la frontière franco-allemande. Ce conducteur qui avait quitté son pays il y a quatre mois était très angoissé à l’idée de croiser un policier. Il finira par payer une amende de 1900 euros, car il avait conduit trois semaines d’affilée sans prendre le moindre repos hebdomadaire.

« Quoi qu’il arrive, les chauffeurs français passent devant tout le monde »

A Flins, les Ukrainiens font partie des chauffeurs-livreurs de l’usine Renault. « Il y a aussi des Turques, des Slovènes, des Roumains... Tellement de nationalités que je ne peux pas toutes me les rappeler ! », assure, David*, un cariste du constructeur. Costaud, le visage rond, l’ouvrier charge et décharge les camions qui arrivent dans les « gares » de l’usine depuis plus de 20 ans. D’après la section CGT Renault-Flins, entre 200 et 700 camions déchargeraient ici chaque jour. Un ballet continuel qui ne s’arrête que le week-end, lorsque les ouvriers du constructeur sont en congé hebdomadaire. David assure que certains jours, les queues de camions sont interminables devant les gares. Les chauffeurs peuvent attendre « jusqu’à 27 heures » que leur camion soient déchargé. « Ils me font tellement pitié à attendre là, au volant de leurs poids-lourds, surtout les Slovènes qui ne sont pas payés quand leur camion ne roule pas. Ils sont crevés après avoir parcouru des milliers de kilomètres, et ils doivent rester là à poireauter par tous les temps ».

Désespérés, certains conducteurs habitués des lieux tentent même de soudoyer les caristes avec quelques bouteilles d’alcool ou des paquets de cigarettes. « Mais ça ne marche pas, quoi qu’il arrive les chauffeurs français passent devant tout le monde, ce sont les directives, poursuit-il tristement. Parce qu’eux ils se feront payer leurs heures supplémentaires, et ça, les boites n’aiment pas. » Et la pitié des caristes n’y change rien : « La direction ne se préoccupe pas de leur sort car ils savent qu’ils n’iront pas se plaindre. » Parfois sur les quais de déchargement de Renault, le malheur des conducteurs est plus grave encore que le camping ou l’attente. En avril 2017, un chauffeur lituanien de 59 ans a été écrasé par son chargement, quatre voitures neuves qui devaient partir pour l’Espagne.

Ali Kayat, secrétaire de la CGT Renault a porté la question des conditions de travail délétères des chauffeurs-livreurs à plusieurs reprises à l’occasion des réunions CHSCT. Selon lui, à chaque fois la réponse de la direction serait la même : « Ce n’est pas notre problème, ils ne travaillent pas pour Renault, et nous sommes là pour parler des conditions de travail des employés de Renault. » La CGT est toutefois parvenue à obtenir des réponses en abordant les questions de sécurité et d’hygiène posées par la présence des conducteurs sur le parking, dans des conditions indignes. La direction a fait refaire les sanitaires qui se trouvent à l’intérieur de la « réception », sans juger utile d’en construire davantage. Le bâtiment, juste devant l’aire de repos, comprend deux toilettes, deux urinoirs, et une douche... pour plusieurs centaines de chauffeurs.

De la Turquie à Flins en une journée

Cosmin, le chauffeur roumain, n’utilise pas ces sanitaires qu’il juge trop sales. Pas plus que Marco*, conducteur polonais de 49 ans qui se trouve lui aussi sur le parking. Cet ancien chauffeur de taxi s’est acheté ses propres toilettes portatives en plastique, qu’il installe sur le siège passager de son petit camion de moins de 3,5 tonnes. Ses grandes mains calées sur le volant, le chauffeur dodu a sorti claquettes et t-shirt de football pour profiter, à l’aise, de son jour de congé. Hier, il transportait des réservoirs à essence pour les citadines de Renault. Aujourd’hui, il partage une coupelle de cacahuètes et un verre de whisky avec un couple de collègues bulgares. Marco ne se plaint pas, il gagne trois fois plus que ce qu’il touchait en Pologne comme chauffeur de taxi. Père d’une fille de 21 ans, il appelle sa famille tous les jours sur une messagerie électronique, quand il trouve un réseau wifi gratuit. Par chance, à moins de deux kilomètres de Renault-Flins, il y a celui du McDonald’s : à chaque fois qu’il livre l’usine, il se gare sur le parking du fast-food et se connecte. Ce matin, il a pu appeler sa mère et regarder les informations polonaises en replay.

Ses collègues bulgares, Micka* et Lucas*, sont aussi des habitués des lieux. Ils sont parvenus à se faire embaucher « en double équipage » par un transporteur turc qui « paye bien mieux » que ceux de leur pays. Pendant que le premier conduit, le second dort, et vice-versa. Une manière d’arriver plus vite à destination. Lucas, 71 ans, presque 40 ans de route derrière lui, est le doyen des chauffeurs du parking. Officiellement il est à la retraite, mais comme sa pension de 150 euros ne suffit pas, il est retourné au turbin pour 600 euros mensuel. Depuis trois ans, les deux collègues effectuent régulièrement le trajet entre les usines Renault de Oyak-Borsa, en Turquie, et celle de Flins. Le duo de choc se vante de pouvoir parcourir les 3000 kilomètres qui séparent les deux sites « en une journée, une journée et demi », pour les livraisons urgentes. Pour battre de tels records, les Bulgares et leurs employeurs doivent s’arranger avec les limitations horaires.

Les constructeurs bientôt soumis au devoir de vigilance

« Chaque semaine les chauffeurs doivent prendre un repos de 45 heures d’affilée hors de leurs cabines, c’est la loi », analyse un fonctionnaire spécialiste du transport-routier au sein de L’Office nationale contre le travail illégal, le service du ministère de l’Intérieur qui lutte contre les formes graves d’exploitation au travail. L’OCLTI enquête notamment sur les réseaux criminels qui organisent la traite des êtres humains, mettent en place des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne. L’inspecteur est formel : « C’est absolument interdit. Ces chauffeurs ne devraient pas dormir dans leurs camions pour leur repos hebdomadaire. Ces lois sont faites pour les protéger. Ce sont des êtres humains, ils ont besoin d’un vrai congé dans des conditions dignes. »

Les chauffeurs, mais surtout leurs employeurs – les sous-traitants de Renault -, qui ne leur donnent pas les moyens de se loger, sont en infraction. Même analyse du côté de l’inspecteur de la Dreal. Concernant les deux chauffeurs bulgares qui se relaient 24h sur 24, Philippe ajoute que s’il est prouvé que « l’essentiel de leurs missions se déroulent en France, que c’est l’endroit principal où ils déchargent leurs marchandises, le lieu d’où ils reçoivent leurs instructions et où sont stationnés leurs véhicules, ils doivent être payés selon la convention collective française ». Lucas avec ses 600 euros par mois, en est loin. Tout comme les chauffeurs roumains du sous-traitant d’Ikea défendus par Edwin Atema. Quant à Renault, sa responsabilité pourrait bientôt être mise en cause.

La loi relative au devoir de vigilance des donneurs d’ordre, qui devrait entrer en vigueur au premier semestre 2019, pourrait en effet mettre des bâtons dans les roues du constructeur. Initiée après l’effondrement meurtrier du Rana plazza – qui avait fait près de 1200 morts au sein d’ateliers textile au Bangladesh en 2013 –, cette loi oblige les entreprises à réparer les préjudices causés par leur absence de vigilance vis-à-vis de leurs sous-traitants. L’association Sherpa, qui lutte contre l’impunité dans la criminalité économique et financière, confirme : « Renault est une entreprise de plus de 5000 salariés qui a son siège social en France, explique Tiphaine Beau de Lomenie, juriste chez Sherpa. Elle peut être tenue responsable des agissements des sous-traitants avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie**.

D’après la juriste, spécialiste de la nouvelle loi, le constructeur « doit identifier et prévenir les risques en matière de droits humains, environnementaux, de santé et sécurité liés aux activités de ses sous-traitants ». D’autant que le constructeur français, en publiant son plan de vigilance, avait promis d’agir « pour la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail » et de réaliser des « audits de terrain » auprès de ses sous-traitants à risque. Pour l’usine de Flins, les contrôleurs missionnés par Renault n’auraient pas à aller bien loin.... Quelques dizaines de mètres à peine séparent le site du parking.

Leïla Miñano (Investigate Europe)
Photos : Jeanne frank / Collectif Item

*Ces prénoms ont été modifiés à la demande de l’interviewé.
**En dépit de nos sollicitations répétées, l’entreprise Renault n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Investigate Europe est un projet pilote pan-européen : une équipe de neuf journalistes travaillant dans huit pays européens, qui enquêtent sur des sujets ayant une résonance sur l’ensemble du continent. Chacune des enquêtes est publiée dans les colonnes de leurs partenaires médias européens, dont Bastamag fait partie – parmi eux : Tagsspiegel (Allemagne), EuObserver (UK), Newsweek Polska (Pologne), Publico (Portugal), Infolibre (Espagne), Aftenposten (Norvège), Corriere della Sera (Italie), Efsyn (Grèce), Falter (Autriche), Dagen Arbet (Suède), The Black Sea (Roumania), Ugebrevet A4 (Danemark), Pot Crto (Slovenie). Leur travail est financé par des bourses et des fondations, ainsi que des contributions de lecteurs. En savoir plus sur le projet et sur les journalistes ayant travaillé sur cette enquête : www.investigate-europe.eu.

Notes

[1] Données obtenue par IE auprès du Centre d’enregistrement des véhicules et des chauffeurs de Pologne.

[2] Soit 65 000 attestations. Source : Inspection générale du transport routier de Pologne.

[3] Selon le règlement social européen n° 561/2006 du 15 mars 2006. Voir ici.

[4] Sollicitée par Investigate Europe, l’entreprise De Rooy a fourni la réponse suivante : « Notre politique d’entreprise est de ne pas faire de déclarations de fond sur notre stratégie commerciale, sur l’exécution de nos activités et / ou celle de nos clients à un tiers. Par conséquent, nous ne pouvons accepter votre demande. (...) Nous espérons que vous vous êtes correctement informés et vous souhaitons beaucoup de succès avec cet article. »

[5] 30%, 20 000 attestations délivrées.


vendredi 2 août 2024

Lutte de classe et concurrence dans l’industrie textile

 

Paru dans ECHANGES N°121 été 2007

greveclair

 La fin du système protectionniste instauré dans le monde par l’accord multifibres de 1974 à 2004 plonge l’industrie textile dans une concurrence exacerbée qui entraîne chute des salaires et aggravation de conditions de travail déjà très dures. D’où les révoltes des travailleurs du Bangladesh en 2006, de l’Egypte et d’ailleurs aujourd’hui

En France le gouvernement de Sarkozy essaye de sauver les dernières plumes du coq gaulois, pour séduire les partisans d’une cause nationale protectionniste en déconfiture, tout en se faisant l’agent d’une mondialisation croissante puisqu’il va appliquer, passant sous les fourches caudines de l’ Union européenne, les directives libérales de Bruxelles. Les soutiers du gouvernement cherchent toutes les petites recettes (TVA sociale, franchises et autres ponctions) qui pourraient ramener le coût du travail au niveau de l’économie souterraine.

Après avoir signé les traités européens qui devaient libéraliser et déréglementer (les transports, les télécommunications, les services, les finances...), après avoir liquidé des pans entiers d’industries (la sidérurgie et le textile), ils veulent « remettre les Français au travail », expulser les clandestins (qui pourtant les servent bien, eux aussi, en tant que main-d’œuvre bon marché)... tout en développant la flexibilité et l’insécurité sociale du salariat.

Au moment où la concurrence que se font les travailleurs et travailleuses dans le secteur textile produit des explosions en chaîne (au Bangladesh, en Egypte, au Cambodge, et à l’île Maurice où des ouvrières sri-lankaises ont fait grève...). La pression d’un véritable esclavagisme qui sévit en Chine (très bas salaires et très dures conditions de travail), risquant de mener à la famine des milliers de travailleurs occupés dans ce secteur, nous amène à retracer un petit historique de l’accord multifibre.
Depuis une quarantaine d’années, les pays dits industrialisés n’ont cessé de perdre leurs avantages dans le secteur textile. Tandis que l’essentiel de l’industrie des vêtements est restée au stade de la plus-value absolue (1), où la main-d’œuvre reste dominante, la branche textile dans son ensemble, elle, s’est rapidement gonflée en capital fixe (4 % à 8 % de la formation brute en capital fixe de l’emploi industriel) ; la production de tissus requiert de plus en plus de machines perfectionnées, qu’il s’agisse de métiers à tisser les matières traditionnelles, mais aussi des synthétiques et de toutes matières de haute technologie faisant intervenir l’électronique avec l’intégration de puces...

Pour les pays dits en développement, les industries du vêtement représentent de 20 % à 40 % de l’emploi industriel et ont été rapidement en mesure, avec leur faible coût du prix du travail, de mettre à genoux celles des centres industrialisés (2).
A partir de 1974, un accord protectionniste (3) portant le nom d’« arrangement multifibres » (AMF) a été mis en place, afin d’endiguer cette mutation trop rapide. Il couvre un tiers du commerce mondial des vêtements ; un autre tiers concerne les échanges internes à l’OCDE et le dernier tiers les échanges entre pays exportateurs, du Nord comme du Sud.

Cet accord protectionniste au possible permettait donc aux pays du Nord de protéger leurs industries textiles contre la concurrence des pays en développement (4) Ce mécanisme protectionniste a aussi bénéficié à certains pays en développement : ceux qui avaient droit à de larges quotas, comme le Bangladesh, ont misé sur l’industrie textile et créé des emplois. Ce système a contribué à l’internationalisation de la production textile : lorsque certains pays atteignaient leur limite de quotas, les entreprises déplaçaient leur production là où des quotas étaient encore disponibles, et les coûts de production restaient bas. L’industrie textile s’est ainsi mondialisée à l’extrême, avec environ 160 pays producteurs. Il sera pourtant sans complexe qualifié comme un accord « de libéralisation » dans l’acte final des accords multilatéraux sur le commerce des marchandises signés à Marrakech en 1994, et qui intègrent l’accord sur les textiles et vêtements dont fait partie l’AMF.

Limité dans le temps (1995-2004) l’AMF va ralentir la lente agonie de l’industrie du textile des pays de l’OCDE et il sera fortement critiqué et conspué par les libéraux ; ceux-ci attendaient l’arme au pied le moment où leurs entreprises (5) pourraient enfoncer les digues de la forteresse OCDE pour inonder le marché.
Contrairement à ce que la grande presse prétendait, l’AMF ne fut pas un régime de protection de l’emploi, mais un régime de protection des investissements (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, CNUCED, 1994). Il fallait laisser le temps aux capitaux investis de se retirer en douceur pour se placer dans des branches plus rentables (6) La France et l’Italie furent les principaux pays bénéficiaires de l’AMF, mais aussi les pays exportateurs, qui trouvèrent le système pas si mauvais avec ses rentes qui tombaient pour les dédommager de leurs « pertes ». Comme la production de vêtements détermine en partie le prix mondial de la force de travail, puisque dans chaque salaire une fraction est réservée à l’habillement, l’accord AMF était loin de satisfaire toute la classe capitaliste :

« En effet, les consommateurs des pays de l’OCDE ont payé cher l’AMF (...). Quelques estimations portant sur les dix dernières années : ces coûts se mesurent en milliards de dollars. Comme dans le cas des produits agricoles, ce coût est encore plus lourd pour les consommateurs aux revenus les plus faibles (qui consacrent une part plus importante de leurs gains à ces dépenses nécessaires de vêtements). Ces coûts correspondent, grossièrement, à une hausse des prix de 20 % en moyenne, pour les textiles et de 40 % à 65 % en moyenne pour les vêtements (avec des crêtes de l’ordre du double ou du triple)

(La Nouvelle Organisation mondiale du commerce, Patrick Messerlin, Ifri, éd. Dunod, 1995, p. 121-122.)

Chaque capitaliste individuel veut que le prix des vêtements chute, de manière à pouvoir faire chuter le prix de la force de travail dans son secteur, et augmenter sa part de plus-value. Mais de l’autre côté de la barrière, ceux qui menaçaient l’industrie textile de l’OCDE se voient à leur tour menacés par la fin des accords multifibres et l’entrée de la Chine dans l’OMC.

Selon les syndicats du textile, 30 millions d’emplois dans le monde sont menacés (7). Le démantèlement de l’accord multifibres de 1974 sonne le glas pour de nombreux travailleurs de pays en voie de développement. Depuis trente ans, des pays comme le Bangladesh, l’île Maurice, l’Indonésie, Madagascar, le Sri Lanka, la Tunisie, le Lesotho, le Salvador ou la Turquie bénéficiaient d’un accès garanti aux grands pays importateurs. Ils avaient bâti leur économie sur le textile. Plusieurs gouvernements ont déjà annoncé des démantèlements de leurs législations du travail. Aujourd’hui le rouleau compresseur chinois impose ses normes d’exploitation à des pays où la surexploitation des travailleuses (80 % à 90% des employés du secteur textile sont des femmes) est déjà à la limite du possible, provoquant des explosions de révoltes et des émeutes ouvrières.
Ce n’est donc pas un hasard si le Bangladesh s’est trouvé confronté en 2006 à une véritable guerre civile (8), si des ouvrières sri-lankaises exploitées jusqu’au sang se révoltent en février 2007 contre la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) (voir La grève des ouvrières du Sri-Lanka à l’île Maurice) ; si, en mai 2007, une révolte éclate au Cambodge (voir Cambodge : Syndicats pro-patronaux à Pnom-Penh) et si l’Egypte connaît une déferlante de grèves aussi dans le secteur textile (voir Egypte : vague de grèves dans le delta du Nil).

Comment vont réagir les industriels et gouvernants de ces pays ? Ils vont reporter la pression sur les ouvriers et ouvrières. A titre d’exemple, le Pakistan fait toujours travailler des enfants. Les Philippines ont indiqué que la loi sur le salaire minimum ne s’appliquera plus au secteur de la confection. Au Kenya, sur les 39 000 emplois qu’offrait le secteur du textile et de l’habillement, 6 000 ont disparu depuis octobre 2004, et la moitié des emplois du secteur sont menacés, a indiqué un rapport du BIT intitulé Promouvoir une mondialisation juste dans le secteur des textiles et de l’habillement dans un environnement post-Accords multifibres.

Le document révèle qu’au Lesotho, l’une des économies les plus pauvres du monde, 6 650 travailleurs du textile sur 56 000 ont perdu leur emploi, et 10 000 autres ont été affectés à des travaux précaires.

Ce qui se passe dans l’industrie textile mondiale pourrait bien devenir l’avenir de l’industrie automobile mondiale, on en voit déjà les prémices.

G . Bad  juin 2007

ANNEXE

Le poidsde la Chine

La Chine est devenue en dix ans le premier exportateur mondial d’habillement avec 28 % du marché planétaire contre 19 % en 1995.
Durant la phase de transition, les parts de marché de la Chine sont passées de 4 % à 13,3% en quantité, et de 8,5 % à 16,4% en valeur. Lorsque les quotas sur les habits pour bébés ont disparu, les exportations chinoises dans ce secteur ont augmenté de 826% (celles du Bangladesh et des Philippines diminuant de 18 et de 17%). Selon la Banque mondiale, la Chine pourrait réaliser 50 % des exportations mondiales en 2010.
L’Empire du milieu produit la matière première et va jusqu’à la production finale avec des coûts de main-d’œuvre très bas : 90 euros en moyenne par mois pour un salarié pour 70 à 80 heures de travail par semaine. Les autres pays producteurs de textile, à l’exception de l’Inde, doivent importer la matière première, ce qui les rend moins compétitifs. Par ailleurs, la Chine a anticipé la fin des accords multifibres en augmentant sa capacité de production. #

NOTES

(1) La plus-value absolue est obtenue par un prolongement de la journée de travail au-delà du temps nécessaire à la reproduction de la force de travail, alors que la plus-value relative sera obtenue par la recomposition de la force de travail - essentiellement au moyen du progrès technique - en la réduisant à sa forme de travail capitaliste : le travail social abstrait et interchangeable.

(2) Un mécanisme de protection a été prévu jusqu’en 2008. C’est-à-dire qu’un pays qui observe une augmentation trop importante des importations chinoises peut en limiter le flux. L’Organisation mondiale du commerce lui en donne la possibilité. Les Etats-Unis, où 350 000 emplois ont disparu dans ce secteur en quatre ans, pourraient ainsi utiliser cette arme.

(3) Sans l’AMF, les exportations des pays en développement auraient doublé.

(4) On assignait aux pays producteurs une quantité maximale exportable vers les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne. Ces quotas différaient selon les pays et les catégories de produits.

(5) Il s’agit principalement de multinationales qui, par la triche fiscale et les bas coût salariaux, vont s’attaquer aux entreprises nationales du textile des pays de l’OCDE.#
(6) Les entreprises multinationales du secteur (marques et distributeurs) seront les principales bénéficiaires de la libéralisation. Elles ont déjà profité de l’AMF, délocalisant et re-localisant au gré des quotas disponibles et des coûts de production moindres. Avec la libéralisation, elles pourront choisir sans entrave les fournisseurs qui allient qualité et faible coût. De plus, elles n’auront plus à payer des redevances pour accéder aux quotas des pays exportateurs.

(7) La Fédération internationale des syndicats du textile (une industrie qui représente 6 % des échanges mondiaux) parle de 30 millions d’emplois affectés dans le monde. Le Bangladesh pourrait perdre un million d’emplois, c’est-à-dire la moitié des salariés du secteur. La Confédération internationale des syndicats libres estime que le Royaume-Uni pourrait perdre 15 % de ses emploi textiles, l’Allemagne 13 %, la France plus de 10 %.

(8) Voir Une révolte ouvrière au Bangladesh, Echanges 118 (automne 2006), et Bangladesh : quelle suite aux émeutes généralisées de 2006 ? , Echanges 119 (hiver 2006-2007).

REVOLTE OUVRIERE AU BANGLADESH EN 2006

REVOLTE OUVRIERE AU BANGLADESH EN 2006

AVANT D'ENTRER dans le détail des émeutes des ouvrières et ouvriers du textile au Bangladesh ces derniers mois, il nous paraît nécessaire de brosser les conditions de vie ainsi que 1 'arrière plan politique, car les conditions d'exploitation sont intimement et inextricablement liées à l'arriération de la vie sociale,ailleurs comme au Bangladesh, un des pays les plus pauvres et les plus corrompus du monde.

 Quelques données historiques et politiques

L'histoire politique récente du Bangladesh illustre un climat de violence doublé d'une impuissance politique dans une corruption généralisée. qui, à la fois, favorise et dramatise les conditions d'exploitation. On a pu ainsi écrire que le Bangladesh était un pays, maudit. Lors de la colonisation au XVIII siècle la province de Dacca était une partie du royaume du Bengale. Celui-ci,d'abord détruit et pillé par les Britanniques, fut ensuite développé autour d'une mono culture industrielle,le jute, et d'une ville Calcutta.

La décolonisation et, en 1947, l'indépendance sous la forme dictée pour une bonne part par 1 'ex-puissance coloniale, le Royaume-Uni, a entraîné une division basée apparemment sur des questions religieuses (hindouistes d'un côté et musulmans de 1 'autre) doublement absurde: au milieu l' Inde et, de chaque côté, deux morceaux.

Pakistan occidental et Pakistan oriental. séparés par des milliers de kilomètres et ayant peu de choses en commun sinon la religion. Doublement absurde car le Bangladesh (Pakistan oriental) agricole était coupé de sa base industrielle, Calcutta, restée en Inde. De plus, tout comme certaines parties du Pakistan occidental, le Pakistan oriental comportait une forte minorité hindouiste qui supportait mal la domination d'un Pakistan résolument affirmé musulman et particulièrement brutal.

L'aboutissement fut une guerre civile et nationale, durement réprimée par l'armée pakistanaise, mais qui regroupa musulmans et hindouistes et entraîna une intervention armée de l' Inde et, en 1 971. l’indépendance du Bangladesh. Un des paradoxes de la situation politiquc est que le Bangladesh doit en partie son indépendance à la lutte de la minorité hindouiste et à l'intervention de l'Inde.

et que, depuis, cette minorité (actuellement 12 % de la population) est l'objet d'une répression et d'un ostracisme (qui va jusqu'à leur élimination comme propriétaires terriens) de la part de la majorité politique musulmane et des extrémistes musulmans.Politiquement, deux grands partis se disputent le pouvoir. tous deux d'obédience musulmane: le Bangladesh Nationalist Party (BNP) et la Ligue Awami, l'un et l'autre éventuellement soutenus par de petites formations souvent plus radicales, de «gauche » pour la Ligue et musulmanes pour le BNP; de plus, le BNP aurait le soutien de l'armée qui, après les dictatures militaires du début de l'indépendance, ponctuées de coups d'Etat, continue de jouer un grand rôle en sous-main.

Depuis 1991, des élections « démocratiques » portent ces partis alternativement au pouvoir. Mais l'histoire politique fut d'abord une longue histoire de dictatures militaires puis une « démocratie musclée » dans laquelle l'opposition (n'importe laquelle) joue le boycott parlementaire, la violence de rue et la grève contre la majorité du moment. Elle recourt à des journées de grève générale appelées « hartals »,qui n'ont guère à voir avec des revendications ouvrières,et à la violence des « milices » politiques pour une participation par intimidation. Ces « hartals» dégénèrent souvent dans des affrontements avec la police ou les milices adverses, laissant souvent de nombreux blessés.voire des morts.

Elles paralysent l'activité économique :on a compté jusqu'à trente journées de,« hartal » en une année. On peut penser, vu la concentration des industries dans des zones spéciales, isolées et bien gardées,que ces affrontements dans les rues de la capitale n'ont guère d'incidence sur l'activité des zones en question, mais seulement sur les autres activités.

Quelques données économiques et sociales

 Difficile de dire si la ruine de 1'agriculture et de 1 'industrie du jute entraînée par l'utilisation des fibres plastiques synthétiques a favorisé le développement de l'industrie textile, mais celle-ci. qui représente aujourd'hui 76% des exportations.paraît vitale pour le Bangladesh, qui ne dispose que de peu de ressources énergétiques et assure difficilement sa subsistance alimentaire. Pour faciliter l'implantation des industries,essentiellement de l'habillement,grosses consommatrices de capital variable et dont les conditions de vie de l 'ensemble de la population ct son importance garantissaient un approvisionnement constant en force de travail à bas coût, le gouvernement a créé en 1978. à l'image de la Chine et de bien d'autres pays, des zones économiques spéciales. Celles-ci, comme partout, pour attirer le capital mondial, offrent, outre les bas coûts de production, des « avantages » divers (exemptions fiscales et « facilités » encouragées par une corruption généralisée).

Au Bangladesh,ces zones spéciales sont baptisées « Export Processing Zones »(EPZ).Situées essentiellement auprès des réservoirs d'une main d'oeuvre prête à accepter toutes conditions pour la survie dans les bidonvilles des principales villes Dacca et Chittagong, les EPZ sont de véritables Etats dans 1' Etat, entourées de doubles ceintures de barbelés,avec des entrées sévèrement gardées et contrôlées par la police et les services douaniers.A Chittagong, 1 'une d'elles regroupe 130 000 travailleurs dans 180 usines.

Aujourd'hui 2 500 000 travailleurs sont exploités dans 5 000 usines réparties dans ces EPZ.Outre des négriers locaux, la plupart des entreprises, travaillant le plus souvent en sous-traitance, fonctionnent avec des capitaux asiatiques (notamment japonais et coréens); nombre de ces sous-traitants étaient hors EPZ et les salaires y étaient en général inférieurs de 25 % à celui des exploités de la zone. En 1993 le BEPZA, organisme central régulant l'ensemble des zones, avait décrété que les lois du travail (pourtant bien peu contraignantes) ne s'appliqueraient pas dans ces zones et que les syndicats en étaient totalement proscrits. Les entreprises de cette industrie du textile sont pour 65 % d'entre elles totalement dans les mains de capitaux étrangers; 13 % sont des joint ventures ; les investissements locaux comptent seulement pour 22 %.Nous mentionnons par ailleurs les conditions dans lesquelles ces travailleurs sont exploités.

Les émeutes ouvrières

Les émeutes ouvrières qui ont éclaté fin mai et se sont poursuivies tout l'été ont touché essentiellement 1 'industrie de la confection, qui travaille en sous-traitance pour les multinationales du vêtement et de la grande distribution (dont l'américain Walmart et le français Carrefour). Les conditions d'exploitation,dignes de celles du début du capitalisme dans 1'Ouest européen il y a un siècle et demi, garantissent, entre autres,des prix relativement bas de 1'habillement courant dans les pays industrialisés et, pour les firmes intéressées et malgré ces bas prix,une accumulation de capital sans pareille.

Dans ces pays industrialisés, la reproduction de la force de travail peut ainsi être assurée à moindre coût, ce qui permet de maintenir des conditions d'exploitation,notamment dans l'extorsion de la plus-value,au minimum « upportable», ce qui permet ici même une bonne accumulation pour le capital. Cette pression du capital est encore renforcée par 1 'utilisation des délocalisations vers des pays « en voie de développement» comme le Bangladesh (notamment dans l'industrie textile) à la fois par l'existence du chômage et le chantage à la répression face à des revendications.Les émeutes dont nous allons parler montrent,par leur généralisation à une échelle nationale, que le prolétariat placé dans de telles conditions d'exploitation peut passer des résistances localisées dans une unité de travail à un mouvement de grande ampleur.

Il est vraisemblable que les capitalistes comme les dirigeants des pays intéressés,par exemple en Chine ou en Inde, pensent à une telle éventualité, voire à leur extension à une échelle internationale. Même limitées à une échelle nationale, les conséquences de tels mouvements peuvent être importantes pour l'ensemble de la structure présente du capital. D'un côté, ces luttes peuvent entraîner des déplacements d'investissements pour migrer dans des pays où ils seraient plus en « sécurité» c'est-à-dire garantissant de meilleures conditions d'exploitation. Le corollaire en serait inévitablement une déstabilisation sociale dans le pays abandonné où déjà, comme au Bangladesh, règne un certain chaos.

D'un autre côté, l'équilibre actuel des échanges mondiaux assurant, dans les pays importateurs de ces productions bon marché qui leur permettent de maintenir tant bien que mal un niveau de vie garant d'une certaine paix sociale, pourrait se trouver perturbé.

Selon l'aveu même des capitalistes, le château de cartes de la production mondiale à flux tendus s'en trouverait affecté .Cette situation, engendrée par la lutte de classe dans des termes semblables à ce qui se passe au Bangladesh. peut avoir des conséquences à court terme et à long terme bien que les deux termes puissent interférer l'un sur l'autre. A court terme la destruction temporaire d'un maillon vulnérable du processus de production peut sérieusement perturber un secteur productif ou un autre, mais le capital n'en sera pas menacé pour autant. A plus long terme, une disparition progressive, conséquence d'une lutte de classe dans des affrontements localisés ou généralisés,des approvisionnements à bas coûts provenant de l'exploitation d'une fraction importante du prolétariat mondial. Peut modifier totalement l'équilibre économique et social mondial actuel et engendrer d'autres luttes dans l'ensemble des pays industrialisés.

Comment la révolte a éclaté

Les conditions extrêmes d'exploitation ont été depuis des années à l'origine de révoltes dont la liste serait fort longue, mais toujours restées localisées dans une seule entreprise et sans avoir de résultats bien précis, tant pour les travailleurs ayant mené cette lutte que pour l'ensemble des exploités des EPZ. Une bonne partie des grèves localisées concernent le paiement des arriérés de salaires, couramment de deux mois ou plus. Cette fois-ci,la lutte dépasse ce problème spécifique en étant unifiée à cause de la généralisation de 1 'abaissement du niveau de vie, même si chaque lutte part d'une entreprise dans des circonstances locales; de fait, la révolte touchera l'ensemble du prolétariat, celui des usines et celui hors usines On peut supposer,vu l'importance des licenciements de «meneurs »,que des sanctions aient frappé au moins une partie de ceux qui avaient ainsi lutté.

Le 3 mai 2006, 1 500 travailleurs de la firme Ring Shine organisent une protestation contre une baisse des salaires dans l'EPZ de Savar (50 km au nord de Dacca). La direction appelle la police: 2 morts, 200 blessés.L'usine est attaquée et ravagée par les ouvriers : 6 sont arrêtés, 80 sont poursuivis pour déprédations. Quelques jours plus tard,un cartel de 8 syndicats- BGWUC- s'entremet et conclut un accord avec la direction qui paiera les soins des blessés, abandonne toute poursuite, paie les arriérés de salaires,indemnise les familles des tués (3 200 euros chacune), mais le cartel syndical s'engage à maintenir l'ordre dans l'usine de sorte qu'il n'y ait plus de conflit.

Le samedi 20 mai, une grève éclate à Sripur dans l'EPZ de Gazipur à 35 km de Dacca, dans 1 'usine FS Sweater Factory, où les travailleurs sont payés à la pièce. Auparavant, la direction avait réduit le taux payé pour chaque pièce, sans aucune justification ; les travailleurs protestèrent et tentèrent de négocier;la direction déposa une plainte contre 80 travailleurs pour« violences » et la police arrêta trois d'entre eux. Le lendemain, à 1 'embauche matinale, 1000 travailleurs se rassemblent, refusant de travailler tant que les trois travailleurs arrêtés n'auraient pas été libérés. Les dirigeants enferment alors les travailleurs dans l'usine et coupent l'électricité et l'eau (autrement dit, pas de ventilation et pas de boisson). Il fait dehors 40 degrés.

La chaleur devient intenable. Des travailleurs tentent d'escalader le mur de clôture ; la police qui est sur les lieux, appelée par la direction, tire: un travailleur est tué ; son corps est mis dans un sac et évacué par les flics. A Il heures, les travailleursbrisent les portes et se rassemblent sur 1 'autoroute de Dacca à Mymensingh (ville du Nord), près de l'usine. Ils sont rejoints par la population locale et bloquent 1'autoroute avec une barricade pendant six heures, devant se battre avec la police (bien que 90 % des travailleurs de l'usine soient des femmes, la majorité des manifestants sont des hommes) :un tué, 70 blessés, y compris des flics et des journalistes.

Le lundi 22 mai, dans la Savar EPZ, les travailleurs de Uni versai Garments Limited se rassemblent devant l'usine pour avoir le paiement de trois mois d'arriérés de salaires.Ils sont attaqués par le service d'ordre de 1' usine. Ils vont alors devant les autres établissements de la zone pour chercher de 1 'aide et un soutien solidaire. D'usine en usine, le groupe de manifestants grandit. Ils sont bientôt plus de 20 000 et, dans 1 'après midi, des travailleurs d'autres zones spéciales les rejoignent- des centaines d'autres usines se mettent en grève. Deux usines sont incendiées, 100 autres mi ses à sac et devant 300 autres, voitures et camions sont incendiés. La route principale menant à Dacca est bloquée. La bataille prend de 1 'ampleur, la police tire sur la foule. Les nouvelles de ces émeutes se répandent. D'autres travailleurs les rejoignent. Pour se dégager, la police tire encore. Un témoin déclare : « J'ai déjà été témoin de tels affrontements dans le passé, mais ce qui rn 'a frappé, c'est que cette fois, les vendeurs de rue, les tireurs de poussepousse etc. unis en une foule hostile commencent à jeter des pierres, à briser des voitures et à incendier les bus ... »

Le mardi 23 mai,<< Black Tuesday >>,la révolte s' étend encore à d'autre usines et de plus en plus d'ouvriers établissent des piquets de grève devant tous les centres d'activité. Dacca est paralysé par une grève générale qui s'étend à toutes les banlieues industrielles. Partout c'est le même cortège d'actions violentes: usines pillées, voitures détruites, bâtiments commerciaux attaqués et pillés y compris dans la capitale.

Des revendications apparaissent :fin de la répression, libération des travailleurs arrêtés,augmentation du salaire minimum, un jour de congé hebdomadaire, paiement des heures supplémentaires, congés payés, congé de maternité pour les femmes, des toilettes séparées pour les femmes paiement des arriérés de salaire ... Toute la journée, ce ne sont qu'incendie d'usines, barricades routières,affrontement avec la police ; des photographes de presse sont molestés. Des policiers sont amenés de tout le pays, la police des frontières et 3 000 militaires appelés en renfort. Les patrons demandent au gouvernement de faire intervenir 1 'armée pour rétablir l'ordre.

Le mercredi 24, tout paraît se calmer à cause de 1 'imposant déploiement policier et militaire et parce que les patrons se montrent par quelques signes prêts à faire des concessions, tout en refusant la constitution de sections syndicales dans les entreprises. Il semble que cette revendication vienne plus des travailleurs de base que des directions syndicales. Pourtant, ce sont ces dernières qui sont amenées à négocier avec l'organisation patronale BGMEA. Pour celle-ci, il ne s'agit pas tant d'une rupture avec sa ligne anti-syndicale antérieure que d'une adaptation aux circonstances, des pourparlers pouvant calmer le jeu et des syndicats éventuellement se montrer utiles pour encadrer les travailleurs. La rencontre initiée par le gouvernement dure six heures et se termine par des« promesses» de satisfaire l'ensemble des revendications et la création d'un comité chargé de traiter la question épineuse des salaires (d'un salaire mensuel moyen de 940 takas (tk)(11 euros) la revendication porte sur 3 000 tk [35 euros]). Pour appuyer le tout, une lettre est adressée à chaque travailleur de I'EPZ de Dacca, précisant les « promesses» en question, pour les inciter à reprendre le travail. Quelques jours plus tard, il est évident que les patrons n'ont nullement l'intention de respecter leur parole. Pendant tout le mois de juin, dans toutes les zones, l'agitation continue sur des points précis : annulation des sanctions contre les « meneurs», paiement des arriérés de salaires, refus d'appliquer les concessions faites uniquement pour entraîner la reprise du travail. L'une après 1 'autre, les usines débraient pour un motif ou un autre et les usines environnantes se joignent au mouvement dans des manifestations spontanées.

Les affrontements avec la police, l'armée, les milices patronales continuent. Certains patrons recourent au lock-out quand ils jugent que la situation est trop explosive.Parfois, c'est toute une EPZ qui est encerclée par la troupe et interdite aux travailleurs, ce qui est facile vu que chaque EPZ est une véritable forteresse.

-On ne peut qu'énumérer la multiplicité des luttes tout le long de juin, ponctuée à la mi-juin d'une nouvelle tentative d'« accord » pour endiguer le flot:

- 8 juin : reprise du travail.

- 11 juin : grève générale dans toute 1 'industrie de la confection ; 50 blessés; toutes les EPZ sont fermées.

-12 juin: nouvel accord tripartite sur les mêmes bases que le précédent mais cette fois avec la caution du BEPZ, bureau central régulant 1 'activité des EPZ.

- 15 juin :pas plus que le premier, cet accord n'est appliqué et l'agitation continue. Pour calmer de nouveau la situation, le gouvernement ordonne la libération de tous les emprisonnés,travailleurs et responsables syndicaux,prend des dispositions pour entamer des discussions sur les revendication et pour rassurer les patrons ordonne une enquête sur les causes des émeutes. Les premiers pourparlers sont engagés fin juin, entre le gouvernement,l'organisation patronale BGMEA et des représentant syndicaux (SKOP), ils forment un comité spécial chargé d'étudier la question centrale des salaires ; la revendication,si elle était satisfaite, porterait le salaire mensuel minimum de 940 takas (11euros) à 3 000 takas (35 euros) ; mais les patrons résistent à toue proposition d'augmentation.Et 1 'agitation continue dans la plupart des usines.

- 21 juin: l'organisation patronale BGMEA demande au gouvernement 1'installation d'une police spéciale pour protéger leur propriété contre tout trouble social. Le cartel des syndicats lance un nouvel appel parce qu'ils ne maîtrise rien, demandant aux patrons une application minimum des accords antérieurs.Cette tâche, à ce moment, est assurée par une sorte de GIGN, le Rapid Action Batalion, qui intervient chaque fois que les travailleurs se déploient : en général, cela ne les amène pas à reprendre le travail, mais à se répandre dans et hors de la zone et d'encourager les autres travailleurs à se joindre à eux. Il serait trop long de décrire les alternances de lock-out, de reprise du travail et de nouvelles attaques des travailleurs.C'est presque un enchaînement sans fin tout au long du mois de juillet.

- 1er juillet: 64 morts dans 1'incendie classique d'une usine. Pas d'émeutes, mais les travailleurs manifestent et bloquent les routes.

- 3 juillet: dans l'EPZ de Savar, près de Dacca, le bruit court qu 'un travailleur a été

tué dans la nuit de lundi ; une manifestation violente éclate alors à l'usine Irish Fashion: 100 blessés, 20 voitures incendiées. Les patrons décident la fermeture de 1 'usine et le lock-out indéfini. Le lendemain, les travailleurs se pointent à 1 'embauche pour trouver la porte de 1 'immeuble de sept étages fermée, avec une affiche sur la porte annonçant la fermeture; les 6 000 ouvriers arrachent l'affiche et commencent à manifester,la nçant des briques sur les fenêtres. La police stationnée dans l'usine n'intervient pas, gardant le silence. Toute la foule des manifestants se déplace alors vers les autres usines, que les patrons s'empressent de fermer alors que, en quelques minutes, leurs travailleurs se joignent aux premiers. Craignant alors la répétition des déprédations,les autorités décrètent la fermeture des 50 usines de la zone voisine de Dacca EPZ pour une période indéfinie. Toutes les forces de police et des militaires sont déployés pour endiguer le mouvement.

- 6 juillet : près de 100 000 manifestants à Ashulia où les travailleurs sont lock-outés:25 blessés.

- 8 juillet: 150 usines pillées et certaines incendiées.

+ 9 juillet :une ligne de chemin de fer est bloquée à Uttora.

+ 10 juillet:toujours à Uttora,1 800 travailleurs manifestent lors de la réouverture de l'usine pour obtenir le paiement des salaires arriérés. De nouveau des barricades et siège du commissariat local.Les patrons veulent de toute évidence avoir le mouvement à l'usure: la misère et la répression policière et militaire peu à peu contraignent les travailleurs à reprendre. Mais comme, début août. aucun accord n'a encore été appliqué, tout continue d'une manière plus ou moins sporadique. C'est ainsi que le 15 août, 6 000 travailleurs sont de nouveau en grève dans treize usines; que de nouveau une bataille rangée s' engage, avec la répression dans Dacca isolée pendant quatre heures: plus de 100 voitures incendiées, 50 blessés. Au départ de cette flambée, le refus par une entreprise de payer les arriérés de salaires, sauf à 49 jaunes.

Le 24 août, les mêmes leaders syndicaux lancent de nouveau un appel désespéré au patronat sur les risques d'explosion si un salaire minimum n'est pas rapidement fixé et respecté. Car malgré les engagements pris dès le 12 juin, 90 %des termes des accords sont restés lettre morte. Il est évident que les patrons attendent jusqu'au dernier moment pour fixer les termes d'un accord concernant les salaires. Tout en prétendant que si toutes les revendications prises en compte dans les accords étaient appliquées 75 %des entreprises textiles devraient fermer dans les six mois, ce qui,·étant donné 1' importance prise par cette industrie dans l 'économie du Bangladesh, entraînerait un chaos social total. C'est seulement le 12 septembre, dernier jour du délai imparti, qu'une des organisations patronales (BKMEA - tricot) avance enfin, avec des chiffres et des dates, un plan d'augmentation des salaires en trois étapes (salaires mensuels)

1) pour les grades de 7 à 1, 1 604 tk à 2 400 tk immédiatement (de 32 à 48 euros) (pour mémoire, le salaire moyen de base est,en principe de 900 tk 118 euros));

  1. pour les mêmes grades, de 1 890 tk à 5 725 tk au 1" juillet 2007 (38 à 115 euros) ;

3) de même, de 2 117 tk à 6060 tk au l" juillet 2008 (de 42 à 120 euros).

Mais ces concessions doivent être compensées par des avantages consentis par 1' Etat : subventions de 10 % de leur montant aux exportations, taux d'intérêt bancaire limité à 7 %, fourniture continue d'électricité et service accéléré dans les ports (ces dernières revendications patronales donnent une idée du niveau de 1 'économie et de la corruption).Personne ne sait si les patrons, individuellement, appliqueront ces «recommandations » qui n'ont aucune force légale. On peut penser que l'épuisement économique et la répression auront eu raison provisoirement de cette révolte ouvrière, mais que tout reste latent.

Un autre facteur important peut aussi avoir une incidence sur Je cours de ces luttes, entretenant une grande confusion chez ceux qui spontanément s'étaient insurgés contre la misère extrême de leur exploitation. Peu à peu, pour dévier cette révolte de tout son contexte économique, des accusations de « conspiration » se sont fait jour, entretenues par le patronat et par les politiques au pouvoir. Ont été ainsi incriminés: le pays voisin, l'Inde, les extrémistes musulmans,le parti d'opposition, la Ligue Awami et ses alliés. Même si cela peut effectivement être vrai, une révolte ouvrière d'une telle dimension ne peut jamais être la création de quelques bandes de nervis. Une des observations avancée pour expliquer la prétendue intervention de« provocateurs» stipendiés par des organisations visant à déstabiliser le Bangladesh pour des raisons économiques ou politiques est la présence d'une majorité masculine dans les manifestations alors que la main-d'oeuvre exploitée dans les usines de confection est féminine à près de 90 % (même les 10% restant formeraient une masse de 250 000 manifestants).

Mais indépendamment de ces accusations habituelles, plus important est, dès le mois de juillet, le développement de manifestations fréquentes et souvent violentes del' dans la capitale, Dacca, autour de la réforme d'une loi électorale et la surenchère politique pour les prochaines élections. On retrouve là une voie traditionnelle de l 'escamotage de revendications sociales derrière des conflits politiques, ce qui ajoute à la confusion et au chaos ambiant.

Aujourd'hui la situation en est à ce point.Le 14 juillet, le BGMEA dressait un bilan de près de deux mois d'émeutes ouvrières ;4 000 usines touchées par la grève à un moment où un autre. 16 usines incendiées, des centaines d'autres pillées et vandalisées,d'innombrables affrontements avec les forces répressives, trois morts officiels, des milliers de blessés, plusieurs milliers de travailleurs emprisonnés.

On peut s'interroger sur 1 'impact réel de l'ensemble de ces '' troubles " sur 1 'activité économique, à commencer pour celle du textile : en août. intox ou pas, le BGMEA annoncera que ses exportations textiles ont augmenté de 24 % (il n'est pas dit par rapport à quoi) ; étant donné d'une part, le fonctionnement chaotique « normal «  de cette activité, entre les « hartal" ,les coupures de courant, les grèves localisées, etc., et d'autre part la misère poussant à des reprises peut être intermittentes de travail, cela peut paraître vraisemblable.

 Si l' L'ESSENTIEL reste de savoir si les entreprises appliqueront le peu qui a été «gagné sur" les salaires et si les travailleurs se satisferont de ce peu, une autre question se pose: celle de la concurrence internationale et de la fin du contingentement imposé à la Chine dans ce domaine. Contrairement à ce qui avait été pronostiqué, le contingentement de la production chinoise avait entraîné un essor sans précédent des commandes au Bangladesh. D'où la pression exercée par les entreprises sur leurs exploités pour honorer cet afflux de commandes, sans leur concéder bien sûr une augmentation quelconque tout en accroissant la tension et les horaires de travail. Il est possible, comme cela fut avancé, que cette situation fut également une des causes de la révolte. Le marché des « sweatshops » est ouvert dans le monde entier et d'autres facteurs que les bas salaires jouent dans une concurrence féroce. Le Bangladesh peut offrir dans cette compétition les plus bas salaires du monde. Les dirigeants d'entreprises, outre ce plan d'augmentation étalée dans le temps, parlent de parer à la perspective d'une concurrence accrue par une augmentation de la productivité, ce qui signifierait le passage pour le moins partiel d'une forme d'exploitation (plus-value absolue) à une autre (plus-value relative).

 Cela soulèverait des problèmes d'investissement (dont jusqu'ici personne ne s'est soucié vu le délabrement des usines) et d'autres problèmes dans les relations de travail, dont la timide ouverture syndicale. D'autre part de nombreux autres éléments, dont l'amélioration de toute l'infrastructure économique et des relations politico-socialcs. Cela paraît difficile à concevoir car l'accumulation de la plus-value engendrée par la surexploitation du prolétariat se fait pour 1 'essentiel ailleurs qu'au Bangladesh, et cela promet d'autres révoltes ouvrières. Dans cette démarche du capital (accroître les conditions d'exploitation sur place en les modifiant ou en transférant 1'industrie dans des lieux plus propices au maintien du niveau présent d'exploitation) se pose un dilemme. Les multinationales du textile et de la distribution, par souci de leur image commerciale de marque et pour pouvoir continuer ainsi à engranger la plus-value née de la surexploitation de ces travailleurs, doivent faire semblant de se plier à une « moralisation » de l'exploitation: mais ils ont sans aucun doute tout intérêt au maintien des conditions qui leur assure ce profit maximum, c'est-à-dire à soutenir la répression qui frappe cette révolte et les gouvernements qui l'exerce.

  CE MOUVEMENT prendra-t-il d'autres formes ? On peut répondre à cette question de deux façons. Beaucoup considèrent que l'émeute serait une faiblesse organisa-tionnelle du mouvement. Au contraire, 1 'attaque contre la propriété autant que la grève, l'extension du mouvement à la fois par la recherche d'une solidarité de lutte et la réponse immédiate à cette demande de solidarité,en raison d'une communauté d'exploitation et de lutte quotidienne, sont précisément la force organisationnelle. C'est une classe qui échappe à la division en unités de production (et encore avec les forteresses économiques des EPZ en partie créées pour un enfermement des révoltes éventuelles) et qui s'organise en marchant. La destruction des instruments de leur exploitation,que 1 'on pourrait apparenter aux luddites, témoigne tout autant que dans l'extrême de leur révolte, ils savent que c'est ce monde qu'ils doivent détruire. Nous ignorons comment s'est faite concrètement 1'organisation de la lutte. Le fait qu'elle n'ait pas dépassé un certain stade vient de la double répression policière et des « promesses » de céder aux revendications. Dans un univers national clos,l'impératif de survie, au bout d'un certain temps obligeait de « perdre sa vie à la gagner » et mettait un terme à la révolte ouvrière- provisoirement.

 Partout dans le monde, et notamment dans tout l'Est et Sud-Est asiatique, dans dés nations différentes, des centres de surexploitation se sont développés, avec des conditions de travail qui ne diffèrent pas sensiblement d'un pays à l'autre. La révolte ouvrière du Bangladesh, par sa dimension et sa durée, est certainement le modèle de ce qui peut se produire ailleurs. En Chine notamment, le pouvoir est particulièrement attentif à ce que les révoltes locales (et elles sont nombreuses) ne s' tendent pas et ne se fédèrent pas en un mouvement puissant. Au-delà , les barrières nationales sont-elles un obstacle à une telle extension au-delà des frontières à cause de cette unité d'exploitation? Les innombrables migrations tant intérieures qu'extérieures peuvent-elles véhiculer la connaissance de ces révoltes et de l'identité d'un prolétariat dominé par le grand capital dans une unification dictée par la recherche effrénée de la plus-value maximum.

 Plus qu'autrefois cette unité d'exploitation pourrait, par-delà toutes les barrières et à l'insu de toutes les propagandes donner une réalité au mot d'ordre éternel du communisme: «Prolétaires de tous les pays,unissez vous. »

 

 Henri Simon

G.Bad- Imposante gréve des prolétaires du textile au Bangladesh.

 

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Manifestation des ouvriers du textile, à Dacca (Bangladesh) le 1er novembre 2023. (abed Hasnain Chowdhury/NurPhoto. AFP)

 Le Bangladesh est le deuxième exportateur de textile mondial, comme toujours c’est le faible coût de sa main d’œuvre qui en fait un concurrent redoutable sur la scène mondiale. Ses 3.500 usines de confection représentent 85% des exportations du pays1 et emploient 4 millions de salariés. Ces usines fournissent en majorité des entreprises comme H&M, Levi’s, Zara, Asos, Primark, Uniqlo ou Gap. Ce faisant les ouvrières et ouvriers s' affrontent aussi bien au capital national qu'à celui international des firmes ci-dessus.

Cette grève, fait suite à un puissant mouvement qui a des le 28 octobre 2023 mis 100.000 personnes dans les rues de la capitale pour exiger la démission de Sheikh Hasina la Première ministre. Là encore, une répression très dure s’était abattue sur les manifestants,

« Dacca (AFP) - De violents heurts avec les forces de l'ordre ont éclaté samedi au Bangladesh lors d'une manifestation de masse d'opposants à la Première ministre Sheikh Hasina, provoquant la mort d'un policier et d'un manifestant et faisant de nombreux blessés. » 2

C' est donc dans un contexte émeutier que la gréve de 600 usines de confection va éclater

Les syndicats réclament un minimum par mois . Le secteur, est composé à 80% de femmes qui exigent un triplement de leur salaire, soit 23.000 takas (195 euros)pour faire face à une inflation galopante. Malgré la proposition faite par la Première Ministre d’une augmentation de 56%,elles repoussent la proposition et continuent la grève,

Selon l'AFP la police avait tiré sur quelque 400 travailleurs qui manifestaient pour obtenir de meilleurs salaires sur une autoroute de la ville industrielle de Gazipur, proche de la capitale Dacca. "Six à sept personnes ont été blessées par balle."

Des affrontements auront lieu dans la ville industrielle d'Ashulia, à l'ouest de Dacca, lorsque 10 000 ouvriers ont tenté d'empêcher leurs collègues de reprendre leur poste.

"Ils ont lancé des pierres et des briques sur des policiers et des usines, et ont tenté de bloquer les routes", a déclaré à l'AFP le chef de la police d'Ashulia, Mohammad Sarowar Alam. "Nous les avons dispersés en tirant des gaz lacrymogènes."

La colère ouvrière va monter d' un cran

Une situation tragiquement illustrée par les incendies de l’usine textile de Tazreen et ses 110 morts en 2012, et du tristement célèbre effondrement de Rana Plaza en 2013, qui avait fait plus de 1135 morts.

Rubrique Internationale :Corée du Sud, Bengladesh

N° 884 29/07/2024  CORÉE DU SUD : UNE GRÈVE GÉNÉRALE ILLIMITÉE HISTORIQUE CHEZ SAMSUNG !
Le mouvement social prend de l’ampleur au sein de la filiale électronique du géant sud-coréen. Le principal syndicat a annoncé prolonger la mobilisation pour forcer la direction à négocier notamment des hausses de salaires. Les salarié-es avaient déjà cessé le travail lundi 8 juillet, dans la suite directe du débrayage du 7 juin.
La direction finira par s’agenouiller !
Selon un porte-parole de Samsung, l’entreprise «veillera à ce qu’aucune perturbation ne se produise sur les lignes de production», semblant espérer que la grève n’aura aucune conséquence. «L’entreprise reste engagée dans des négociations de bonne foi avec le syndicat», a-t-il ajouté. Mais de son côté, le NSEU confirme qu’il y aura une «perturbation évidente de la production», ajoutant que plus la grève durera, «plus la direction souffrira» : «La direction finira par s’agenouiller et s’asseoir à la table des négociations. Nous sommes confiants dans la victoire.»
Pour le syndicat, qui estime qu’elle n’est pas disposée à engager le dialogue, la direction de Samsung cherche à faire «obstruction» à la grève. Le NSEU appelle tous les salarié-es, notamment «ceux qui hésitent encore», à se joindre au mouvement: «Votre détermination est nécessaire pour faire avancer nos objectifs et notre victoire. Unissons nos forces pour protéger nos droits et créer un avenir meilleur.» Toujours infructueuses, les négociations sont pourtant engagées depuis janvier. Les salarié-es ont rejeté une offre d’augmentation de 5,1 %, alors que le syndicat réclame aussi une amélioration des congés annuels et une transparence des primes basées sur les performances.
De la poussière sur les yeux !
Pendant près de cinquante ans, Samsung avait empêché ses employés de se syndiquer avec parfois des méthodes violentes. Le fondateur de l’entreprise, Lee Byung-chul, mort en 1987, y était catégoriquement opposé, martelant qu’il n’autoriserait jamais les syndicats, «jusqu’à ce que j’aie de la poussière sur les yeux». Ce n’est qu’à la fin des années 2010 que la première organisation de défense des salariés a ainsi pu être constituée chez Samsung Electronics.
Le conflit est hautement symbolique car Samsung Electronics est l’un des plus grands fabricants mondiaux de smartphones, de puces semi-conductrices et un des rares producteurs de cartes mémoire à forte valeur ajoutée utilisées pour l’intelligence artificielle. Filiale d’un des plus importants conglomérats familiaux coréens, qui a annoncé la semaine dernière s’attendre à un bénéfice d’exploitation multiplié par quinze au deuxième trimestre, elle bénéficie d’une croissance notamment due à un rebond des prix des puces. Des puces qui sont le principal produit d’exportation de la Corée du Sud, lui rapportant 11,7 milliards de dollars en mars, un record depuis près de deux ans. Cela représente un cinquième des exportations totales du pays, faisant de Samsug une société incontournable dans le pays, où ses relations privilégiées avec le monde politique sont régulièrement mises en cause.
Notre Parti Révolutionnaire Communistes apporte tout son soutien aux travailleurs de Samsung en lutte pour leurs droits légitimes.
Prolétaires de tous les pays Unissez-vous !
 
BENGLADESH UNE REPRESSION SANGLANTE CONTRE LA REVOLTE ETUDIANTE
Au Bengladesh, les puissances manifestations, en particulier d'étudiants, contre les quotas dans  le recrutement dans la fonction publique ont fait au moins 174 morts selon l'AFP et conduit à 2.500 arrestations. Ce système des quotas à l’origine du mouvement de protestation réservait jusqu'à lors 30% des postes de la fonction publique aux descendants de eux qui se sont battus pour l'indépendance du pays, indépendance proclamée en 1971[1]. Si la cour suprême dans un souci d'apaisement a ramené ce quota à 5%, elle ne l'a pas aboli comme le réclamaient les manifestants.
Dans une situation où 18 millions de jeunes, chiffres officiels, sont au chômage et tout particulièrement des diplomés, la réintroduction des quotas en juin a soulevé la colère et entraîné de puissantes manifestations que le régime dirigé depuis quinze ans par la première ministre Sheikh Hasina a violemment réprimé.
Ces manifestations sont aussi la traduction d'une situation sociale particulièrement grave et défavorable aux travailleurs. Le Bengladesh est un de ces ateliers du monde en particulier dans la production textile où le niveau d'exploitation est très élévé au détriment de la sécurité et de la santé des travailleurs. Rappelons-nous cet incendie d’une usine d’habillement au Bangladesh en 2012 qui a fait au moins 109 morts parmi les travailleurs, principalement des femmes. Une fois encore, les ouvrierères ont été pris au piège et n’ont pu échapper aux flammes en l’absence d’issues de secours. Le groupe auquel appartenait l’entreprise Tazreen fournissait entre autres Carrefour, Pimkie, Go Sport, Casino, Auchan et C&A.
Si pour les puissances impérialistes et tout particulièrement les États-Unis, le Bangladesh constitue un tremplin stratégique dans la zone de l'Asie-Pacifique, Il est tout autant un réservoir de main-d’œuvre bon marché et contrainte par un capitalisme local féroce sous traitant des grands monopoles. L'augmentation des inégalités économiques, la pénurie d'emplois pour les travailleurs, le chômage généralisé des jeunes, la hausse des prix et l'inflation, la corruption, le blanchiment d'argent, le népotisme et le manque d'environnement propre et sûr sont bien les racines des révoltes ouvrières et étudiantes. La crise politique du Bangladesh est le sous-produit de la crise capitaliste.

Les principaux articles de Spartacus sur la réforme des retraites

INFOBRMANIFESTANTS DANS LES RUES DE PARISEF N°445 spécial retraitprincipauxe juillet 2016 il y a 2394 jours par spartacus1918 | Polit...