Ce texte (septembre 2001) est paru dans la revue , Aufheben,N°10,2002 en anglais.Ce texte fut aussi traduit en Allemand dans la revue Widcat-zirkular N° 62 , février 2002, et en français en brochure par Echanges et mouvement en octobre 2003.
Derrière l’Intifada du XXIe siècle ( premiére partie sur cinq) "La domination américaine au Proche-Orient"
Derrière l’Intifada du XXIe siècle,partie II Histoire de deux mouvements de libération nationale: le sionisme travailliste et le
Derrière l’Intifada du XXIe siècle,partie III-L’Intifada (1987-1993)
Derrière l’Intifada du XXIe siècle, partie IV -Le « processus de paix » d’Oslo (1993-2000)-
Derrière l’Intifada du XXIe siècle, partie V -L’Intifada du XXIe siècle
D’abord connus comme les « accords Gaza-Jéricho », les accords d’Oslo étaient une reprise des transactions que l’OLP rejetait depuis des années. On offrit à l’OLP d’administrer Gaza et Jéricho, dans un premier temps. Bien qu’on ait accordé, avec mauvaise grâce, un territoire plus étendu, Israël contrôle toujours les frontières, la politique étrangère, etc. Toutefois, la transaction était si humiliante pour l’OLP que même Israël s’inquiétait d’avoir eu la main trop lourde. Au Caire, le ministre de l’environnement israélien a prévenu qu’une OLP « vaincue » n’était pas plus dans l’intérêt d’Israël qu’une OLP victorieuse. « Quand on tord le bras d’Arafat au nom de la sécurité, il faut faire attention de ne pas le casser. Avec un bras cassé, Arafat ne pourra pas garder le contrôle de Gaza et de Jéricho (50). »
On a souvent comparé cet accord au système des « bantoustans » qui existaient en Afrique du Sud. La poursuite de la colonisation et la construction de routes réservées aux seuls colons ont renforcé cette similitude. La plupart des groupes nationalistes palestiniens s’opposèrent aux accords d’Oslo dès le départ mais décidèrent de s’en tenir à leur rôle d’« opposition loyale ». Le Hamas poursuivit ses attaques contre les Israéliens mais pas contre l’Autorité palestinienne. Au début du règne de l’Autorité palestinienne, le Hamas déclara : « Nous accueillons les forces de sécurité palestiniennes comme des frères » et jura de « réduire les jours d’appel à la grève séparée pour alléger le fardeau économique de notre peuple. » Des groupes léninistes, principalement le FDLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine) et le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) reçoivent moins de soutien que le Hamas et semblent inefficaces. Ils s’opposent à Oslo mais n’ont pas préconisé une lutte active contre l’Autorité palestinienne ou même contre Israël, du moins jusqu’au début de l’Intifada.
Le rôle policier de l’OLP
Malgré son rôle d’« opposition loyale », la résistance en Cisjordanie et à Gaza ne disparut pas lorsque l’Autorité palestinienne arriva au pouvoir. L’arrivée d’Arafat à Gaza le 1er juillet 1994 ne fut pas l’accueil triomphal réservé à un héros, comme il l’avait espéré, et l’Autorité palestinienne se démena désespérément pour exciter la joie des masses à son retour d’exil. Les prolétaires de Gaza s’intéressaient plus au prix des nécessités de base. Les prix des légumes avaient grimpé de 250 % en raison des conditions relativement libres d’exportation vers le marché israélien accordées aux produits agricoles palestiniens sous l’égide du Protocole de Paris en 1994.
Israël contribua à envenimer la situation en fermant immédiatement la Bande de Gaza et en tuant des Palestiniens lors des émeutes qui s’ensuivirent (51). Pour se venger, le Hamas tua des Israéliens et la nouvelle Autorité palestinienne dénonça les attaques contre Israël et jura de coopérer avec Israël pour s’opposer à toute attaque future. Ceci entraîna immédiatement de grands rassemblements pour protester contre la position de l’Autorité palestinienne. Pour Israël, l’Autorité palestinienne dans les zones les plus peuplées voulait dire faire passer le poids politique du maintien de l’ordre public sur les épaules de la bourgeoisie palestinienne, qui ne s’encombrait pas des contrôles mutuels (entre la police et la justice) que les formes démocratiques occidentales de style européen imposaient à Israël. L’Autorité palestinienne dépense la plus grosse partie de son budget pour la sécurité, avec un policier pour trente Palestiniens, la plus grande partie de l’argent destinée aux réformes économiques « s’est perdue » grâce à une Autorité palestinienne notoirement corrompue (52). L’Autorité palestinienne a rétabli la peine de mort, utilisée pour mettre en scène des exécutions publiques de « collaborateurs » pendant la nouvelle Intifada, et a emprisonné de très nombreuses personnes sans procès, généralement ses adversaires politiques.
Malgré la répression exercée dans les zones contrôlées par l’Autorité, il y eut des manifestations et des grèves générales pour protester contre la manière dont étaient traités les militants du Hamas. Dans les camps de réfugiés de Gaza, dont tout le monde sait qu’Arafat n’avait aucune envie de les visiter, il y eut plusieurs bagarres pendant l’été 2000 avec la sécurité de l’Autorité ; des opposants furent arrêtés et emprisonnés sans procès. 200 enseignants quittèrent leur syndicat, trop proche de l’Autorité palestinienne, organisèrent un nouveau syndicat, fermèrent les écoles et s’engagèrent dans une longue grève reconductible (53). Beaucoup d’entre eux sont en prison. Dernièrement aussi, vingt universitaires et membres des professions libérales qui vivent dans les zones contrôlées par l’Autorité ont publié et distribué un manifeste critiquant l’Autorité palestinienne.
LE PROCESSUS DE PAIX ET LA RESTRUCTURATION DU CAPITAL ISRAELIEN
Pour cette partie de la bourgeoisie israélienne qui cherchait un compromis avec les Palestiniens, Oslo représentait une troisième voie, entre l’accumulation intensive des années 1970 et les rêves expansionnistes d’un Grand Israël. Si ce n’était pas par la conquête, ce serait par une plus grande intégration dans l’économie de la région que le capital israélien chercherait de nouveaux centres d’investissement. Il fallait cesser de contrôler les importations, augmenter la concurrence, et privatiser les grands conglomérats détenus par l’Etat, en étendant le rôle des sous-traitants et des agences de placement privés. Pour l’Etat israélien, cela signifiait mettre la classe ouvrière israélienne au pas, tout en se débarrassant du fardeau politique du contrôle social de la classe ouvrière palestinienne au profit du nouveau mini-Etat palestinien.
Mais la panacée d’Oslo se heurta à l’opposition des prolétaires israéliens et palestiniens. En 1996, trois ans après que Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se furent serré la main sur la pelouse de la Maison Blanche, les tentatives du gouvernement du Likoud pour introduire la privatisation entraînèrent une vague de troubles sociaux, tandis que la construction d’un tunnel à Jérusalem déclencha des émeutes, ce qui causa le plus grand nombre de morts palestiniens en vingt ans d’occupation. Cependant, ces luttes n’étaient pas reliées, et les tentatives de rationalisation économique que représentait Oslo continuèrent dans l’indifférence générale.
La classe ouvrière palestinienne
Grâce à Oslo, la bourgeoisie israélienne avait gagné du temps pour remplacer la main-d’œuvre palestinienne, bon marché mais peu disciplinée, par une main-d’œuvre moins chère et moins volatile. Des milliers de Palestiniens furent licenciés pendant la guerre du Golfe. Cela fut possible parce qu’on pouvait les remplacer par des travailleurs immigrés, comme on l’a vu précédemment. L’utilisation d’une main-d’œuvre migrante a permis à Israël de mettre en place un blocus des territoires bien plus efficace que lors de la précédente Intifada. Les barrages imposés lorsque l’Autorité palestinienne arriva au pouvoir rendirent difficile voire impossible pour les Palestiniens d’aller travailler en Israël. Cela contribua à créer les conditions d’un chômage massif à Gaza, car les travailleurs devaient réussir à passer à travers les barrages pour se rassembler sur les « marchés aux esclaves » à un carrefour de Jaffa, au lieu que les employeurs aillent chercher les travailleurs dans les « marchés aux esclaves » des territoires (54). Mais, comme Peres l’a dit en novembre 1994, trois mois après les émeutes du check-point d’Erez, « si les Palestiniens ne peuvent plus travailler en Israël, nous devons créer les conditions qui amèneront des emplois aux travailleurs (55) ».
Ceci se fait de deux manières. Certains Palestiniens travaillent dans les nouvelles zones industrielles, et on en prévoit d’autres juste en deçà des frontières jordanienne et libanaise. (56) Beaucoup d’autres Palestiniens travaillent pour des sous-traitants palestiniens. Les sous-traitants importent des matières premières israéliennes et versent des salaires très bas. Les marchandises produites sont vendues au détail par des entreprises israéliennes, permettent aux patrons israéliens d’accroître leurs profits grâce aux niveaux des salaires palestiniens. Cette nouvelle coopération entre les bourgeoisies arabe et israélienne n’a pas seulement détérioré les conditions de travail du prolétariat palestinien, elle a aussi étendu la prolétarisation de la petite-bourgeoisie palestinienne. Par exemple, les investisseurs israéliens et palestiniens sont en train de monter une grande zone industrielle pour fabriquer des produits laitiers juste à l’intérieur de la frontière, du côté de l’Autorité palestinienne, avec Tnuva, une des plus grandes entreprises agroalimentaires israéliennes. Ceci affaiblira et mettra sans doute en faillite la plupart des éleveurs laitiers palestiniens, qui emploient actuellement 13 % des travailleurs palestiniens dans les territoires.
La bourgeoisie palestinienne accepte sa subordination au capital israélien, d’abord parce qu’elle en profite, ensuite parce qu’un désengagement complet de l’économie israélienne l’exposerait à la concurrence de capitaux voisins ayant accès à une main-d’œuvre moins chère. Cela entraînerait d’autres affrontements avec la classe ouvrière. Toutefois, les bourgeoisies israélienne et palestinienne (ainsi que la bourgeoisie jordanienne) ont toutes un intérêt commun à maintenir l’énorme réserve de main-d’œuvre bon marché des territoires pour attirer l’investissement israélien, palestinien et international.
La classe ouvrière juive
Bien que les Palestiniens soient peu à peu exclus du marché du travail israélien, les travailleurs immigrés ne sont pas la solution idéale. Idéalement, il faudrait que le capital israélien fasse empirer les conditions de travail de la classe ouvrière juive. Mais quand le Likoud essaya d’engager plus de privatisations, en 1996, il y eut une recrudescence des troubles dans la classe ouvrière juive. Oslo représente une tentative supplémentaire pour continuer à fractionner l’économie israélienne en emplois bien rémunérés et en emplois précaires mal payés, et pour renégocier le compromis de classe de l’après-1967. La tentative d’Oslo pour « normaliser » les relations commerciales avec le monde arabe ne peut qu’exposer la classe ouvrière en Israël à la concurrence des travailleurs moins bien payés dans les Etats voisins. C’est très rentable puisque leurs salaires sont encore plus bas que ceux des Palestiniens israéliens. L’accord de paix avec la Jordanie comportait des dispositions prévoyant la libre circulation des capitaux, donc les entreprises israéliennes délocalisèrent immédiatement en Jordanie pour utiliser la main-d’œuvre moins chère. Ce qui augmenta le chômage des ouvriers juifs dans des zones comme Dimona, et des travailleuses arabes du textile dans le Nord, dont le taux de chômage, de 8 %, est en augmentation.
En même temps qu’il favorise les licenciements dans le secteur privé, l’accord d’Oslo entraîne une insécurité économique croissante pour les travailleurs du secteur public. Un bon nombre de travailleurs juifs du secteur public ont maintenant des contrats à durée déterminée, particulièrement les femmes, les jeunes et les nouveaux immigrants, et la sous-traitance existe aussi dans le secteur public où elle dégrade les conditions de travail. Les Juifs au chômage doivent prendre n’importe quel travail, une expérience que nous connaissons bien ici*. L’Histadrout couvre de moins en moins de travailleurs, s’appelle maintenant la « Nouvelle Histadrout », et effectue des sondages pour savoir pourquoi les gens ne lui font pas confiance. Récemment, un syndicat des chemins de fer indépendant a organisé une grande grève pour exiger que l’Histadrout le reconnaisse. Les travailleurs intérimaires aussi ont tenté d’organiser un syndicat (57).
Pour tenter de faire taire la classe ouvrière juive, on a accompagné ces mesures d’une accélération du rythme de construction des colonies dans les territoires occupés. Bien que chaque nouvel accord conclu par l’entremise de l’Amérique comporte une promesse israélienne d’arrêter la construction des colonies, la bourgeoisie israélienne n’a pas d’autre choix que d’ignorer ces promesses pour tenir compte des besoins des travailleurs juifs. Pour le moment, Israël essaie de contourner le problème en « judaïsant » des zones arabes à l’intérieur de la Ligne verte, politique directement responsable de l’engagement des Arabes israéliens dans l’Intifada actuelle.
Derrière l’Intifada du XXIe siècle, partie V -L’Intifada du XXIe siècle
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