dimanche 26 mai 2024

1974 : Le Mai des PTT

 

Les raisons de la grève et le début de la grève.

Elle va débuter le 17 octobre au Centre de tri de la GARE de Lyon dit le PLM, et provoquer une véritable contagion sur les autres centres de tri parisiens et de province. En l'espace d'une semaine, la grève générale des PTT est un fait acquis.

En un temps record la situation au PLM fait le tour de la Capitale (on parle de la grève dans les cantines et dans les foyers). Et nous allons avoir successivement en grève: le centre de tri de Paris Brune , celui de la gare d'Austerlitz, de la gare Montparnasse, de Clignancourt. Les centres de tri de province suivront dés le lendemain c'est à dire le 14 octobre. Le 22 octobre une partie des centres de tri des chèques postaux entre en action (Il y a une majorité de femme dans ces centres), La Recette principale de la rue du Louvre (2000 postiers y travaillent) entre dans la grève, elle est suivie par les bureaux centraux d'arrondissement du 8ème, 11éme, 12éme, 14éme et quelques gros bureaux; de province.

Le 23 octobre, La grève continue de s'étendre à Bordeaux, Lyon, Nantes, Paris, Strasbourg. Les centraux téléphoniques d’Angers, Lyon, Nantes, Paris sont aussi touchés par la grève.

Le 23 octobre, première manifestation dans Paris plus de 10 000 salariés.

LE 25 OCTOBRE, LA PRESSE ET LES MÉDIAS SE DÉCHAINENT.

Comme toujours, nous en avons maintenant l'habitude, après nous avoir lancé de l'eau bénite sur le bien fondé des revendications des postiers, la presse se retourne. Elle va prendre la défense des usagers, de "ces millions de salariés payés par chèques postaux ", des "petites entreprises qui vont devoir ralentir leurs activités..."

Après, la période "bon enfant "la bourgeoisie prend l'offensive, elle en appelle comme toujours à l'opinion publique. Elle met en place des centres de tri sauvages. Seulement rien n'y fait la grève est maintenant totale.

A partir du 28 octobre, le gouvernement trouve un nouveau créneau anti-grève, il va chercher à opposer non seulement les usagers, mais aussi les chômeurs aux grévistes,

"La paralysie des PTT, c'est la paralysie de l'économie", "c'est plus de faillites et plus de chômeurs"

(Le Parisien libéré)

"La grève des postes a des conséquences très lourdes( ...)Dés à présent,je puis vous dire que plus de 60.000 salariés ont dû être mis en chômage technique ,car les entreprises sont dans l'impossibilité de poursuivre leur activité" ( François Ceyrac du CNPF le 8 novembre 74)

Le 28 octobre manifestation de 30 000 personnes devant le ministère des PTT.

La mise en spectacle de la grève politique

J. CHIRAC ouvre le bal:

"Nous ne laisserons pas disloquer la nation "nous ne tolérerons pas que quiconque mette en cause les institutions de l'Etat","une discipline collective est la condition principale du maintien de l'activité économique". Bref, 'il y a une mobilisation ou une tentative de mobilisation visant à donner à ce conflit un contenu proprement, politique ".

(Le 4 novembre 1974)

Le grand tapage qui va être fait autour de la "grève subversive" vise plusieurs objectifs, Le premier est de rameuter l'opinion publique au coté de l'Etat dans le but de frapper les grévistes par une intervention de la police. Le second est d'intimider les grévistes, la partie la plus molle pour qu'elle reprenne le travail avec l'aide du syndicat FO qui retire son épingle du jeu "apolitisme" l'exige. Troisièmement, la perche fut tendue à tous les chefs des syndicats pour qu'ils mettent en avant "leur neutralisme", leur platitude "lutte économique" contre toute tendance politique...

« Les luttes et revendicatives ont pour objet les revendications  mises en avant par les travailleurs et rien d'autre"(KRASUCKI dirigeant du PCF et de la CGT)

De son coté Séguy de la CGT va écrire une lettre à V.GISCARD alors Président de la république dans laquelle il dit:

"Vous ne croyez pas sérieusement, que nous poursuivons le but de disloquer la nation en plongeant le pays dans le désordre et le chambardement »

Ici G.Séguy tient à rappeler à la bourgeoisie le rôle joué car la CGT dans le rétablissement de l'ordre en Mai 68, le terme " chambardement " utilisé par De Gaulle en est la preuve.

Séguy dans l'Humanité du 18 novembre dira:

"L'une des conditions de l'équilibre économique (du capitalisme NDLR) réside dans la garantie et la progression du pouvoir d'achat des salariés "

Cette attaque, elle bien politique du pouvoir contre une grève bien économique et bien réformiste, préparait le terrain à l’intervention des forces de l'ordre pour dégager les centres de tri le 14 novembre.

En effet dés le 5 novembre, d'importantes forces de police sont massées devant les portes du ministère, uniquement pour intimider les grévistes, et valoriser les syndicats qui parviennent (de mèche avec le pouvoir) à faire évacuer les forces de l'ordre.

Du 6 au 13 novembre, les grévistes auront sur le dos tout l'arsenal de l’Etat. Renforcement des centres de tri pirates, intox de la presse qui va se déchaîner, Poniatowski monte au créneau et prend la défense des chômeurs, afin de légitimer la future et proche intervention policière, Chirac parle d'un début de reprise quant a Sanguinetti il met la grève sur le dos des Trotskistes, FO prétend que la moitié des travailleurs a repris le travail.

Malgré cela, la majorité des grévistes repousse les propositions du ministère le 6 novembre, Le 12 novembre il y a officiellement 130 000 grévistes soit 1% ou 2% de grévistes en moins. La grève reste solide et l'Etat vient d'échouer dans sa stratégie de pourrissement du conflit.

Le 14 novembre Poniatowski déclare:

''J'ai envoyé des instructions aux préfets pour que la liberté du travail et l'accès du public soient assurés dans tous 'les centres des PTT, Non seulement tous les centres ont été évacués, mais, de plus, les piquets de grève ont été éloignés des entrées afin que chacun puisse se rendre librement à son travail ou aux guichets des PTT.''

C'est donc au 29éme jour de la grève, que le pouvoir, n'ayant pas réussit à faire reprendre le travail à l'aide de tout son arsenal anti-grève, décide d'utiliser la force. Cette opération n'est pas sans  risque pour le gouvernement car elle peut radicaliser la lutte surtout si les grévistes décident de résister aux évacuations.

Le gouvernement une fois de plus va devoir s'appuyer sur les syndicats et notamment la CGT et la CFDT dans cette phase délicate de la grève. En effet, la grande masse des postiers et de nombreux autres travailleurs étaient profondément révoltés par l'occupation des centres de tri par les flics . Alors qu'il était nécessaire de réoccuper les centres de tri, c'est à dire d'engager cette fois une lutte politique contre le pouvoir. Les syndicats et le PCF se borneront à mettre en avant «le droit de grève et les libertés syndicales». Au cours de la manifestation du 15 novembre, aucun mot d'ordre pour réoccuper les centres de tri et pire, lors de la manifestation du 19 (elle regroupait 400 000 personnes) il était interdit de parler de l'occupation des centres de tri.

Mieux encore, c'est au moment même ou les flics occupent les centres de tri, que le pompier de service G. Séguy de la CGT déclare­

«Il faut savoir faire des concessions si ont veut en sortir. Nous y sommes prêts»

Et pour en sortir, on monte en spectacle les provocations et le sabotage comme c'est souvent le cas dans les grèves dures.

« La CGT et la CFDT dénoncent avec la plus grande énergie cette tentative d'intimidation et de provocation qui s'accompagne de quelques actes de sabotage condamnés par les travailleurs et leurs syndicats avec la plus vive indignation »

Pour les chefs syndicaux, les quêtes organisées spontanément par les grévistes, deviennent elles aussi une entreprise de «sabotage de l'outil de travail » et à la reprise du travail. Certains syndicalistes font déjà courir des faux bruits sur la reprise du travail,

L'ORGANISATION DE LA REPRISE DU TRAVAIL PAR LES SYNDICATS.

La grève entre maintenant dans sa cinquième semaine, si elle épuise financièrement les réserves des grévistes elle commence à toucher sérieusement la sphère des PME (petites et moyennes entreprises). Les anti-monopolistes que le PCF veut gagner comme électeurs.

Quand les affaires deviennent plus sérieuses, l'Etat est toujours contraint de mouiller ses structures. Il va donc demander aux médias d'engager une nouvelle campagne d'intox contre les grévistes, pendant que les syndicats vont se diviser le travail d'une stratégie de reprise.

PTT_on_d_gageLa presse parle officiellement de 34% de grévistes, les petits patrons descendent dans la rue, certains vont même jusqu'à casser les piquets de grève....Alors que le syndicat FO s'affiche ouvertement avec l'Etat, la CFDT et la CGT vont s'appuyer sur le ''démocratisme de base'' pour activer le pourrissement du conflit, ex:

''Elles (la CFDT et la CGT) appellent toutes leurs organisations à entreprendre avec les travailleurs dans les entreprises, ateliers, bureaux, sur la base du succès et des enseignements de cette étape de la lutte, les discussions permettant de définir les modalités de la poursuite de l'Action''

En fait c'est des modalités de la reprise qu'il s'agit, et le démocratisme de base vise avant tout à laisser les grévistes désemparés. En effet la seule action efficace aurait été de reprendre les centre de tri et donc de rendre ainsi la grève politique. Le 21 novembre le scénario de la division syndicale est mis en place, la CFDT et la CGT s'accusent mutuellement de favoriser la reprise. La CFDT au 39éme jour de grève (il y a alors encore 60 000 grévistes) déclare:

"Toutefois, à moins d'événement nouveau, la grève ne peut durer longtemps. Mais la Fédération CFDT, ne peut donner l'ordre de reprise du travail, compte tenu du démarrage et de la façon dont s'est étendu, le conflit, mais aussi compte tenu de son ampleur"

La CFDT aura finalement le mot de la fin, en parlant de l'achèvement de la grève par la "démocratie et l'unité".

"La plus grande grève que les PTT aient connue va s'achever comme elle avait commencé, c'est à dire démocratiquement et dans l'unité "

 

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