dimanche 26 mai 2024

1987 La grève de la Banque de France (BDF).

 Le conflit de la Banque de France (BDF) n'est pas en soi d'une grande importance si nous ne le replaçons pas dans le contexte dans lequel il s'est déroulé. Depuis le début 1997, le pouvoir politique et les médias ne cessent de maudire les grèves et notamment celles des cheminots et d'air inter qui leur restent entre les dents.

L'Etat de droit se devait donc d'entreprendre une vaste campagne de dénigrement des grèves afin de pouvoir les réglementer.

Cette campagne " Grévicide" n'est pas un fait isolé à la France, mais bien plutôt un projet « Euréka anti-grève » des industriels de l'Europe occidentale. Tel est donc brièvement résumé le contexte dans lequel la grève de la BDF va surgir.

Mais il n'y a pas que l'affaire du "droit de grève" derrière le conflit de la BDF. Il y à le fait qu'il éclate juste après le Krach boursier, et que tous les yeux de 1a moyenne bourgeoisie sont tournés vers le corps financier en détresse. Que le Krach social de la BDF éclate juste après le Krach boursier, c'est déjà une insulte, de l'ingratitude de la part des "nantis" de la banque des banques. Cette grève angoisse d'autant plus le pouvoir qu'elle vient lui rappeler le goût amer de la grève de 1974 de toutes les banques -elle débuta à la BDF-. De plus les banques envisagent comme au Crédit du Nord des licenciements massifs. La situation est donc explosive.

Ce contexte devait conduire l'Etat à faire dés le début une répression directe et non législative. Ceci afin d'intimider les grévistes pour ensuite passer le relais aux tribunaux et syndicats.

Composition de la Banque de France :

La BDF est constituée d'un effectif de 17000 salariés ouvriers, employés, et cadres).

Il y a 4000 ouvriers répartis dans trois centres industriels:

-Chamalières, pour la production de billets

-Vic-Le-Comte, usine à papier.

-Puteaux (laboratoire d'essai et production du billet de 200 frs.

Le reste, (en grande majorité des employés et cadres) se répartissent dans 236 succursales. Le siège social de Paris regroupe 5000 à 6000 personnes, c'est là que se trouvent le stock d'or et une grande partie du tri des billets et des pièces. Les travailleurs de la BDF touchent 16 mois de salaire et sont considérés comme des "aristocrates".

Bref historique des grèves de la BDF :

-La grève de 1974, elle va durer un mois, les CRS interviennent au bout de 3 semaines; il y a 3000 grévistes à la banque centrale.

-Grève en 79 et grève en 1985 qui durera deux jours du fait de, la rupture de l'intersyndicale.

Les salariés de la BDF sont assimilés fonctionnaires et la BDF est sous la tutelle du ministère des finances.


1°) PHASE DE MONTÉE DE LA GRÉVE DU 1er AU 8/12 ENVIRON.

Les ouvriers de Chamalières réduisent la production de billets neufs depuis le mois de Mai; les menaces de suppression d'emplois dans l'usine sont à l'origine du conflit. En novembre, le gouverneur passe à la répression, sanctions pécuniaires et mutations. C'est à ce moment que le ton va monter. Sous la pression des ouvriers les syndicats sont amenés à convoquer des AG dans lesquelles ils parlent du cahier revendicatif:

-Activité de la Banque, discours sur l'avenir de l'entreprise.

-Avancement, déroulement de carrières.

-Salaires (ils réclament la même augmentation que les fonctionnaires) 2% pour 1988.

-Le problème des effectifs

Au laboratoire de Puteaux, c'est sous la pression d'une soixantaine d'ouvriers que les syndicats appellent aux Assemblées générales. Au début les syndicats proposent 1 heure de grève tournante, mais celle-ci est peu suivie. Les AG se poursuivent et sont chaque fois plus importantes. Voyant que les actions d'1 heure ou d'une demi-­journée de grève ne conviennent pas, les syndicats se constituent en intersyndicale (CFDT.CGT.CFTC.FO.SNA. Auto­nomes) et lancent la grève reconductible de 24H.

Si c'est sous la pression montante de la "base" que les syndicats ont été contraints d'appeler à une grève reconductible, dés le début la constitution des syndicats en intersyndicale est voulue par la "base" et ressentie comme une force ...C'est donc plus cette force qui importe qu'une confiance "chèque en blanc " aux syndicats.

La grève avec occupation des locaux est décidée. Occupation de la Banque centrale, blocage des usines et des succursales par des piquets de grève. Pour le droit bourgeois la violation de domicile est flagrante d'autant plus que les grévistes empêchent la sortie des camions blindés, qu'ils bloquent l'informatique du service compensation (échanges de bandes magnétiques entre banques), qu'ils paralysent le centre électronique de comptabilité de la salle des cambistes, de la salle des marchés de capitaux. Occupation jour et nuit de la banque centrale et fermeture de quelques succursales importantes (Toulouse, Marseille).

Le 1er décembre, 200 ouvriers de Chamalières montent sur Paris, ils repartiront deux jours après.

Cette phase est donc, celle de la montée de la grève: beaucoup de grévistes, piquets de grève... La tactique syndicale BDF_gr_ve_durant cette période consiste à courir après le gouverneur pour qu'il ouvre des négociations. Les AG convoquées plusieurs fois par jour finiront plus par démobiliser les grévistes qu’à les mobiliser car elles restent passives. On vient seulement y écouter les discours syndicaux, de plus elles permettent d'enfermer la grève dans l'entreprise.

La phase de mise en spectacle de la grève et l’enfermement du mouvement.

Jusqu’au 8 décembre, la tension continuera de monter, les grévistes sont plus nombreux et la Banque est quasiment paralysée. Mais dés les premiers jours de la grève on apprend que l'essentiel du travail (changes, compensation, tri des billets etc.) se fait dans les autres banques: Des cadres de la EDF travaillent dans d'autres Banques. Il apparaît alors très vite que malgré son ampleur, la grève ne gène pas trop les finances françaises. Ce problème est pourtant crucial, puisqu'il permettrait la mise en place d'une solidarité réelle des autres travailleurs des banques. Les syndicats le savent bien, c'est pourquoi ils feront croire que de leur coté ils font un réel travail de solidarité (II se résumera dans le meilleur des cas par la diffusion de quelques tracts dans certaines banques.)

Le 8 décembre les ouvriers de la Chamalières remontent pour la seconde fois sur Paris. C'est dans la nuit du 8 au 9 décembre que l'intersyndicale décide de retenir le gouverneur dans ses locaux, c'est la séquestration dont nous parlerons les médias afin de justifier la répression violente qui suivra. En effet à, 3H du matin, 200 CRS débarquent sans sommation pour "délivrer" le gouverneur. Ils tapent dans le tas (une mâchoire fracturée, une cheville cassée).Bilan, fausse séquestration pour vraie intervention policière.

Au cours des jours qui suivront, les syndicats tiendront un discours très "chaud" du style "on est très fort, ils vont céder, continuons 1a lutte" alors qu'il devient évident que si la grève ne s'élargit pas (comme en 74), nous allons droit à la défaite.1(i) Un groupe de 10 personnes s'organisera dans ce sens pour distribuer des tracts sur le CL, la BNP, la Sté générale.

Pour occuper les grévistes, l'intersyndicale propose une manifestation au Ministère des Finances (Balladur), qui se trouve â deux pas de la BDF pour le vendredi 11 décembre, Le groupe des 10 va intervenir au cour d'une AG pour dénoncer le coté spectacle de cette manifestation et insister sur la nécessité d'élargir le mouvement. Après l’AG, ils se feront traiter de "provocateurs" et de briseurs de grève par des syndicalistes véreux.Le 11 décembre la manif devant le ministère est un véritable enterrement.

La phase de liquidation de la grève.

La semaine du 14 au 21 décembre sera la pire de toutes. L'enfermement de la grève a réussi. Les syndicats peuvent commencer sa liquidation.

Le gouverneur leur en offre le prétexte. Celui-ci traduit en justice les délégués syndicaux (coup classique de juridicialisation des grève) et demande l'expulsion des grévistes. Le juge tranche en faveur de la nomination d'un médiateur. Celui ci est chargé d'organiser la résolution du conflit par une rencontre gouverneur syndicats. Cette histoire va durer toute la semaine et quand les négociations vont s'ouvrir, la balle sera définitivement dans le camp du gouverneur car il accepte d'ouvrir les négociations si tous les blocages de la banque sont levés.

C'est pendant le Week end du 19/20 que les négociations ont lieu, la banque est totalement nettoyée, l'occupation est terminée et on se retrouve le lundi dans une banque bien propre. L’intersyndicale obtient la levée des sanctions contre les ouvriers de Chamalières (à condition que ceux-ci rattrapent la production perdue), air connu.

 

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