L'ECONOMIE COLLABORATIVE EN MARCHE.1
« Les forces productives ont atteint un niveau de développement où toute innovation technologique produit davantage de titres (fictifs) capitalistes à la plus-value totale qu'elle ne crée de plus-value supplémentaire. Dès lors, le rapport capital-travail ne peut plus se maintenir : il est condamné soit à détruire une part importante de la force de travail, soit à se voir détruit par celle-ci. » (La classe ouvrière américaine : restructuration du capital global, recomposition du terrain de classe Loren Goldner, 1981)
C'est effectivement ce qu'il nous faut démontrer en permanence, le capitalisme ne produit des objets et services dans l'unique intention de faire fructifier le capital, son problème est sa reproduction élargie. L'expansion du capital exige que celui-ci s'ouvre de nouveaux marchés la fameuse « destruction créatrice » qui a si bien fonctionné jusqu'à présent, avec son flot de crises de guerres et de révolutions. Les ténors du Forum économique mondial (FEM) sont assez conscients que le système est en bout de course et ils comptent sur la panoplie des nouvelles technologies celles dans le prolongement du cerveau humain pour se revivifier avec la grande réinitialisation.
La pandémie une aubaine pour la diffusion du numérique
Pour le Forum Mondial , saint Covid 19 allait asseoir durablement la Netaucratie
« L'un des effets majeurs du confinement sera l'expansion et la progression du monde numérique de manière décisive et souvent permanente. Cela se remarque non seulement dans ses aspects les plus banals et anecdotiques (plus de conversations en ligne, plus de streaming pour se divertir, plus de contenu numérique en général), mais aussi en termes d'incitation à des changements plus profonds dans la façon dont les entreprises fonctionnent, un point examiné plus en détail dans le prochain chapitre.
En avril 2020, plusieurs leaders technologiques ont observé avec quelle rapidité et quelle radicalité les nécessités créées par la crise sanitaire avaient précipité l'adoption d'un large éventail de technologies. En l'espace d'un mois seulement, il est apparu que de nombreuses entreprises ont fait un bond de plusieurs années en avant en termes d'adoption de technologies. Cette avancée fut bien accueillie par les adeptes du numérique, mais beaucoup moins par les autres (parfois de façon catastrophique). Satya Nadella, directeur général de Microsoft, a observé que les exigences de distanciation sociale et physique ont créé un monde du « tout à distance », avançant de deux ans l'adoption d'un large éventail de technologies, tandis que Sundar Pichai, PDG de Google, s'est émerveillé du bond impressionnant de l'activité numérique, prévoyant un effet « significatif et durable » sur des secteurs aussi différents que le travail,l'éducation, le shopping, la médecine et les loisirs en ligne. » (Covid 19 : La grande réinitialisation)
L’ère de l' économie collaborative
Bien que cette définition d'économie collaborative ne me convienne pas, je reprends le concept uniquement parce qu'il est maintenant amplement diffusé, de même pour l' économie de plate forme,de partage...
Ce
qui ressort de ces nouveaux concepts c'est la recherche du travail
gratuit à tous les niveaux, c' est aussi un début de preuve que le
système commence à avoir un problème de reproduction élargie au niveau
mondial. Les nouvelles technologies devant lui permettre de racler du
travail gratuit en supprimant ce que Marx nommait les « faux frais du
capital, » (voir annexe 1)
Tout le secteur tertiaire est touché par
la diffusion des nouvelles technologies, il est question au niveau
mondial de la suppression de 300 millions d'emplois du fait
de l' IA et du ChatGPT.
En effet certains parlent d' économie de partage alors qu'il s'agit d'une économie cherchant avant tout le travail gratuit , précaire et sans charges sociales. Celle ci est assise sur une infrastructure de plateformes dite économie de plateformes. Le consommateur et le précariat se devant d' alimenter ce nouveau champ d' exploitation reconnu par les lois2. Voir à ce sujet le très intéressant article sur l' économie de plateforme en Chine CHINE-‘économie des plateformes -avril 2023[28779]
L' économie collaborative inclut dans son champ d' action la mise en valeur de certains biens privés,notamment le covoiturage, colis-voiturage, etc, elle doit aussi suppléer au manque de logements y compris pour les immigrés et étudiants...(colocation, habitat collectif, sous location...). Elle s'ingère même dans la finance (prêt d'argent de pair à pair, monnaies locales. la production contributive (fabrication numérique, DIY, Fablabs, imprimantes 3D, maker space) et la culture libre.
L'économie collaborative est médiatisée par la multiplication des plateformes, qui se réserve une rente assez juteuse sur chaque opération, procédures et scandales ne manquent pas à ce sujet. Les plates formes n'ont fait que médiatiser ce qui se pratiquait de manière isolée. Quand j' étais jeune je me déplaçais en stop organisé par Provoya,un organisme qui mettait en relation les usagers du stop en fait le covoiturage d'aujourd hui comme Blablacar qui facture des frais de service.
Toutes les plate formes sont capitalisées, soit par le financement de publicité, soit par un pourcentage sur la médiation internet.
Le grand délestage de la force de travail salariée.
Il est certains que la machinerie, et ses révolutions techniques et scientifiques révolutionnent en permanence les forces productives, rien de nouveau à ce sujet sauf à démontrer que le capital est contraint de procéder à sa propre abolition, que celui-ci est engluer dans un endettement perpétuel qu'il ne parvient plus à maîtriser, Par ailleurs le Capital essaye de capter de la valeur ou travail gratuit en utilisant le consommateur.3
C'est ce qui fait dire à Marie-Anne Dujarier, sociologue et auteur de l’étude « Le Travail du consommateur » (La Découverte, 2008)
" Comme le précise J,Howe,cette "main-d'oeuvre"non rémunérée (ou trés modestement) coûte moins cher que le moins bien payé des salariés"qu'il soit indien ou chinois" p 87
Dés lors que le consommateur s'équipe ou devient contraint de s'équiper d' un ordinateur, d'une imprimante,d' un smartphone...Il s'ouvre un guichet à domicile pour faire usage de toutes les possibilités pratiques des applications en ligne. C4omme par exemple envoyer une lettre recommandée en ligne, se faire livrer des repas,faire des opérations bancaires, tout le e-commerce.
Je viens de trouver sur le net, un article de Adam Boothes 5 que je trouve à la hauteur de nos préoccupations. L' auteur fait une critique du livre de Paul Mason sur le Post-capitalisme de 2015. Même si je ne partage pas l' ensemble de cet écrit, celui-ci à le grand mérite de se poser en critique de l'économie collaborative ou « nouvelle économie »
En effet l' auteur précise : « Au contraire, on assiste à la transformation de masse de produits privés et de biens consommés en services loués. (...)L’économie « collaborative » se caractérise donc par la transformation de la propriété en rentes. En échange, les entreprises qui font fonctionner ces échanges entre pairs, croisant offre et demande, prélèvent une partie de la rente comme profit. (,,,)
« Avec la montée de l’économie « collaborative », on assiste donc au développement d’un capitalisme parasitaire de rente, à une large échelle. La principale « révolution » de l’économie « collaborative » a été de transformer la propriété personnelle en propriété privée, c’est-à-dire de transformer la propriété personnelle de dizaines de millions d’individus ordinaires en une source de profit pour les capitalistes. Pour le dire simplement : c’est la conversion massive de la petite propriété personnelle en capital. » ',,,) « Le fait que les investisseurs injectent de l’argent dans l’économie « collaborative » — une pure économie de rente – est une autre manifestation de l’immense spectre de la surproduction (« surcapacité ») qui hante l’économie mondiale. »
« Ainsi, à travers des compagnies comme TaskRabbit, les clients peuvent demander n’importe quel service offert par la population d’« exécutants » (taskers), en augmentation constante, qui se sont enregistrés pour offrir leur temps et leurs compétences. »
« Dans un contexte où le taux de chômage demeure élevé, [les travailleurs à la demande] sont moins des micro-entrepreneurs que des receveurs de microrevenus. Ils travaillent souvent sept jours par semaine et essayent d’atteindre un salaire viable par une série de petits boulots. Ils ont peu de moyens de recours quand les entreprises auxquelles ils louent leurs services changent leur modèle économique ou leur taux de rémunération. Pour réduire les risques, de nombreux travailleurs jonglent donc avec l’offre de plusieurs services. »L’économie collaborative, l’avenir de l’emploi et le « post-capitalisme »
De la concurrence exacerbée de tous contre tous et la traçabilité à tous les niveaux
Voici ce que Kim Moody nous dit sur le sujet dans son impressionnant article : Les mondes du travail à l’échelle planétaire: entre accroissement, recomposition et rébellions
« Ce qui a le plus changé dans la nature du travail au cours des deux dernières décennies est le degré, la pénétration et l’application des technologies numériques qui contrôlent, quantifient, normalisent, modularisent, suivent et dirigent le travail des individus et des équipes (18). Ces technologies s’appuient sur les efforts du taylorisme et de la lean production pour quantifier, fragmenter, normaliser et ainsi contrôler le travail individuel et collectif, quel que soit le produit ou le service qu’il produit. La numérisation d’une grande partie des technologies mobilisées dans le cadre du travail permet de mesurer et de décomposer le travail en nanosecondes, par opposition aux minutes et aux secondes de Taylor, et d’obtenir une précision absente de la simple élimination des temps morts via le management par le stress que l’on retrouve dans la lean production. Cela signifie également que chaque aspect du travail est désormais quantifié. La simplification par la quantification permet la rapidité, et la rapidité exige la quantification. Le stress peut être mesuré, mais pas l’émotion, les effets de la formation professionnelle ou les compétences tacites de tous les travailleurs. » Les mondes du travail à l’échelle planétaire: entre accroissement, recomposition et rébellions
La fragmentation des postes de travail associée au fait que chaque ordinateur ou smartphone devient un lieu de travail du consommateur un GUICHET comme le dit Marie Anne Dujarier, aussi se développe non seulement le travail salarié précarisé dit aussi « agile » . Mais surtout les contacts sociaux sont anéantis et aliénés.
VOIR aussi:La question sociale:Classe ouvrière… ou travailleurs fragmentés ?
« En plus d’aliéner les travailleurs à leur travail, l’économie à la demande ou « collaborative » a augmenté notre aliénation les uns envers les autres. Nos échanges ont maintenant lieu de plus en plus à travers une application ou une liste de prix et de profils. Marx a expliqué dans ses écrits en quoi une telle aliénation est inhérente à une société dominée par l’argent et les marchandises. Aujourd’hui, tout a été – ou « -être — marchandisé, transformant ainsi toute relation humaine en un échange monétaire. » Quelle voie suivre : postcapitalisme ou socialisme ? » L’économie collaborative, l’avenir de l’emploi et le « post-capitalisme »
Aujourd'hui, la destruction créatrice va loin puisqu' elle s'attaque à la base même du capital qui est l' expansion du travail salarié, l' IA n 'est qu'une intelligence sacrificielle qui va mettre au rebut une très grande partie de cols blancs, de classes moyennes suffisamment aliénés pour collaborer à leur propre destruction .
« Si toute la classe des salariés était anéantie par le machinisme, quelle chose effroyable pour le Capital qui, sans travail salarié, cesse d’être du Capital » (travail salarié et Capital K.Marx)
Telle est il me semble,l' équation que l' humanité va devoir résoudre à un titre humain.
G.Bad
annexe 1-“ par conséquent, des frais qui renchérissent le prix de la marchandise sans lui ajouter de la valeur d’usage, qui appartiennent donc pour la société aux faux frais de la production, peuvent être source d’enrichissement pour le capitaliste individuel. Ils n’en conserve pas moins un caractère d’improductivité , puisque le supplément qu’ils ajoutent au prix de la marchandise ne fait que répartir également ces frais de circulation. C’est ainsi que les sociétés d’assurances répartissent sur l’ensemble de la classe capitaliste les pertes des capitalistes individuels ; ce qui n’empêche pas les pertes ainsi compensées d’être et de rester des pertes au point de vue du capital total de la société. ” ( Le Capital T2. Chap. vI page 138 édt .de Moscou.
1Popularisé par le livre de Rachel Botsman et Roo Rogers What’s Mine Is Yours: How Collaborative Consumption is Changing the Way We Live, le terme d'économie collaborative et le champ qu'il recouvre ne font pas l'objet d'un consensus1,2.
3 J' avais pressenti cela des l' an 2000 dans une brochure « la sphère de circulation du capital »
4"La mise au travail du consommateur dans une logique de libre service à connu une extension phénoménale avec internet, puisqu'il permet de créer des guichets à domicile. Lorsque le consommateur fait des achats ou des réservations, suit l'évolution de sa commande ou remplit un dossier administratif en ligne, il réalise des tâches de saisie qui en dehors de ce dispositif,sont effectuées par des professionnels. Il fournit une part de l'outillage de production et paye les consommables (ordinateur,logiciels, connesion internet, imprimante, cartouche d' encre).Il réalise toutes les opérations,mémé complexes,d'un agent. " p 87
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