vendredi 24 mai 2024

2 L’évolution des conditions d’exploitation du travail

 2/1-De la mise en concurrence des prolétaires, à la chute généralisée du coût du travail.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est attaquée dans un premier temps à la libéralisation des services (leur mise en concurrence au niveau planétaire). L’OMC a déjà supprimé en 1994 les entraves aux déplacement temporaires des commerciaux en voyage d’affaires, des “ cadres dirigeants ” et des spécialistes essentiels des multinationales, mais aussi des spécialistes en installation de machines, de l’enseignement supérieur, la recherche et le développement, les prestations artistiques...

L’OMC veut aller plus loin et intégrer tous les services marchands, soit 75% du PNB français, y compris l’éducation, la santé, l’audiovisuel.

Celui qui détermine le montant des salaires, c’est le chômeur plus il y a de chômage et plus il est possible de faire chuter le prix de la force de travail. La  “ mondialisation ” de l’exploitation sans frontière de la marchandise humaine ne fait que s’accentuer chaque jour. Prenons simplement l’exemple du Portugal traditionnel exportateur de bras ((5 millions de Portugais, sur une population de 10 millions  vivent dans 121 pays différents ) en concurrence avec l’Algérie et le Maroc en ce domaine, le Portugal devient importateur de main-d’œuvre slave, on dénombre actuellement 62000 Ukrainiens, 12155 Moldaves, 10.938 Roumains. Ils travaillent  sur les chantiers ( construction du barrage géant d’Alqueva, les stades de football de la Coupe européenne de 2004,les services à domicile, la restauration, l’agriculture la pêche... Leur salaire est de 300 à 600 euros mensuel contre 100 euros dans leur pays d’origine force de travail  à laquelle il faut ajouter les clandestins. La contribution des immigrés au budget de l’état est évalué en 2001 à 354.000 euros. (La Tribune du 9 janvier 2004 ).

En France, la concurrence passe les frontières, on ne compte plus les salariés détachés pour des prestations et service, informaticiens indiens, soudeurs brésiliens, routiers polonais la mondialisation du salariat est “ en croissance exponentielle ”. La (Diti) Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, nous donne ( suite à une enquête réalisé en 2002) une petit idée de l’ampleur  du phénomène. Pour la seule année 2001, plus de 1800 sociétés étrangères représentant environ 8500 salariés avaient officiellement déclaré la réalisation d’une intervention en France. Sachant que moins de la moitié de ces prestations sont déclarées, les experts de la Diti estiment que le nombre réel de travailleurs étrangers détachés en France est compris entre 18000 et 30 000. Les principaux secteurs ou la concurrence fait rage sont : La métallurgie, le bâtiment, l’agriculture, les services ( transport, informatique, tourisme, spectacles...) L’exemple des tours-opérateurs anglais qui envoient , quelque 10 000 “ Chalet boys ” dans les grandes stations de ski des Alpes françaises est bien connu. Moins connu la sous-traitance sur le chantier du TGV est, sous traitée par une entreprise allemande qui elle même sous traite à une autre qui fait effectuer le travail par des ouvriers polonais pour un coût du travail inférieur de 35%. Se souvenir aussi des Chantiers de l’Atlantique au printemps 2003, ou les prestataires étrangers “ coréalisateurs ” débarquèrent avec 2000 salariés et essuyèrent une grève des ouvriers indiens d’Avco contre une ponction de 350 euros sur leur smic pour l’hébergement. En ce qui concerne  l’Allemagne P. Artus nous fait l’état des lieux suivant: “ On parle souvent de déflation. Examinons le cas de l’Allemagne. Le point de départ est la surévaluation réelle : les coûts de production y  sont plus élevés de 30% que dans le reste de l’Europe. Une heure de travail dans l’industrie coûte 30 euros, charges sociales comprises, en Allemagne, contre 22 euros dans les autres pays en moyenne. ”   Il en résulte selon P Artus : qu’ “avec la même monnaie que ses concurrents, la seule possibilité d’ajustement pour l’Allemagne est la réduction des coûts de production par des gains de productivité plus rapides ou des hausses de salaires plus faibles que dans le reste de la zone euro. ” Patrick Artus( la Tribune du 19/11/2002) Visiblement, les Allemands sont entrés dans l’Euro avec une surévaluation gigantesque du deustchmark., partager la même monnaie que les autres mais avec un coût du travail de 25% cela revient à condamnée l’Allemagne à une destruction massive de ses emplois industriels, et ce n’est pas le secteur des services qui pourra combler le vide, il détruit lui aussi des emplois depuis deux ans.1

Toute cette concurrence est mise en place, afin de rogner progressivement les acquis sociaux  et notamment la sécurité sociale française, quand une entreprise américaine est autorisée à laisser son personnel détaché en France pendant cinq ans, le taux de charges sociales se limite à 18% contre 56% pour un salariés affilié à la Sécu française..

  • 2/2-La course à la productivité : La loi Quinquennale sur l’emploi

« La loi quinquennale pour l’emploi ( 20 décembre 1993) sera une première étape dans le bouleversement du code du travail.

  • Elle va poursuivre l’allégement des cotisations d’allocations familiales pour les entreprises qui emploient des bas salaires.

  • Elle consacre l’annualisation du temps de travail, c’est-à-dire la modulation annuelle du tavail ce qui évite de payer des heures supplémentaires. Remplacement du paiement et majoration des heures supplémentaires par un repos compensateur.

  • Elle incite les entreprises a passer des accords instituant l’annualisation en échange, d’une réduction du temps de travail de 15% s’accompagnant d’une réduction de salaire.

  • Elle facilite l’instauration du travail en continu dans l’industrie, par accord d’entreprise elle autorise de donner le repos hebdomadaire par roulement, elle s’attaque au repos  dominical. Les articles qui interdisaient l’emploi d’ouvrier à la fabrication du pain entre 10h du soir et 4 h du matin sont abrogés.

  • Elle essaye de réduire et d’annuler les décrets de 1937 qui prévoient deux jours consécutifs de repos soit le samedi dimanche soit le dimanche lundi.

  • La loi accorde des abattements de charges pour développer le temps partiel. Elle introduit la possibilité d’embauche à temps partiel  annualisé, par la suppression du travail intermittent à durée déterminée (sont abrogés les articles L.212-4-8 à L212-4-11- du code du travail).

  • Introduction du chèque service.

  • 2-3-La réforme des salaires et des prélèvements sociaux

Instauration de la CSG2 (Contribution sociale généralisée) en 1991 par le gouvernement du socialiste M. Rocard le taux de la contribution sera au début de 1,1% de 95% du salaire brut et sera imposable. Ensuite augmentation régulière de la CSG +CRDS qui est aujourd’hui de 8%à 8%

La CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale) la CRDS, impôt qui frappe la quasi-totalité des revenus, y compris les allocations familiales et les allocations chômage. Instaurée en 1996 « à titre provisoire »3 pour financer les déficits de la sécurité sociale entre 1993 et 1995. Jusqu’en 2008, les salariés, retraités, chômeurs...) rembourseront au budget général de l’état une dette dont ils n’avaient pas conscience. Chaque année 12,5 milliards de francs, allaient dédommager l’Etat des 110 milliards de dette de la sécurité sociale.4.

( voir article d’échanges 95 -2000 et110-2004 p.3)

  • 2-4-La flexibilité totale : des lois Auroux aux lois Aubry

 

« Le premier coup de boutoir de la déréglementation fut porté par les lois Auroux du 13 novembre 1982, qui légalisaient la possibilité de déroger à la loi, au code du travail, donc à la réglementation, aux accords de branche, par simple accord d’entreprise. Georges Marchais et Henri Krazucki étaient même allés jusqu’à dire que c’était “ la plus grande conquête depuis 1936 ” Ensuite les gouvernements, de gauche ou de droite, vont poursuivre avec la loi quinquennale pour l’emploi du 20 décembre 1993, puis la loi De Robien et maintenant la loi Aubry leur politique de précarisation des contrats de travail, de flexibilité totale, de mobilité et d’annualisation du temps de travail.

La loi Aubry aura au moins l’avantage de placer l’ensemble du salariat face à l’arrogance patronale qui ne laisse aucun doute sur ses intentions offensives :

Antoine Seillière, le patron du CNPF, n’hésite pas à déclarer, parlant de l’application des 35 heures, qu’il est “ inévitable de remettre les conventions collectives en jeu ”. ( Echanges 87 /1998 « Des lois Auroux à la loi Aubry » p.3) 

Les lois Aubry I et II

« La question du temps de travail est revenue sur le tapis au mois d'avril 96, les médias, la presse syndicale, et le patronat ne vont pas cesser de nous parler des 35 H, et même des 32H, de la semaine sur quatre jours... pour créer des emplois.

Les illusions réformistes reviennent au galop et le partage du travail entre tous est remis en selle par la CFDT. Seulement nous savons que toute baisse du temps de travail sera toujours compensée par un accroissement de la productivité, notamment par une meilleure utilisation des équipements. Pour cela, le patronat veut : plus de flexibilité, de mobilité, le travail 24H sur 24H, le temps annuel pour n'utiliser la force de travail que lorsqu'il en a besoin. D'ailleurs ne venons nous pas d’entendre le patronat allemand revendiquer le retour aux 40 H.

 

Il tente aussi, sous couvert de baisse du temps de travail d’augmenter celui-ci par la prolongation du temps de travail pour toucher sa retraite pleine et entière de 10 trimestres. Le patronat poursuit cette politique, en brisant ou en révisant les conventions collectives (suppression des jours de congés pour ancienneté et grades) suppression des jours pour maladie d'une journée, renforcement des pénalisations pour absences, notamment dans les accords d'intéressement.

Il y a aussi dans de nombreux secteurs, des pressions sur l'emploi qui se traduisent par un accroissement des temps de présence bien au delà des 39H, c'est à dire des heures supplémentaires non payées. » (…) « Les syndicats du textile veulent mettre "le paquet" pour les 32H c'est encore une illusion quand on sait qu'il se prépare en Europe la liquidation de 850 000 emplois dans le textile suite a l 'annulation de l'accord multifibre.(1) » (…) »La loi Robien est chargée de réussir là ou la loi quinquennale a échouée, l’article 39 de cette loi prévoyait que les réductions de charges sociales ne concerneraient que les entreprises qui baisseraient le temps de travail avec perte de salaire.   

 Comme on ne peut pas attraper le serpent par la gueule, attrapons le par la queue, c'est la démarche de la loi Robien qui ne parle plus de cette obligation de baisser les salaires pour obtenir d'importantes réductions de charges sociales que le contribuable devra amortir.

Comme cette loi parle de réduction du temps de travail assortie de créations d'emplois ou de RENONCEMENT à licencier,parions qu'avec les plans de licenciements en chaîne qui tombent depuis le mois de juillet les licenciements seront nombreux et les embauches extrêmement limitées

 Parions aussi, que sous la houlette de la CFDT et autres, la baisse de salaire se fera par un gel des revalorisations de salaires.                                        

Il faut savoir, que dans certaines entreprises des accords à Temps choisi ou partiel stipulent que le salarié bénéficiaire de cet accord ne peut plus revenir à plein temps, il s'agit donc d'un licenciement partiel. » (…) "Certaines catégories d'activité exigent des horaires diversifiés dans l'année: c'est le cas des industries saisonnières telles que l'agro-alimentaire, le tourisme, l'hôtellerie, où des branches soumises à des irrégularités, telles que le bâtiment et les travaux publics, c'est aussi celui des industries fortement exportatrices dont la production dépend de commandes irrégulières et aléatoires, ou encore des entreprises en contact avec le public, qui doivent tenir compte de la disponibilité de leurs clients (banques, petits commerces, administrations) »

« Le principe de l'annualisation du temps de travail venait d'être sacralisé par le rapport Giraudet. Pour faire face à la concurrence internationale, les capitalistes doivent se doter d'usines ultra modernes qu'ils devront faire tourner à plein rendement (jour et nuit, pendant les congés les week end ..) pour  contrecarrer le phénomène de l'usure prématurée des équipements. Ils veulent une force de travail purifiée dont on aura éliminé " la maladie, l'absentéisme, la maternité, la vieillesse..."

Tous les rapports (Boulin, Lucas Giraudet) et lois (quinquennale,  Robien) sur le temps de travail et son aménagement, conduisent à une meilleure utilisation des équipements et à l'augmentation des licenciements. Citons encore Giraudet:

"L'utilisation des équipements, les rigidités de l'aménagement du temps de travail, particulièrement marquées dans notre pays conduisent à des utilisations annuelles souvent insuffisantes des outillages de plus en plus perfectionnés et coûteux dont les entreprises doivent nécessairement s'équiper.

Supportable en période de forte croissance, cette difficulté conduit parfois à renoncer à l'investissement , et donc au développement de la productivité des équipements en période de quasi - stagnation " et Giraudet poursuit en avouant sans détour que si le "TEMPS ANNUEL "n'est pas utilisé pour dégraisser le personnel à faible productivité (...) il devient alors impossible de financer et de rentabiliser un outil plus moderne si le poids de son amortissement est obéré par sa trop faible utilisation" p. 22

Le rapport Giraudet avait au moins le mérite de ne pas masquer que la réduction du temps de travail sur le cycle annuel ne serait pas créatrice d'emploi:

"Dans la plupart des cas, les diminutions de temps de travail sont partiellement compensées par des gains de productivité. Même dans le cas du travail en continu, il n'est pas nécessaire de recruter à due proportion des heures perdues, car l'équipe supplémentaire absorbe dans un premier temps les renforts ou les équipes de remplacements préexistants. La réduction des temps de travail ne conduit donc jamais à la création proportionnelle d'emplois "(page 23) (…)

La campagne actuelle sur le temps de travail, loin de créer des emplois ne fera qu'aider le patronat à en supprimer sous couvert d'embauche » ( Echanges 82 -1996.)

 2-5-des conventions collectives de branche aux contrats individuels précaires

« Les conventions collectives construites depuis plus d'un siècle ne permettent plus aujourd'hui de protéger véritablement les salariés des risques que les politiques managériales visent à transférer du capital sur le travail.Elles peinent à assurer une progression de carrière, de salaires, de protection sociale et de prévoyance à tous les salariés et en particulier aux plus fragiles et aux plus mobiles.De plus, dans le droit social actuel, c'est la nature de l'employeur qui détermine le volume des droits des salariés."

( Audition Conseil d'Orientation pour l'Emploi 19 décembre 2006 Sécurisation des Parcours Professionnels Maryse Dumas Secrétaire Confédérale de la Cgt)

Comme l’avait indiqué le patron des patrons Antoine Seillière, l’application des 35 heures, rendra inévitable la renégociation des conventions collectives, bien sur à la baisse.. En fait la branche de l’assurance avait déjà servi de test et des Mai 1992 une convention collective nationale à la baisse remplaça toutes les autres.

« Le secteur de l’assurance sera le premier à dénoncer les conventions collectives et les remplacer par de nouvelles en retrait sur les anciennes. C’est donc le 27 mai 1992 qu’officiellement la nouvelle convention collective nationale succède aux conventions régionales. Cette mesure va faciliter les rapprochements et fusions et en même temps standardiser les critères d’exploitation de la force de travail.

Remise en cause du système d’ancienneté  du mode de classification dit (Parodi) qui sera remplacé par un classement par fonctions dites (méthode Hay) et la suppression des primes pour réussite aux examens de la profession incluse dans le salaire.

Les salariés de la banque subiront le même traitement à la fin de l’an 2000. Tout était mis en place pour « L’industrialisation du tertiaire »,5 l’introduction des nouvelles technologies et la mise en place d’une réadaptation permanente des salariés à l’évolution constante d’une gestion informatisée en réseaux interconnectés, via le zéro papier.

La remise en cause des conventions nous l’avons déjà fait remarquer s’est produite avant la déstructuration du secteur nationalisé. Le patronat de l’assurance (dirigé à l’époque par Denis Kessler numéro 2 du Medef ) va procéder en deux phases pour liquider les conventions collectives. Dans un premier temps le secteur nationalisé a été mis de côté. La remise en cause des conventions étant compensé par des accords ou des conventions d’entreprises ( ex-AGF) qui semblaient « protéger le secteur » des dégâts, qui vont toucher le secteur privé et les mutuelles. Malgré quelques manifestations massives, bien loin du raz de marée de 1979 le rapport de force restera insuffisant face aux enjeux qui ce profil à l’horizon européen. »

(extrait d’Echanges N° 111 hiver 2004-2005 p.34/35  )

Et pour fêter à leur manière le XXIéme siècle, les conventions collectives seront à partir de cette date remise en cause dans tous les secteurs, pour finalement les vider de tout contenu collectif et les rendre complètement inefficientes. La remise en cause du « principe de faveur » confirmera cette volonté du patronat, introduite par la loi Fillon. Il ne restait plus qu’a procéder au « nettoyage du code du travail » et a rendre précaire «  Le Contrat de travail a durée déterminé » pour faire du XXI éme siècle celui du règne de la précarité.

Le « principe de faveur » dépecé : Historique d’une liquidation

Ce fut une belle histoire, qui commença en 2001 dans les salons de la FFSA (fédération du patronat de l’assurance libérale), où la CFDT de l’assurance la brosse à cirage dans une main le stylo dans l’autre allait signer un accord  record. Un accord qui remettait en cause la hiérarchisation des textes « un principe républicain » pour ceux qui y croient encore.

Un syndicat (le sinistre CFDT auto- réactionnaire) osait ainsi assassiner un principe d’ordre public. L’affaire était si grosse, que le GEMA (syndicat patronal des mutuelles) à composante franc-maçonne s’allia comme à l’époque de la Commune de Paris à la plèbe, pour contrer l’ignominie devant les tribunaux. On avait curieusement oublié la rue, la mobilisation indispensable, qui fait que des ténèbres  des têtes conscientes de leurs intérêts fassent au moins respecter la frontière entre le Capital et le travail.

Faute de combattants, informés du désastre social qui se préparait Le GEMA, la CGT, FO, La CFTC, la CGC allèrent au front comme « don quichotte » contre les moulins à vent. Ils gagnèrent le procès ; Seulement quelque temps après, la loi Fillon  prend le relais et remet en cause un principe d’ordre public

En effet, le vrai gros morceau de cette loi, c’est la remise en cause du « principe de faveur ». C’est quoi ce truc ? Un accord collectif ne peut fixer des garanties pour les salariés inférieures à ce que prévoit un accord de niveau supérieur, ce dernier ne pouvant être moins favorable que la loi, en vertu de l’article L 132-4 du code du travail. Ainsi, jusqu’à maintenant, un accord collectif s’applique à tous les salariés de toutes les entreprises entrant dans son champ d’application. C’est le principe des conventions collectives étendues. Or, dans ses articles 36 à 39, la nouvelle loi limite cette obligation aux questions du salaire, des classifications et des cotisations sociales. Tout le reste pourra être remis en cause par des accords d’entreprise. Il s’agit donc d’accorder aux négociations locales une importance déterminante dans les rapports entre travailleurs et patrons. C’est-à-dire de privilégier le niveau où le salarié est naturellement le plus fragile, le plus isolé, sachant qu’un salarié sur deux n’a pas de représentant syndical. C’est une pratique de dumping social qui livrera des millions de salariés à des accords rétrogrades en toute légalité. N’oublions pas de situer cela dans son contexte : Jean-Pierre Raffarin veut rendre la France « attractive » (entendez « les salariés français attractifs pour les exploiteurs »). Cette loi est donc en elle-même une formidable régression sociale, mais de surcroît ouvre la voie au démantèlement plus général du droit du travail avec comme perspective la remise en cause du Code du travail.

D’autant qu’elle étend aux accords d’entreprises un privilège jusque là réservé aux accords de branche étendus. Certaines dispositions des accords de branche peuvent en effet être moins favorables que le Code du travail : montant de la prime de précarité pour les CDD (L122-3-4), durée de la période d’essai (L124-4-1), indemnité de précarité pour les intérimaires (L124-4-4). Sont encore visés, dans 14 articles au total, la réduction du taux de majoration des heures supplémentaires et la fixation du contingent annuel, la possibilité de déroger, dans le cadre du travail de nuit, à la durée quotidienne de 8 heures ainsi qu’à la durée hebdomadaire de 40 heures sur 12 semaines consécutives, la faculté de déroger au repos quotidien de 11 heures, etc. Un simple accord d’entreprise pourra remettre désormais tout cela en cause.

2-6-Réforme du code du travail (année 2006)

« Simplification » du droit du travail, « modernisation » et « recodification » du code du travail, « réforme » de l’inspection du travail, voilà le dernier des travaux d’Hercule du quinquennat Chirac-Raffarin-Sarkozy-Villepin. Apres les retraites, la Sécu, les 35 h, il leur reste cela à détruire. Ils sont à l’œuvre.

Après l’allègement des procédures relatives aux licenciements, l’assouplissement des règles sur la durée du travail, (maintien des heures à 10 % entre 35 et 39 h, contingent annuel porté à 220 h, rachat à taux zéro des compte-épargne-temps, possibilité de forfait-jour pour tous les salariés, décompte des temps de trajet non payés vers les chantiers) après la loi Fillon du 4 mai 2004 qui inversait la hiérarchie des sources de droit, brisait les accords majoritaires, permettait les dérogations par le bas à l’ordre public social, le gouvernement ré-écrit entièrement le Code du travail pour la plus grande joie du Medef.

De multiples mesures ont été adoptées depuis 2002 remettant en cause l’ordre public social :

  suppression du « registre de l’inspection du travail » 

  nouvelles normes comptables Ifrs, au plus proche des établissements, au plus loin des « groupes »

  élection des délégués du personnel (Dp), des délégations du personnel unique (Dup) et des Comités d’entreprise (Ce) tous les quatre ans.

  “Contrat nouvelles embauches” période d’essai de 2 ans au cours de laquelle le salarié peut être licencié sans procédure et sans motif. 

  Exclusion du décompte des effectifs des jeunes de moins de 26 ans (le Conseil d’Etat vient de la suspendre). 

  Possibilité de faire travailler les jeunes de moins de 18 ans le dimanche, les jours fériés et la nuit. 

Elargissement du chèque-emploi aux entreprises jusqu’à 5 salariés exonérées de la rédaction du contrat de travail et du bulletin de salaire. 

  Création du « travail à temps partagé » qui autorise le prêt de main-d’œuvre à but lucratif :

Repos hebdomadaire par roulement accordé à de nouvelles activités et établissements pouvant désormais faire

Tout cela conduit non pas à « la liberté de travailler plus pour gagner plus » mais à « l’obligation de travailler plus en gagnant moins »... C’est en cohérence avec les dispositions précédentes et pour satisfaire le Medef pour qui le code du travail trop rigide est un frein à l’emploi. travailler leurs salariés le dimanche.

Le 16 février 2005, Gérard Larcher, Ministre délégué aux relations du travail, a installé une commission chargée de rédiger un nouveau code du travail dont l’entrée en vigueur est prévue pour le mois de juin 2006.

Les 3851 articles du Code du travail et les 9 livres qui le constituent seront « remplacés » par 38 « chapitres » prétendument à « droit constant », en fait à « droits dégradés » : cela sera adopté par ordonnances en mai 2006. C’est la plus violente des offensives contre le droit des salariés jamais faite depuis un siècle...

2-7-Employabilité et formation

De l’adaptation permanente à l’emploi, à la gestion des situations de crise de l’emploi.6

La formation depuis bientôt 20 ans jouait un rôle de pompier social dans les entreprises, on se formait pour progresser dans l’échelle sociale, obtenir quelques petits diplômes et surtout les primes et promotions qui allaient de paires. Depuis quelques temps, de promotion sociale, la formation se transforme, sous le couvert de “ se former tout au long de la vie ” en parachute de l’employabilité.

Quelle est donc la signification de ce nouveau terme “ L’Employabilité ” ? L’ANACT s’explique :

La meilleure sécurité qu’on puisse donner à un salarié, c’est un portefeuille de compétences bien rempli. C’est cela qui le rendra autonome et libre vis-à-vis de l’entreprise. Voilà le grand pari, qu’on a pu appeler le pari de l’employabilité. ” (ANACT7 Développement des compétences , juillet 1999).

La meilleure, ce n’est donc plus de remplir notre portefeuille mais de nous donner une formation pour devenir “ libre ” de trouver ailleurs un emploi. Dans ce sens, l’ANACT nous cite une parabole :

Un Airbus A 320 vole vers la Guadeloupe. Le temps est calme et vous avez la perspective d’une semaine de vacances extraordinaire. Pour moi, c’est un peu ce que vivent certains salariés dans les entreprises : ça va bien, les résultats sont bons, leur présence dans l’entreprise n’est pas remise en cause, la tradition de l’entreprise est de garder ses salariés durant toute leur vie professionnelle. Un petit missile crève la coque du A 320. Manque de chance, vous étiez à côté du trou. Vous n’aviez pas mis votre ceinture et vous êtes aspiré. Vous vous retrouvez à neuf mille m’être d’altitude sans parachute. Vous voyez le résultat. Cette entreprise qui marchait bien est rachetée et les actionnaires décident que la marge nette n’est pas suffisante. Lors d’un plan social, vous vous retrouvez dehors. Vous qui êtes rentré il y a vingt ans avec un CAP d’employé de bureau, vous ne vous êtes pas préoccupé puisque tout allait bien. Vingt ans après vous vous retrouvez sur le marché du travail avec une expérience professionnelle relative et votre CAP d’employé de bureau. C’est comme si vous étiez à neuf mille mètres d’altitude, sans parachute. ”

Nombreux sont les travailleurs d’Europe qui sont déjà dans cette situation et nombreux seront ceux qui avec ou sans parachute seront victime de leur âge. Le piège de la réforme des retraites, vient de se refermer, propulsant des milliers de prolétaires dans le “ couloir de l’employabilité ” et de la misère jusqu'à 65 ans. ( Echanges N° 109-2004 , Formation : « De l’ adaptation à l’ emploi à la gestion des situations de crise de l’ emploi » p 2,3)

Les récentes négociations entre l’UNICE (le patronat européen) et la CES ( Confédération européenne des syndicats) ont placer la formation au Cœur de cible comme traitement social du chômage et de l’employabilité.

  • 2-8-la réforme des syndicats et l’intégration européenne

« Ceux qui vont s’atteler à organiser, le nouveau carcan social  c’est l’UNICE et la CES c’est dans les couloirs de la CES que la mise à mort de “ certains privilèges égoïstes et avantages acquis ” va se régler  sans aucun doute sur le modèle britannique, c’est-à-dire le plus petit dénominateur commun..

Un bref rappel : l’industrialisation précoce de la Grande-Bretagne, fait que “ l’atelier du monde ” à été le premier à reconnaître le syndicalisme. Les employeurs et les syndicats réglant entre eux leurs différents sans que l’Etat n’intervienne. Ce bipartisme avait pour inconvénient que les accords signés n’avaient pas de valeur juridique comme en France. De ce fait aucun salarié, aucun syndicaliste ne peut (aujourd’hui encore) se plaindre devant un tribunal pour non respect de l’accord. Cela ne devait pas suffire, arrivé au pouvoir  M. Thatcher va faire voter des lois antisyndicales. Les closed shops - syndicalisation obligatoire pour l’embauche- ont été interdites, le droit de grève réglementé, etc. Nous avons en France et en Italie une tentative dans ce sens les gouvernements Chirac et Berlusconi voulant imposer le principe d’un service minimum en cas de grève.

Plus grave, les employeurs peuvent utiliser la possibilité de “ déreconnaitre ” un syndicat comme interlocuteur ce qui a pour conséquence de liquider le syndicat qui ne convient pas. Celui-ci n’ayant plus de crédits d’heure, etc.. En 1999, Tony Blair avait néanmoins fait un geste, en rendant la négociation obligatoire, à condition que le syndicat prouve qu’il est bien majoritaire dans l’entreprise. En France la CGT et la CFDT défendent ce principe de l’accord majoritaire. Si en Grande-Bretagne la négociation de branche a disparue tout étant concentrer sur l’entreprise (sauf pour le secteur public ou la négociation de branche est maintenue), en France cela devient un état de fait, la CGT et  la CFDT favorisant la constitution de syndicat d’entreprise. Nous voyons que progressivement il s’effectue un glissement de la législation française vers le système anglo-saxon, notamment par le remise en cause par la loi de la hiérarchisation des textes ( un accord d’entreprise pouvant déroger en baisse à la convention collective) cette mesure vise surtout à remettre en cause les 35h dans certains secteurs. En ce qui concerne l’Allemagne, la “ cogestion ” est remise en cause, c’est le système de la “ codétermination ” (Mithestimmung ” qui subsiste encore. La “ codétermination ” fut mise en place pour endiguer le “ mouvement des conseils ouvriers ” et la révolution spartakiste de novembre 1918. En 1920, le conseil d’entreprise (CE) sont mis en place

un équivalent des comités d’entreprise en France, en 1972, la loi donne la priorité aux négociations de branche sur deux points ( Salaires et temps de travail).

En France , le rapport Virville, suggère une réforme complète du droit du travail, il parle notamment d’instituer un “ contrat de projet ” un CDD plus long réservé à des “ salariés qualifié ”, un moyen de contourner les entreprises d’intérim et de marginaliser le contrat de travail à temps plein. Il veut aussi créer un “ conseil d’entreprise ” dans les entreprises de moins de 250 salariés, repenser complètement le code du travail, lui faire un “ toilettage ”. L’objectif est clair le Medef et la bureaucratie syndicale mad in CES veulent “ détricoter ” l’ensemble des droits sociaux issus des luttes de classe.

Le gouvernement CRS ( Chirac Raffarin Sarkozy), a décidé d’en découdre avec la classe ouvrière pendant que Sarkozy vendait son entreprise sécuritaire, le gouvernement voilait les contradictions sociales par la mise en spectacle du voile Islamique  Il fallait bien évidemment faire oublier au plus vite, l’incroyable déficit humanitaire de l’été 2003 qui avait  provoqué la mort de plus de 15 000 personnes durant la canicule. Faire oublier, le manque d’assistance hospitalière. Masquer le plus possible l’attaque généralisée sur les retraites et la protection sociale. C’est au nom de la “ mobilisation pour l’emploi ” que Chirac “ le pacifiste ” déclare la guerre aux travailleurs avec son “ contrat de mission ”, c’est au nom de la solidarité qu’il nous fait la promotion de l’abbé pierre et liquide en même temps le RMI en RMA.

Quand on retire les euphémismes “ toilettage et détricoter ” nous voyons que les travailleurs, chômeurs, précaires et sans logis vont devoir s’affronter à la politique réactionnaire de l’Europe des vingt cinq.

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1 Selon (Reuters le 18 juin 2006) - L'assureur allemand Allianz se prépare à supprimer plusieurs milliers d'emplois dans le cadre de son programme de restructuration, rapporte dimanche le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung. La décision devrait être entérinée lors d'un conseil de surveillance lundi, écrit le journal dominical sans citer ses sources. Ces suppressions d'emplois viendront s'ajouter au millier déjà annoncé à Dresdner Bank ; La banque allemande  a supprimé 16.000 emplois depuis 2000 et une source au fait de la situation a indiqué à Reuters le mois dernier qu'elle pourrait encore éliminer des centaines de postes à sa division de banque d'affaires Dresdner Kleinwort Wasserstein.

 2 Le journal le Monde de fevrier 1991 indiquait que Denis Kessler et le socialiste  Dominique Strauss-Kahn  avancèrent l’idée de la CSG dés les années 80. 

3 L’ordonnance du 24 janvier 1996, indique dans son article premier que la CADES a « une durée de 13 ans et un mois à compter du 1er janvier 1996 ».

 4 La dette de 110 milliards de francs aura donc été payé deux fois : une première fois via la hausse de la CSG décidée en juillet 1993 ( 1,4 points) et la seconde par l’instauration de la CRDS

 5 Terme utilisé, par le management et autre instance économique pour signifier que dorénavant le tertiaire doit être productif.

 6 (7)-C’est autour d’un document de travail présenté par la CGC  “ Accord sur le traitement social des restructurations ” que les syndicats de la CES ont débattu.

7 (8)L’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) organisme proche de la CFDT . Internet :www.anact.fr

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