dimanche 12 mai 2024

ETUDES SUR LE CAPITAL-Suivi de deux études de - Franz MEHRING - Rosa LUXEMBOURG

 

ETUDES SUR LE CAPITAL-Suivi de deux études de - Franz MEHRING - Rosa LUXEMBOURG


  engels_capital  L’ETUDE du Capital de Marx présente certaines difficultés. L'imprévu de la méthode, la profondeur de l'analyse, la multiplicité des points de vue nouveaux déroutent et, parfois, exigent du lecteur non averti un effort certain.
Il est préférable de commencer l'étude de la science marxiste par des ouvrages plus accessibles, mais, même pour ceux qui possèdent les premiers éléments de celle science, la lecture du Capital demande quelque peu de persévérance. Il est déjà possible de la rendre plus aisée, en prenant tout d'abord connaissance des commentaires autorisés que nous devons au cofondateur de la doctrine, à Engels lui-même.
La collection « les Eléments du communisme» se devait de s'efforcer de préparer les étudiants du marxisme à l'élude de son ouvrage essentiel. C'est dans ce but que nous avons réuni en une seule brochure quatre travaux d'Engels se rapportant à l'étude du Capital.
1. L'article « Le Capital de Marx » paru, les 21 et 28 mars 1868, dans le Demokratisches Wochenblatt de Leipzig, qui constitue une magistrale exposition du premier livre du Capital.
2. Un «Extrait de la préface au deuxième livre du Capital», consacré spécialement à la découverte de la plus-value.
3. Le « Résumé du Capital », où Engels, chapitre par chapitre, résume et commente la plus grande partie du livre premier du Capital. La rédaction de ce travail, enrichi de nombreuses notes explicatives, a été effectuée par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine de Moscou.
4. Le «Complément et supplément au troisième livre du Capital »,paru en 1895 dans le Devenir social et qui est introuvable aujourd'hui. Nous en donnons une nouvelle version soigneusément revue et améliorée. Ce travail constitue l'introduclion indispensable à l'étude du troisième livre;

5;vient ensuite une étude sur « La Bourse ». Elle consiste en des remarques complémentaires sur le troisième livre du Capital. Nous donnons ce travail d'après la copie photographique, de l'Institut Marx-En gels-Lénine.
Nous avons cru utile d'ajouter en annexe un extrait de l'ouvrage classique de Franz Mehring : Karl Marx : Geschichte seines Lebens (Karl Marx, histoire de sa vie), où le grand publiciste expose la genèse du Capital et en analyse le premier livre, et quelques passages du méme ouvrage, dus à la plume de Rosa Luxembourg et dans lesquels la célèbre militante avec sa clarté coutumière, nous donne la substance des deuxième et troisième livres du Capital.
Nous avons la conviction que, ainsi composé, ce petit ouvrage pourra rendre de réels services à tous ceux. qui désirent entreprendre l'étude sérieuse du Capital.
Un mot encore. Le «Résumé du Capital» n'a pas été préparé par Engels pour l'impression ; Un travail d'élaboration était donc nécessaire. Nous avons complété les mots abrégés en mettant la partie complémentaire entre crochets [ ]. Nous avons, en plus, donné en notes, in-extenso, maints passages de Marx analysés par Engels.
A la fin de certains paragraphes figurent trois chiffres; le premier indique la pagination de l'édition allemande du Capital dont s'est servi Engels; des deux chiffres entre crochets, le premier indique la pagination de l'édition allemande moderne du Capital (Verlag für Literatur und Politik, Wien-Berlin S. W, 61, 1932), le deuxième se réfère à l'édition française en cours de parution aux Edition s Sociales.
Les notes non signées sont d'Engels.
Les notes des éditeurs sont signées (N. R.), celles du traducteur (N. T. ).

                                                                           LE « CAPITAL » DE MARX

Depuis qu'il y a des capitalistes et des ouvriers dans le monde, il n'est pas paru de livre qui fût de pareille importance pour les ouvriers que celui-ci. Les rapports entre le Capital et le Travail, l'axe autour duquel tourne tout notre système social actuel, y sont pour la première fois développés scientifiquement, et cela avec une profondeur et une netteté possibles seulement à un Allemand. Si précieux que soient et que resteront les écrits d'un Owen, d'un Saint-Simon, d'un Fourier, ïl était réservé à un Allemand d'atteindre la hauteur d'où l'on peut embrasser clairement, d'un seul coup d'oeil le domaine tout entier des rapports sociaux modernes, de même façon qu'apparaissent aux yeux du spectateur, debout sur la plus haute cime, les sites montagneux moins élevés.
L'économie politique nous enseigne jusqu'à maintenant que le travail est la source de toute richesse et la mesure de toutes les valeurs, de telle façon que deux objets dont la production a coûté le même temps de travail ont aussi la même valeur et que des valeurs égales étant généralement seules échangeables entre elles, ils doivent aussi être nécessairement échangés les uns contre les autres.
Mais elle enseigne en même temps qu'il existe une espèce de travail emmagasiné qu'elle appelle capital ; que ce capital grâce aux ressources qu'il renferme, multiplie par cent et par mille la productivité du travail vivant et réclame pour cela une certaine compensation qu'on appelle profit ou bénéfice. Comme nous le savons tous, les choses se présentent en réalité de la façon suivante : les profits du travail mort, accumulé, constituent une masse de plus en plus grande, les capitaux des capitalistes prennent des proportions de plus en plus colossales, alors que le salaire du travail vivant devient de plus en plus infime, et la masse des ouvriers vivant uniquement de salaire de plus en plus nombreuse et de plus en plus pauvre. Comment résoudre cette orientation?
Comment peut-il rester un profit au capitaliste si l'ouvrier reçoit la valeur entière du travail qu'il ajoute à son produit?
Et pourtant, puisque seules des valeurs égales sont échangeables, il devrait bien en être ainsi. D'autre part, comment des valeurs égales peuvent-elles être échangées, comment l'ouvrier peut-il recevoir la valeur entière de son produit, si, comme il est concédé par beaucoup d'économistes, ce produit est partagé entre les capitalistes et lui ?
L'économie reste jusqu'ici perplexe devant cette contradiction,écrit ou balbutie des formules embarrassées et vides. Même les critiques socialistes de l'économie n'ont pas été capables jusqu'ici de faire autre chose que de souligner cette contradiction; aucun ne l'a résolue jusqu'au moment où, enfin, Marx, poursuivant le processus de la formation de ce profit jusqu'à son lieu de naissance, a fait sur le tout la pleine lumière.
    Dans le développement du capital, Marx part du fait simple et notoire que, les capitalistes font valoir leur capital au moyen de l'échange ; ils achètent de la marchandise pour leur argent et la revendent ensuite pour une somme plus élevée qu'elle ne leur a coûté. Un capitaliste achète, par exemple, du coton pour mille thalers et le revend pour 1.100 thalers, « gagnant » ainsi 100 thalers. C'est cet excédent de 100 thalers sur le capital initial que Marx appelle plus-value. D'où provient cette plus-value ?
D'après l'hypothèse des économistes, seules des valeurs égales sont échangeables, et, dans le domaine de la théorie abstraite, la chose est juste aussi. L'achat du coton et sa revente ne peuvent donc pas plus fournir de plus-value que l'échange d'un thaler d'argent contre 30 gros d'argent et un nouvel échange de cette monnaie de compte contre le thaler d'argent, opération où on ne s'enrichit ni on ne s'appauvrit.
Mais la plus-value peut tout aussi peu provenir du fait que les vendeurs vendent les marchandises au-dessus de leur valeur, ou que les acheteurs les achètent au-dessous de leur valeur, car chacun d'eux à son tour étant tantôt acheteur, tantôt vendeur, il y a, par
conséquent, compensation. Cela ne peut pas plus provenir du fait que les acheteurs et les vendeurs s'exploitent réciproquement, car cela ne produirait pas de nouvelle valeur ou plus-value, mais ne ferait, au contraire, que répartir autrement le capital existant entre les capitalistes. Or, bien que le capitaliste achète et revende les marchandises à leur valeur, il en tire plus de valeur qu'il n'y en a mis. Comment cela se produit-il ?
    Dans les conditions sociales actuelles, le capitaliste trouve sur le marché une marchandise qui a cette propriété particulière que sa consommation est une source de nouvelle valeur, crée une nouvelle valeur, et cette marchandise c'est la force da travail.
Qu'est-ce que la valeur de la force de travail? La valeur de chaque marchandise est mesurée par le travail qu'exige sa production. La force de travail existe sous la forme de l'ouvrier vivant qui a besoin, pour vivre, ainsi que pour entretenir sa famille qui assure la persistance de la force de travail aussi après sa mort, d'une somme déterminée de moyens de subsistance. C'est donc le temps de travail nécessaire à la production de ces moyens de subsistance qui représente la valeur de la force de travail. Le capitaliste paye l'ouvrier par semaine et achète ainsi l'emploi de son travail pour une semaine. Messieurs les économistes seront jusque-là assez d'accord avec nous sur la valeur de la force du travail.
A ce moment, le capitaliste met son ouvrier au travail. Dans un temps déterminé, l'ouvrier aura livré autant de travail que son salaire hebdomadaire en représentait.
    A supposer que le salaire hebdomadaire d'un ouvrier représente trois journées de travail, l'ouvrier qui commence le lundi a rendu au capitaliste le mercredi soir la valeur entière du salaire payé. Mais cesse-t-il ensuite de travailler ? Pas du tout. Le capitaliste a acheté son travail pour une semaine, et il faut que l'ouvrier travaille encore les trois derniers jours de la semaine. Ce surtravail de l'ouvrier, au delà du temps nécessaire pour le remplacement de son salaire est la source de la plus-value, du profit, du grossissement toujours croissant du capital.
    Qu'on ne dise pas que c'est une supposition gratuite d'affirmer que l'ouvrier fait sortir de son travail en trois jours le salaire qu'il a reçu et que les trois autres jours il travaille pour le capitaliste. Qu'il ait besoin de juste trois jours pour restituer son salaire, ou de deux, ou de quatre, c'est d'ailleurs ici une chose tout à fait indifférente, et qui varie aussi selon les circonstances ; mais la chose principale, c'est que le capitaliste, à côté du travail qu'il paye, obtient encore du travail qu'il ne paye pas, et il n'y a pas là de supposition arbitraire, car le jour où le capitaliste ne recevrait continuellement de l'ouvrier qu'autant qu'il lui paye en salaire, ce jour-là, il fermerait son atelier, car tout son profit s'envolerait.
    Et voilà que nous avons résolu toutes ces contradictions. La formation de la plus-value (dont le profit du capitaliste constitue une partie importante) est maintenant tout à fait claire et naturelle. La valeur de la force du travail est payée, mais cette valeur est de beaucoup inférieure à celle que le capitaliste sait tirer de la force de travail, et la différence, le travail non payé, constitue précisément la part du capitaliste, ou plus exactement, de la classe capitaliste. Car même le profit que, dans l'exemple cité plus haut, le marchand de coton a tiré de son coton, doit nécessairement consister en travail non payé si les prix du coton n'ont pas augmenté. Il faut que le marchand ait vendu à un fabricant de cotonnades qui, outre ces cent thalers, puisse tirer encore pour soi un bénéfice de sa fabrication, et qui partage par conséquent avec lui le travail non payé qu'il a empoché. C'est ce travail non payé qui, en général, entretient tous les membres de la société ne travaillant pas. C'est avec lui qu'on paye les impôts d'Etat et des communes dans la mesure où ils atteignent la classe capitaliste, les rentes foncières des propriétaires terriens, etc. C'est sur lui que repose tout l'état social existant.
    D'autre part, il serait ridicule de supposer que le travail non payé ne s'est formé que dans les conditions actuelles où la production est le fait d'un côté des capitalistes et de l'autre des salariés. Au contraire, de tout temps la classe opprimée a dû faire du travail non payé. Pendant toute la longue période où l'esclavage fut la forme dominante de l'organisation du travail, les esclaves ont été obligés de travailler beaucoup plus qu'on leur donnait sous forme de moyens de subsistance. Sous la domination du servage et jusqu'à l'abolition de la corvée paysanne, il en fut de même ; et là apparaît même, de façon tangible, la différence entre le temps où le paysan travaille pour sa propre subsistance et celui où il fait du sur6travail pour le seigneur, parce que ces deux formes de travail s'accomplissent de façon séparée.La forme est maintenant différente, mais la chose est restée, et tant qu'

    une partie de la société possède le monopole des moyens de production, le travailleur, libre ou non, est forcé d'ajouter au temps de travail nécessaire à son propre entretien un surplus destiné à produire la subsistance du possesseur des moyens de production.1
___________________
1 Capital, t. 1, p, 231.
                                                                                               II


    Dans l'article précédent, nous avons vu que chaque ouvrier qui est occupé par le capitaliste, fait un double travail : pendant une partie de son temps de travail, il restitue le salaire que lui a avancé le capitaliste, et cette partie de son travail est appelée par Marx le travail nécessaire. Mais ensuite, il doit encore continuer à travailler et produire pendant ce temps la plus-value pour le capitaliste, dont le profit constitue une partie importante. Cette partie du travail s'appelle le surtravail.
    Supposons que l'ouvrier travaille trois jours de la semaine pour restituer son salaire et trois jours pour produire de la plus-value pour le capitaliste. Cela veut dire, en d'autres termes, qu'il travaille, dans une journée de douze heures, six heures par jour pour son salaire et six heures pour créer de la plus-value. Mais on ne peut tirer de la semaine que six jours et même en y ajoutant le dimanche, sept jours seulement, alors que de chaque jour on peut tirer six, huit, dix, douze, quinze et même plus d'heures de travail. L'ouvrier a vendu pour son salaire une journée de travail au capitaliste. Mais qu'est-ce qu'un jour de travail ? Huit heures ou dix-huit ?
    Le capitaliste a intérêt à faire la journée de travail aussi longue que possible. Plus elle est longue, plus elle crée de plus-value. L'ouvrier a le juste sentiment que chaque heure de travail qu'il fait au-delà de la restitution de son salaire, lui est prise de façon illégitime; c'est sur son propre corps qu'il doit sentir ce que cela signifie de travailler un temps trop long. Le capitaliste lutte pour son profit, l'ouvrier pour sa santé, pour quelques heures de repos quotidien, pour pouvoir, en dehors du travail, du sommeil et du manger se manifester encore, en tant qu'homme.
Remarquons en passant qu'il ne dépend pas de la bonne volonté des capitalistes pris isolément qu'ils veuillent ou non s'engager dans cette lutte, car la concurrence contraint le plus philanthrope d'entre eux à se rallier à ses collègues et à faire accomplir une aussi longue journée de travail que ceux-ci.
    La lutte pour cette fixation de la journée de travail date de la première apparition d'ouvriers libres dans l'histoire et dure jusqu'aujourd'hui. Dans diverses industries, règnent des coutumes diverses concernant la journée de travail ; mais, en réalité, elles sont rarement observées.
C'est seulement là où la loi fixe la journée de travail et en contrôle l'observation, c'est là seulement qu'on peut vraiment dire qu'il existe une journée de travail normale. Et jusqu'à maintenant, ce n'est presque le cas que dans les districts industriels d'Angleterre. Là, la journée de travail est fixée à dix heures (10 heures et demie pendant cinq jours et 7 heures et demie le samedi) pour toutes les femmes et pour les garçons de 13 à 18 ans, et comme les hommes ne peuvent travailler sans ces derniers, ils tombent, eux aussi, sous la loi de la journée de dix heures. Cette loi, les ouvriers des fabriques d'Angleterre, l'ont conquise par de longues années de persévérance, par la lutte la plus tenace, la plus obstinée contre les fabricants, par la liberté de la presse, par le droit de coalition et de réunion, ainsi que par l'utilisation habile des divisions au sein de la classe régnante elle-même.
Elle est devenue la sauvegarde des ouvriers anglais, elle a été élargie peu à peu à toutes les grandes branches d'industrie et étendue, l'année dernière, à presque tous les métiers, du moins à tous ceux où sont occupés des femmes et des enfants. Sur l'histoire de cette réglementation légale de la journée de travail en Angleterre, l'ouvrage présent contient une documentation extrêmement détaillée.Le prochain « Reichstag de l'Allemagne du Nord » aura également à discuter une loi industrielle, et, par conséquent, à réglementer le travail dans les fabriques. Nous espérons que pas un des députés qui ont dû leur élection à des ouvriers allemands, n'ira à la discussion de cette loi sans s'être auparavant familiarisé complètement avec le livre de Marx. On peut obtenir beaucoup. Les divisions dans les classes régnantes sont plus favorables aux ouvriers qu'elles le furent jamais en Angleterre, parce que le suffrage universel contraint les classes dominantes à rechercher la faveur des ouvriers. Dans ces circonstances, quatre ou cinq représentants du prolétariat sont une puissance, s'ils savent utiliser leur situation, s'ils savent avant tout de quoi il s'agit; ce que les bourgeois ne savent pas. Et pour cela le livre de Marx leur met en mains la documentation toute prête.

    Nous laisserons de côté une série d'autres recherches très belles d'un intérêt plus théorique et nous nous contenterons d'en venir au chapitre final qui traite de l'accumulation du capital. On y prouve d'abord que la méthode de production capitaliste, c'està-dire, réalisée par des capitalistes d'une part et des salariés d'autre part, non seulement reproduit constamment son capital au capitaliste, mais produit toujours aussi en même temps la misère des ouvriers; de sorte que l'on veille à ce que, d'une façon constante et renouvelée, existent d'un côté des capitalistes qui sont les possesseurs de tous les moyens de subsistance, de toutes les matières premières et de tous les instruments de travail, et, de l'autre côté, la grande masse des ouvriers qui sont contraints de vendre leur force de travail à ces capitalistes pour une certaine quantité de moyens de subsistance, suffisants tout au plus, dans le meilleur des cas, pour les maintenir en état de travailler et pour faire grandir une nouvelle génération de prolétaires aptes au travail.
Mais le capital ne se contente pas d'être reproduit : il est continuellement augmenté et grossi et avec lui, sa puissance sur la classe non possédante des ouvriers. Et de même qu'il est reproduit lui-même dans des proportions de plus en plus grandes, le mode de production capitaliste moderne reproduit également à une échelle toujours plus grande, et en nombre toujours croissant, la classe des ouvriers qui ne possèdent rien.

    L'accumulation du capital reproduit les rapports du capital à une échelle plus large, plus de capitalistes ou de plus gros capitalistes à un pôle, plus d'ouvriers salariés à l'autre... L'accumulation du capital est donc l'augmentation du prolétariat.

    Mais comme pour faire la même quantité de produits, il faut toujours moins d'ouvriers par suite du progrès du machinisme, de l'amélioration de l'agriculture, etc., comme ce perfectionnement, c'est-à-dire, cet excédent d'ouvriers grandit plus rapidement que le capital lui-même, qu'advient-il de ce nombre toujours plus grand d'ouvriers ? Ils forment une armée de réserve industrielle qui, pendant les périodes d'affaires mauvaises ou médiocres, est payée au-dessous de la valeur de son travail et est occupée irrégulièrement ou encore tombe à la charge de l'assistance publique, mais est indispensable à la classe capitaliste pour les moments d'activité particulièrement vive des affaires, comme cela apparaît de façon tangible en Angleterre, mais qui, en tout état de cause, sert à briser la force de résistance des ouvriers occupés régulièrement et à maintenir leurs salaires à un bas niveau.

    Plus la richesse sociale est grande..., plus est grande la surpopulation relative ou l'armée de réserve industrielle. Mais plus cette armée de réserve est grande par rapport à l'armée ouvrière active [occupée régulièrement] et plus massive est la surpopulation consolidée [permanente], c'est-à-dire les couches d'ouvriers dont la misère est en proportion inverse de la peine de leur travail. Plus, enfin, la couche de la classe ouvrière partageant le sort de Lazare et l'armée de réserve industrielle sont grandes, plus est grand le paupérisme officiel. Telle est la loi générale, absolue de l'accumulation capitaliste.

    Telles sont, prouvées d'une façon rigoureusement scientifique - et les économistes officiels se gardent bien de tenter seulement de les réfuter - quelques-unes des lois principales du système social capitaliste moderne. Mais avec cela avons-nous tout dit ? Pas du tout. Avec la même netteté que Marx souligne les mauvais côtés de la production capitaliste, il prouve, de façon aussi claire, que cette forme sociale était nécessaire pour développer les forces productives de la société à un niveau qui permette le même développement vraiment humain pour tous les membres de la société. Toutes les formes sociales antérieures ont été trop pauvres pour cela. Seule, la production capitaliste crée les richesses et les forces de production nécessaires à cette fin, niais elle crée en même temps, avec la masse des ouvriers opprimés, la classe sociale qui, de plus en plus, est contrainte de revendiquer l'utilisation de ces richesses et de ces forces productives pour toute la société et non, comme aujourd'hui, pour une classe monopoliste.
(Demokratisches Wochenblatt, de Leipzig, 21-28 mars 1868.)

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

_______________________________________________________________________________________________________

                                             EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL »


    Vers la fin du siècle dernier, régnait encore, comme chacun sait, la théorie phlogistique, d'après laquelle la nature de toute combustion consistait en ce que du corps en combustion il se détachait un autre corps, un corps hypothétique, une matière combustible absolue à qui on donnait le nom de phlogiston. Cette théorie suffisait à expliquer la plupart des phénomènes chimiques alors connus, non sans toutefois, dans certains cas, faire violence aux faits. Or, voici qu'en 1774, Priestley produisit une espèce d'air « qu'il trouva si pur ou si exempt de phlogiston que, par comparaison, l'air ordinaire paraissait déjà vicié » Il l'appela : air déphlogistisé. Peu dé temps après, Scheele produisit, en Suède, la même espèce d'air et prouva qu'il existait dans l'atmosphère. Il constata également qu'il disparaissait quand on brûle un corps dans son sein ou dans l'air ordinaire. Il l'appela donc « air à feu ».

    De ces résultats, il tira la conclusion que la combinaison qui naît de l'alliance du phlogiston avec un des éléments de l'air [c'est-à-dire dans la combustion], n'était que du feu ou de la chaleur qui s'échappait du verre2.

    Priestley et Scheele avaient tous deux produit l'oxygène, mais sans savoir ce qu'ils avaient sous la main. Ils « ne pouvaient se dégager des catégories « phlogistiques », telles qu'ils les trouvaient établies.» L'élément qui allait renverser toute la conception phlogistique et révolutionner la chimie restait, entre leurs mains, frappé de stérilité.
Mais Priestley avait immédiatement communiqué sa découverte à Lavoisier, à Paris, et celui-ci, partant de ce fait nouveau, soumit à l'investigation toute la chimie phlogistique ; c'est alors qu'il découvrit que la nouvelle sorte d'air était un élément chimique nouveau, que, dans la combustion d'un corps, ce n'est pas le mystérieux phlogiston qui s'échappe, mais bien ce nouvel élément qui se combine avec le corps, et il mit ainsi sur ses pieds toute la chimie qui, sous sa forme phlogistique, était mise à l'envers.
Et s'il n'est pas exact, contrairement à ce qu'il a prétendu par la suite, qu'il ait produit l'oxygène en même temps que Priestley et Scheele et indépendamment d'eux, il n'en reste pas moins celui qui a vraiment découvert l'oxygène par rapport aux deux autres qui l'avaient simplement produit, sans avoir la moindre. idée de ce qu'ils avaient produit.
    Marx est à ses prédécesseurs, quant à la théorie de la plus-value, ce que Lavoisier est à Priestley et à Scheele. Longtemps avant Marx on avait établi l'existence de cette partie de la valeur du produit que nous appelons maintenant plus-value ; on avait également énoncé plus ou moins clairement en quoi elle consiste : à savoir dans le produit du travail pour lequel l'acquéreur ne donne pas d'équivalent.Mais on n'allait pas plus loin. Les uns, les économistes bourgeois classiques, étudiaient tout au plus le rapport suivant lequel le produit du travail est réparti entre l'ouvrier et le possesseur des moyens de production. Les autres, les socialistes, trouvaient cette répartition injuste et cherchaient des moyens utopiques à mettre fin à cette injustice. Ni les uns ni les autres ne réussissaient à se dégager des catégories économiques qu'ils avaient trouvées établies.
    Alors Marx vint. Et il prit le contrepied direct de tous ses prédécesseurs. Là où ceux-ci avaient vu une solution, il ne vit qu'un problème. Il s'aperçut qu'il n'y avait ici ni « air déphlogistisé » ni « air à feu », mais de l'oxygène ; qu'il ne s'agissait ici ni de la simple constationd'un fait économique, ni du conflit de ce fait avec la justice éternelle et la vraie morale, mais d'un fait appelé à bouleverser toute l'économie, et qui, pour la compréhension de toute la production capitaliste, offrait la clef à qui savait s'en servir. Partant de ce fait, il examina toutes les catégories existantes, de même que Lavoisier partant de l'oxygène, avait examiné les catégories existantes de la chimie phlogistique.

______________

2 ROSCOE-SCHORLEMMER : Manuel complet de chimie, Brunswick, 1877 I, p. 3-18 (Note d'Engels.)
 ____________________________________________________________________________________________________

_____________________________________________________________________________________________________


                                                 RESUME DU CAPITAL

                      Le procès de la production du capital (Livre Premier)


Préface à l'édition allemande

CINQUANTE années se sont écoulées depuis la mort de Karl Marx. Alors que cette période a suffi pour faire sombrer dans l'oubli total les oeuvres d'écrivains fort connus de leurs contemporains elle n'a été pour le Capital de Karl Marx qu'une marche triomphale, à travers le monde entier. Le résumé de cette oeuvre par Engels, que nous pouvons pour la première fois faire lire en langue allemande au prolétariat allemand, revêt donc, pour cette raison, une importance particulière.
Engels entreprit ce travail quand, à la demande de Marx, il écrivit pour la Fortnightly Review, revue libérale de gauche paraissant à Londres, un article sur le premier tome du Capital. Mais le rédacteur de la Fortnightly Review, renvoya à l'auteur la première partie de l'article, et Engels cessa d'y travailler.
Engels qui préparait son travail avec beaucoup de soin, avait commencé suivant en cela les directives précises de Marx par prendre des extraits du Capital ; le résumé que nous publions aujourd'hui en est le résultat.
Le 17 avril 1868, Engels écrivait à Marx

    Avec le temps limité dont je dispose, la dissection de ton livre me donne plus d'ouvrage que je ne le prévoyais ; car enfin3, une fois qu'on s'attelle à ce travail il faut au moins le faire à fond et pas seulement en vue de cet objectif spécial.

    Ce travail, Engels l'a effectué vraisemblablement dans la première moitié de l'année 1868 il n'a pas dépassé la quatrième partie. la Production de la plus-value relative, chapitre XIII : « Machinisme et grande industrie », sous-chapitre 6. Le résumé n'a pas été achevé Cependant, même sous cette forme, il rendra de précieux services au prolétariat, car, il résume magistralement en termes propres, les idées fondamentales du Capital. Engels nous montre la voie à suivre pour se pénétrer des enseignements du Capital. Aussi, le résumé sera-t-il un guide important dans l'étude de l'économie politique marxiste.

    Ce travail est, par endroits, difficile à comprendre. C'est qu'il n'est pas destiné à remplacer l'étude préalable d'oeuvres économiques marxistes élémentaires comme Travail salarié et capital , Salaires, prix et profits, comme les parties économique de l'article sur Karl Marx de Lénine et de l'Anti-Dahring d'Engels ; il doit seulement permettre au lecteur prolétarien de passer de l'étude de ces ouvrages, facilement compréhensibles, à celle du Capital.

    Seul Engels, le génial collaborateur de Marx, co-fondateur du matérialisme historique et du communisme scientifique, qui a lui-même exploré le domaine de l'économie politique, pouvait, dans son résumé, restituer le contenu du Capital sous une forme aussi claire et aussi condensée. Son art de la popularisation repose sur une maîtrise absolue de la méthode du màtérialisme dialectique. Le résumé est un modèle de recherche et
______________________________
3 En français dans le texte (N.T.)


d'exposition matérialistes. Les catégories économiques sont montrées dans leur développement historique. Engels n'a omis, dans son résumé aucune des transitions révélées par le Capital. Alors que les falsificateurs idéalistes du marxisme contestent la base matérielle qui sert d'assise aux catégories marxistes de l'économie politique, Engels, matérialiste, part toujours des conditions de production. Voilà pourquoi son résumé est une arme contre la déformation menchévik de l'économie marxiste dans le sens idéaliste.

    Le résumé est centré sur la théorie de la plus-value. Quand, en 1884, Deville fit paraître en France l'abrégé populaire du Capital, Engels lui reprocha, en particulier, d'y avoir mis des choses «inutiles pour l'intelligence de la théorie de la plus-value et de ses conséquences (et c'est cela justement qui importe pour un abrégé populaire) ». Engels étudie avec une attention particulière les lois de la production de la plus-value, car la production de plus-value, l'exploitation des ouvriers, éveille dans le prolétariat les forces de l'indignation, de la révolte. Par ailleurs, la production de plus-value aboutît à un tel épanouissement des forces productives que le cadre du mode de production capitaliste devient trop étroit, que le renversement de la bourgeoisie, l'instauration de la dictature prolétarienne, l’édîfication du socialisme deviennent possibles et néssaires.
    C'est dans la façon dont Engels met la production de la plus-value au centre de son travail qu'en apparaît le caractère rêvolutionnaire. Il traite des contradictions économiques de la production des marchandises, depuis la contradiction entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, jusqu'à sa forme la plus élevée dans le capitalisme.
Dans la contradiction économique, il découvre la contradiction de classe il montre les classes en tant que supports des contradictions économiques. Soit par des citations de Marx, soit par des formulations personnelles, Engels met justement en relief le côté révolutionnaire et « révolutionnarisant » du capitalisme :

    La plus-value est le surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Le capital ne se soucie donc nullement de la santé et de la vie de l'ouvrier, à moins d'y être forcé par la société.

Engels souligne que

    devant les ouvriers se dressent les puissances spirituelles du processus de travail en tant que propriété étrangère et force qui les domine.

    Combien lamentables paraissent à côté du résumé d'Engels les innombrables tentatives faites par les économistes bourgeois et social-démocrates (Kautsky, Borchardt, etc.) pour populariser et abréger le Capital, c'est-à-dire pour le vulgariser - au pire sens du mot - et le falsifier.

    II est regrettable qu'Engels n'ait pu terminer son travail. Cependant, même sous cette forme inachevée, il sera pour le lecteur un guide indispensable à travers le Capital.

    Le texte a été établi sur la base d'une vérification minutieuse du texte original, d'après les copies photographiques qui se trouvent à l'Institut Marx-Engels-Lénine. Nos additions, qui se bornent essentiellement à l'explication de mots étrangers, ont été placées entre crochets. Les indications paginales données par Engels se rapportent à la première édition allemande du Capital, tome I, Editions Otto Meissner ;les chiffres ajoutés entre crochets se rapportent à l'édition établie par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine.
L'édition du résumé que nous publions aujourd'hui a été préparée par Horst Frochlich. INSTITUT MARX-ENGELS-LÉNINE.

                           LIVRE PREMIER

                              Le procés de la production du capital

                                                          PREMIERE PARTIE

                                                LA MARCHANDISE ET L'ARGENT


I. La marchandise en soi

La richesse des sociétés dans lesquelles règne la production capitaliste consiste, en marchandises. La marchandise est une chose qui possède une valeur d'usage ; cette dernière existe dans toutes les formes sociales, mais, dans la société capitaliste, la valeur d'usage est en même temps le support matériel de la valeur d'échange.

    La valeur d'échange présuppose un tertium comparationis4 auquel elle est mesurée : le travail, la substance sociale commune des valeurs d'échange, plus précisément le temps de travail socialement nécessaire qui y est matérialisé.

    De même que la marchandise [revêt] un double aspect valeur d'usage et valeur d'échange, de même, le travail contenu en elle [est] doublement déterminé: d'une part comme activité productive déterminée, travail du tisserand, du tailleur, etc., « travail utile », d'autre part, comme simple dépense de force de travail humaine, travail cristallisé, abstrait. Le premier produit de la valeur d'usage, le second de la valeur d'échange ; seul, ce dernier est quantitativement comparable (la distinction entre travail skilled [qualité] et unskilled [non qualifié], travail composé et travail simple, le confirme).

    [La] substance de la valeur d'échange [est] donc le travail abstrait. Sa grandeur [se mesure] au temps employé. [Reste] encore à considérer la forme de la valeur d'échange.

    1. x marchandise A = y marchandise B, la valeur d'une marchandise exprimée en valeur d'usage d'une autre [marchandise] est sa5 valeur relative. L'expression de l'équivalence de deux marchandises est la forme simple de la valeur relative. Dans l'équation ci-dessus, y marchandise B est l'équivalent. En lui, x marchandise A reçoit sa forme valeur par opposition à sa6 forme naturelle, alors que y marchandise B reçoit en même temps, dans sa propre forme naturelle, la propriété de pouvoir être directement échangé.
La valeur d'échange est imprimée à la valeur d'usage de la marchandise par des conditions historiques déterminées. Elle ne peut donc l'exprimer dans sa propre valeur d'usage, mais seulement dans la valeur d'usage d'une autre marchandise. C'est seulement dans la mise en égalité de deux produits concrets du travail que le travail concret contenu dans l'un et dans l'autre révèle sa qualité de travail humain abstrait ; c'est-à-dire qu'une marchandise peut se comporter comme simple matérialisation de travail abstrait, non pas envers le travail concret contenu en elle-même, mais envers le travail concret contenu dans une autre espèce de marchandise.
    L'équation x marchandise A = y marchandise B implique. nécessairement que x marchandise A puisse être également exprimé dans d'autres marchandises, donc :
    2. x marchandise A = y marchandise B = z marchandise C =v mimarchandise D = u marchandise E . etc., etc.
C'est là la forme développée de la valeur relative. Ici, x marchandise A, en tant que simple matérialisation du travail qui y est contenu, ne se rapporte plus à une marchandise, mais à toutes. Mais par simple inversion, elle conduit à

4 Terme de comparaison. (N. T.)
5 Se rapporte à l'expression « x marchandise A,». (N. R.)
6 Se rapporte au- mot « marchandise ». (N. R.)
3. la deuxième forme, réfléchie, de la valeur relative.
y marchandise B = x marchandise A
z marchandise C = x marchandise A
v marchandise D = x marchandise A
u marchandise E = x marchandise A
etc., etc.
   Ici, les marchandises reçoivent la forme de valeur relative générate, dans laquelle, en tant que marchandiises, elles s’abstraient de leur valeur d'usage pour s'identifier, en tant que matérialisation du travail abstrait, dans [l’expression] x marchandise A. L'expression x marchandise A est la forme générique de l'équivalent pour toutes les autres marchandises, elle est leur équivalent général; le travail qui y est matérialisé vaut simplement comme réalisation de travail abstrait, comme travail général. Mais maintenant :
4. Chaque marchandise de la série peut prendre le rôle d'équivalent général; mais, simultanément, elles ne peuvent prendre [pour équivalent général] qu'une des marchandises [de la série] car si toutes les marchandises étaient des équivalents généraux, chacune en exclurait l'autre à nouveau.
La forme 3 n'est pas engendrée par x marchandise A, mais par les autres marchandises, objectivement. Il faut donc qu'une marchandise déterminée prenne le rôle [d'équivalent général] - elle peut changer pour l'instant - et c'est par là seulement que la marchandise devient intégralement marchandise. Cette marchandise particulière avec la forme naturelle [de laquelle] se confond la forme de l'équivalent général, est l'argent.
La difficulté de la marchandise réside en ce que, comme toutes les catégories du mode de production capitaliste, elle représente sous une enveloppe matérielle un rapport entre individus. Les producteurs rapportent leurs divers travaux les uns aux autres comme travail humain général, tandis qu'ils rapportent leurs produits entre eux en tant que marchandises, sans l'entremise des choses ils ne sauraient y parvenir. Le rapport entre les individus apparaît donc comme un rapport entre les choses.
Pour une société où prédomine la production des marchandises, le christianisme, [et plus] spécialement le protestantisme, [est] la religion appropriée.


II. Procès d'échange de la marchandise.

DANS l'échange, la marchandise démontre qu'elle est marchandise. Les possesseurs de deux marchandises doivent avoir la volonté d'échanger leurs marchandises resp[ectives] et, par conséquent, se reconnattre mutuellement la qualité de propriétaires privés. Ce rapport juridique, dont la forme est le contrat, n'est que le rapport de volontés, dans lequel se reflète le rapport économique. Le contenu de ce rapport [de droit et de volontés] est donné par le rapport économique même, P. 45 (90/95).

    La marchandise est valeur d'usage pour celui qui ne la possède pas, elle n'est pas valeur d'usage pour son possesseur7. D'où le besoin d'échange. Mais chaque possesseur de marchandise veut acquérir des valeurs d'usage qui lui soient spécifiquement utiles - en ce sens l'échange est un processus individuel. Par ailleurs, il veut réaliser sa marchandise comme valeur, par conséquent dans n'importe quelle marchandise, que sa [propre] marchandise soit ou non valeur d'usage pour le possesseur de l'autre marchandise. En ce sens, l'échange est pour lui un processus social général. Mais le même processus ne peut pas être pour tous les propriétaires de marchandises à la fois individuel et social général.Chaque possesseur de marchandise considère sa [propre] marchandise comme l'équivalent général, et toutes les autres marchandises comme autant d'équivalents particuliers de la sienne. Comme tous les possesseurs de marchandises font de même, aucune marchandise n'est équivalent général : par suite, aucune marchandise ne revêt la forme générale de valeur relative, dans laquelle toutes les valeurs s'égaleraient et pourraient être comparées comme grandeurs de valeurs. Elles ne se rapportent donc pas les unes aux autres comme marchandises, mais seulement comme produits. P. 47 [92/97].

_________________

7 Engels emploie les mots de non-possesseur et non-valeur d'usage et dit littéralement : « La marchandise est valeur d'usage pour son non-possesseur, elle est non-valeur d'usage pour son possesseur. « (N. T.)

    Les marchandises ne peuvent se rapporter les unes aux autres comme valeurs, et par suite comme marchandises, que si elles se rapportent toutes à une autre marchandise quelconque comme équivalent général. Mais seul le fait social peut muer une marchandise déterminée en équivalent général : l'argent.

    La contradiction immanente de la marchandise en tant qu'unité directe de valeur d'usage et valeur d'échange, en tant que produit du travail privé utile... et en tant que matérialisation directe et sociale de travail humain abstrait, cette contradiction n'a pas de cesse avant d'avoir abouti au dédoublement de la marchandise en marchandise et argent. P. 48 [92-93/97].

    Toutes les autres marchandises n'étant que des équivalents particuliers de l'argent et celui-ci étant leur équivalent général, elles se comportent comme marchandises particulières à l'égard de l'argent, marchandise générale. Le processus d'échange donne à la marchandise qu'il transforme en argent non pas sa valeur, mais sa forme-valeur. P. 53 [97-98/100.
Fétichisme : une marchandise ne semble pas devenir argent parce que les autres marchandises expriment en elle leurs valeurs, mais ces dernières semblent au contraire exprimer leurs valeurs en elle parce qu'elle est argent.

III. La monnaie ou la circulation des marchandises.


                                     A. Mesure des valeurs (or = monnaie supposée).8


    LA monnaie comme mesure de la valeur est la forme sous laquelle se manifeste nécessairement la mesure de la valeur immanente des marchandises : le temps de travail. La simple expression de la valeur relative de la marchandise en argent, x marchandise A = y argent, est son prix. P. 55 [99-100/105].
Le prix de la marchandise, sa forme argent, est exprimé en monnaie idéale ; c'est donc seulement l'argent idéal qui mesure les valeurs. P. 57 {101/105].

   Une fois réalisée la transformation de la valeur en prix, il devient techniquement nécessaire de développer davantage encore la mesure des valeurs pour aboutir à l'étalon des prix ; c'est-à-dire qu'une quantité d'or est fixée qui sert de mesure aux diverses [autres] quantités d'or. Le tout est essentiellement distinct de la mesure des valeurs qui, elle-même, dépend de la valeur de l'or ; quant à cette dernière, elle est indifférente pour la mesure des prix. P, 59 [l05-106/108].
Les prix étant formulés en appellations arithmétiques de l'or9, l'argent sert [alors] de monnaie de compte.
Si le prix, comme exposant de la grandeur de valeur de la marchandise est l'exposant de son rapport d'échange avec la monnaie, il ne s'ensuit pas réciproquement que l'exposant du rapport d'échange avec la monnaie soit nécessairement le rapport de sa grandeur de valeur.
    En supposant que des circonstances permettent ou imposent de vendre une marchandise au dessus ou au-dessous de sa valeur, ces prix de vente, s'ils ne correspondent pas à sa valeur, n'en sont pas moins le prix de la marchandise, car ils sont :
1. la forme de sa valeur, l'argent, et
2. les exposants de ses rapports d'échange avec l'argent.
La possibilité de désaccord quantitatif entre le prix et la grandeur de valeur est donc donnée dans la forme prix elle-même. Cela ne constitue pas une défectuosité de cette forme ; celle-ci devient au contraire ainsi la forme adéquate d'un mode de production où la règle ne peut prévaloir qu'en tant que loi moyenne, à l'action aveugle, de l'irrégularité.
La forme prix peut ce[pendant aussi] dissimuler [une] contradiction qualitative, de sorte que le prix cesse, d'une façon générale, d'être expression de valeur... La conscience, l'honneur, etc., peuvent... par leur prix acquérir la forme marchandise. P. 60-61 [107/112].
La mesure des valeurs en argent, la forme prix, implique la nécessité de l'aliénation [vente] ; la mesure idéale des prix [implique] la [mesure] réelle. D'où la circulation.
                                                  B. Moyens de circulation.
                                                      a) La métamorphose des marchandises.


Forme simple : M-A-M (marchandise-argent-marchandise), dont le contenu matériel =M-M. Abandon de valeur d'échange, appropriation de valeur d'usage.

___________

8 Le texte de Marx dit, plus clairement : « Dans un but de simplification, nous supposons que l'or est la marchandise qui remplit les fonctions de monnaie. » (N. T.)

2. C'est-à-dire en noms monétaires ; livre, franc, ducat... (N, T.)

1. Première phase : M-A = vente, avec deux éventualités :celle de la non-réussite [de la vente] ou celle de la vente au-dessous de la valeur ou au-dessous du prix de revient, si la valeur sociale de la marchandise se modifie.

    La division du travail transforme le produit du travail en marchandise et nécessite par cela même sa transformation en argent.
En même temps elle remet au hasard la réussite de cette trans-substantiation. P. 60-67 [111-113/115-116]. Pour considérer ici le phénomène en lui-même, M-A présuppose que le possesseur de l’A (au cas où il n'est pas producteur d'or) a auparavant échangé d'autres M contre son A (la possession de l'A résulte pour lui de la vente antérieure d'autres M) : pour l'acheteur, le phénomène n'est donc pas seulement l'inverse = A-M, mais [encore] il présuppose de sa part une vente antérieure, etc., de sorte que nous nous trouvons dans une série infinie d'achats et de ventes.

   2 . La même chose se produit dans la deuxième phase, A-M. Achat, qui est en même temps une vente pour l'autre participant.
3. Le processus d'ensemble est donc un cycle d'achats et de ventes. Circulation des marchandises.
Cette dernière [est] toute différente de l'échange direct des produits ; d'une part les limites locales et individuelles de l'échange direct des produits sont brisées, la permutation du travail humain [est]développée ; d'autre part, il apparaît ici déjà que tout le processus est conditionné par des rapports naturels sociaux indépendants des personnes qui interviennent dans ces opérations. P. 72 [117/120].
L'échange simple s'est éteint dans le seul acte d'échange au cours duquel chacun [des partenaires] a échangé de la non-valeur d'usage pour de la valeur d'usage ; [mais] la circulation continue indéfiniment.

    P. 73 [118/121]. Voici un dogme économique faux : La circulation des marchandises exigerait nécessairement l'équilibre des achats et des ventes, chaque achat étant vente et vice-versa - ce qui reviendrait à dire que chaque vendeur amène son [propre] acheteur sur le marché.
1. L'achat et la vente constituent d'une part, un acte identique de deux personnes polariquement opposées, d'autre part, deux actes polariquement opposés d'une [même] personne. L'identité entre l'achat et la vente implique donc que la marchandise est inutile, quand elle n'est pas vendue, donc aussi que cette éventualité peut survenir.
2. M-A en tant que processus partiel est en même temps, un processus indépendant et implique que l'acquéreur de l'A peut choisir le moment où il transformera à nouveau cet A en M. Il peut attendre. L'unité intérieure des processus indépendants, M-A et A-M se meut, justement du fait de l'indépendance de ces processus, dans des contradictions extérieures, et lorsque la tendance qu'ont ces processus dépendants à devenir indépendants atteint une certaine limite, l'unité s'impose par une crise, dont la possibilité [est] par conséquent donnée ici même. En tant qu'intermédiaire de la circulation des marchandises, la monnaie est moyen de circulation.


                                                     b) Mouvement de la monnaie.
Chaque marchandise individuelle entre et sort de la circulation par l'intermédiaire de la monnaie ; la monnaie, elle, y reste toujours. Bien que, par suite, le mouvement de la monnaie ne soit que l'expression de la circulation des marchandises, cette dernière n'en apparaît pas moins comme le résultat du mouvement de la monnaie. Comme l'argent reste constamment dans la sphère de la circulation, la question se pose de la quantité d'argent qui y est contenue.
______________________________________________
10 Lettres grecques dans le texte d'Engels. (N. R.)

     La masse de l'argent circulant est déterminée par la somme des prix des marchandises (pour une valeur constante de la monnaie), et cette somme des prix par la masse des marchandises en circulation. Cette masse de marchandises étant supposée donnée, la masse de l'argent circulant varie avec les fluctuations de prix des marchandises. La même pièce de monnaie servant à la conclusion d'un certain nombre d'affaires dans un temps donné, on a pour un laps de temps déterminé :
somme des prix des marchandises par nombre de cycles d'une pièce de monnaie=masse de la monnaie fonctionnant comme moyen de circulation. P. 80 [125/126].

     Par suite, le papier-monnaie peut évincer l'or quand il est jeté dans une circulation saturée.
    Comme dans le mouvement de la monnaie n'apparaît que le processus de circulation des marchandises, la rapidité de ce mouvement révèle aussi celle de ses métamorphoses [les métamorphoses de la circulation des marchandises], son ralentissement [révèle] la séparation entre l'achat et la vente, le ralentissement des échanges sociaux. La circulation ne nous indique pas la cause de ce ralentissement; elle ne nous montre que le phénomène. Le philistin l'explique par la quantité insuffisante de moyens de circulation. P. 81 [125-126/126-127].
Ergo1:
1. Les prix des marchandises restant constants, la masse de la monnaie circulante augmente quand augmente la masse des marchandises en circulation ou que se ralentit le mouvement de la monnaie; et elle diminue vice versa [quand la masse des marchandises en circulation diminue ou que le mouvement de la monnaie s'accélère].

   2. Les prix des marchandises subissant une hausse générale, la masse de la monnaie circulante reste constante si la masse des marchandises diminue ou si la rapidité de la circulation augmente dans la même mesure.

    3. Les prix des marchandises subissant une baisse générale, - inverse de 2.
    Dans l'ensemble, on trouve une moyenne assez constante à laquelle seules les crises pour ainsi dire font subir des perturbations importantes.
                                                        c) Numéraire. Signe de valeur.


    L'étalon des prix est fixé par l'Etat, de même que l'appellation donnée à la pièce d'or déterminée - le numéraire et sa fabrication. Sur le marché mondial, les uniformes nationaux respectifs sont retirés (il est fait abstraction ici du trésor accumulé de la Monnaie), de sorte que le numéraire et les lingots12 ne se distinguent que par la forme.
- Mais la monnaie s'use dans la circulation, l'or en tant que moyen de circulation se différencie de l'or en tant qu'étalon des prix; le numéraire devient de plus en plus [le] symbole de son contenu officiel.

    Par là se trouve donnée d'une façon latente la possibilité de remplacer l'argent métallique par des jetons ou des symboles. D'où :
1. Monnaie divisionnaire de cuivre ou d'argent, dont la fixation par rapport à la monnaie or réelle est empêchée par la limitation de la quantité dans laquelle elle constitue un legal tender13. Son contenu purement arbitraire [est] fixé par la loi et sa fonction du numéraire devient ainsi indépendante de sa valeur. D'où le progrès possible vers des signes absolument sans valeur.
2. Papier-monnaie, c'est-à-dire papier-monnaie d'Etat avec cours forcé (la monnaie de crédit ne sera pas encore traitée ici). Dans la mesure où ce papier-monnaie circule réellement à la place de la monnaie d'or, il est soumis aux lois de la circulation monétaire. Seul, le rapport dans lequel ce papier remplace l'or peut faire l'objet d'une loi spéciale, à savoir: l'émission de papier-monnaie doit être limitée à la quantité dans laquelle l'or qu'il symbolise circulerait réellement14. Il est vrai que le degré de saturation de la circulation oscille, mais partout l'expérience fait apparattre un minimum au-dessous duquel il ne tombe jamais. Ce minimum peut être émis. En outre, quand le degré de saturation s'abaisse au minimum, une partie [du papier-monnaie] devient immlédiatement superflue. En pareil cas, la quantité totale de papier au sein du monde des marchandises ne symbolise cependant que la quantité d'or déterminée par ses lois immanentes, donc seule capable d'être symbolisée15. [Si] donc la masse de papier [constitue] le double de la masse d'or absorbée, chaque morceau de papier se déprécie [et tombe] à la moitié de sa valeur nominale. Tout comme si l'or avait subi une modification dans sa fonction de mesure des prix, dans sa valeur. P. 89 (133/133-134).

______________
11 Donc. (N.T.)
12 L'or monnayé et l'or en barres. (N. T.)
13 Moyen de paiement légal. (N. R.)


          C. La monnaie ou l'argent-monnaie.
                                                            a) La thésaurisation.


    Avec le premier développement de la circulation des marchandises se développe la nécessité et la passion de retenir le produit de M-A, l'A. Au lieu de servir simplement d'intermédiairé des échanges, cette métamorphose devient un but en elle-même. L'argent se pétrifie, devient trésor, et le vendeur se change en thésauriseur. P. 91 [135-136/135-136].

    Cette forme prédominante [prédomine] justement aux débuts de la circulation des marchandises. Asie. Avec le développement de la circulation des marchandises, chaque producteur de marchandises doit s'assurer le nervus rerum16, le gage social de la force, l'A Ainsi se constituent partout des hoards17.Le développement de la circulation des marchandises augmente la puissance de la monnaie, forme toujours disponible et absolument sociale de la richesse. P. 92 [1.36-137/136-138]. L'instinct de thésaurisation est par essence illimité. Au point de vue de la qualité ou de forme, la monnaie n'a point de limites et reste le représentant général de la richesse matérielle, parce qu'elle peut directement se transformer en n'importe quelle marchandise. Mais au point de vue de la quantité, toute somme réelle est limitée et n'a donc, comme moyen d'achat, qu'une action limitée. Cette contradiction ramène sans cesse le thésauriseur à son travail de Sisyphe de l'accumulation.

    A côté de cela, l'accumulation d'or et d'argent en plate18, [constitue] à la fois [un] nouveau marché pour ces métaux, et [une] source latente de monnaie.

    La thésaurisation sert de canal abducteur et adducteur de l'argent circulant dans les oscillations permanentes du degré de saturation de la circulation. P. 93 [139-140/139].

____________
14 Dans le texte de Marx « L'émission du papier-monnaie doit être proportionnée à la quantité d'or (ou d'argent) dont il est le symbole et qui devrait réellement circuler. » (N T)
15 Dans le texte de Marx : Le papier-monnaie n'est donc signe de valeur qu'autant qu'il représente des quantités d'or qui, comme toutes les autres quantités de marchandises, sont aussi des quantités de valeur. » (N. T.)
16 Le nerf des choses. (N. T.)
17 Trésors. (N. T.)
18 Objets précieux..(N. T.)


                                                          b) Moyen de paiement.
    Le développement de la circulation des marchandises fait surgir de nouvelles, conditions: l'aliénation de la marchandise peut être séparée chronologiquement de la réalisation de son prix.
La production des diverses marchandises nécessite des durées diverses; elles sont fabriquées à des saisons différentes; maintes marchandises doivent, être expédiées vers des marchés lointains, etc. X19 peut donc être vendeur avant que Y, l'acheteur, soit solvable. La pratique règle les conditions de paiement de la façon suivante : X devient créancier, Y débiteur, l'argent devient moyen de paiement. Le rapport entre le créancier et le débiteur est donc d'ores et déjà antagoniste. (Il peut en être ainsi indépendamment de la circulation des marchandises, par exemple dans l'antiquité et au moyen âge.) P. 97 -[140-141/1140-141].

    Dans ce rapport, l'argent fonctionne :
1. comme mesure de valeur pour la détermination des prix des marchandises vendues;
2. comme moyen d'achat idéal.
En tant que trésor, A avait été soustrait à la circulation ici, en tant que moyen de paiement20, A entre dans la circulation, mais seulement quand M en est sortie. L'acheteur-débiteur vend pour pouvoir payer, sous peine d'être saisi. A devient donc maintent le but même de la vente, par une nécessité sociale découlant des conditions mêmes de la circulation. P. 97-98 [141-142/141].

    La non-simultanéité des achats et des ventes, qui donne naissance à la fonction de l'argent comme moyen de paiement, apporte21, en même temps, une économie de moyens de circulation, la concentration des paiements en un endroit déterminé.
(Virements à Lyon, au moyen àge, espèce de clearing house où seul [était] payé le solde des créances réciproques. P. 98 [;143/ 142].

    Tant que les paiements se balancent, la monnaie ne fonctionne, que d'une manière idéale comme monnaie de compte ou mesure de valeur. Dès qu'il faut effectuer des paiements réels, elle ne se présente plus comme moyen de circulation, comme simple forme éphémère servant d'intermédiaire aux échanges; elle devient l'incarnation individuelle du travail social, la réalisation indépendante de la valeur d'échange, une marchandise absolue. Cette contradiction directe éclate, lors des crises industrielles et commerciales, au moment qui s'appelle la crise monétaire. Elle ne se produit que là, où se sont complètement développés l'enchaînement progressif des paiements et un système artificiel d'équilibre entre eux. Ce mécanisme subit-il, pour une raison quelconque, des perturbations d'ordre général, la monnaie renonce brusquement et sans transition à sa forme idéale de monnaie de compte pour devenir espèces sonnantes et trébuchantes. Elle ne peut plus être remplacée par des marchandises vulgaires. P. 99 [143-144/143].

    La monnaie de crédit résulte de la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, les certificats de dettes circulent à leur tour et déplacent les créances. Avec le système de crédit s'étend à nouveau la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, comme telle elle acquiert des formes d'existence propres, dans lesquelles elle hante la sphère des grandes transactions commerciales, tandis que la monnaie [métallique] est surtout refoulée dans la sphère du commerce de détail. P. 101, [145/144-145].

    Quand la production de marchandises atteint un certain niveau et une certaine étendue, la fonction de la monnaie-moyen de paiement dépasse la sphère de la circulation des marchandises, elle devient la marchandise générale des contrats. De versement en nature, les rentes, impôts, etc., se transforment en versement d'argent. Voir la France de Louis XIV (Boisguillebert et Vauban), par contre l'Asie, la Turquie, le Japon, etc. P. 102 [146/145].

    La transformation de l'argent en moyen de paiement exige - une accumulation d'argent pour les jours d'échéance - la thésaurisation qui disparaît dans le développement social continu comme forme indépendante d'enrichissement, reparaît à nouveau comme fonds de réserve des moyens de paiement. P. 103 [148/147].

_____________________________________________

19 Dans le texte d'Engels l’acheteur et le vendeur sont désignés par A et B. Nous avons remplacé par X et Y pour éviter la confusion avec l'argent A (G. en allemand) (N. T.)
20 Marx écrit : « Le moyen de circulation s'est transformé en trésor, parce que le mouvement de la circulation s'était arrêté à sa première moitié. Le moyen de paiement entre dans la circulation, mais seulement après que la marchandise en est sortie » (N. T.)
21 Dans le manuscrit d'Engels.: donnent et apportent. (N- T.)


                                                                               c) La monnaie universelle.
Dans la circulation universelle, les formes locales du numéraire, de la monnaie divisionnaire, des signes de valeur se dépouillent et seule la forme de l'argent [métal] en barres sert de monnaie universelle. C'est seulement sur le marché mondial que la monnaie fonctionne pleinement comme la marchandise dont la forme naturelle est, en même temps, la réalisation sociale immédiate du travail humain in abstracto22. Sa manière d'être devient adéquate à son concept. P. 103-104 (Détails, 105) [148. Détails149-151/147-150].
__________________
22 En général. (N.. T.)

 

   DEUXIEME PARTIE

 

                     LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL
                                           I. Formule générale du capital.

 


    La circulation des marchandises est le point de départ du capital. La production des marchandises, leur circulation et son développement, le commerce, sont donc partout les facteurs historiques qui font naître le capital. C'est de la création du commerce moderne et du marché mondial au XVIe siècle que date l'histoire moderne du capital. P. 106 (153/151).

 

    Pour ne considérer que les formes économiques engendrées par la circulation des marchandises, [nous constatons que] son dernier produit est l'argent et c'est là la première forme d'apparition du capital. Historiquement, le capital se dresse toujours en face de la propriété foncière sous forme de fortune monétaire, de capital marchand ou de capital usuraire, et, actuellement encore, tout nouveau capital entre en scène sous forme d'argent qui doit se transformer en capital au moyen de processus déterminés.

 

    L'argent en tant qu'argent et l'argent en tant que capital ne se distinguent tout d'abord que par la forme de leur circulation. A côté de M-A-M survient également la forme A-M-A, acheter pour vendre. L'argent, qui décrit dans ce mouvement cette forme de circulation, devient du capital, est déjà en lui-même, c'[est]-à-d[ire] par sa destination, du capital.

 

    Le résultat de A-M-A est A-A, échange indirect d'argent , contre argent. J'achète pour 100 livres sterling du coton que je revends 110 livres ; en fin de compte j'ai échangé 100 livres contre 110, de l'argent contre de l'argent.

 

    Si ce processus aboutissait à la même valeur monétaire qui y fut jetée initialement - 100 livres [issus] de 100 livres - ce [il] serait absurde. Mais que de, ses 100 livres le marchand tire 100, 110 ou seulement 50 livres, son argent n'en a pas moins décrit un mouvement particulier, tout à fait différent de la circulation des marchandises M-A-M. L'analyse des différences de forme qui distinguent ce mouvement de M-A-M permettra également de discerner la différence de contenu.

 

    Les deux phases du processus sont respectivement les mêmes que dans M-A-M. Mais il existe une grande différence dans son ensemble. Dans M-A-M, l'argent est l'intermédiaire, la marchandise le point de départ et l'aboutissant ; ici, c'est M qui est l'intermédiaire, A le point de départ et l'aboutissant. Dans M-A-M, l'argent est définitivement dépensé, dans A-M-A, il est seulement avancé et doit être retrouvé. Il revient à son point de départ - [il y a] donc ici déjà une différence sensible et palpable entre la circulation de l'argent en tant que monnaie et de l'argent en tant que capital.

 

    Dans M-A-M l'argent ne peut refluer à son point de départ que par la répétition de tout le processus, par la vente de marchandises fraîches, [nouvelles] ; le reflux est donc indépendant du processus lui-même. Dans A-M-A, par contre, il est conditionné d'avance par la structure même du processus, qui est incomplet s'il ne réussit pas. P. 110 [156/153].

 

    M-A-M, a pour but final la valeur d'usage, A-M-A, la valeur d'échange [en] elle-même.

 

    Dans M-A-M, les deux extrêmes ont la même forme économique23. Ce sont tous deux des marchandises et de même valeur. Mais ce sont en même temps des valeurs d'usage qualitativement différentes et le processus a pour contenu l'échange social. Dans A-M-A, l'opération paraît de prime abord tautologique, vide de contenu. Il semble absurde d'échanger 100 livres sterling contre 100 livres sterling, et par un détour au surplus. Une somme d'argent ne peut se distinguer d'une autre que par la grandeur; A-M-A ne reçoit son contenu que par la différence quantitative des extrêmes. On retire de la circulation plus d'argent qu'on n'y en avait jeté. Le coton acheté 100 livres est vendu par exemple 100 livres + 10 livres; le processus prend donc la forme A-M-A', où A' = A + ΔA.
Ce ΔA, cet incrément [accroissement] est de la plus-value. La valeur avancée initialement non seulement se maintient dans la circulation, mais encore s'accroît d'une plus-value, se valorise, et ce mouvement transforme l'argent en capital.

 

   Dans M-A-M, il peut, certes, également exister une différence de valeur entre les extrêmes, mais elle est purement fortuite dans cette forme de circulation et M-A-M ne devient pas absurde quand les extrêmes sont de valeur identique - au contraire, c'est même plutôt la condition d'un fonctionnement normal.
   La répétition de M-A-M trouve sa mesure et sa raison d'être dans un but final extérieur à la vente, et qui est la consommation, la satisfaction de besoins déterminés. Dans A-M-A, au contraire, le début et la fin sont identiques - de l'argent - et de ce seul fait, le mouvement est indéfini. Toutefois, A + ΔA est une quantité différente de A, mais néanmoins une somme d'argent limitée; si elle était dépensée elle cesserait d'être du capital; si elle était retirée de la circulation, elle [resterait] stationnaire sous forme de trésor24. Une fois donné le besoin de mise en valeur de la valeur, il existe aussi bien pour A' que pour A et le mouvement du capital est illimité parce qu'à la fin du processus son but est tout aussi peu atteint qu'au début. P. 111 [1b6-159/153-156]. En tant que support de ce processus, le possesseur d'argent devient capitaliste.

 

    Si dans la circulation des marchandises la valeur d'échange arrive tout au plus à une forme indépendante [celle de l'argent] par rapport à la valeur d'usage de la marchandise, ici elle apparaît brusquement comme une substance processive25, douée d'un mouvement propre et pour laquelle la marchandise et l'argent ne sont que de simples formes; bien plus, en temps que valeur originale, elle se distingue d'elle-même considérée comme plus-value. Elle devient de l'argent processif26 et, à ce titre, du capital. P. 116 [162/158].
A-M-A' semble, il est vrai, n'être qu'une forme propre au seul capital commercial [marchand]. Mais le capital industriel est également de l'argent qui se transforme en marchandise et, par la vente [de la marchandise], se retransforme en une somme d'argent supérieure. Des actes qui peuvent se passer entre l'achat et la vente, hors de la sphère de la circulation, n'y changent rien. Dans le capital portant intérêt, enfin, le processus se présente, directement [sous la forme] A-A', valeur qui est en même temps plus grande qu'elle-même27. P. 117 [162-163/158-159].

 

_______________________________

 

23 Marx emploie seulement le mot « forme » Engels emploie Formbes limmtheit. difficilement traduisible : certitude, précision de forme, l'idée étant rigoureusement la même forme (N. T.)
24 Marx écrit : « Si elles sont dérobées à la circulation, elles -[ces sommes, se pétrifient sous forme trésor et ne grossissent pas d'un liard quand elles dormiraient là jusqu'au jugement-dernier » (N. T.)
25 Engels reproduit ici le mot employé par Marx : prozessierende Substanz, c'est-à-dire substance en voie de processus, en mouvement continu. (N. T.)
26 idem que 25
27 Marx écrit : « Enfin, par rapport au capital usuraire, la forme est réduite à ses deux extrêmes sans terme moyen ; elle se résume, en style lapidaire, en A-A', argent qui vaut plus d'argent, valeur qui est plus grande qu'elle-même. » (N. T.)

 


                            II. Contradiction de la formule générale.

 


    La forme de circulation par laquelle l'argent devient capital contredit toutes les lois développées ci-dessus relatives à la nature de la marchandise, de la valeur, de l'argent et de la circulation elle-même. Est-ce la différence purement formelle de l'ordre de succession [des deux phases opposées, la vente et l'achat inversé] qui a pu produire ce résultat ?

 

    Plus encore Cette inversion n'existe que pour une des trois personnes [pour un des trois contractants]. Capitaliste, j'achète de la marchandise à A et je la revends à B, A et B n'interviennent simplement que comme acheteur et vendeur de marchandises. Dans les deux cas, je ne suis à leur égard que simple possesseur d'argent ou simple possesseur de marchandises à l'égard de l'un [j'agis] comme acheteur ou argent, à l'égard de l'autre comme vendeur ou marchandise, mais à l'égard d'aucun, je ne suis capitaliste ou représentant de quelque chose qui serait plus que de l'argent ou de la marchandise.Pour A l'affaire a commencé par une vente, pour B, elle s'est terminée par un achat, par conséquent exactement comme dans la circulation des marchandises. De même, si je fondais le droit à la plus-value sur chacune des séries28 isolées, A pourrait vendre directement à B, et la chance de la plus-value tomberait.

 

    Supposons que A et B s'achètent directement des marchandises. En ce qui concerne la valeur d'usage, tous deux peuvent gagner. A peut même produire de sa marchandise plus que B n'en pourrait produire dans le même temps et vice-versa, de sorte que tous deux y gagnent. Mais [il en va] différemment avec la valeur d'échange. Ici, sont échangées des grandeurs de valeurs égales, même lorsque l'argent intervient comme moyen de circulation. P. 119 [164-165/161].
    Au point de vue abstrait, il ne se produit, dans la circulation simple des marchandises, outre le remplacement d'une valeur d'usage par une autre, qu'un changement de forme [métamorphose] de la marchandise. Dans la mesure où elle [la circulation des marchandises] n'amène qu'un changement de forme de sa valeur d'usage, elle [n'] entraîne, lorsque ce phénomène se réalise dans toute sa pureté [qu'] un échange d'équivalents. Il peut certes arriver que des marchandises soient vendues à des prix différents de leur valeur, mais seulement lorsque la loi de l'échange des marchandises a été violée. Dans sa forme pure, il [cet échange] est un échange d'équivalents ; [il ne représente] donc pas un moyen de s'enrichir. P. 120 [165-166/162].

 

    D'où l'erreur de toutes les tentatives de faire dériver la plus-value de la circulation des marchandises. Condillac, p. 121. [166/162-163]. Newmann, p. 122 [167/163].

 

    Mais admettons que l'échange n'ait pas lieu sous sa forme pure, que des non-équivalents soient échangés. Admettons que chaque vendeur vende sa marchandise 10% au-dessus de sa valeur. Tout demeurant égal, ce que chacun gagne comme vendeur, il le reperd comme acheteur. Tout comme si la valeur de l'argent s'était modifiée de 10% - De même si les acheteurs achetaient tout 10% au-dessous de la valeur. P. 123 [168169/164] (Torrens).

 

    L'hypothèse que la plus-value naît d'une hausse sur les prix présuppose qu'il existe une classe qui achète sans vendre, c'est-à-dire consomme sans produire, [une classe] à laquelle l'argent afflue sans cesse, gratuitement29. Vendre à cette classe des marchandises au-dessus du prix, c'est regagner en partie, par des moyens frauduleux, de l'argent qu'on avait donné sans rien recevoir en échange. (Asie mineure et Rome). Néanmoins, le vendeur reste toujours frustré et ne peut pas de cette façon s'enrichir, produire de la plus-value.

 

    Prenons le cas de l'escroquerie. A vend à B du vin qui vaut 40 livres contre du blé qui envaut 50. A gagne 10 [livres]. Mais A et B n'ont ensemble que 90. A a 50 et B [n'a] plus que 40. La valeur est déplacée, mais non créée. Dans son ensemble, la classe capitaliste d'un pays ne peut pas se léser elle-même. P. 126 [170/166].
___________________________________
28 La série est ici l'ensemble des deux transactions : achat de la marchandise à A et vente de la marchandise à B. (N. T.)
29 Marx écrit « l'argent avec lequel une telle classe achète constamment doit constamment revenir du coffre des producteurs dans le sien, gratis, sans échange, de gré ou en vertu d'un droit acquis. » (N. T.)

 

    Donc, si l'on échange des équivalents, il ne se produit pas de plus-value; si l'on échange des non-équivalents, il ne se produit pas davantage de plus-value. La circulation des marchandises ne crée pas de nouvelle valeur.
    C'est pourquoi nous laissons de côté ici les formes les plus anciennes et les plus populaires du capital, le capital commercial et le capital usuraire. Si l'on ne veut pas expliquer la mise en valeur du capital commercial par la simple escroquerie, il faut recourir à de nombreux termes intermédiaires qui manquentt encore ici. Plus encore pour le capital usuraire et le capital portant intérêts. Plus tard, tous deux apparaîtront comme des formes dérivées; [on verra] également pourquoi ils apparaissent historiquement avant le capital moderne.
    La plus-value ne peut pas naître de la circulation. Mais en dehors d'elle. En dehors d'elle, le possesseur de marchandises est un simple producteur de sa marchandise, dont la valeur dépend de la quantité - mesurée d'après une loi sociale déterminée - de son propre travail qui y est contenu ; cette valeur est exprimée en monnaie de compte, par exemple dans un prix de 10. Mais cette valeur n'est pas en même temps une valeur de 11 livres; son travail crée des valeurs, mais pas de valeurs qui s'accroissent de leur propre chef30. Il peut ajouter de la valeur à une valeur existante, mais cela uniquement en y ajoutant du travail. Le producteur de marchandise ne peut donc pas produire de la plus-value, en dehors de la sphère de la circulation, sans entrer en contact avec d'autres possesseurs de marchandises.
    Le capital doit, par conséquent, surgir à la fois dans la circulation des marchandises et non en elle31. P. 128 [173/168].
Donc la transformation de l'argent en capital, doit être développée sur la base des lois immanentes à l'échange des marchandises, de façon telle que l'échange d'équivalents serve de point de départ. Notre possesseur d'argent, qui n'existe plus qu'à l'état de chrysalide capitaliste, doit acheter les marchandises à leur valeur, les vendre à leur valeur et néanmoins tirer à la fin du processus plus de valeur qu'il y en a jetée. Sa métamorphose en papillon doit se produire dans la sphère de la circulation et en même temps hors de cette sphère. Telles sont les données du problème. Hic Rhodus, hic salta !32. P. 129 [173174/168-169].

 

___________________________________
30 Engels reprend le mot de Marx sich verwerlende Werte, « des valeurs qui se mettent en valeur »(N. T.)
31 Marx écrit : « Le capital ne peut donc pas résulter de la circulation, et il ne peut pas davantage ne pas résulter de la circulation. Il doit surgir à la fois en elle et non en elle. Un double résultat a été ainsi obtenu ». Ce passage n'existe pas dans la traduction Roy. (N. T. )
32 C'est ici Rhodes, ici saute ! C'est-à-dire Ici tu as l'occasion de montrer tes talents (N. R.)

 


                                 III. Achat et vente de la force de travail.

 


    La modification de valeur de l'argent, qui doit se muer en capital, ne peut pas se produire en cet argent lui-même, car il ne réalise dans l'achat que le prix de la marchandise; par ailleurs, aussi longtemps qu'il reste argent, sa valeur, ne change pas et, dans la vente, la marchandise ne fait que se transformer de sa forme naturelle en sa forme argent.
La transformation doit donc se produire dans la marchandise [au cours] du [processus] A-M-A, mais pas avec sa valeur d'échange, puisqu'on échange des équivalents; elle [cette transformation] ne peut donc naître que de sa valeur d'usage [de la marchandise] comme telle, c'est-à-dire, de sa consommation [de son utilisation].A cet effet, il faut une marchandise dont la valeur d'usage ait la propriété d'être source de valeur d'échange, et cette marchandise existe: [c'est] la force de travail. P. 130 [174-175/170].

 

    Mais pour que le possesseur d'argent trouve la force de travail en tant que marchandise sur le marché, il faut qu'elle soit vendue par son propre possesseur, c'est-à-dire qu'elle soit de la force de travail libre. Mais comme tous deux, l'acheteur et le vendeur, sont, en qualité de contractants, des personnes juridiquement égales, la force de travail ne doit être vendue que temporairement, car, dans la vente en bloc33, le vendeur ne reste pas vendeur et devient lui-même marchandise. Mais alors, au lieu de pouvoir vendre des marchandises où se trouve matérialisé son travail, il faut que le possesseur soit en mesure de vendre sa force de travail elle-même en tant que marchandise. P. 131 [175-176/1711.
    La transformation de l'argent en capital exige donc que le possesseur d'argent trouve sur le marché le travailleur libre, et libre à à un double point de vue. Il faut d'abord que le travailleur puisse disposer, en personne libre, de sa force de travail comme d'une marchandise lui appartenant, il faut ensuite qu'il n'ait pas d'autre marchandise à vendre et que, libre dans tous les sens du mot, il ne possède aucun des objets nécessaires pour réaliser sa force de travail. P. 132 [176/172].
    Notons en passant que le rapport entre le possesseur d'argent et le possesseur de la force de travail n'est pas un rapport naturel ou commun à toutes les époques, social, mais un rapport historique, le produit de nombreuses transformations économiques.
Ainsi, les catégories économiques considérées jusqu'ici portent également leur cachet historique. Pour devenir marchandise, le produit ne doit pas être fabriqué comme moyen de subsistance immédiat; la masse des produits ne peut prendre la forme marchandise qu'au sein d'un mode de production déterminé, le mode capitaliste, bien que la production des marchandises et la circulation puissent déjà avoir lieu là où la masse des produits ne devient jamais marchandise. L'argent dito34 peut exister à toutes les époques qui sont parvenues à un certain niveau de la circulation des marchandises ; les formes particulières de l'argent, depuis le simple équivalent jusqu'à la monnaie mondiale, présupposent des étapes différentes du développement; néanmoins, une circulation des marchandises très faiblement développées peut les produire toutes. Par contre, le capital ne surgit que lorsque se trouve donnée la condition définie plus haut, et cette condition embrasse [toute] une [période de l'] histoire universelle. P. 133 [177-178/173].
    La force de travail possède une valeur d'échange qui est déterminée, comme celle de toutes les marchandises par le temps de travail nécessaire pour sa production, donc aussi sa reproduction. La valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance nécessaires à la conservation de son propriétaire, à sa conservation dans un
________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
état où il garde une capacité de travail normale. Celle-ci se juge d'après le climat, les conditions naturelles, etc., ainsi que d'après le standard of life35, donné historiquement dans chaque pays. Elles [ces conditions] varient,, mais sont fixes pour un pays déterminé et une période déterminée. Elle [la somme des moyens de subsistance nécessaires] comporte également les moyens de subsistance des hommes de remplacement, c'est-là-dire des enfants, de telle sorte que la race de ces possesseurs particuliers de marchandises se perpétue. De plus, pour le travail habile, elle [ idem] comprend également les frais d'apprentissage. P. 135 [178-180/174475].
La limite minimum de la valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance physiquement indispensables. Si le prix de la force de travail tombe à ce minimum, elle descend alors au-dessous de sa valeur, car cette dernière présuppose une qualité normale, non réduite, de la force de travail. P. 136 [180-181/175-176].

 

    La nature du travail implique que la force de travail ne soit consommée qu'après la conclusion du contrat et comme, pour de telles marchandises, la monnaie est le moyen de paiement le plus fréquent, elle [la force de travail] n'est payée, dans tous les pays du mode de production capitaliste, qu'après avoir été fournie. Partout, par conséquent, l'ouvrier crédite le capitaltiste36. P. 137 [181-182/176-177].
    Le processus de consommation de la force de travail est, en même temps, processus de production, de marchandise et de plus-value et cette consommation se déroule en dehors de la sphère de la circulation. P. 140 [183-184/178].

 

_____________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
35 Niveau de vie. (N. T.)
36 Marx écrit : « Dans tous les pays où règne le mode de production capitaliste, la force de travail n'est donc pavée que lorsqu'elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat. Le travailleur fait donc partout au capitaliste l'avance de la valeur usuelle de sa force ; il la laisse consommer par l'acheteur avant d'en obtenir le prix ; en un mot il lui fait partout crédit. » (N. T.)

 



 

TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE
                     I. Processus de travail et processus de mise en valeur.

 


L 'acheteur de la force de travail la consomme en faisant travailler le vendeur. Ce travail, pour réaliser de la marchandise, doit d'abord réaliser de la valeur d'usage et, en cette qualité, il est indépendant des rapports spécifiques entre les capitalistes et les ouvriers. [Suit] une description du processus de travail en tant que tel. P. 141-149 [185-132/180 186].
   Le processus de travail, sur la base capitaliste, revêt deux particularités :
1. l'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste ;
2. le produit est la propriété du capitaliste, car le processus de travail n'est plus qu'un processus [mettant en jeu] de deux choses achetées par le capitaliste : la force de travail et le moyen de production. P. 150 [193-194/187].
   Cependant, le capitaliste exige la valeur d'usage non pas pour elle-même, mais en tant que support de la valeur d'échange et plus spécialement de la plus-value. Le travail, dans ces conditions où la marchandise est unité de valeur d'usage et de valeur d'échange [est à la fois valeur d'usage et valeur d'échange], devient donc unité de processus de production et de processus de mise en valeur [devient donc à la fois processus de production et processus de mise en valeur]. P. 151 [194-195/188].
   Donc, étudier la quantité de travail matérialisée dans le produit.
   Par exemple, le fil. Dans sa fabrication sont nécessaires 10 livres de coton, mettons 10 sh. [shillings], et 2 sh. pour les moyens de travail, pour la broche, dont l'usure nécessaire dans le filage est ici dénommée brièvement « fraction de broche ». Il est donc entré dans le produit 12 sh. de moyens de production, c'[est]-à-[dire] à partir du moment où ce produit est devenu une véritable valeur d'usage, du fil en l'occurrence, et 2 sh. dès lors que seul le temps de travail socialement nécessaire a été représenté dans ces moyens de travail. Combien le filage lui ajoute-t-il [au produit] ?
    Ici, le processus de travail [est] donc considéré sous un tout autre angle ; dans la valeur du produit, les travaux du planteur de coton, du constructeur de broches, etc., et du fileur sont, en tant que parties comparables, qualitativement identifiées au travail humain général, nécessaire, générateur de valeur et n'y entrent, par conséquent, qu'au seul point de vue quantitatif ; pour cette raison justement, ils sont quantitativement mesurables par le temps employé, étant bien entendu qu'il est du temps de travail socialement nécessaire puisque seul ce dernier est générateur de valeur.
Si l'on suppose que la valeur journalière de la force de travail = 3 sh. et que cette valeur journalière représente six heures de travail, qu'on fabrique par heure 1 2/3 livre de fil, donc en 6 heures, 10 livres de fil avec 10 livres de coton (comme plus haut), on constate qu'il est ajouté en 6 heures, 3 sh. de valeur et que le produit vaut 15 sh. (10 sh. + 2 + 3 sh.) ou 1 sh. 6 d. [d. le penny = 1/12 de shilling] par livre de fil.

 

    Mais ici, pas de plus-value. Cela ne peut pas servir au capitaliste.
(Inepties de l'économie vulgaire. P. 157 [200/192])
    Nous avons admis que la valeur journalière de la force de travail était de 3 sh. parce qu' 1/2 journée de travail ou 6 heures y [était] matérialisée. Mais cette 1/2 journée de travail [est] nécessaire seulement pour maintenir l'ouvrier pendant 24 heures, [ce qui] ne l'empêche nullement de travailler 1 /1 journée. La valeur de la force de travail et sa mise en valeur37 sont 2 grandeurs différentes. Sa propriété utile [de la force de travail] n'était qu'une condition sine qua non, mais ce qui a été décisif, c'est la valeur d'usage spécifique de la force de travail, source de plus de valeur d'échange qu'elle en possède elle-même. P. 159 [201-202'/193-194].

 

    L'ouvrier travaille donc 12 heures par jour, file 20 livres de coton = 20 sh., use 4 sh. de broches, et le travail coûte 3 sh. = 27 sh. Mais dans le produit sont matérialisées : 4 journées de travail de [dans les] broches et de [le] coton, 1 journée de travail du fileur = 5 journées à 6 sh. = 30 sh., valeur du produit. Voilà la plus-value de 3 sh. : l'argent s'est transformé en capital. P. 160 [202-203/194-195]. Toutes les conditions du problème sont remplies. (Détails p. 160 [203/195].)

 

    Le processus de mise en valeur est le processus de travail en tant que processus générateur de valeur à partir du moment où il est prolongé au delà du point où il fournit simplement un équivalent pour la valeur payée de la force de travail 38.
Le processus générateur de valeur se distingue du simple processus de travail en ce que ce dernier est considéré qualitativement, le premier quantitativement, et cela seulement dans la mesure où il contient du temps de travail socialement nécessaire. P. 161 [204/29-30]. Détail p. 162 [204-205/195].
    En tant qu'unité du processus de travail et du processus de formation de valeur, le processus de production est production de marchandises; en tant qu'unité du processus de travail et du processus de mise en valeur [de production de plus-value], il est processus de production capitaliste de marchandises. - P. 163 [2'06/196-1971.
    Réduction du travail composé au [travail] simple. P. 163-165 [206-207/197-1981.

 


II. Capital constant et capital variable.
    Le processus de travail ajoute à l'objet du travail une valeur nouvelle et reporte en même temps la valeur de l'objet de travail sur le produit, donc la conserve par simple addition de la valeur nouvelle. Ce double résultat est atteint de la façon suivante : le caractère qualitatif, spécifiquement utile, du travail, transforme une valeur d'usage en une autre valeur d'usage et conserve ainsi la valeur mais le caractère abstrait général, quantitatif, générateur de valeur, ajoute de la valeur. P. 166 [207-209/199-2001.
P. ex. supposons que la productivité du filage sextuple. En tant que travail utile (qualificatif), il conserve en même temps six fois plus de moyens de travail. Mais, en nouvelle valeur, il ajoute seulement la même quantité qu'il ajoutait antérieurement; c.-à-d. que, dans chaque livre de fil on ne trouve que le 1/6 de la nouvelle valeur ajoutée auparavant. En tant que travail générateur de valeur il ne fait pas plus qu'avant P. 167 [209/200-201]. Inversement [c'est l'inverse qui se produit] quand la productivité du filage reste constante mais que la valeur des moyens de travail augmente. P. 168 [210/201].

 

    Le moyen de travail ne cède au produit que la valeur qu'il perd lui-même. P. 169 [211-202]. C'est le cas à des degrés divers. Le charbon, les lubrifiants, etc., sont intégralement consommés. Les matières premières revêtent une forme nouvelle. Les instruments, les machines, etc. ne cèdent que lentement et partiellement leur valeur et l'usure est évaluée par expérience. P. 169-170 [211-212/202-203].
    Mais ici l'instrument reste continuellement et en entier dans le processus de travail. Le même instrument compte donc entièrement dans le processus de travail et en partieseulement dans le processus. de mise en valeur39, de sorte que la différence entre les deux processus se reflète ici dans des facteurs matériels. P. 171 [213/203]:
Inversement, la matière première qui fait des déchets, s'en va entièrement dans le processus de mise en valeur et [seulement en partie] dans le processus de travail, puisqu'elle réapparaît dans le produit moins les déchets.

 

____________________________
37 Verwertung, mise en valeur ou, plus simplement, exploitation (N. T.)
38 Ce passage étant un des plus importants de ce résumé, nous citons ici le texte même de Marx : « La production de plus-value n'est donc autre chose que la production de valeur prolongée au-delà d'un certain point Si le procès de travail ne dure, que jusqu'au point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production de valeur; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value » (N. T.)

 

    Mais, en aucun cas, le moyen de travail ne peut céder plus de valeur d'échange qu'il n'en possède lui-même, il ne sert dans le processus de travail que comme valeur d'usage et ne peut, par conséquent, céder que la valeur d'échange qu'il possédait déjà antérieurement. P. 172 [214/204].
    Cette conservation de la valeur [est] très précieuse pour le capitaliste, ne lui coûte rien. P. 173-174 [215/205].
    Donc, la valeur conservée ne fait que réapparaître; elle était présente, et seul le processus de travail ajoute de la valeur nouvelle. Et, en vérité, dans la production capitaliste [il y a] plus-value, excédent de la valeur du produit sur la valeur des générateurs de produits consommés (moyens de production et forces de travail). P. 175-176 [216-217/206-207].
    Ici, se trouvent décrites les formes d'existence que revêt la valeur initiale du capital lorsqu'elle se dégage de sa forme argent pour se muer en facteurs du processus de travail :
1. dans l'achat de moyens de travail et
2. dans l'achat de force de travail.
    Le capital investi dans les moyens de travail ne change donc pas de valeur dans le processus de production nous l'appelons capital constant.
    La partie investie dans la force de travail change de valeur, produit 1. sa propre valeur et 2. de la plus-value40[nous l'appelons] capital variable. P. 176 [217-218/207].
    Le capital n'est constant que par rapport au processus de production spécial au cours duquel il ne se modifie pas; il peut se composer tantôt de plus tantôt de moins de moyens de travail et la valeur des moyens de travail achetée peut monter ou baisser, mais cela n'affecte pas ses rapports [les rapports du capital] avec le processus de production. P. 177 [218-219/207208]. De même, peut varier la proportion dans laquelle un capital déterminé se divise en [capital] constant et [capital] variable, mais dans chaque cas donné, le c reste constant et le v variable. P. 178[219/208-209].

 


III. Le taux de la plus-value.

 


C = 500 £ = 410 + 90.41 (= c+v) . A la fin du processus de travail, où v s'est transformé une fois en force de travail, on obtient42.
c +v+ p= 590
410 + 90 + 90 = 590
Admettons que c se compose de 312 [livres sterling] de matières premières, de 44 [livres] de matières auxiliaires et de 54 [livres] d'usure de machines = 410. [Supposons que] la valeur de toute la machinerie se monte à 1.054 [livres]. Si cette dernière entrait tout entière dans le calcul, on obtiendrait pour c 1.410 des deux côtés, et la plus-value resterait toujours 90. P. 179 [220-221/210-211].
comme la valeur de c ne fait que réapparaître dans le produit, la valeur des produits obtenue est différente de la valeur engendrée dans le processus43. Cette dernière n'est donc pas c + v+ p, mais : v + p. La grandeur de c est donc indifférente pour le processus de mise en valeur, c'[est]-à-d[ire- que] c =0. P. 180 [221-222/211-212].

 


_______________________________________________
39 Marx donne l'exemple d'une machine qui s'userait en 1 000 jours. Elle cède journellement 1/1000é de sa valeur. Mais elle fonctionne cependant dans sa totalité. Donc dans le processus de travail, on compte avec une machine entière et dans le processus de mise en valeur avec 1/1000e de machine par jour. (N. T.)
40 Elle reproduit sa propre valeur plus un excédent : la plus-value. (N. T.)
41 c=410 v = 90
42 C est le capital initial, c le capital constant, v le capital variable et p la plus-value. (N. T.)
43 Marx écrit : « La valeur réellement nouvelle, engendrédans le cours de la production même, est donc

 

    C'est aussi ce qui se passe pratiquement, ainsi qu'on peut le voir dans le calcul commercial ; p[ar] ex[emple] dans la détermination du bénéfice que tire un pays de son industrie, on déduit [les sommes payées pour] les matières premières importées. P. 181 [222-223/213]. Sur le rapport de la plus-value avec le capital total [voir] le nécessaire au livre III.
Donc : taux de la plus-value =p/v, plus haut 90/90 = 100%
Le temps de travail durant lequel l'ouvrier reproduit la valeur de sa force de travail - dans des conditions capitalistes ou autres - est du travail nécessaire; le travail effectué en sus, qui produit de la plus-value pour le capitaliste, [est du] surtravail. P. 183-184 [224-225/214]. La plus-value est du surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Exemples de l'erreur qu'il y a à faire entre c dans les calculs. P. 185-196 [226-237/215-225] (Senior).
La somme du travail nécessaire et du surtrav-ail = la journée du travail.

 


IV. La journée de travail
    Le temps de travail nécessaire est constant. Le surtravail est variable, mais dans certaines limites. Il ne peut jamais être [à] 0, sinon la production capitaliste cesserait.
Il ne peut jamais atteindre 24 heures pour des raisons physiques et la limite maximum est, en outre, toujours affectée par des causes morales. Mais ces limites sont très élastiques. L'économie exige que la journée de travail ne soit pas plus longue qu'il ne convient pour user normalement l'ouvrier. Mais que signifie normalement ? Il y a une antinomie et seule la violence peut décider. D'où la lutte entre la classe ouvrière et la classe capitaliste pour la journée de travail normale. P. 198-202 [239243/227-231].

 

    Le surtravail dans les époques sociales antérieures. Tant que la valeur d'échange n'est pas plus importante que la valeur d'usage, le surtravail [est] plus modéré, p [ar] ex [emple] chez les anciens : là seulement où était produite directement de la valeur d'échange - argent et or - [on trouve un surtravail effroyable]. P. 203 [244/231-232]. De même dans les Etats esclavagistes d'Amérique jusqu'à la production de masses de coton pour l'exportation. De même, corvée, p [ar] ex [emple] en Roumanie.

 

    [La] corvée [est le] meilleur moyen de comparaison avec l'exploitation capitaliste, car elle fixe le surtravail sous forme d'un temps de travail à fournir spécialement. Règlement organique de la Valachie. P. 204-206 [244-247/232-233].

 

    De même qu'il s'agit là d'une expression positive de la soif de surtravail, de même les Factory-Acts44 en sont des expressions négatives.
    Les FactoryActs. Celui de 1850. P. 207[248/235]. 10 h 1/2 et 7 h 1/2 le samedi – 60 heures par semaine. Profit des fabricants obtenu en tournant la loi. P. 208-211 [249-252/236-239].
    Exploitation dans les branches non limitées ou limitées seulement plus tard : industrie de la dentelle, p. 212 [252/239] ; poterie, p. 213 [253 et 254/240-241] ; allumettes, p. 214 [255/242] ; papiers peints, p. 214-217 [256-257/242-244] ; boulangeries, p. 217-222 [257-262/244-248] ; cheminots, p. 223 [262 et 263/248-249]; couturières, p. 223-225[263-265/249-250] ; forgerons, p. 226 [265-266/251] ; travail de jour et travail de nuit in shifts [système des relèves] : a) métallurgie p. 227-236 [266-274/251-258].

 

différente de la valeur du produit obtenu. Elle n'est pas, comme il semblerait au premier coup d'oeil ;
c + v + p ou 410 liv, sterl. + 98 liv. sterl. + 90 liv. Sterl. Mais v + p ou 90 liv. sterl. + 90 liv. sterl. ; elle n’est pas 590 , mais 180 liv. sterl. (N.T.)

    Ces faits démontrent que le capital ne considère pas l'ouvrier comme autre chose que de la force de travail, dont tout le temps est du temps de travail à réaliser partout où cela est possible, que la longévité de la force de travail est indifférente aux capitalistes. P. 236-238 [275-27x/259-260]. Mais cela ne se tourne-t-il pas contre les intérêts des capitalistes eux-mêmes. Comment remplacer ce qui s'use rapidement ? - La vente organisée des esclaves à l'intérieur des Elats-Unis a élevé à la hauteur d'un principe économique l'usure rapide des esclaves; de même en Europe pour l'importation des ouvriers en provenance des districts agricoles, etc. P. 239 [277-278/261]. Pocrhousesupply45. P. 240 [278-279/261-262]. Le capitaliste ne voit que la surpopulation à tout moment disponible et la consomme. La race en dépérit-elle ? Après moi le déluge46. Le capital ne se soucie donc nullement de la santé de la vie de l'ouvrier, à rhoins d'y être forcé par la société... et, par suite de la libre concurrence, les lois immanentes de la production capitaliste valent pour chaque capitaliste comme lois externes coercitives. P. 243 [281-282/264-265].

 

    La fixation d'une journée de travail normale [est le] résultat d'une lutte de plusieurs siècles entre le capitaliste et l'ouvrier.
    Au début, les lois [sont] faites pour prolonger le temps de travail, aujourd'hui [pour] l'abaisser. P. 244 [282-283/265266]. Le premier Statut of labourers 47  23 Edouard III [en]48 1349 fut promulgué sous le prétexte que la peste avait tellement décimé la population que chacun devait travailler davantage. Aussi, la loi fixait-elle [le] maximum des salaires et [la] limite de la journée de travail. En 1496, sous Henri VIII, la journée de travail des ouvriers agricoles et de tous les artisans (artificers) en été - mars à septembre - va de 5 a. m. à 7 et 8 p. m.49, avec une heure, 1 h 1/2 et 1/2 heure = 3 heures de pause. En hiver de 5 a.m. jusqu'à la nuit. Ce statut [n'a] jamais [été] rigoureusement appliqué.

 

   Au XVIIIe siècle, la semaine de travail complète n'est encore pas à la disposition du capital (sauf chez les ouvriers agricoles). Voir polémique du temps. P. 248-251 [284-286/266-268]. C'est seulement la grande industrie qui y parvint et au delà elle abattit toutes les barrières et exploita l'ouvrier de la façon la plus éhontée. Le prolétariat résista dès qu'il se fut repris. Les cinq lois de 1802 à 1833 [sont purement] nominales, car [elles ne prévoient] pas d'inspecteur50. C'est seulement la loi de 1833 qui créa une journée de travail normale dans les quatre industries textiles : de 5,30 a.m. à 8,30 p.m:., temps durant lequel [les] young persons51 [de] 13-18 ans ne peuvent être occupés que 12 heures avec 1 h. 1/2 de pause. Enfants de 9-13 ans: 8 heures seulement, et travail de nuit des enfants et des young persons interdit. P. 253-255 [291-293/272-273].
    Système des relais et abus destinés à le tourner. P. 256 [293. 294/273-276]. Enfin, loi de 1844 qui assimile les femmes de tous les âges aux young persons, réduit [le temps de travail des] enfants 6 h. 1/2, et met un frein au système des relais. Mais, en revanche, [les] enfants de 8 ans [sont] désormais tolérés. En 1847, enfin, le bill des dix heures pour les femmes et les young persons. P. 259 [296/277]. Tentatives des capitalistes contre [cette loi]. P. 260-268 [297-305/277-286]. Un flaw52 dans la loi de 47 permit ensuite la loi de compromis de 1850, p. 269 [306/286], qui fixe la journée de travail (les young persons et women53 à 5 journées de 10 h. 1/2, une journée de 7 h. 1/2 = 60heures par semaine, et cela entre 6 [heures du matin] et 6 heures [du soir]. Ainsi, la loi de 1847 est en vigueur pour les enfants. - L'exception de l'industrie de la soie, v[oir] p. 270 [306-307/286-287]. En 1853, le temps de travail pour les enfants est également limité entre 6 et 6 heures,P. 272 [308-288]
___________

 

44 Lois sur les fabriques. (N. T.)
45 Fourniture d'ouvriers par tes maisons de pauvres. (N. T.)
46 En français dans le texte. (N. T.)
47 Loi sur les ouvriers. (N T )
48 23. Edouard III, 1349 est entre parenthèses, dans le texte de Marx. Cela signifie : loi promulguée dans la vingt-troisième année du règne d'Edouard 111, en 1349 (N.T )
49 Ante meridiem et post meridiem, avant midi et après-midi, c'est-à-dire de 5 h. du matin à 7 et 8 h. du soir. (N. T.)
50 Marx écrit : « De 1802 à 1833. le Parlement émit cinq lois sur le travail mais il eut bien soin de ne pas voter un centime pour les faire exécuter aussi restèrent-elles lettre morte. » (N. T.)
51 Jeunes gens. (N T.)
52 Défaut. (N. T.)
53 Femmes. (N. T.)

 


    Le Printworks Act54, 1845, ne limite presque rien. Enfants et femmes peuvent travailler 16 heures !
[Les] blanchisseries et teintureries [en] 1860, [les] fabriques de dentelles [en] 1861, [les] poteries et de nombreuses autres branches [en] 1863 [tombent] (sous le coup de la loi sur les fabriques ; lois spéciales promulguées la même année pour les blanchisseries en plein air et les boulangeries). P. 274 [310/290].
    La grande industrie crée donc tout d'abord la besoin de limitation du temps de travail, mais il se trouve ensuite que le même surmenage s'est étendu peu à peu aussi à toutes les autres branches P. 277 [312/292].

 

    L'histoire montre en outre que, notamment avec l'introduction du travail des femmes et des enfants, l'ouvrier « libre » isolé est sans défense contre le capitaliste et succombe, de sorte qu'ici s'engage la lutte de classe entre ouvriers et capitalistes. P. 278[313 / 293].
    En France, la loi de 12 heures pour tous les ouvriers et [toutes les] branches de travail [est promulguée] seulement en 1848. (Voir toutefois p. 253 [291/2721 note concernant la loi française sur le travail des enfants [promulguée] en 1841 et qui ne fut réellement appliquée qu'en 1853, dans le seul département du Nord d'ailleurs.) En Belgique, «liberté du travail » totale ! En Amérique, le mouvement des 8 heures. P. 279 [315/294].
    L'ouvrier sort donc du processus de production tout autrement qu'il y est entré. Le contrat de travail n'a pas été l'acte d'un agent libre; le temps pour lequel il lui est loisible de vendre sa force de travail est en réalité le temps pour lequel il est forcé de la vendre, et seule l'opposition de masse des ouvriers leur conquiert une loi d'État qui les empêche eux-mêmes de se vendre au Capital par un libre contrat, et de se vouer, eux et leurs descendants, à la mort et à l'esclavage. Le catalogue pompeux des inaliénables droits de l'homme est remplacé par la modeste magna charte55 de la loi sur les fabriques. P. 280-281 [316/295-296].

 


V. Taux et masse de la plus-value.
    Avec le taux [de la plus-value] est donnée en même temps sa masse. Si la valeur journalière d'une force de travail est de 3 sh[illings] et si le taux de la plus-value = 100 %,sa masse journalière [de la plus-value] = donc 3 sh pour un ouvrier.
    1. Comme le capital variable est l'expression monétaire de la valeur de toutes les forces de travail occupées simultanément par un capitaliste, la masse de la plus-value produite par eux = le capital variable multiplié par le taux de la plus-value. Les deux facteurs peuvent varier, d'où la possibilité de diverses combinaisons. La masse de la plus-value peut changer, même avec un capital variable en diminution lorsque le taux monte, donc, quand la journée de travail est prolongée. P. 282 [318-319/298-299].
    2. Cette augmentation du taux de la plus-value se heurte à des limites absolues en ce sens que la journée de travail ne peut jamais être portée jusqu'à 24 heures pleines, la valeur totale du produit quotidien d'un ouvrier ne pouvant donc jamais être à la valeur de 24 heures de travail. Pour obtenir la même masse de plus-value, le capital variable ne peut donc être remplacé; à l'intérieur de ces limites, que par une exploitation accrue du travail. Important pour expliquer divers phénomènes qui résultent de la tendance contradictoire du capital :1. Réduire le capital variable et le nombre des ouvriers occupéset -2. Produire néanmoins la plus grande masse possible de plus-value. P. 283284 [319-320/299].
__________________________________________
54 Loi concernant les impressions sur coton. (N. T.)
55 Droits fondamentaux du peuple anglais, conquis dans la révolution du xii- siècle. (N. R )

    3. Les masses de valeur et de plus-value produites par divers capitalistes pour une valeur donnée et un même degré d'exploitation de la force du travail sont en raison directe des grandeurs des parties variables de ces capitaux. P. 285 [321/300]. Cela [est] en apparence contraire à tous les faits.
    Pour une société donnée et une journée de travail donnée, la plus-value ne peut être augmentée que par l'augmentation du nombre des ouvriers; c'[est]-à-dire] de la population ; pour un nombre d'ouvriers donné, [elle ne peut être augmentée] que par la prolongation de la journée de travail. Toutefois, cela n'est important que pour la plus-value absolue.
    Il apparaît maintenant que toute somme d'argent ne peut pas être transformée en capital, qu'il existe un minimum : le prix de revient d'un ouvrier unique et des moyens de travail nécessaires.
Pour vivre lui-même comme ouvrier, il lui faudrait, avec un taux de plus-value de 100 %, avoir déjà deux ouvriers; et il ne pourrait encore faire aucune économie. Même avec huit [ouvriers], il est toujours un petit patron. C'est pourquoi au moyen âge, les gens [étaient] violemment empêchés de se transformer de maîtres ouvriers en capitalistes, grâce à la limitation du nombre des compagnons susceptibles d'être employés par un maître. Le minimum de richesse nécessaire pour former un véritable capitaliste varie avec les diverses époques et branches économiques. P. 288 [322-324/301-3031].
    Le capital est arrivé à primer le travail et veille à ce qu'il soit travaillé convenablement et intensivement. Il oblige, en outre, les ouvriers à effectuer plus de travail qu'en exige leur entretien et, pour l'extorsion de la plus-value, il est supérieur à tous les systèmes de production antérieurs reposant sur le travail forcé pur et simple.
    Le capital a repris le travail avec les conditions techniques existantes et n'y change rien tout d'abord. Le processus de production [étant] donc considéré comme processus de travail, l'ouvrier se comporté à l'égard des moyens de production non pas comme à [l'égard] du capital, mais comme [à l'égard] des moyens de sa propre activité utile. Mais [si le processus de production est] considéré comme processus de mise en valeur [il en va] autrement. Les moyens de production deviennent des moyens d'absorption du travail d'autrui. Ce n'est plus l'ouvrier qui emploie les moyens de production, ce sont ceux-ci qui emploient celui-là. P. 289 [325/304]. Au lieu d'être consommé par lui, ils le consomment lui-même comme le ferment de leur propre processus vital, et le processus vital du capital n'est que le mouvement du capital en tant que valeur créant de la plus-value... La simple transformation de l'argent en moyens de production confère à ces derniers un titre juridique et coercitif au travail et au surtravail d'autrui.

 



 



 



 



 

 

 

 

 

   QUATRIÈME PARTIE

 

                LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE
                                     I. Notion de la plus-value relative.

 


  Pour une journée de travail donnée, le surtravail ne peut être accru que par la diminution du travail nécessaire; mais ce résultat abstraction faite de l'abaissement du salaire au-dessous de la valeur [de sa force du travail] ne peut être atteint que par la réduction de la valeur du travail, donc par l'abaissement du prix des denrées de subsistance nécessaires. P. 291-292 [327-329/7-8]56. Cette dernière, de son côté, ne peut être obtenue que par l'augmentation de la force productive de travail, par un bouleversement57 2 du mode de production lui-même.
    La plus-value produite par la prolongation de la journée de travail est [de la plus-value] absolue : celle produite par raccourcissement du temps de travail nécessaire est de la plus-value relative. P. 295 [330/9].
Pour abaisser la valeur du travail, l'augmentation de la force productive doit porter sur des branches d'industrie dont les produits déterminent la valeur de la force de travail, moyens de subsistance habituels, succédanés, leurs matières premières, etc. Démonstration de la façon dont la concurrence fait apparaître la force productive accrue dans le bas prix des marchandises. P. 296-299 [330- 334/10-13].
    La valeur de la marchandise est en raison inverse de la force productive du travail et il en est ainsi également de la valeur de la force de travail puisqu'elle est déterminée par le prix des marchandises. Par contre, la plus-value relative est en raison directe de la force productive de travail. P. 299 [13].
    Ce n'est pas la valeur absolue de la marchandise qui intéresse le capitaliste, mais seulement la plus-value qui y est enfermée. La réalisation de la plus-value implique le remplacement de la valeur avancée. Mais comme d'après P. 299 [334/131 le même processus qui accroît la force productive abaisse le prix des marchandises et augmente la plus-value qu'elles renferment, on s'explique comment le capitaliste, pour lequel il ne s'agit que de produire de la valeur d'échange aspire sans cesse à réduire la valeur d'échange de la marchandise. Voir Quesnay. P. 300 [335/14].
    Dans la production capitaliste, l'économie de travail obtenue par le développement de la force productive de travail ne poursuit donc nullement une diminution de la journée de travail. Cette dernière peut même être prolongée. Dans les ouvrages des économistes à la Mac-Culloch, Ure, Senior et tutti quanti, on peut donc lire à telle page que l'ouvrier doit de la gratitude au Capital pour le développement des forces productives58, et, à la page suivante, qu'il doit manifester cette gratitude en travaillant à l'avenir 15 heures par jour au lieu de 10. Ce développement des forces productives ne vise à réduire que le travail nécessaire et à prolonger le travail pour le capitaliste. P. 301 [336/15].

 

_______________________________________

 

56 Les références à l'édition du « Capital » se rapporte à partir d'ici au tome II.
57 Engels emploie ici le mot de Umwaelzung, qui signifie bouleversement, révolution. Marx emploie directement le mot révolution. (N. T.)
58 que le temps de travail nécessaire s'en trouve abrégé, précise Marx IN. T.)

 


II. La coopération
    D'APRES la p. 288 [323/1-302], un capital individuel assez important pour employer simultanément un grand nombre d'ouvriers appartient59 à la production capitaliste; c'est seulement quand il est lui-même complètement affranchi du travail que l'employeur devient intégralement capitaliste. La collaboration d'une foule d'ouvriers, travaillant en même temps et dans le même lieu sous les ordres du même capitaliste, et en vue de la production de la même espèce de marchandise, constitue le point de départ historique et formel de la production capitaliste. P. 302 [337/16].
    Il n'y a donc tout d'abord qu'une différence quantitative par rapport à ce qui était auparavant, quand le même employeur occupait moins d'ouvriers. Mais une modification [survient] bientôt.
Déjà le grand nombre d'ouvriers garantit que l'employeur reçoit véritablement du travail moyen, ce qui n'est pas le cas chez le petit patron, tenu néanmoins de payer la valeur moyenne du travail dans sa petite entreprise ; les inégalités se compensent [donc] pour la société, mais pas pour le patron isolé. La loi de la productiosn de valeur en général ne s'applique donc complètement pour chaque producteur qu'à partir du moment où il produit en tant que capitaliste, occupe simultanément beaucoup d'ouvriers et met d'emblée en mouvement du travail social moyen. P. 303304 [337-339/16-17].
    Mais, d'autre part : Economie des moyens de production par la seule grande entreprise, moindre cession de valeur des parties constantes du capital, résultant seulement de sa consommation [du capital constant] commune dans le processus de travail du grand nombre [d'ouvriers]. Et ainsi les moyens de production acquièrent un caractère social, avant que l'acquière le processus de travail lui-même (jusqu'ici simple juxtaposition de processus identiques). P. 305 [340/18].
    Ne considérer ici l'économie des moyens de production que dans la mesure où elle fait baisser le prix des marchandises et, par là, réduit la valeur du travail. La façon dont elle modifie le rapport de la plus-value au capital total avancé (v + c) ne sera étudiée qu'au livre III. Ce découpage [du sujet] est tout à fait dans l'esprit de la production capitaliste; présentant les conditions de travail à l'ouvrier comme indépendantes de lui, son économie apparaît également comme une opération particulière, qui ne le regarde pas et qui est, par conséquent, distincte des méthodes par lesquelles est accrue la productivité de la force de travail consommée par le capital.
    La forme de travail dans laquelle beaucoup d'ouvriers travaillent côte à côte et ensemble, d'après un plan général, dans un même processus de production ou dans des processus de production connexes s'appelle coopération. P. 306 [340/18]. (Concours de forces. Destutt de Tracy.)
    La somme de la force mécanique des ouvriers isolés diffère essentiellement du potentiel de force mécanique qui se déploie lorsque de nombreuses mains coopèrent en même temps dans la même opération indivise (levier et fardeau, etc.). La coopération crée par avance une force productive qui est en elle-même et pour elle-même une force de masse.
    En outre, dans la plupart des travaux productifs, le simple contact social engendre une émulation qui augmente le rendement individuel, de telle sorte que 12 ouvriers, au cours d'une journée de travail commune de 144 heures, fournissent un produit plus grand que 12 ouvriers en 12 [heures de travail] séparées, ou un ouvrier en douze journées de travail consécutives. P. 307 [341/19].
    Bien que de nombreux ouvriers accomplissent la même besogne ou une besogne analogue, le travail individuel de chacun peut représenter une phase différente du processus de travait (chaîne de gens qui se passent un objet60), la coopération épargnant à nouveau du travail. De même, quand une construction est commencée de divers côtés à la fois. L'ouvrier combiné ou l'ouvrier total a des mains et des yeux devant et derrière et possède à un certain degré le don d'ubiquité. P. 308 [342/20].

 

_______________________________________
59 Dans le texte de Marx : « La production capitaliste ne commence... en-fait à s'établir que là où un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois. a(N. T.)
60 Marx donne l'exemple des maçons qui forment la chaîne pour faire passer des pierres du pied d'un échafaudage au sommet: k Chacun d'eux exécute la même manaeuvre, et néanmoins toute.; les manceuvres individuelles, parties continues d'une opération d'ensemble, forment diverses phases par lesquelles doit passer chaque pierre et les vingt-quatre mains du travailleur collectif la font passer plus vite que ne le feraient les deux mains de chaque ouvrier isolé montant et descendant l'échafaudage ». (N. T.)

 


    Dans les processus de travail compliqués, la coopération permet de répartir les opérations séparées, de les accomplir simultanément et ainsi de réduire le temps de travail pour la fabrication du produit total. P. 308 [343/20].
    Dans de nombreuses sphères de production, il existe des moments critiques où beaucoup d'ouvriers sont nécessaires, par exemple les récoltes, la pêche au hareng, etc. Ici, seule, la coopération est de mise. P. 309 [343/21].
    D'une part, la coopération étend le champ de la production et devient par suite une nécessité pour les travaux qui s'appliquent à de grandes étendues (assèchements, construction des routes, etc., construction de digues) ; d'autre part, elle le contracte en concentrant les ouvriers dans un seul local, épargnant ainsi des frais. P. 310 [344/21].
    Dans toutes ces formes, la coopération est la force productive spécifique de la journée de travail combinée, la force productive sociale du travail. Elle découle de la coopération même. En collaborant avec d'autres selon un plan, l'ouvrier se débarrasse des limites posées à son individualité et développe ses possibilités créatrices.
    Or, des ouvriers salariés ne peuvent pas coopérer sans que le même capitaliste les emploie simultanément, les paye et les munisse de moyens de travail. Le degré de coopération dépend donc de la quantité de capital que possède un capitaliste. La condition exigeant une quantité déterminée de capital pour muer son propriétaire en capitaliste, devient maintenant condition matérielle pour la transformation des nombreux travaux individuels disséminés et indépendants les uns des autres en un processus de travail social combiné.
    De même, la primauté du capital sur le travail [qui n'était] jusqu'ici que la conséquence formelle du rapport entre les capitalistes et les ouvriers [devient] maintenant condition nécessaire pour le processus de travail même, le capitaliste représente la combinaison dans le processus de travail. Dans la coopération, la direction du processus de travail devient [la] fonctionn du capital et à ce titre elle [la fonction] acquiert des caractères spéciaux. P. 312.[346/23].
    Conformément au but de la production capitaliste (mise en valeur aussi grande que possible du capital) cette direction a en même temps, pour fonction l'exploitation aussi grande que possible d'un processus de travail social et [est], par conséquent, conditionnée par l'antagonisme inévitable entre exploiteurs et exploités. En outre, le contrôle de la juste utilisation des moyens de travail. Enfin, la connexion des fonctions des divers ouvriers se trouve en dehors d'eux, dans le capital, de sorte que leur propre unité leur apparaît comme l'autorité du capitaliste, comme une volonté étrangère. La direction capitaliste est donc double [par son contenu]. (1. processus de travail social pour la fabrication d'un produit, 2. processus de mise en valeur d'un capital) et est despotique par sa forme. Ce despotisme développe maintenant ses formes particulières : Le capitaliste qui vient tout juste d'être délivré personnellement du travail cède maintenant la surveillance subalterne à une bande organisée d'officiers et de sous officiers qui sont eux-mêmes les salariés du Capital. Dans l'esclavage, les économistes comptent ces frais de surveillance parmi les faux-frais61 de la production dans la production capitaliste, ils identifient la [fonction de] direction, dans la mesure où elle est conditionnée par l'exploitation, avec la [cette] même fonction dans la mesure où elle découle de la nature du processus de travail social. P. 313-314 [346-348/23-25].
    Le commandement suprême dans l'industrie devient l'attribut du Capital, comme, au temps de la féodalité, le commandement suprême à la guerre et dans les tribunaux était l'attribut de la propriété foncière. P. 314 [348/25].
______________________________________________________
61 En français dans les textes de Marx et d'Engels. (N. T.)

 

p58
    Le capitaliste achète 100 forces de travail individuelles et reçoit en échange une force de travail combinée de 100. Il ne paye pas la force de travail combinée de 100 En entrant dans le processus de travail combiné, les ouvriers ont déjà cessé de s'appartenir, ils sont incorporés au capital. C'est ainsi que la force productive sociale du travail apparaît comme une force productive immanente au capital. P. 315 [349/25].
    Exemples de coopération chez les Egyptiens de l'antiquité. P. 316 [349-350/261.
    La coopération naturelle au début de la civilisation chez les peuples chasseurs, les nomades ou les communautés indiennes repose : 1. sur la propriété commune des conditions de production ; 2. sur l'adhérence naturelle de l'individu à la tribu ou à la communauté primitive. - La coopération sporadique, dans l'antiquité, au moyen âge, et dans les colonies modernes repose sur la domination directe et la violence, la plupart du temps sur l'esclavage. La coopération capitaliste, par contre, présuppose [l'existence de] l'ouvrier salarié libre. Historiquement, elle apparaît en opposition directe à l'économie paysanne et à l'entreprise artisanale indépendante (corporative ou non) et ainsi comme une forme historique propre au processus de production capitaliste et le distinguant [des autres]. Elle est la première modification que subit le processus de travail, par sa subordination au Capital. Ici, apparaissent aussitôt : 1. le mode de production capitaliste en tant que nécessité historique pour la transformation du processus de travail en processus social, ensuite 2. cette forme sociale de processus de travail en tant que méthode du Capital en vue de l'exploiter d'une façon plus rémunératrice par l'augmentation de ses forces productives, P. 317 [351/26-27].
    La coopération, pour autant qu'elle a été considérée jusqu'ici, sous sa forme simple, coïncide avec la production sur une grande échelle, mais ne constitue pas la forme fixe caractéristique d'une époque particulière de la production capitaliste, et elle subsiste encore aujourd'hui là où le Capital opère sur une grande échelle sans que la division du travail ou le machinisme y jouent un rôle important. Aussi, bien que la coopération [soit] la forme fondamentale de toute la production capitaliste, sa forme simple apparaît elle-même ou en tant que forme particulière à côté de ses formes plus développées. P, 318 [351/27].

 


                               III. Division du travail et manufacture.
    La manufacture, forme classique de la coopération fondée sur la division du travail, prédomine de 1550 à 1770 environ. Elle naît :
1. Soit par la réunion de divers artisans dont chacun effectue une opération partielle (p [ar]- ex [emple] : manufacture de voitures), l'artisan individuel perdant très vite son aptitude à exercer son métier tout entier, mais [n'en devenant] que plus habile dans son métier partiel; le processus est donc transformé en une fragmentation de l'opération globale dans ses diverses parties. P. 318 [352/28].
2. Ou encore un grand nombre d'artisans qui font le même travail ou un travail similaire sont réunis dans la même fabrique et, peu à peu, les diverses opérations, au lieu d'être accomplies successivement par le même ouvrier, sont séparées et accomplies simultanément par des ouvriers différents (aiguilles, etc). Au lieu d'être l'oeuvre d'un artisan, le produit est maintenant l'oeuvre d'une association d'artisans dont chacun n'accomplit qu'une opération partielle. P. 319-320, [353-354/29].
    Dans les deux cas, son résultat est : un mécanisme de production dont les organes sont des hommes. L'exécution [du travail] reste professionnelle; chaque processus partiel traversé par le produit doit être exécutable manuellement, donc toute analyse véritablement scientifique du processus de production est exclue62.Justement, à cause de la nature professionnelle [du travail], chaque ouvrier se trouve enchaîné aussi complètement à une fonction partielle. P. 321 [354/30].

 

    De la sorte, dutravail [est] économisé par rapport à l'artisan, et cela [ce phénomène est] encore accentué par [la] transmission à [la] génération suivante. De la sorte, la division manufacturière du travail correspond à la tendance des sociétés antérieures à rendre les métiers héréditaires : castes, corporations, etc. P. 322 [355-356/30-31].
   Subdivision63 des outils par l'adaptation aux divers travaux partiels : 500 variétés de marteaux à Birmingham. P. 323-324 1357-358/32-331.
______________________________
62 Dans Marx : « Composée ou simple, l'exécution ne cesse de dépendre de la force, de l'habileté, de la promptitude et de la sûreté de main de l'ouvrier dans le maniement de son outil. Le métier reste toujours la base Cette base technique n'admet l'analyse de la besogne à faire que dans des limites très étroites. » (N. T.)

 

63 Marx parle de différenciation et de spécialisation des instruments de travail. (N. T.)

 

    Du point de vue du mécanisme global de la manufacture, cette dernière revêt deux aspects : montage purement mécanique de produits partiels indépendants (montre) ou séries des processus interdépendants dans un atelier (aiguille).
Dans la manufacture, chaque groupe ouvrier fournit à l'autre sa matière première. D'où condition fondamentale : chaque groupe doit fabriquer en un temps donné, une quantité donnée, il en résulte donc une continuité, régularité, uniformité et intensité du travail tout autres [bien supérieures] que dans la coopération elle-même. Ici donc, loi technologique du processus de production : le travail doit être du travail socialement nécessaire.P. 329 [36236].
    L'inégalité du temps nécessaire pour les diverses opérations fait que les différents groupes d'ouvriers sont de force et de grandeur différentes (dans la fonte de caractères d'imprimerie; 4 fondeurs et 2 casseurs pour 1 frotteur). La manufacture crée donc un rapport mathématique ferme pour l'importance quantitative des divers organes de l'ouvrier global, et la production ne peut être étendue qu'à la condition d'embaucher un multiple du groupe global. En outre, le fait de rendre certaines fonctions indépendantes - surveillance, transport des produits de local à local, etc. - ne devient rémunérateur qu'à partir du moment où la production atteint un certain niveau. P. 329-330 [362-363/36-37].
    La liaison de diverses manufactures en une manufacture globale se produit également, mais continue de manquer de la véritable unité technologique, qui ne prend naissance qu'avec la machine. P. 331 [36438].
    De bonne heure, les machines font déjà leur apparition dans la manufacture - sporadiquement - moulin à farine, moulin à bocarder, etc., mais seulement en tant qu'accessoire. La principale machine de la manufacture est l'ouvrier collectif combiné, qui possède une perfection beaucoup plus grande que l'ancien ouvrier individuel routinier, et dans lequel toutes les imperfections, qui sont souvent développées par la nécessité chez l'ouvrier partiel, apparaissent comme une perfection. P. 333 [366/40]. La manufacture développe des différences parmi ces ouvriers partiels, skilled et unskilled64 voire une hiérarchie achevée des ouvriers. P. 334 1366-367,/40-411.
    La division du travail [est] 1. générale (dans agriculture, industrie, navigation, etc.), 2.spéciale (en genres et espèces65) 3. de détail [ou individuelle] (dans l'atelier).Cette division sociale du travail a également des points de départ variés. 1. Au sein de la famille et de la tribu, [on a] une division naturelle du travail d'après le sexe et l'âge, à quoi [s'ajoute] l'esclavage par la violence contre les voisins qui l'étend [qui étend la division du travail]. P. 335 [368-369/41-42]. 2. Diverses communautés, suivant la situation, le climat, le degré de civilisation obtiennent des produits divers et ces derniers sont échangés là où ces communautés entrent en contact. L'échange avec les com-munautés étrangères est, par la suite, pour chaque communauté un des principaux moyens de surmonter sa dépendance à l'égard de la nature par l'approfondissement de la division naturelle du travail. P. 336 [369/42].

 

    La division manufacturière du travail présuppose, d'une part, un certain degré de développement de la division sociale du travail, d'autre part, elle approfondit cette dernière - c'est là la division territoriale du travail. P. 337-338 [370-371/43-44].
___________________________________
64 Qualifié, non qualifié. (N. T.)
65 Artrn und Unternrten : peut se traduire différemment suivant le contexte. Il faut surtout retenir ici l'idée de classification analogue à la clsslification zoologique ou botanique en embranchements, classes. ordres. (N. T.)

 

    Toutefois, [il y al toujours entre la division sociale et [la division] manufacturière du travail, cette différence que la première produit nécessairement des marchandises tandis que dans la seconde l'ouvrier partiel ne produit pas de marchandises66. D'où, dans celle-ci, [la division manufacturière] organisation concentrée67, dans celle-là morcellement et désordre de la concurrence. P. 339-341 [372-374/45-461..
    Sur l'organisation antique de la communauté indienne. P. 341342 [374-376/46-471. La corporation. P. 343-344 [376-377/48]. Tandis que dans toutes [les formations économiques] existe cette division du travail dans la société, la division manufacturière du travail est une création spécifique du mode de production capitaliste.
    Le corps de travail qui fonctionne dans la manufacture, est, comme dans la coopération, une forme d'existence du capital. La force productive résultant de la combinaison des travaux apparaît donc comme force. productive du capital. Mais tandis que la coopération ne modifie en rien le mode de travail de l'individu, la manufacture le révolutionne ; elle estropie l'ouvrier68, incapable d'effectuer une production indépendante, puisqu'il n'est plus qu'un accessoire de l'atelier du capitaliste. Les puissances spirituelles du travail disparaissent du côté du plus grand nombre pour se développer du côté d'un seul [individu]69. C'est la division manufacturière du travail qui oppose les puissances spiri-tuelles du processus du travail aux ouvriers [à qui elles apparaissent] comme [la] propriété d'autrui et [comme des forces] qui les dominent. Ce processus de scission qui commence déjà dans la coopération se développe dans la manufacture, se complète dans la grande industrie, qui sépare la science du travail en tant que puissance productrice indépendante et l'oblige à se mettre au service du capital. P. 346 [379/50].
Passages à l'appui. P. 347 [379-380/51-52].
    La manufacture [qui est] par un côté une organisation déterminée du travail social, n'est, par l'autre côté, qu'une méthode particulière de production de plus-value relative. P. 350 [382383/53]. Signification historique [traitée dans] le même passage.
Obstacles au développement, de la manufacture même pendant sa période classique: limitation du nombre des ouvriers maladroits par la prédominance des [ouvriers] adroits. Le travail des femmes et des enfants se heurte souvent à la résistance des hommes qui se prévalent jusqu'au bout des laws of apprenticeship70 même là où [elles sont] superflues ; insubordination continuelle des ouvriers, car l'ouvrier global ne possède pas encore de squelette indépendant71 des ouvriers [individuels]. - Emigration des ouvriers. P. 353-354 [386-387/55-56].
    En outre, elle [la manufacture] n'était pas en mesure de bouleverser ou seulement de dominer toute la production sociale. Sa base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production créés par elle-même. La machine devenait nécessaire, et la manufacture avait justement appris déjà à la construire. P. 355 [387/56-57].
_________________________________________________________________
66 Marx ajoute « Ce n’est que leur produit collectif qui devient marchandise. » (N.T.)
67 Marx - « La division manufacturière du travail suppose une concentration de moyens de production dans la main du capitaliste. s (N. T.)
68 Au sens figuré, Marx écrit: « Elle estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail en sacrifiant tout un monde de dispositions et d'instincts producteurs. » (N. T.)
69 Formulation un peu différente chez Marx : »Les puissances intellectuelles de la production se développent d'un seul côté parce qu'elles disparaissent sur tous les autres. » (N. T.)
70 Lois sur l'apprentissage. (N. T:)
71 Marx montre que malgré la division des opérations, l'habileté manuelle reste la base de la manufacture. Lé où l'ouvrier est professionnellement adroit, il est insubordonné ; l'ouvrier global que constitue la manufacture n'a pas encore de squelette, c'est-à-dire d'armature mécanique (machines) permettant de plier l'ouvrier. (N. T.)

 


                                      IV. Machinisme et grande-industrie.

                                        

 

TABLE DES MATIERES


NOTE DES EDITEURS......................................................................................................................................3
LE « CAPITAL » DE MARX............................................................................................................................5
EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL ».................................................13
RESUME DU CAPITAL LE PROCES DE LA PRODUCTION DU CAPITAL (LIVRE PREMIER)......15
PREFACE........................................................................................................................................................15
PREMIERE PARTIE LA MARCHANDISE ET L'ARGENT..........................................................................17
I. La marchandise en soi..............................................................................................................................17
II. Procès d'échange de la marchandise.......................................................................................................18
III. La monnaie ou la circulation des marchandises.....................................................................................20
DEUXIEME PARTIE LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL..........................................26
I. Formule générale du capital.................................................................................................................26
II. Contradiction de la formule générale.......................................................................................................28
III. Achat et vente de la force de travail........................................................................................................30
TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE..............................................32
I. Processus de travail et processus de mise en valeur.............................................................................32
II. Capital constant et capital variable.........................................................................................................33
III. Le taux de la plus-value..........................................................................................................................34
IV. La journée de travail..............................................................................................................................35
V. Taux et masse de la plus-value.................................................................................................................37
QUATRIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE..........................................39
I. Notion de la plus-value relative.................................................................................................................39
II. La coopération........................................................................................................................................39
III. Division du travail et manufacture..........................................................................................................42
IV. Machinisme et grande-industrie..............................................................................................................45
V. Nouvelles recherches sur la production de la plus-value.........................................................................51
COMPLÉMENT ET SUPPLEMENT AU IIIE LIVRE DU « CAPITAL »...................................................52
1. LOI DE LA VALEUR ET TAUX DE PROFIT. « PROFIT-RATE »................................................................52
2. LA BOURSE ..................................................................................................................................................62
FRANZ MEHRING : « LE CAPITAL »..........................................................................................................65
I. LES DOULEURS DE L’ENFANTEMENT...............................................................................................................65
II. LE PREMIER LIVRE........................................................................................................................................67
ROSA LUXEMBOURG :..................................................................................................................................76
III. LES DEUXIEME ET TROISIEME LIVRES...........................................................................................................76

NOTE DES EDITEURS

 

������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������

ETUDES SUR LE CAPITAL-Suivi de deux études de - Franz MEHRING - Rosa LUXEMBOURG


  engels_capital  L’ETUDE du Capital de Marx présente certaines difficultés. L'imprévu de la méthode, la profondeur de l'analyse, la multiplicité des points de vue nouveaux déroutent et, parfois, exigent du lecteur non averti un effort certain.
Il est préférable de commencer l'étude de la science marxiste par des ouvrages plus accessibles, mais, même pour ceux qui possèdent les premiers éléments de celle science, la lecture du Capital demande quelque peu de persévérance. Il est déjà possible de la rendre plus aisée, en prenant tout d'abord connaissance des commentaires autorisés que nous devons au cofondateur de la doctrine, à Engels lui-même.
La collection « les Eléments du communisme» se devait de s'efforcer de préparer les étudiants du marxisme à l'élude de son ouvrage essentiel. C'est dans ce but que nous avons réuni en une seule brochure quatre travaux d'Engels se rapportant à l'étude du Capital.
1. L'article « Le Capital de Marx » paru, les 21 et 28 mars 1868, dans le Demokratisches Wochenblatt de Leipzig, qui constitue une magistrale exposition du premier livre du Capital.
2. Un «Extrait de la préface au deuxième livre du Capital», consacré spécialement à la découverte de la plus-value.
3. Le « Résumé du Capital », où Engels, chapitre par chapitre, résume et commente la plus grande partie du livre premier du Capital. La rédaction de ce travail, enrichi de nombreuses notes explicatives, a été effectuée par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine de Moscou.
4. Le «Complément et supplément au troisième livre du Capital »,paru en 1895 dans le Devenir social et qui est introuvable aujourd'hui. Nous en donnons une nouvelle version soigneusément revue et améliorée. Ce travail constitue l'introduclion indispensable à l'étude du troisième livre;

5;vient ensuite une étude sur « La Bourse ». Elle consiste en des remarques complémentaires sur le troisième livre du Capital. Nous donnons ce travail d'après la copie photographique, de l'Institut Marx-En gels-Lénine.
Nous avons cru utile d'ajouter en annexe un extrait de l'ouvrage classique de Franz Mehring : Karl Marx : Geschichte seines Lebens (Karl Marx, histoire de sa vie), où le grand publiciste expose la genèse du Capital et en analyse le premier livre, et quelques passages du méme ouvrage, dus à la plume de Rosa Luxembourg et dans lesquels la célèbre militante avec sa clarté coutumière, nous donne la substance des deuxième et troisième livres du Capital.
Nous avons la conviction que, ainsi composé, ce petit ouvrage pourra rendre de réels services à tous ceux. qui désirent entreprendre l'étude sérieuse du Capital.
Un mot encore. Le «Résumé du Capital» n'a pas été préparé par Engels pour l'impression ; Un travail d'élaboration était donc nécessaire. Nous avons complété les mots abrégés en mettant la partie complémentaire entre crochets [ ]. Nous avons, en plus, donné en notes, in-extenso, maints passages de Marx analysés par Engels.
A la fin de certains paragraphes figurent trois chiffres; le premier indique la pagination de l'édition allemande du Capital dont s'est servi Engels; des deux chiffres entre crochets, le premier indique la pagination de l'édition allemande moderne du Capital (Verlag für Literatur und Politik, Wien-Berlin S. W, 61, 1932), le deuxième se réfère à l'édition française en cours de parution aux Edition s Sociales.
Les notes non signées sont d'Engels.
Les notes des éditeurs sont signées (N. R.), celles du traducteur (N. T. ).

                                                                           LE « CAPITAL » DE MARX

Depuis qu'il y a des capitalistes et des ouvriers dans le monde, il n'est pas paru de livre qui fût de pareille importance pour les ouvriers que celui-ci. Les rapports entre le Capital et le Travail, l'axe autour duquel tourne tout notre système social actuel, y sont pour la première fois développés scientifiquement, et cela avec une profondeur et une netteté possibles seulement à un Allemand. Si précieux que soient et que resteront les écrits d'un Owen, d'un Saint-Simon, d'un Fourier, ïl était réservé à un Allemand d'atteindre la hauteur d'où l'on peut embrasser clairement, d'un seul coup d'oeil le domaine tout entier des rapports sociaux modernes, de même façon qu'apparaissent aux yeux du spectateur, debout sur la plus haute cime, les sites montagneux moins élevés.
L'économie politique nous enseigne jusqu'à maintenant que le travail est la source de toute richesse et la mesure de toutes les valeurs, de telle façon que deux objets dont la production a coûté le même temps de travail ont aussi la même valeur et que des valeurs égales étant généralement seules échangeables entre elles, ils doivent aussi être nécessairement échangés les uns contre les autres.
Mais elle enseigne en même temps qu'il existe une espèce de travail emmagasiné qu'elle appelle capital ; que ce capital grâce aux ressources qu'il renferme, multiplie par cent et par mille la productivité du travail vivant et réclame pour cela une certaine compensation qu'on appelle profit ou bénéfice. Comme nous le savons tous, les choses se présentent en réalité de la façon suivante : les profits du travail mort, accumulé, constituent une masse de plus en plus grande, les capitaux des capitalistes prennent des proportions de plus en plus colossales, alors que le salaire du travail vivant devient de plus en plus infime, et la masse des ouvriers vivant uniquement de salaire de plus en plus nombreuse et de plus en plus pauvre. Comment résoudre cette orientation?
Comment peut-il rester un profit au capitaliste si l'ouvrier reçoit la valeur entière du travail qu'il ajoute à son produit?
Et pourtant, puisque seules des valeurs égales sont échangeables, il devrait bien en être ainsi. D'autre part, comment des valeurs égales peuvent-elles être échangées, comment l'ouvrier peut-il recevoir la valeur entière de son produit, si, comme il est concédé par beaucoup d'économistes, ce produit est partagé entre les capitalistes et lui ?
L'économie reste jusqu'ici perplexe devant cette contradiction,écrit ou balbutie des formules embarrassées et vides. Même les critiques socialistes de l'économie n'ont pas été capables jusqu'ici de faire autre chose que de souligner cette contradiction; aucun ne l'a résolue jusqu'au moment où, enfin, Marx, poursuivant le processus de la formation de ce profit jusqu'à son lieu de naissance, a fait sur le tout la pleine lumière.
    Dans le développement du capital, Marx part du fait simple et notoire que, les capitalistes font valoir leur capital au moyen de l'échange ; ils achètent de la marchandise pour leur argent et la revendent ensuite pour une somme plus élevée qu'elle ne leur a coûté. Un capitaliste achète, par exemple, du coton pour mille thalers et le revend pour 1.100 thalers, « gagnant » ainsi 100 thalers. C'est cet excédent de 100 thalers sur le capital initial que Marx appelle plus-value. D'où provient cette plus-value ?
D'après l'hypothèse des économistes, seules des valeurs égales sont échangeables, et, dans le domaine de la théorie abstraite, la chose est juste aussi. L'achat du coton et sa revente ne peuvent donc pas plus fournir de plus-value que l'échange d'un thaler d'argent contre 30 gros d'argent et un nouvel échange de cette monnaie de compte contre le thaler d'argent, opération où on ne s'enrichit ni on ne s'appauvrit.
Mais la plus-value peut tout aussi peu provenir du fait que les vendeurs vendent les marchandises au-dessus de leur valeur, ou que les acheteurs les achètent au-dessous de leur valeur, car chacun d'eux à son tour étant tantôt acheteur, tantôt vendeur, il y a, par
conséquent, compensation. Cela ne peut pas plus provenir du fait que les acheteurs et les vendeurs s'exploitent réciproquement, car cela ne produirait pas de nouvelle valeur ou plus-value, mais ne ferait, au contraire, que répartir autrement le capital existant entre les capitalistes. Or, bien que le capitaliste achète et revende les marchandises à leur valeur, il en tire plus de valeur qu'il n'y en a mis. Comment cela se produit-il ?
    Dans les conditions sociales actuelles, le capitaliste trouve sur le marché une marchandise qui a cette propriété particulière que sa consommation est une source de nouvelle valeur, crée une nouvelle valeur, et cette marchandise c'est la force da travail.
Qu'est-ce que la valeur de la force de travail? La valeur de chaque marchandise est mesurée par le travail qu'exige sa production. La force de travail existe sous la forme de l'ouvrier vivant qui a besoin, pour vivre, ainsi que pour entretenir sa famille qui assure la persistance de la force de travail aussi après sa mort, d'une somme déterminée de moyens de subsistance. C'est donc le temps de travail nécessaire à la production de ces moyens de subsistance qui représente la valeur de la force de travail. Le capitaliste paye l'ouvrier par semaine et achète ainsi l'emploi de son travail pour une semaine. Messieurs les économistes seront jusque-là assez d'accord avec nous sur la valeur de la force du travail.
A ce moment, le capitaliste met son ouvrier au travail. Dans un temps déterminé, l'ouvrier aura livré autant de travail que son salaire hebdomadaire en représentait.
    A supposer que le salaire hebdomadaire d'un ouvrier représente trois journées de travail, l'ouvrier qui commence le lundi a rendu au capitaliste le mercredi soir la valeur entière du salaire payé. Mais cesse-t-il ensuite de travailler ? Pas du tout. Le capitaliste a acheté son travail pour une semaine, et il faut que l'ouvrier travaille encore les trois derniers jours de la semaine. Ce surtravail de l'ouvrier, au delà du temps nécessaire pour le remplacement de son salaire est la source de la plus-value, du profit, du grossissement toujours croissant du capital.
    Qu'on ne dise pas que c'est une supposition gratuite d'affirmer que l'ouvrier fait sortir de son travail en trois jours le salaire qu'il a reçu et que les trois autres jours il travaille pour le capitaliste. Qu'il ait besoin de juste trois jours pour restituer son salaire, ou de deux, ou de quatre, c'est d'ailleurs ici une chose tout à fait indifférente, et qui varie aussi selon les circonstances ; mais la chose principale, c'est que le capitaliste, à côté du travail qu'il paye, obtient encore du travail qu'il ne paye pas, et il n'y a pas là de supposition arbitraire, car le jour où le capitaliste ne recevrait continuellement de l'ouvrier qu'autant qu'il lui paye en salaire, ce jour-là, il fermerait son atelier, car tout son profit s'envolerait.
    Et voilà que nous avons résolu toutes ces contradictions. La formation de la plus-value (dont le profit du capitaliste constitue une partie importante) est maintenant tout à fait claire et naturelle. La valeur de la force du travail est payée, mais cette valeur est de beaucoup inférieure à celle que le capitaliste sait tirer de la force de travail, et la différence, le travail non payé, constitue précisément la part du capitaliste, ou plus exactement, de la classe capitaliste. Car même le profit que, dans l'exemple cité plus haut, le marchand de coton a tiré de son coton, doit nécessairement consister en travail non payé si les prix du coton n'ont pas augmenté. Il faut que le marchand ait vendu à un fabricant de cotonnades qui, outre ces cent thalers, puisse tirer encore pour soi un bénéfice de sa fabrication, et qui partage par conséquent avec lui le travail non payé qu'il a empoché. C'est ce travail non payé qui, en général, entretient tous les membres de la société ne travaillant pas. C'est avec lui qu'on paye les impôts d'Etat et des communes dans la mesure où ils atteignent la classe capitaliste, les rentes foncières des propriétaires terriens, etc. C'est sur lui que repose tout l'état social existant.
    D'autre part, il serait ridicule de supposer que le travail non payé ne s'est formé que dans les conditions actuelles où la production est le fait d'un côté des capitalistes et de l'autre des salariés. Au contraire, de tout temps la classe opprimée a dû faire du travail non payé. Pendant toute la longue période où l'esclavage fut la forme dominante de l'organisation du travail, les esclaves ont été obligés de travailler beaucoup plus qu'on leur donnait sous forme de moyens de subsistance. Sous la domination du servage et jusqu'à l'abolition de la corvée paysanne, il en fut de même ; et là apparaît même, de façon tangible, la différence entre le temps où le paysan travaille pour sa propre subsistance et celui où il fait du sur6travail pour le seigneur, parce que ces deux formes de travail s'accomplissent de façon séparée.La forme est maintenant différente, mais la chose est restée, et tant qu'

    une partie de la société possède le monopole des moyens de production, le travailleur, libre ou non, est forcé d'ajouter au temps de travail nécessaire à son propre entretien un surplus destiné à produire la subsistance du possesseur des moyens de production.1
___________________
1 Capital, t. 1, p, 231.
                                                                                               II


    Dans l'article précédent, nous avons vu que chaque ouvrier qui est occupé par le capitaliste, fait un double travail : pendant une partie de son temps de travail, il restitue le salaire que lui a avancé le capitaliste, et cette partie de son travail est appelée par Marx le travail nécessaire. Mais ensuite, il doit encore continuer à travailler et produire pendant ce temps la plus-value pour le capitaliste, dont le profit constitue une partie importante. Cette partie du travail s'appelle le surtravail.
    Supposons que l'ouvrier travaille trois jours de la semaine pour restituer son salaire et trois jours pour produire de la plus-value pour le capitaliste. Cela veut dire, en d'autres termes, qu'il travaille, dans une journée de douze heures, six heures par jour pour son salaire et six heures pour créer de la plus-value. Mais on ne peut tirer de la semaine que six jours et même en y ajoutant le dimanche, sept jours seulement, alors que de chaque jour on peut tirer six, huit, dix, douze, quinze et même plus d'heures de travail. L'ouvrier a vendu pour son salaire une journée de travail au capitaliste. Mais qu'est-ce qu'un jour de travail ? Huit heures ou dix-huit ?
    Le capitaliste a intérêt à faire la journée de travail aussi longue que possible. Plus elle est longue, plus elle crée de plus-value. L'ouvrier a le juste sentiment que chaque heure de travail qu'il fait au-delà de la restitution de son salaire, lui est prise de façon illégitime; c'est sur son propre corps qu'il doit sentir ce que cela signifie de travailler un temps trop long. Le capitaliste lutte pour son profit, l'ouvrier pour sa santé, pour quelques heures de repos quotidien, pour pouvoir, en dehors du travail, du sommeil et du manger se manifester encore, en tant qu'homme.
Remarquons en passant qu'il ne dépend pas de la bonne volonté des capitalistes pris isolément qu'ils veuillent ou non s'engager dans cette lutte, car la concurrence contraint le plus philanthrope d'entre eux à se rallier à ses collègues et à faire accomplir une aussi longue journée de travail que ceux-ci.
    La lutte pour cette fixation de la journée de travail date de la première apparition d'ouvriers libres dans l'histoire et dure jusqu'aujourd'hui. Dans diverses industries, règnent des coutumes diverses concernant la journée de travail ; mais, en réalité, elles sont rarement observées.
C'est seulement là où la loi fixe la journée de travail et en contrôle l'observation, c'est là seulement qu'on peut vraiment dire qu'il existe une journée de travail normale. Et jusqu'à maintenant, ce n'est presque le cas que dans les districts industriels d'Angleterre. Là, la journée de travail est fixée à dix heures (10 heures et demie pendant cinq jours et 7 heures et demie le samedi) pour toutes les femmes et pour les garçons de 13 à 18 ans, et comme les hommes ne peuvent travailler sans ces derniers, ils tombent, eux aussi, sous la loi de la journée de dix heures. Cette loi, les ouvriers des fabriques d'Angleterre, l'ont conquise par de longues années de persévérance, par la lutte la plus tenace, la plus obstinée contre les fabricants, par la liberté de la presse, par le droit de coalition et de réunion, ainsi que par l'utilisation habile des divisions au sein de la classe régnante elle-même.
Elle est devenue la sauvegarde des ouvriers anglais, elle a été élargie peu à peu à toutes les grandes branches d'industrie et étendue, l'année dernière, à presque tous les métiers, du moins à tous ceux où sont occupés des femmes et des enfants. Sur l'histoire de cette réglementation légale de la journée de travail en Angleterre, l'ouvrage présent contient une documentation extrêmement détaillée.Le prochain « Reichstag de l'Allemagne du Nord » aura également à discuter une loi industrielle, et, par conséquent, à réglementer le travail dans les fabriques. Nous espérons que pas un des députés qui ont dû leur élection à des ouvriers allemands, n'ira à la discussion de cette loi sans s'être auparavant familiarisé complètement avec le livre de Marx. On peut obtenir beaucoup. Les divisions dans les classes régnantes sont plus favorables aux ouvriers qu'elles le furent jamais en Angleterre, parce que le suffrage universel contraint les classes dominantes à rechercher la faveur des ouvriers. Dans ces circonstances, quatre ou cinq représentants du prolétariat sont une puissance, s'ils savent utiliser leur situation, s'ils savent avant tout de quoi il s'agit; ce que les bourgeois ne savent pas. Et pour cela le livre de Marx leur met en mains la documentation toute prête.

    Nous laisserons de côté une série d'autres recherches très belles d'un intérêt plus théorique et nous nous contenterons d'en venir au chapitre final qui traite de l'accumulation du capital. On y prouve d'abord que la méthode de production capitaliste, c'està-dire, réalisée par des capitalistes d'une part et des salariés d'autre part, non seulement reproduit constamment son capital au capitaliste, mais produit toujours aussi en même temps la misère des ouvriers; de sorte que l'on veille à ce que, d'une façon constante et renouvelée, existent d'un côté des capitalistes qui sont les possesseurs de tous les moyens de subsistance, de toutes les matières premières et de tous les instruments de travail, et, de l'autre côté, la grande masse des ouvriers qui sont contraints de vendre leur force de travail à ces capitalistes pour une certaine quantité de moyens de subsistance, suffisants tout au plus, dans le meilleur des cas, pour les maintenir en état de travailler et pour faire grandir une nouvelle génération de prolétaires aptes au travail.
Mais le capital ne se contente pas d'être reproduit : il est continuellement augmenté et grossi et avec lui, sa puissance sur la classe non possédante des ouvriers. Et de même qu'il est reproduit lui-même dans des proportions de plus en plus grandes, le mode de production capitaliste moderne reproduit également à une échelle toujours plus grande, et en nombre toujours croissant, la classe des ouvriers qui ne possèdent rien.

    L'accumulation du capital reproduit les rapports du capital à une échelle plus large, plus de capitalistes ou de plus gros capitalistes à un pôle, plus d'ouvriers salariés à l'autre... L'accumulation du capital est donc l'augmentation du prolétariat.

    Mais comme pour faire la même quantité de produits, il faut toujours moins d'ouvriers par suite du progrès du machinisme, de l'amélioration de l'agriculture, etc., comme ce perfectionnement, c'est-à-dire, cet excédent d'ouvriers grandit plus rapidement que le capital lui-même, qu'advient-il de ce nombre toujours plus grand d'ouvriers ? Ils forment une armée de réserve industrielle qui, pendant les périodes d'affaires mauvaises ou médiocres, est payée au-dessous de la valeur de son travail et est occupée irrégulièrement ou encore tombe à la charge de l'assistance publique, mais est indispensable à la classe capitaliste pour les moments d'activité particulièrement vive des affaires, comme cela apparaît de façon tangible en Angleterre, mais qui, en tout état de cause, sert à briser la force de résistance des ouvriers occupés régulièrement et à maintenir leurs salaires à un bas niveau.

    Plus la richesse sociale est grande..., plus est grande la surpopulation relative ou l'armée de réserve industrielle. Mais plus cette armée de réserve est grande par rapport à l'armée ouvrière active [occupée régulièrement] et plus massive est la surpopulation consolidée [permanente], c'est-à-dire les couches d'ouvriers dont la misère est en proportion inverse de la peine de leur travail. Plus, enfin, la couche de la classe ouvrière partageant le sort de Lazare et l'armée de réserve industrielle sont grandes, plus est grand le paupérisme officiel. Telle est la loi générale, absolue de l'accumulation capitaliste.

    Telles sont, prouvées d'une façon rigoureusement scientifique - et les économistes officiels se gardent bien de tenter seulement de les réfuter - quelques-unes des lois principales du système social capitaliste moderne. Mais avec cela avons-nous tout dit ? Pas du tout. Avec la même netteté que Marx souligne les mauvais côtés de la production capitaliste, il prouve, de façon aussi claire, que cette forme sociale était nécessaire pour développer les forces productives de la société à un niveau qui permette le même développement vraiment humain pour tous les membres de la société. Toutes les formes sociales antérieures ont été trop pauvres pour cela. Seule, la production capitaliste crée les richesses et les forces de production nécessaires à cette fin, niais elle crée en même temps, avec la masse des ouvriers opprimés, la classe sociale qui, de plus en plus, est contrainte de revendiquer l'utilisation de ces richesses et de ces forces productives pour toute la société et non, comme aujourd'hui, pour une classe monopoliste.
(Demokratisches Wochenblatt, de Leipzig, 21-28 mars 1868.)

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

_______________________________________________________________________________________________________

                                             EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL »


    Vers la fin du siècle dernier, régnait encore, comme chacun sait, la théorie phlogistique, d'après laquelle la nature de toute combustion consistait en ce que du corps en combustion il se détachait un autre corps, un corps hypothétique, une matière combustible absolue à qui on donnait le nom de phlogiston. Cette théorie suffisait à expliquer la plupart des phénomènes chimiques alors connus, non sans toutefois, dans certains cas, faire violence aux faits. Or, voici qu'en 1774, Priestley produisit une espèce d'air « qu'il trouva si pur ou si exempt de phlogiston que, par comparaison, l'air ordinaire paraissait déjà vicié » Il l'appela : air déphlogistisé. Peu dé temps après, Scheele produisit, en Suède, la même espèce d'air et prouva qu'il existait dans l'atmosphère. Il constata également qu'il disparaissait quand on brûle un corps dans son sein ou dans l'air ordinaire. Il l'appela donc « air à feu ».

    De ces résultats, il tira la conclusion que la combinaison qui naît de l'alliance du phlogiston avec un des éléments de l'air [c'est-à-dire dans la combustion], n'était que du feu ou de la chaleur qui s'échappait du verre2.

    Priestley et Scheele avaient tous deux produit l'oxygène, mais sans savoir ce qu'ils avaient sous la main. Ils « ne pouvaient se dégager des catégories « phlogistiques », telles qu'ils les trouvaient établies.» L'élément qui allait renverser toute la conception phlogistique et révolutionner la chimie restait, entre leurs mains, frappé de stérilité.
Mais Priestley avait immédiatement communiqué sa découverte à Lavoisier, à Paris, et celui-ci, partant de ce fait nouveau, soumit à l'investigation toute la chimie phlogistique ; c'est alors qu'il découvrit que la nouvelle sorte d'air était un élément chimique nouveau, que, dans la combustion d'un corps, ce n'est pas le mystérieux phlogiston qui s'échappe, mais bien ce nouvel élément qui se combine avec le corps, et il mit ainsi sur ses pieds toute la chimie qui, sous sa forme phlogistique, était mise à l'envers.
Et s'il n'est pas exact, contrairement à ce qu'il a prétendu par la suite, qu'il ait produit l'oxygène en même temps que Priestley et Scheele et indépendamment d'eux, il n'en reste pas moins celui qui a vraiment découvert l'oxygène par rapport aux deux autres qui l'avaient simplement produit, sans avoir la moindre. idée de ce qu'ils avaient produit.
    Marx est à ses prédécesseurs, quant à la théorie de la plus-value, ce que Lavoisier est à Priestley et à Scheele. Longtemps avant Marx on avait établi l'existence de cette partie de la valeur du produit que nous appelons maintenant plus-value ; on avait également énoncé plus ou moins clairement en quoi elle consiste : à savoir dans le produit du travail pour lequel l'acquéreur ne donne pas d'équivalent.Mais on n'allait pas plus loin. Les uns, les économistes bourgeois classiques, étudiaient tout au plus le rapport suivant lequel le produit du travail est réparti entre l'ouvrier et le possesseur des moyens de production. Les autres, les socialistes, trouvaient cette répartition injuste et cherchaient des moyens utopiques à mettre fin à cette injustice. Ni les uns ni les autres ne réussissaient à se dégager des catégories économiques qu'ils avaient trouvées établies.
    Alors Marx vint. Et il prit le contrepied direct de tous ses prédécesseurs. Là où ceux-ci avaient vu une solution, il ne vit qu'un problème. Il s'aperçut qu'il n'y avait ici ni « air déphlogistisé » ni « air à feu », mais de l'oxygène ; qu'il ne s'agissait ici ni de la simple constationd'un fait économique, ni du conflit de ce fait avec la justice éternelle et la vraie morale, mais d'un fait appelé à bouleverser toute l'économie, et qui, pour la compréhension de toute la production capitaliste, offrait la clef à qui savait s'en servir. Partant de ce fait, il examina toutes les catégories existantes, de même que Lavoisier partant de l'oxygène, avait examiné les catégories existantes de la chimie phlogistique.

______________

2 ROSCOE-SCHORLEMMER : Manuel complet de chimie, Brunswick, 1877 I, p. 3-18 (Note d'Engels.)
 ____________________________________________________________________________________________________

_____________________________________________________________________________________________________


                                                 RESUME DU CAPITAL

                      Le procès de la production du capital (Livre Premier)


Préface à l'édition allemande

CINQUANTE années se sont écoulées depuis la mort de Karl Marx. Alors que cette période a suffi pour faire sombrer dans l'oubli total les oeuvres d'écrivains fort connus de leurs contemporains elle n'a été pour le Capital de Karl Marx qu'une marche triomphale, à travers le monde entier. Le résumé de cette oeuvre par Engels, que nous pouvons pour la première fois faire lire en langue allemande au prolétariat allemand, revêt donc, pour cette raison, une importance particulière.
Engels entreprit ce travail quand, à la demande de Marx, il écrivit pour la Fortnightly Review, revue libérale de gauche paraissant à Londres, un article sur le premier tome du Capital. Mais le rédacteur de la Fortnightly Review, renvoya à l'auteur la première partie de l'article, et Engels cessa d'y travailler.
Engels qui préparait son travail avec beaucoup de soin, avait commencé suivant en cela les directives précises de Marx par prendre des extraits du Capital ; le résumé que nous publions aujourd'hui en est le résultat.
Le 17 avril 1868, Engels écrivait à Marx

    Avec le temps limité dont je dispose, la dissection de ton livre me donne plus d'ouvrage que je ne le prévoyais ; car enfin3, une fois qu'on s'attelle à ce travail il faut au moins le faire à fond et pas seulement en vue de cet objectif spécial.

    Ce travail, Engels l'a effectué vraisemblablement dans la première moitié de l'année 1868 il n'a pas dépassé la quatrième partie. la Production de la plus-value relative, chapitre XIII : « Machinisme et grande industrie », sous-chapitre 6. Le résumé n'a pas été achevé Cependant, même sous cette forme, il rendra de précieux services au prolétariat, car, il résume magistralement en termes propres, les idées fondamentales du Capital. Engels nous montre la voie à suivre pour se pénétrer des enseignements du Capital. Aussi, le résumé sera-t-il un guide important dans l'étude de l'économie politique marxiste.

    Ce travail est, par endroits, difficile à comprendre. C'est qu'il n'est pas destiné à remplacer l'étude préalable d'oeuvres économiques marxistes élémentaires comme Travail salarié et capital , Salaires, prix et profits, comme les parties économique de l'article sur Karl Marx de Lénine et de l'Anti-Dahring d'Engels ; il doit seulement permettre au lecteur prolétarien de passer de l'étude de ces ouvrages, facilement compréhensibles, à celle du Capital.

    Seul Engels, le génial collaborateur de Marx, co-fondateur du matérialisme historique et du communisme scientifique, qui a lui-même exploré le domaine de l'économie politique, pouvait, dans son résumé, restituer le contenu du Capital sous une forme aussi claire et aussi condensée. Son art de la popularisation repose sur une maîtrise absolue de la méthode du màtérialisme dialectique. Le résumé est un modèle de recherche et
______________________________
3 En français dans le texte (N.T.)


d'exposition matérialistes. Les catégories économiques sont montrées dans leur développement historique. Engels n'a omis, dans son résumé aucune des transitions révélées par le Capital. Alors que les falsificateurs idéalistes du marxisme contestent la base matérielle qui sert d'assise aux catégories marxistes de l'économie politique, Engels, matérialiste, part toujours des conditions de production. Voilà pourquoi son résumé est une arme contre la déformation menchévik de l'économie marxiste dans le sens idéaliste.

    Le résumé est centré sur la théorie de la plus-value. Quand, en 1884, Deville fit paraître en France l'abrégé populaire du Capital, Engels lui reprocha, en particulier, d'y avoir mis des choses «inutiles pour l'intelligence de la théorie de la plus-value et de ses conséquences (et c'est cela justement qui importe pour un abrégé populaire) ». Engels étudie avec une attention particulière les lois de la production de la plus-value, car la production de plus-value, l'exploitation des ouvriers, éveille dans le prolétariat les forces de l'indignation, de la révolte. Par ailleurs, la production de plus-value aboutît à un tel épanouissement des forces productives que le cadre du mode de production capitaliste devient trop étroit, que le renversement de la bourgeoisie, l'instauration de la dictature prolétarienne, l’édîfication du socialisme deviennent possibles et néssaires.
    C'est dans la façon dont Engels met la production de la plus-value au centre de son travail qu'en apparaît le caractère rêvolutionnaire. Il traite des contradictions économiques de la production des marchandises, depuis la contradiction entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, jusqu'à sa forme la plus élevée dans le capitalisme.
Dans la contradiction économique, il découvre la contradiction de classe il montre les classes en tant que supports des contradictions économiques. Soit par des citations de Marx, soit par des formulations personnelles, Engels met justement en relief le côté révolutionnaire et « révolutionnarisant » du capitalisme :

    La plus-value est le surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Le capital ne se soucie donc nullement de la santé et de la vie de l'ouvrier, à moins d'y être forcé par la société.

Engels souligne que

    devant les ouvriers se dressent les puissances spirituelles du processus de travail en tant que propriété étrangère et force qui les domine.

    Combien lamentables paraissent à côté du résumé d'Engels les innombrables tentatives faites par les économistes bourgeois et social-démocrates (Kautsky, Borchardt, etc.) pour populariser et abréger le Capital, c'est-à-dire pour le vulgariser - au pire sens du mot - et le falsifier.

    II est regrettable qu'Engels n'ait pu terminer son travail. Cependant, même sous cette forme inachevée, il sera pour le lecteur un guide indispensable à travers le Capital.

    Le texte a été établi sur la base d'une vérification minutieuse du texte original, d'après les copies photographiques qui se trouvent à l'Institut Marx-Engels-Lénine. Nos additions, qui se bornent essentiellement à l'explication de mots étrangers, ont été placées entre crochets. Les indications paginales données par Engels se rapportent à la première édition allemande du Capital, tome I, Editions Otto Meissner ;les chiffres ajoutés entre crochets se rapportent à l'édition établie par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine.
L'édition du résumé que nous publions aujourd'hui a été préparée par Horst Frochlich. INSTITUT MARX-ENGELS-LÉNINE.

                           LIVRE PREMIER

                              Le procés de la production du capital

                                                          PREMIERE PARTIE

                                                LA MARCHANDISE ET L'ARGENT


I. La marchandise en soi

La richesse des sociétés dans lesquelles règne la production capitaliste consiste, en marchandises. La marchandise est une chose qui possède une valeur d'usage ; cette dernière existe dans toutes les formes sociales, mais, dans la société capitaliste, la valeur d'usage est en même temps le support matériel de la valeur d'échange.

    La valeur d'échange présuppose un tertium comparationis4 auquel elle est mesurée : le travail, la substance sociale commune des valeurs d'échange, plus précisément le temps de travail socialement nécessaire qui y est matérialisé.

    De même que la marchandise [revêt] un double aspect valeur d'usage et valeur d'échange, de même, le travail contenu en elle [est] doublement déterminé: d'une part comme activité productive déterminée, travail du tisserand, du tailleur, etc., « travail utile », d'autre part, comme simple dépense de force de travail humaine, travail cristallisé, abstrait. Le premier produit de la valeur d'usage, le second de la valeur d'échange ; seul, ce dernier est quantitativement comparable (la distinction entre travail skilled [qualité] et unskilled [non qualifié], travail composé et travail simple, le confirme).

    [La] substance de la valeur d'échange [est] donc le travail abstrait. Sa grandeur [se mesure] au temps employé. [Reste] encore à considérer la forme de la valeur d'échange.

    1. x marchandise A = y marchandise B, la valeur d'une marchandise exprimée en valeur d'usage d'une autre [marchandise] est sa5 valeur relative. L'expression de l'équivalence de deux marchandises est la forme simple de la valeur relative. Dans l'équation ci-dessus, y marchandise B est l'équivalent. En lui, x marchandise A reçoit sa forme valeur par opposition à sa6 forme naturelle, alors que y marchandise B reçoit en même temps, dans sa propre forme naturelle, la propriété de pouvoir être directement échangé.
La valeur d'échange est imprimée à la valeur d'usage de la marchandise par des conditions historiques déterminées. Elle ne peut donc l'exprimer dans sa propre valeur d'usage, mais seulement dans la valeur d'usage d'une autre marchandise. C'est seulement dans la mise en égalité de deux produits concrets du travail que le travail concret contenu dans l'un et dans l'autre révèle sa qualité de travail humain abstrait ; c'est-à-dire qu'une marchandise peut se comporter comme simple matérialisation de travail abstrait, non pas envers le travail concret contenu en elle-même, mais envers le travail concret contenu dans une autre espèce de marchandise.
    L'équation x marchandise A = y marchandise B implique. nécessairement que x marchandise A puisse être également exprimé dans d'autres marchandises, donc :
    2. x marchandise A = y marchandise B = z marchandise C =v mimarchandise D = u marchandise E . etc., etc.
C'est là la forme développée de la valeur relative. Ici, x marchandise A, en tant que simple matérialisation du travail qui y est contenu, ne se rapporte plus à une marchandise, mais à toutes. Mais par simple inversion, elle conduit à

4 Terme de comparaison. (N. T.)
5 Se rapporte à l'expression « x marchandise A,». (N. R.)
6 Se rapporte au- mot « marchandise ». (N. R.)
3. la deuxième forme, réfléchie, de la valeur relative.
y marchandise B = x marchandise A
z marchandise C = x marchandise A
v marchandise D = x marchandise A
u marchandise E = x marchandise A
etc., etc.
   Ici, les marchandises reçoivent la forme de valeur relative générate, dans laquelle, en tant que marchandiises, elles s’abstraient de leur valeur d'usage pour s'identifier, en tant que matérialisation du travail abstrait, dans [l’expression] x marchandise A. L'expression x marchandise A est la forme générique de l'équivalent pour toutes les autres marchandises, elle est leur équivalent général; le travail qui y est matérialisé vaut simplement comme réalisation de travail abstrait, comme travail général. Mais maintenant :
4. Chaque marchandise de la série peut prendre le rôle d'équivalent général; mais, simultanément, elles ne peuvent prendre [pour équivalent général] qu'une des marchandises [de la série] car si toutes les marchandises étaient des équivalents généraux, chacune en exclurait l'autre à nouveau.
La forme 3 n'est pas engendrée par x marchandise A, mais par les autres marchandises, objectivement. Il faut donc qu'une marchandise déterminée prenne le rôle [d'équivalent général] - elle peut changer pour l'instant - et c'est par là seulement que la marchandise devient intégralement marchandise. Cette marchandise particulière avec la forme naturelle [de laquelle] se confond la forme de l'équivalent général, est l'argent.
La difficulté de la marchandise réside en ce que, comme toutes les catégories du mode de production capitaliste, elle représente sous une enveloppe matérielle un rapport entre individus. Les producteurs rapportent leurs divers travaux les uns aux autres comme travail humain général, tandis qu'ils rapportent leurs produits entre eux en tant que marchandises, sans l'entremise des choses ils ne sauraient y parvenir. Le rapport entre les individus apparaît donc comme un rapport entre les choses.
Pour une société où prédomine la production des marchandises, le christianisme, [et plus] spécialement le protestantisme, [est] la religion appropriée.


II. Procès d'échange de la marchandise.

DANS l'échange, la marchandise démontre qu'elle est marchandise. Les possesseurs de deux marchandises doivent avoir la volonté d'échanger leurs marchandises resp[ectives] et, par conséquent, se reconnattre mutuellement la qualité de propriétaires privés. Ce rapport juridique, dont la forme est le contrat, n'est que le rapport de volontés, dans lequel se reflète le rapport économique. Le contenu de ce rapport [de droit et de volontés] est donné par le rapport économique même, P. 45 (90/95).

    La marchandise est valeur d'usage pour celui qui ne la possède pas, elle n'est pas valeur d'usage pour son possesseur7. D'où le besoin d'échange. Mais chaque possesseur de marchandise veut acquérir des valeurs d'usage qui lui soient spécifiquement utiles - en ce sens l'échange est un processus individuel. Par ailleurs, il veut réaliser sa marchandise comme valeur, par conséquent dans n'importe quelle marchandise, que sa [propre] marchandise soit ou non valeur d'usage pour le possesseur de l'autre marchandise. En ce sens, l'échange est pour lui un processus social général. Mais le même processus ne peut pas être pour tous les propriétaires de marchandises à la fois individuel et social général.Chaque possesseur de marchandise considère sa [propre] marchandise comme l'équivalent général, et toutes les autres marchandises comme autant d'équivalents particuliers de la sienne. Comme tous les possesseurs de marchandises font de même, aucune marchandise n'est équivalent général : par suite, aucune marchandise ne revêt la forme générale de valeur relative, dans laquelle toutes les valeurs s'égaleraient et pourraient être comparées comme grandeurs de valeurs. Elles ne se rapportent donc pas les unes aux autres comme marchandises, mais seulement comme produits. P. 47 [92/97].

_________________

7 Engels emploie les mots de non-possesseur et non-valeur d'usage et dit littéralement : « La marchandise est valeur d'usage pour son non-possesseur, elle est non-valeur d'usage pour son possesseur. « (N. T.)

    Les marchandises ne peuvent se rapporter les unes aux autres comme valeurs, et par suite comme marchandises, que si elles se rapportent toutes à une autre marchandise quelconque comme équivalent général. Mais seul le fait social peut muer une marchandise déterminée en équivalent général : l'argent.

    La contradiction immanente de la marchandise en tant qu'unité directe de valeur d'usage et valeur d'échange, en tant que produit du travail privé utile... et en tant que matérialisation directe et sociale de travail humain abstrait, cette contradiction n'a pas de cesse avant d'avoir abouti au dédoublement de la marchandise en marchandise et argent. P. 48 [92-93/97].

    Toutes les autres marchandises n'étant que des équivalents particuliers de l'argent et celui-ci étant leur équivalent général, elles se comportent comme marchandises particulières à l'égard de l'argent, marchandise générale. Le processus d'échange donne à la marchandise qu'il transforme en argent non pas sa valeur, mais sa forme-valeur. P. 53 [97-98/100.
Fétichisme : une marchandise ne semble pas devenir argent parce que les autres marchandises expriment en elle leurs valeurs, mais ces dernières semblent au contraire exprimer leurs valeurs en elle parce qu'elle est argent.

III. La monnaie ou la circulation des marchandises.


                                     A. Mesure des valeurs (or = monnaie supposée).8


    LA monnaie comme mesure de la valeur est la forme sous laquelle se manifeste nécessairement la mesure de la valeur immanente des marchandises : le temps de travail. La simple expression de la valeur relative de la marchandise en argent, x marchandise A = y argent, est son prix. P. 55 [99-100/105].
Le prix de la marchandise, sa forme argent, est exprimé en monnaie idéale ; c'est donc seulement l'argent idéal qui mesure les valeurs. P. 57 {101/105].

   Une fois réalisée la transformation de la valeur en prix, il devient techniquement nécessaire de développer davantage encore la mesure des valeurs pour aboutir à l'étalon des prix ; c'est-à-dire qu'une quantité d'or est fixée qui sert de mesure aux diverses [autres] quantités d'or. Le tout est essentiellement distinct de la mesure des valeurs qui, elle-même, dépend de la valeur de l'or ; quant à cette dernière, elle est indifférente pour la mesure des prix. P, 59 [l05-106/108].
Les prix étant formulés en appellations arithmétiques de l'or9, l'argent sert [alors] de monnaie de compte.
Si le prix, comme exposant de la grandeur de valeur de la marchandise est l'exposant de son rapport d'échange avec la monnaie, il ne s'ensuit pas réciproquement que l'exposant du rapport d'échange avec la monnaie soit nécessairement le rapport de sa grandeur de valeur.
    En supposant que des circonstances permettent ou imposent de vendre une marchandise au dessus ou au-dessous de sa valeur, ces prix de vente, s'ils ne correspondent pas à sa valeur, n'en sont pas moins le prix de la marchandise, car ils sont :
1. la forme de sa valeur, l'argent, et
2. les exposants de ses rapports d'échange avec l'argent.
La possibilité de désaccord quantitatif entre le prix et la grandeur de valeur est donc donnée dans la forme prix elle-même. Cela ne constitue pas une défectuosité de cette forme ; celle-ci devient au contraire ainsi la forme adéquate d'un mode de production où la règle ne peut prévaloir qu'en tant que loi moyenne, à l'action aveugle, de l'irrégularité.
La forme prix peut ce[pendant aussi] dissimuler [une] contradiction qualitative, de sorte que le prix cesse, d'une façon générale, d'être expression de valeur... La conscience, l'honneur, etc., peuvent... par leur prix acquérir la forme marchandise. P. 60-61 [107/112].
La mesure des valeurs en argent, la forme prix, implique la nécessité de l'aliénation [vente] ; la mesure idéale des prix [implique] la [mesure] réelle. D'où la circulation.
                                                  B. Moyens de circulation.
                                                      a) La métamorphose des marchandises.


Forme simple : M-A-M (marchandise-argent-marchandise), dont le contenu matériel =M-M. Abandon de valeur d'échange, appropriation de valeur d'usage.

___________

8 Le texte de Marx dit, plus clairement : « Dans un but de simplification, nous supposons que l'or est la marchandise qui remplit les fonctions de monnaie. » (N. T.)

2. C'est-à-dire en noms monétaires ; livre, franc, ducat... (N, T.)

1. Première phase : M-A = vente, avec deux éventualités :celle de la non-réussite [de la vente] ou celle de la vente au-dessous de la valeur ou au-dessous du prix de revient, si la valeur sociale de la marchandise se modifie.

    La division du travail transforme le produit du travail en marchandise et nécessite par cela même sa transformation en argent.
En même temps elle remet au hasard la réussite de cette trans-substantiation. P. 60-67 [111-113/115-116]. Pour considérer ici le phénomène en lui-même, M-A présuppose que le possesseur de l’A (au cas où il n'est pas producteur d'or) a auparavant échangé d'autres M contre son A (la possession de l'A résulte pour lui de la vente antérieure d'autres M) : pour l'acheteur, le phénomène n'est donc pas seulement l'inverse = A-M, mais [encore] il présuppose de sa part une vente antérieure, etc., de sorte que nous nous trouvons dans une série infinie d'achats et de ventes.

   2 . La même chose se produit dans la deuxième phase, A-M. Achat, qui est en même temps une vente pour l'autre participant.
3. Le processus d'ensemble est donc un cycle d'achats et de ventes. Circulation des marchandises.
Cette dernière [est] toute différente de l'échange direct des produits ; d'une part les limites locales et individuelles de l'échange direct des produits sont brisées, la permutation du travail humain [est]développée ; d'autre part, il apparaît ici déjà que tout le processus est conditionné par des rapports naturels sociaux indépendants des personnes qui interviennent dans ces opérations. P. 72 [117/120].
L'échange simple s'est éteint dans le seul acte d'échange au cours duquel chacun [des partenaires] a échangé de la non-valeur d'usage pour de la valeur d'usage ; [mais] la circulation continue indéfiniment.

    P. 73 [118/121]. Voici un dogme économique faux : La circulation des marchandises exigerait nécessairement l'équilibre des achats et des ventes, chaque achat étant vente et vice-versa - ce qui reviendrait à dire que chaque vendeur amène son [propre] acheteur sur le marché.
1. L'achat et la vente constituent d'une part, un acte identique de deux personnes polariquement opposées, d'autre part, deux actes polariquement opposés d'une [même] personne. L'identité entre l'achat et la vente implique donc que la marchandise est inutile, quand elle n'est pas vendue, donc aussi que cette éventualité peut survenir.
2. M-A en tant que processus partiel est en même temps, un processus indépendant et implique que l'acquéreur de l'A peut choisir le moment où il transformera à nouveau cet A en M. Il peut attendre. L'unité intérieure des processus indépendants, M-A et A-M se meut, justement du fait de l'indépendance de ces processus, dans des contradictions extérieures, et lorsque la tendance qu'ont ces processus dépendants à devenir indépendants atteint une certaine limite, l'unité s'impose par une crise, dont la possibilité [est] par conséquent donnée ici même. En tant qu'intermédiaire de la circulation des marchandises, la monnaie est moyen de circulation.


                                                     b) Mouvement de la monnaie.
Chaque marchandise individuelle entre et sort de la circulation par l'intermédiaire de la monnaie ; la monnaie, elle, y reste toujours. Bien que, par suite, le mouvement de la monnaie ne soit que l'expression de la circulation des marchandises, cette dernière n'en apparaît pas moins comme le résultat du mouvement de la monnaie. Comme l'argent reste constamment dans la sphère de la circulation, la question se pose de la quantité d'argent qui y est contenue.
______________________________________________
10 Lettres grecques dans le texte d'Engels. (N. R.)

     La masse de l'argent circulant est déterminée par la somme des prix des marchandises (pour une valeur constante de la monnaie), et cette somme des prix par la masse des marchandises en circulation. Cette masse de marchandises étant supposée donnée, la masse de l'argent circulant varie avec les fluctuations de prix des marchandises. La même pièce de monnaie servant à la conclusion d'un certain nombre d'affaires dans un temps donné, on a pour un laps de temps déterminé :
somme des prix des marchandises par nombre de cycles d'une pièce de monnaie=masse de la monnaie fonctionnant comme moyen de circulation. P. 80 [125/126].

     Par suite, le papier-monnaie peut évincer l'or quand il est jeté dans une circulation saturée.
    Comme dans le mouvement de la monnaie n'apparaît que le processus de circulation des marchandises, la rapidité de ce mouvement révèle aussi celle de ses métamorphoses [les métamorphoses de la circulation des marchandises], son ralentissement [révèle] la séparation entre l'achat et la vente, le ralentissement des échanges sociaux. La circulation ne nous indique pas la cause de ce ralentissement; elle ne nous montre que le phénomène. Le philistin l'explique par la quantité insuffisante de moyens de circulation. P. 81 [125-126/126-127].
Ergo1:
1. Les prix des marchandises restant constants, la masse de la monnaie circulante augmente quand augmente la masse des marchandises en circulation ou que se ralentit le mouvement de la monnaie; et elle diminue vice versa [quand la masse des marchandises en circulation diminue ou que le mouvement de la monnaie s'accélère].

   2. Les prix des marchandises subissant une hausse générale, la masse de la monnaie circulante reste constante si la masse des marchandises diminue ou si la rapidité de la circulation augmente dans la même mesure.

    3. Les prix des marchandises subissant une baisse générale, - inverse de 2.
    Dans l'ensemble, on trouve une moyenne assez constante à laquelle seules les crises pour ainsi dire font subir des perturbations importantes.
                                                        c) Numéraire. Signe de valeur.


    L'étalon des prix est fixé par l'Etat, de même que l'appellation donnée à la pièce d'or déterminée - le numéraire et sa fabrication. Sur le marché mondial, les uniformes nationaux respectifs sont retirés (il est fait abstraction ici du trésor accumulé de la Monnaie), de sorte que le numéraire et les lingots12 ne se distinguent que par la forme.
- Mais la monnaie s'use dans la circulation, l'or en tant que moyen de circulation se différencie de l'or en tant qu'étalon des prix; le numéraire devient de plus en plus [le] symbole de son contenu officiel.

    Par là se trouve donnée d'une façon latente la possibilité de remplacer l'argent métallique par des jetons ou des symboles. D'où :
1. Monnaie divisionnaire de cuivre ou d'argent, dont la fixation par rapport à la monnaie or réelle est empêchée par la limitation de la quantité dans laquelle elle constitue un legal tender13. Son contenu purement arbitraire [est] fixé par la loi et sa fonction du numéraire devient ainsi indépendante de sa valeur. D'où le progrès possible vers des signes absolument sans valeur.
2. Papier-monnaie, c'est-à-dire papier-monnaie d'Etat avec cours forcé (la monnaie de crédit ne sera pas encore traitée ici). Dans la mesure où ce papier-monnaie circule réellement à la place de la monnaie d'or, il est soumis aux lois de la circulation monétaire. Seul, le rapport dans lequel ce papier remplace l'or peut faire l'objet d'une loi spéciale, à savoir: l'émission de papier-monnaie doit être limitée à la quantité dans laquelle l'or qu'il symbolise circulerait réellement14. Il est vrai que le degré de saturation de la circulation oscille, mais partout l'expérience fait apparattre un minimum au-dessous duquel il ne tombe jamais. Ce minimum peut être émis. En outre, quand le degré de saturation s'abaisse au minimum, une partie [du papier-monnaie] devient immlédiatement superflue. En pareil cas, la quantité totale de papier au sein du monde des marchandises ne symbolise cependant que la quantité d'or déterminée par ses lois immanentes, donc seule capable d'être symbolisée15. [Si] donc la masse de papier [constitue] le double de la masse d'or absorbée, chaque morceau de papier se déprécie [et tombe] à la moitié de sa valeur nominale. Tout comme si l'or avait subi une modification dans sa fonction de mesure des prix, dans sa valeur. P. 89 (133/133-134).

______________
11 Donc. (N.T.)
12 L'or monnayé et l'or en barres. (N. T.)
13 Moyen de paiement légal. (N. R.)


          C. La monnaie ou l'argent-monnaie.
                                                            a) La thésaurisation.


    Avec le premier développement de la circulation des marchandises se développe la nécessité et la passion de retenir le produit de M-A, l'A. Au lieu de servir simplement d'intermédiairé des échanges, cette métamorphose devient un but en elle-même. L'argent se pétrifie, devient trésor, et le vendeur se change en thésauriseur. P. 91 [135-136/135-136].

    Cette forme prédominante [prédomine] justement aux débuts de la circulation des marchandises. Asie. Avec le développement de la circulation des marchandises, chaque producteur de marchandises doit s'assurer le nervus rerum16, le gage social de la force, l'A Ainsi se constituent partout des hoards17.Le développement de la circulation des marchandises augmente la puissance de la monnaie, forme toujours disponible et absolument sociale de la richesse. P. 92 [1.36-137/136-138]. L'instinct de thésaurisation est par essence illimité. Au point de vue de la qualité ou de forme, la monnaie n'a point de limites et reste le représentant général de la richesse matérielle, parce qu'elle peut directement se transformer en n'importe quelle marchandise. Mais au point de vue de la quantité, toute somme réelle est limitée et n'a donc, comme moyen d'achat, qu'une action limitée. Cette contradiction ramène sans cesse le thésauriseur à son travail de Sisyphe de l'accumulation.

    A côté de cela, l'accumulation d'or et d'argent en plate18, [constitue] à la fois [un] nouveau marché pour ces métaux, et [une] source latente de monnaie.

    La thésaurisation sert de canal abducteur et adducteur de l'argent circulant dans les oscillations permanentes du degré de saturation de la circulation. P. 93 [139-140/139].

____________
14 Dans le texte de Marx « L'émission du papier-monnaie doit être proportionnée à la quantité d'or (ou d'argent) dont il est le symbole et qui devrait réellement circuler. » (N T)
15 Dans le texte de Marx : Le papier-monnaie n'est donc signe de valeur qu'autant qu'il représente des quantités d'or qui, comme toutes les autres quantités de marchandises, sont aussi des quantités de valeur. » (N. T.)
16 Le nerf des choses. (N. T.)
17 Trésors. (N. T.)
18 Objets précieux..(N. T.)


                                                          b) Moyen de paiement.
    Le développement de la circulation des marchandises fait surgir de nouvelles, conditions: l'aliénation de la marchandise peut être séparée chronologiquement de la réalisation de son prix.
La production des diverses marchandises nécessite des durées diverses; elles sont fabriquées à des saisons différentes; maintes marchandises doivent, être expédiées vers des marchés lointains, etc. X19 peut donc être vendeur avant que Y, l'acheteur, soit solvable. La pratique règle les conditions de paiement de la façon suivante : X devient créancier, Y débiteur, l'argent devient moyen de paiement. Le rapport entre le créancier et le débiteur est donc d'ores et déjà antagoniste. (Il peut en être ainsi indépendamment de la circulation des marchandises, par exemple dans l'antiquité et au moyen âge.) P. 97 -[140-141/1140-141].

    Dans ce rapport, l'argent fonctionne :
1. comme mesure de valeur pour la détermination des prix des marchandises vendues;
2. comme moyen d'achat idéal.
En tant que trésor, A avait été soustrait à la circulation ici, en tant que moyen de paiement20, A entre dans la circulation, mais seulement quand M en est sortie. L'acheteur-débiteur vend pour pouvoir payer, sous peine d'être saisi. A devient donc maintent le but même de la vente, par une nécessité sociale découlant des conditions mêmes de la circulation. P. 97-98 [141-142/141].

    La non-simultanéité des achats et des ventes, qui donne naissance à la fonction de l'argent comme moyen de paiement, apporte21, en même temps, une économie de moyens de circulation, la concentration des paiements en un endroit déterminé.
(Virements à Lyon, au moyen àge, espèce de clearing house où seul [était] payé le solde des créances réciproques. P. 98 [;143/ 142].

    Tant que les paiements se balancent, la monnaie ne fonctionne, que d'une manière idéale comme monnaie de compte ou mesure de valeur. Dès qu'il faut effectuer des paiements réels, elle ne se présente plus comme moyen de circulation, comme simple forme éphémère servant d'intermédiaire aux échanges; elle devient l'incarnation individuelle du travail social, la réalisation indépendante de la valeur d'échange, une marchandise absolue. Cette contradiction directe éclate, lors des crises industrielles et commerciales, au moment qui s'appelle la crise monétaire. Elle ne se produit que là, où se sont complètement développés l'enchaînement progressif des paiements et un système artificiel d'équilibre entre eux. Ce mécanisme subit-il, pour une raison quelconque, des perturbations d'ordre général, la monnaie renonce brusquement et sans transition à sa forme idéale de monnaie de compte pour devenir espèces sonnantes et trébuchantes. Elle ne peut plus être remplacée par des marchandises vulgaires. P. 99 [143-144/143].

    La monnaie de crédit résulte de la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, les certificats de dettes circulent à leur tour et déplacent les créances. Avec le système de crédit s'étend à nouveau la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, comme telle elle acquiert des formes d'existence propres, dans lesquelles elle hante la sphère des grandes transactions commerciales, tandis que la monnaie [métallique] est surtout refoulée dans la sphère du commerce de détail. P. 101, [145/144-145].

    Quand la production de marchandises atteint un certain niveau et une certaine étendue, la fonction de la monnaie-moyen de paiement dépasse la sphère de la circulation des marchandises, elle devient la marchandise générale des contrats. De versement en nature, les rentes, impôts, etc., se transforment en versement d'argent. Voir la France de Louis XIV (Boisguillebert et Vauban), par contre l'Asie, la Turquie, le Japon, etc. P. 102 [146/145].

    La transformation de l'argent en moyen de paiement exige - une accumulation d'argent pour les jours d'échéance - la thésaurisation qui disparaît dans le développement social continu comme forme indépendante d'enrichissement, reparaît à nouveau comme fonds de réserve des moyens de paiement. P. 103 [148/147].

_____________________________________________

19 Dans le texte d'Engels l’acheteur et le vendeur sont désignés par A et B. Nous avons remplacé par X et Y pour éviter la confusion avec l'argent A (G. en allemand) (N. T.)
20 Marx écrit : « Le moyen de circulation s'est transformé en trésor, parce que le mouvement de la circulation s'était arrêté à sa première moitié. Le moyen de paiement entre dans la circulation, mais seulement après que la marchandise en est sortie » (N. T.)
21 Dans le manuscrit d'Engels.: donnent et apportent. (N- T.)


                                                                               c) La monnaie universelle.
Dans la circulation universelle, les formes locales du numéraire, de la monnaie divisionnaire, des signes de valeur se dépouillent et seule la forme de l'argent [métal] en barres sert de monnaie universelle. C'est seulement sur le marché mondial que la monnaie fonctionne pleinement comme la marchandise dont la forme naturelle est, en même temps, la réalisation sociale immédiate du travail humain in abstracto22. Sa manière d'être devient adéquate à son concept. P. 103-104 (Détails, 105) [148. Détails149-151/147-150].
__________________
22 En général. (N.. T.)

 

   DEUXIEME PARTIE

 

                     LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL
                                           I. Formule générale du capital.

 


    La circulation des marchandises est le point de départ du capital. La production des marchandises, leur circulation et son développement, le commerce, sont donc partout les facteurs historiques qui font naître le capital. C'est de la création du commerce moderne et du marché mondial au XVIe siècle que date l'histoire moderne du capital. P. 106 (153/151).

 

    Pour ne considérer que les formes économiques engendrées par la circulation des marchandises, [nous constatons que] son dernier produit est l'argent et c'est là la première forme d'apparition du capital. Historiquement, le capital se dresse toujours en face de la propriété foncière sous forme de fortune monétaire, de capital marchand ou de capital usuraire, et, actuellement encore, tout nouveau capital entre en scène sous forme d'argent qui doit se transformer en capital au moyen de processus déterminés.

 

    L'argent en tant qu'argent et l'argent en tant que capital ne se distinguent tout d'abord que par la forme de leur circulation. A côté de M-A-M survient également la forme A-M-A, acheter pour vendre. L'argent, qui décrit dans ce mouvement cette forme de circulation, devient du capital, est déjà en lui-même, c'[est]-à-d[ire] par sa destination, du capital.

 

    Le résultat de A-M-A est A-A, échange indirect d'argent , contre argent. J'achète pour 100 livres sterling du coton que je revends 110 livres ; en fin de compte j'ai échangé 100 livres contre 110, de l'argent contre de l'argent.

 

    Si ce processus aboutissait à la même valeur monétaire qui y fut jetée initialement - 100 livres [issus] de 100 livres - ce [il] serait absurde. Mais que de, ses 100 livres le marchand tire 100, 110 ou seulement 50 livres, son argent n'en a pas moins décrit un mouvement particulier, tout à fait différent de la circulation des marchandises M-A-M. L'analyse des différences de forme qui distinguent ce mouvement de M-A-M permettra également de discerner la différence de contenu.

 

    Les deux phases du processus sont respectivement les mêmes que dans M-A-M. Mais il existe une grande différence dans son ensemble. Dans M-A-M, l'argent est l'intermédiaire, la marchandise le point de départ et l'aboutissant ; ici, c'est M qui est l'intermédiaire, A le point de départ et l'aboutissant. Dans M-A-M, l'argent est définitivement dépensé, dans A-M-A, il est seulement avancé et doit être retrouvé. Il revient à son point de départ - [il y a] donc ici déjà une différence sensible et palpable entre la circulation de l'argent en tant que monnaie et de l'argent en tant que capital.

 

    Dans M-A-M l'argent ne peut refluer à son point de départ que par la répétition de tout le processus, par la vente de marchandises fraîches, [nouvelles] ; le reflux est donc indépendant du processus lui-même. Dans A-M-A, par contre, il est conditionné d'avance par la structure même du processus, qui est incomplet s'il ne réussit pas. P. 110 [156/153].

 

    M-A-M, a pour but final la valeur d'usage, A-M-A, la valeur d'échange [en] elle-même.

 

    Dans M-A-M, les deux extrêmes ont la même forme économique23. Ce sont tous deux des marchandises et de même valeur. Mais ce sont en même temps des valeurs d'usage qualitativement différentes et le processus a pour contenu l'échange social. Dans A-M-A, l'opération paraît de prime abord tautologique, vide de contenu. Il semble absurde d'échanger 100 livres sterling contre 100 livres sterling, et par un détour au surplus. Une somme d'argent ne peut se distinguer d'une autre que par la grandeur; A-M-A ne reçoit son contenu que par la différence quantitative des extrêmes. On retire de la circulation plus d'argent qu'on n'y en avait jeté. Le coton acheté 100 livres est vendu par exemple 100 livres + 10 livres; le processus prend donc la forme A-M-A', où A' = A + ΔA.
Ce ΔA, cet incrément [accroissement] est de la plus-value. La valeur avancée initialement non seulement se maintient dans la circulation, mais encore s'accroît d'une plus-value, se valorise, et ce mouvement transforme l'argent en capital.

 

   Dans M-A-M, il peut, certes, également exister une différence de valeur entre les extrêmes, mais elle est purement fortuite dans cette forme de circulation et M-A-M ne devient pas absurde quand les extrêmes sont de valeur identique - au contraire, c'est même plutôt la condition d'un fonctionnement normal.
   La répétition de M-A-M trouve sa mesure et sa raison d'être dans un but final extérieur à la vente, et qui est la consommation, la satisfaction de besoins déterminés. Dans A-M-A, au contraire, le début et la fin sont identiques - de l'argent - et de ce seul fait, le mouvement est indéfini. Toutefois, A + ΔA est une quantité différente de A, mais néanmoins une somme d'argent limitée; si elle était dépensée elle cesserait d'être du capital; si elle était retirée de la circulation, elle [resterait] stationnaire sous forme de trésor24. Une fois donné le besoin de mise en valeur de la valeur, il existe aussi bien pour A' que pour A et le mouvement du capital est illimité parce qu'à la fin du processus son but est tout aussi peu atteint qu'au début. P. 111 [1b6-159/153-156]. En tant que support de ce processus, le possesseur d'argent devient capitaliste.

 

    Si dans la circulation des marchandises la valeur d'échange arrive tout au plus à une forme indépendante [celle de l'argent] par rapport à la valeur d'usage de la marchandise, ici elle apparaît brusquement comme une substance processive25, douée d'un mouvement propre et pour laquelle la marchandise et l'argent ne sont que de simples formes; bien plus, en temps que valeur originale, elle se distingue d'elle-même considérée comme plus-value. Elle devient de l'argent processif26 et, à ce titre, du capital. P. 116 [162/158].
A-M-A' semble, il est vrai, n'être qu'une forme propre au seul capital commercial [marchand]. Mais le capital industriel est également de l'argent qui se transforme en marchandise et, par la vente [de la marchandise], se retransforme en une somme d'argent supérieure. Des actes qui peuvent se passer entre l'achat et la vente, hors de la sphère de la circulation, n'y changent rien. Dans le capital portant intérêt, enfin, le processus se présente, directement [sous la forme] A-A', valeur qui est en même temps plus grande qu'elle-même27. P. 117 [162-163/158-159].

 

_______________________________

 

23 Marx emploie seulement le mot « forme » Engels emploie Formbes limmtheit. difficilement traduisible : certitude, précision de forme, l'idée étant rigoureusement la même forme (N. T.)
24 Marx écrit : « Si elles sont dérobées à la circulation, elles -[ces sommes, se pétrifient sous forme trésor et ne grossissent pas d'un liard quand elles dormiraient là jusqu'au jugement-dernier » (N. T.)
25 Engels reproduit ici le mot employé par Marx : prozessierende Substanz, c'est-à-dire substance en voie de processus, en mouvement continu. (N. T.)
26 idem que 25
27 Marx écrit : « Enfin, par rapport au capital usuraire, la forme est réduite à ses deux extrêmes sans terme moyen ; elle se résume, en style lapidaire, en A-A', argent qui vaut plus d'argent, valeur qui est plus grande qu'elle-même. » (N. T.)

 


                            II. Contradiction de la formule générale.

 


    La forme de circulation par laquelle l'argent devient capital contredit toutes les lois développées ci-dessus relatives à la nature de la marchandise, de la valeur, de l'argent et de la circulation elle-même. Est-ce la différence purement formelle de l'ordre de succession [des deux phases opposées, la vente et l'achat inversé] qui a pu produire ce résultat ?

 

    Plus encore Cette inversion n'existe que pour une des trois personnes [pour un des trois contractants]. Capitaliste, j'achète de la marchandise à A et je la revends à B, A et B n'interviennent simplement que comme acheteur et vendeur de marchandises. Dans les deux cas, je ne suis à leur égard que simple possesseur d'argent ou simple possesseur de marchandises à l'égard de l'un [j'agis] comme acheteur ou argent, à l'égard de l'autre comme vendeur ou marchandise, mais à l'égard d'aucun, je ne suis capitaliste ou représentant de quelque chose qui serait plus que de l'argent ou de la marchandise.Pour A l'affaire a commencé par une vente, pour B, elle s'est terminée par un achat, par conséquent exactement comme dans la circulation des marchandises. De même, si je fondais le droit à la plus-value sur chacune des séries28 isolées, A pourrait vendre directement à B, et la chance de la plus-value tomberait.

 

    Supposons que A et B s'achètent directement des marchandises. En ce qui concerne la valeur d'usage, tous deux peuvent gagner. A peut même produire de sa marchandise plus que B n'en pourrait produire dans le même temps et vice-versa, de sorte que tous deux y gagnent. Mais [il en va] différemment avec la valeur d'échange. Ici, sont échangées des grandeurs de valeurs égales, même lorsque l'argent intervient comme moyen de circulation. P. 119 [164-165/161].
    Au point de vue abstrait, il ne se produit, dans la circulation simple des marchandises, outre le remplacement d'une valeur d'usage par une autre, qu'un changement de forme [métamorphose] de la marchandise. Dans la mesure où elle [la circulation des marchandises] n'amène qu'un changement de forme de sa valeur d'usage, elle [n'] entraîne, lorsque ce phénomène se réalise dans toute sa pureté [qu'] un échange d'équivalents. Il peut certes arriver que des marchandises soient vendues à des prix différents de leur valeur, mais seulement lorsque la loi de l'échange des marchandises a été violée. Dans sa forme pure, il [cet échange] est un échange d'équivalents ; [il ne représente] donc pas un moyen de s'enrichir. P. 120 [165-166/162].

 

    D'où l'erreur de toutes les tentatives de faire dériver la plus-value de la circulation des marchandises. Condillac, p. 121. [166/162-163]. Newmann, p. 122 [167/163].

 

    Mais admettons que l'échange n'ait pas lieu sous sa forme pure, que des non-équivalents soient échangés. Admettons que chaque vendeur vende sa marchandise 10% au-dessus de sa valeur. Tout demeurant égal, ce que chacun gagne comme vendeur, il le reperd comme acheteur. Tout comme si la valeur de l'argent s'était modifiée de 10% - De même si les acheteurs achetaient tout 10% au-dessous de la valeur. P. 123 [168169/164] (Torrens).

 

    L'hypothèse que la plus-value naît d'une hausse sur les prix présuppose qu'il existe une classe qui achète sans vendre, c'est-à-dire consomme sans produire, [une classe] à laquelle l'argent afflue sans cesse, gratuitement29. Vendre à cette classe des marchandises au-dessus du prix, c'est regagner en partie, par des moyens frauduleux, de l'argent qu'on avait donné sans rien recevoir en échange. (Asie mineure et Rome). Néanmoins, le vendeur reste toujours frustré et ne peut pas de cette façon s'enrichir, produire de la plus-value.

 

    Prenons le cas de l'escroquerie. A vend à B du vin qui vaut 40 livres contre du blé qui envaut 50. A gagne 10 [livres]. Mais A et B n'ont ensemble que 90. A a 50 et B [n'a] plus que 40. La valeur est déplacée, mais non créée. Dans son ensemble, la classe capitaliste d'un pays ne peut pas se léser elle-même. P. 126 [170/166].
___________________________________
28 La série est ici l'ensemble des deux transactions : achat de la marchandise à A et vente de la marchandise à B. (N. T.)
29 Marx écrit « l'argent avec lequel une telle classe achète constamment doit constamment revenir du coffre des producteurs dans le sien, gratis, sans échange, de gré ou en vertu d'un droit acquis. » (N. T.)

 

    Donc, si l'on échange des équivalents, il ne se produit pas de plus-value; si l'on échange des non-équivalents, il ne se produit pas davantage de plus-value. La circulation des marchandises ne crée pas de nouvelle valeur.
    C'est pourquoi nous laissons de côté ici les formes les plus anciennes et les plus populaires du capital, le capital commercial et le capital usuraire. Si l'on ne veut pas expliquer la mise en valeur du capital commercial par la simple escroquerie, il faut recourir à de nombreux termes intermédiaires qui manquentt encore ici. Plus encore pour le capital usuraire et le capital portant intérêts. Plus tard, tous deux apparaîtront comme des formes dérivées; [on verra] également pourquoi ils apparaissent historiquement avant le capital moderne.
    La plus-value ne peut pas naître de la circulation. Mais en dehors d'elle. En dehors d'elle, le possesseur de marchandises est un simple producteur de sa marchandise, dont la valeur dépend de la quantité - mesurée d'après une loi sociale déterminée - de son propre travail qui y est contenu ; cette valeur est exprimée en monnaie de compte, par exemple dans un prix de 10. Mais cette valeur n'est pas en même temps une valeur de 11 livres; son travail crée des valeurs, mais pas de valeurs qui s'accroissent de leur propre chef30. Il peut ajouter de la valeur à une valeur existante, mais cela uniquement en y ajoutant du travail. Le producteur de marchandise ne peut donc pas produire de la plus-value, en dehors de la sphère de la circulation, sans entrer en contact avec d'autres possesseurs de marchandises.
    Le capital doit, par conséquent, surgir à la fois dans la circulation des marchandises et non en elle31. P. 128 [173/168].
Donc la transformation de l'argent en capital, doit être développée sur la base des lois immanentes à l'échange des marchandises, de façon telle que l'échange d'équivalents serve de point de départ. Notre possesseur d'argent, qui n'existe plus qu'à l'état de chrysalide capitaliste, doit acheter les marchandises à leur valeur, les vendre à leur valeur et néanmoins tirer à la fin du processus plus de valeur qu'il y en a jetée. Sa métamorphose en papillon doit se produire dans la sphère de la circulation et en même temps hors de cette sphère. Telles sont les données du problème. Hic Rhodus, hic salta !32. P. 129 [173174/168-169].

 

___________________________________
30 Engels reprend le mot de Marx sich verwerlende Werte, « des valeurs qui se mettent en valeur »(N. T.)
31 Marx écrit : « Le capital ne peut donc pas résulter de la circulation, et il ne peut pas davantage ne pas résulter de la circulation. Il doit surgir à la fois en elle et non en elle. Un double résultat a été ainsi obtenu ». Ce passage n'existe pas dans la traduction Roy. (N. T. )
32 C'est ici Rhodes, ici saute ! C'est-à-dire Ici tu as l'occasion de montrer tes talents (N. R.)

 


                                 III. Achat et vente de la force de travail.

 


    La modification de valeur de l'argent, qui doit se muer en capital, ne peut pas se produire en cet argent lui-même, car il ne réalise dans l'achat que le prix de la marchandise; par ailleurs, aussi longtemps qu'il reste argent, sa valeur, ne change pas et, dans la vente, la marchandise ne fait que se transformer de sa forme naturelle en sa forme argent.
La transformation doit donc se produire dans la marchandise [au cours] du [processus] A-M-A, mais pas avec sa valeur d'échange, puisqu'on échange des équivalents; elle [cette transformation] ne peut donc naître que de sa valeur d'usage [de la marchandise] comme telle, c'est-à-dire, de sa consommation [de son utilisation].A cet effet, il faut une marchandise dont la valeur d'usage ait la propriété d'être source de valeur d'échange, et cette marchandise existe: [c'est] la force de travail. P. 130 [174-175/170].

 

    Mais pour que le possesseur d'argent trouve la force de travail en tant que marchandise sur le marché, il faut qu'elle soit vendue par son propre possesseur, c'est-à-dire qu'elle soit de la force de travail libre. Mais comme tous deux, l'acheteur et le vendeur, sont, en qualité de contractants, des personnes juridiquement égales, la force de travail ne doit être vendue que temporairement, car, dans la vente en bloc33, le vendeur ne reste pas vendeur et devient lui-même marchandise. Mais alors, au lieu de pouvoir vendre des marchandises où se trouve matérialisé son travail, il faut que le possesseur soit en mesure de vendre sa force de travail elle-même en tant que marchandise. P. 131 [175-176/1711.
    La transformation de l'argent en capital exige donc que le possesseur d'argent trouve sur le marché le travailleur libre, et libre à à un double point de vue. Il faut d'abord que le travailleur puisse disposer, en personne libre, de sa force de travail comme d'une marchandise lui appartenant, il faut ensuite qu'il n'ait pas d'autre marchandise à vendre et que, libre dans tous les sens du mot, il ne possède aucun des objets nécessaires pour réaliser sa force de travail. P. 132 [176/172].
    Notons en passant que le rapport entre le possesseur d'argent et le possesseur de la force de travail n'est pas un rapport naturel ou commun à toutes les époques, social, mais un rapport historique, le produit de nombreuses transformations économiques.
Ainsi, les catégories économiques considérées jusqu'ici portent également leur cachet historique. Pour devenir marchandise, le produit ne doit pas être fabriqué comme moyen de subsistance immédiat; la masse des produits ne peut prendre la forme marchandise qu'au sein d'un mode de production déterminé, le mode capitaliste, bien que la production des marchandises et la circulation puissent déjà avoir lieu là où la masse des produits ne devient jamais marchandise. L'argent dito34 peut exister à toutes les époques qui sont parvenues à un certain niveau de la circulation des marchandises ; les formes particulières de l'argent, depuis le simple équivalent jusqu'à la monnaie mondiale, présupposent des étapes différentes du développement; néanmoins, une circulation des marchandises très faiblement développées peut les produire toutes. Par contre, le capital ne surgit que lorsque se trouve donnée la condition définie plus haut, et cette condition embrasse [toute] une [période de l'] histoire universelle. P. 133 [177-178/173].
    La force de travail possède une valeur d'échange qui est déterminée, comme celle de toutes les marchandises par le temps de travail nécessaire pour sa production, donc aussi sa reproduction. La valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance nécessaires à la conservation de son propriétaire, à sa conservation dans un
________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
état où il garde une capacité de travail normale. Celle-ci se juge d'après le climat, les conditions naturelles, etc., ainsi que d'après le standard of life35, donné historiquement dans chaque pays. Elles [ces conditions] varient,, mais sont fixes pour un pays déterminé et une période déterminée. Elle [la somme des moyens de subsistance nécessaires] comporte également les moyens de subsistance des hommes de remplacement, c'est-là-dire des enfants, de telle sorte que la race de ces possesseurs particuliers de marchandises se perpétue. De plus, pour le travail habile, elle [ idem] comprend également les frais d'apprentissage. P. 135 [178-180/174475].
La limite minimum de la valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance physiquement indispensables. Si le prix de la force de travail tombe à ce minimum, elle descend alors au-dessous de sa valeur, car cette dernière présuppose une qualité normale, non réduite, de la force de travail. P. 136 [180-181/175-176].

 

    La nature du travail implique que la force de travail ne soit consommée qu'après la conclusion du contrat et comme, pour de telles marchandises, la monnaie est le moyen de paiement le plus fréquent, elle [la force de travail] n'est payée, dans tous les pays du mode de production capitaliste, qu'après avoir été fournie. Partout, par conséquent, l'ouvrier crédite le capitaltiste36. P. 137 [181-182/176-177].
    Le processus de consommation de la force de travail est, en même temps, processus de production, de marchandise et de plus-value et cette consommation se déroule en dehors de la sphère de la circulation. P. 140 [183-184/178].

 

_____________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
35 Niveau de vie. (N. T.)
36 Marx écrit : « Dans tous les pays où règne le mode de production capitaliste, la force de travail n'est donc pavée que lorsqu'elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat. Le travailleur fait donc partout au capitaliste l'avance de la valeur usuelle de sa force ; il la laisse consommer par l'acheteur avant d'en obtenir le prix ; en un mot il lui fait partout crédit. » (N. T.)

 



 

TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE
                     I. Processus de travail et processus de mise en valeur.

 


L 'acheteur de la force de travail la consomme en faisant travailler le vendeur. Ce travail, pour réaliser de la marchandise, doit d'abord réaliser de la valeur d'usage et, en cette qualité, il est indépendant des rapports spécifiques entre les capitalistes et les ouvriers. [Suit] une description du processus de travail en tant que tel. P. 141-149 [185-132/180 186].
   Le processus de travail, sur la base capitaliste, revêt deux particularités :
1. l'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste ;
2. le produit est la propriété du capitaliste, car le processus de travail n'est plus qu'un processus [mettant en jeu] de deux choses achetées par le capitaliste : la force de travail et le moyen de production. P. 150 [193-194/187].
   Cependant, le capitaliste exige la valeur d'usage non pas pour elle-même, mais en tant que support de la valeur d'échange et plus spécialement de la plus-value. Le travail, dans ces conditions où la marchandise est unité de valeur d'usage et de valeur d'échange [est à la fois valeur d'usage et valeur d'échange], devient donc unité de processus de production et de processus de mise en valeur [devient donc à la fois processus de production et processus de mise en valeur]. P. 151 [194-195/188].
   Donc, étudier la quantité de travail matérialisée dans le produit.
   Par exemple, le fil. Dans sa fabrication sont nécessaires 10 livres de coton, mettons 10 sh. [shillings], et 2 sh. pour les moyens de travail, pour la broche, dont l'usure nécessaire dans le filage est ici dénommée brièvement « fraction de broche ». Il est donc entré dans le produit 12 sh. de moyens de production, c'[est]-à-[dire] à partir du moment où ce produit est devenu une véritable valeur d'usage, du fil en l'occurrence, et 2 sh. dès lors que seul le temps de travail socialement nécessaire a été représenté dans ces moyens de travail. Combien le filage lui ajoute-t-il [au produit] ?
    Ici, le processus de travail [est] donc considéré sous un tout autre angle ; dans la valeur du produit, les travaux du planteur de coton, du constructeur de broches, etc., et du fileur sont, en tant que parties comparables, qualitativement identifiées au travail humain général, nécessaire, générateur de valeur et n'y entrent, par conséquent, qu'au seul point de vue quantitatif ; pour cette raison justement, ils sont quantitativement mesurables par le temps employé, étant bien entendu qu'il est du temps de travail socialement nécessaire puisque seul ce dernier est générateur de valeur.
Si l'on suppose que la valeur journalière de la force de travail = 3 sh. et que cette valeur journalière représente six heures de travail, qu'on fabrique par heure 1 2/3 livre de fil, donc en 6 heures, 10 livres de fil avec 10 livres de coton (comme plus haut), on constate qu'il est ajouté en 6 heures, 3 sh. de valeur et que le produit vaut 15 sh. (10 sh. + 2 + 3 sh.) ou 1 sh. 6 d. [d. le penny = 1/12 de shilling] par livre de fil.

 

    Mais ici, pas de plus-value. Cela ne peut pas servir au capitaliste.
(Inepties de l'économie vulgaire. P. 157 [200/192])
    Nous avons admis que la valeur journalière de la force de travail était de 3 sh. parce qu' 1/2 journée de travail ou 6 heures y [était] matérialisée. Mais cette 1/2 journée de travail [est] nécessaire seulement pour maintenir l'ouvrier pendant 24 heures, [ce qui] ne l'empêche nullement de travailler 1 /1 journée. La valeur de la force de travail et sa mise en valeur37 sont 2 grandeurs différentes. Sa propriété utile [de la force de travail] n'était qu'une condition sine qua non, mais ce qui a été décisif, c'est la valeur d'usage spécifique de la force de travail, source de plus de valeur d'échange qu'elle en possède elle-même. P. 159 [201-202'/193-194].

 

    L'ouvrier travaille donc 12 heures par jour, file 20 livres de coton = 20 sh., use 4 sh. de broches, et le travail coûte 3 sh. = 27 sh. Mais dans le produit sont matérialisées : 4 journées de travail de [dans les] broches et de [le] coton, 1 journée de travail du fileur = 5 journées à 6 sh. = 30 sh., valeur du produit. Voilà la plus-value de 3 sh. : l'argent s'est transformé en capital. P. 160 [202-203/194-195]. Toutes les conditions du problème sont remplies. (Détails p. 160 [203/195].)

 

    Le processus de mise en valeur est le processus de travail en tant que processus générateur de valeur à partir du moment où il est prolongé au delà du point où il fournit simplement un équivalent pour la valeur payée de la force de travail 38.
Le processus générateur de valeur se distingue du simple processus de travail en ce que ce dernier est considéré qualitativement, le premier quantitativement, et cela seulement dans la mesure où il contient du temps de travail socialement nécessaire. P. 161 [204/29-30]. Détail p. 162 [204-205/195].
    En tant qu'unité du processus de travail et du processus de formation de valeur, le processus de production est production de marchandises; en tant qu'unité du processus de travail et du processus de mise en valeur [de production de plus-value], il est processus de production capitaliste de marchandises. - P. 163 [2'06/196-1971.
    Réduction du travail composé au [travail] simple. P. 163-165 [206-207/197-1981.

 


II. Capital constant et capital variable.
    Le processus de travail ajoute à l'objet du travail une valeur nouvelle et reporte en même temps la valeur de l'objet de travail sur le produit, donc la conserve par simple addition de la valeur nouvelle. Ce double résultat est atteint de la façon suivante : le caractère qualitatif, spécifiquement utile, du travail, transforme une valeur d'usage en une autre valeur d'usage et conserve ainsi la valeur mais le caractère abstrait général, quantitatif, générateur de valeur, ajoute de la valeur. P. 166 [207-209/199-2001.
P. ex. supposons que la productivité du filage sextuple. En tant que travail utile (qualificatif), il conserve en même temps six fois plus de moyens de travail. Mais, en nouvelle valeur, il ajoute seulement la même quantité qu'il ajoutait antérieurement; c.-à-d. que, dans chaque livre de fil on ne trouve que le 1/6 de la nouvelle valeur ajoutée auparavant. En tant que travail générateur de valeur il ne fait pas plus qu'avant P. 167 [209/200-201]. Inversement [c'est l'inverse qui se produit] quand la productivité du filage reste constante mais que la valeur des moyens de travail augmente. P. 168 [210/201].

 

    Le moyen de travail ne cède au produit que la valeur qu'il perd lui-même. P. 169 [211-202]. C'est le cas à des degrés divers. Le charbon, les lubrifiants, etc., sont intégralement consommés. Les matières premières revêtent une forme nouvelle. Les instruments, les machines, etc. ne cèdent que lentement et partiellement leur valeur et l'usure est évaluée par expérience. P. 169-170 [211-212/202-203].
    Mais ici l'instrument reste continuellement et en entier dans le processus de travail. Le même instrument compte donc entièrement dans le processus de travail et en partieseulement dans le processus. de mise en valeur39, de sorte que la différence entre les deux processus se reflète ici dans des facteurs matériels. P. 171 [213/203]:
Inversement, la matière première qui fait des déchets, s'en va entièrement dans le processus de mise en valeur et [seulement en partie] dans le processus de travail, puisqu'elle réapparaît dans le produit moins les déchets.

 

____________________________
37 Verwertung, mise en valeur ou, plus simplement, exploitation (N. T.)
38 Ce passage étant un des plus importants de ce résumé, nous citons ici le texte même de Marx : « La production de plus-value n'est donc autre chose que la production de valeur prolongée au-delà d'un certain point Si le procès de travail ne dure, que jusqu'au point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production de valeur; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value » (N. T.)

 

    Mais, en aucun cas, le moyen de travail ne peut céder plus de valeur d'échange qu'il n'en possède lui-même, il ne sert dans le processus de travail que comme valeur d'usage et ne peut, par conséquent, céder que la valeur d'échange qu'il possédait déjà antérieurement. P. 172 [214/204].
    Cette conservation de la valeur [est] très précieuse pour le capitaliste, ne lui coûte rien. P. 173-174 [215/205].
    Donc, la valeur conservée ne fait que réapparaître; elle était présente, et seul le processus de travail ajoute de la valeur nouvelle. Et, en vérité, dans la production capitaliste [il y a] plus-value, excédent de la valeur du produit sur la valeur des générateurs de produits consommés (moyens de production et forces de travail). P. 175-176 [216-217/206-207].
    Ici, se trouvent décrites les formes d'existence que revêt la valeur initiale du capital lorsqu'elle se dégage de sa forme argent pour se muer en facteurs du processus de travail :
1. dans l'achat de moyens de travail et
2. dans l'achat de force de travail.
    Le capital investi dans les moyens de travail ne change donc pas de valeur dans le processus de production nous l'appelons capital constant.
    La partie investie dans la force de travail change de valeur, produit 1. sa propre valeur et 2. de la plus-value40[nous l'appelons] capital variable. P. 176 [217-218/207].
    Le capital n'est constant que par rapport au processus de production spécial au cours duquel il ne se modifie pas; il peut se composer tantôt de plus tantôt de moins de moyens de travail et la valeur des moyens de travail achetée peut monter ou baisser, mais cela n'affecte pas ses rapports [les rapports du capital] avec le processus de production. P. 177 [218-219/207208]. De même, peut varier la proportion dans laquelle un capital déterminé se divise en [capital] constant et [capital] variable, mais dans chaque cas donné, le c reste constant et le v variable. P. 178[219/208-209].

 


III. Le taux de la plus-value.

 


C = 500 £ = 410 + 90.41 (= c+v) . A la fin du processus de travail, où v s'est transformé une fois en force de travail, on obtient42.
c +v+ p= 590
410 + 90 + 90 = 590
Admettons que c se compose de 312 [livres sterling] de matières premières, de 44 [livres] de matières auxiliaires et de 54 [livres] d'usure de machines = 410. [Supposons que] la valeur de toute la machinerie se monte à 1.054 [livres]. Si cette dernière entrait tout entière dans le calcul, on obtiendrait pour c 1.410 des deux côtés, et la plus-value resterait toujours 90. P. 179 [220-221/210-211].
comme la valeur de c ne fait que réapparaître dans le produit, la valeur des produits obtenue est différente de la valeur engendrée dans le processus43. Cette dernière n'est donc pas c + v+ p, mais : v + p. La grandeur de c est donc indifférente pour le processus de mise en valeur, c'[est]-à-d[ire- que] c =0. P. 180 [221-222/211-212].

 


_______________________________________________
39 Marx donne l'exemple d'une machine qui s'userait en 1 000 jours. Elle cède journellement 1/1000é de sa valeur. Mais elle fonctionne cependant dans sa totalité. Donc dans le processus de travail, on compte avec une machine entière et dans le processus de mise en valeur avec 1/1000e de machine par jour. (N. T.)
40 Elle reproduit sa propre valeur plus un excédent : la plus-value. (N. T.)
41 c=410 v = 90
42 C est le capital initial, c le capital constant, v le capital variable et p la plus-value. (N. T.)
43 Marx écrit : « La valeur réellement nouvelle, engendrédans le cours de la production même, est donc

 

    C'est aussi ce qui se passe pratiquement, ainsi qu'on peut le voir dans le calcul commercial ; p[ar] ex[emple] dans la détermination du bénéfice que tire un pays de son industrie, on déduit [les sommes payées pour] les matières premières importées. P. 181 [222-223/213]. Sur le rapport de la plus-value avec le capital total [voir] le nécessaire au livre III.
Donc : taux de la plus-value =p/v, plus haut 90/90 = 100%
Le temps de travail durant lequel l'ouvrier reproduit la valeur de sa force de travail - dans des conditions capitalistes ou autres - est du travail nécessaire; le travail effectué en sus, qui produit de la plus-value pour le capitaliste, [est du] surtravail. P. 183-184 [224-225/214]. La plus-value est du surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Exemples de l'erreur qu'il y a à faire entre c dans les calculs. P. 185-196 [226-237/215-225] (Senior).
La somme du travail nécessaire et du surtrav-ail = la journée du travail.

 


IV. La journée de travail
    Le temps de travail nécessaire est constant. Le surtravail est variable, mais dans certaines limites. Il ne peut jamais être [à] 0, sinon la production capitaliste cesserait.
Il ne peut jamais atteindre 24 heures pour des raisons physiques et la limite maximum est, en outre, toujours affectée par des causes morales. Mais ces limites sont très élastiques. L'économie exige que la journée de travail ne soit pas plus longue qu'il ne convient pour user normalement l'ouvrier. Mais que signifie normalement ? Il y a une antinomie et seule la violence peut décider. D'où la lutte entre la classe ouvrière et la classe capitaliste pour la journée de travail normale. P. 198-202 [239243/227-231].

 

    Le surtravail dans les époques sociales antérieures. Tant que la valeur d'échange n'est pas plus importante que la valeur d'usage, le surtravail [est] plus modéré, p [ar] ex [emple] chez les anciens : là seulement où était produite directement de la valeur d'échange - argent et or - [on trouve un surtravail effroyable]. P. 203 [244/231-232]. De même dans les Etats esclavagistes d'Amérique jusqu'à la production de masses de coton pour l'exportation. De même, corvée, p [ar] ex [emple] en Roumanie.

 

    [La] corvée [est le] meilleur moyen de comparaison avec l'exploitation capitaliste, car elle fixe le surtravail sous forme d'un temps de travail à fournir spécialement. Règlement organique de la Valachie. P. 204-206 [244-247/232-233].

 

    De même qu'il s'agit là d'une expression positive de la soif de surtravail, de même les Factory-Acts44 en sont des expressions négatives.
    Les FactoryActs. Celui de 1850. P. 207[248/235]. 10 h 1/2 et 7 h 1/2 le samedi – 60 heures par semaine. Profit des fabricants obtenu en tournant la loi. P. 208-211 [249-252/236-239].
    Exploitation dans les branches non limitées ou limitées seulement plus tard : industrie de la dentelle, p. 212 [252/239] ; poterie, p. 213 [253 et 254/240-241] ; allumettes, p. 214 [255/242] ; papiers peints, p. 214-217 [256-257/242-244] ; boulangeries, p. 217-222 [257-262/244-248] ; cheminots, p. 223 [262 et 263/248-249]; couturières, p. 223-225[263-265/249-250] ; forgerons, p. 226 [265-266/251] ; travail de jour et travail de nuit in shifts [système des relèves] : a) métallurgie p. 227-236 [266-274/251-258].

 

différente de la valeur du produit obtenu. Elle n'est pas, comme il semblerait au premier coup d'oeil ;
c + v + p ou 410 liv, sterl. + 98 liv. sterl. + 90 liv. Sterl. Mais v + p ou 90 liv. sterl. + 90 liv. sterl. ; elle n’est pas 590 , mais 180 liv. sterl. (N.T.)

    Ces faits démontrent que le capital ne considère pas l'ouvrier comme autre chose que de la force de travail, dont tout le temps est du temps de travail à réaliser partout où cela est possible, que la longévité de la force de travail est indifférente aux capitalistes. P. 236-238 [275-27x/259-260]. Mais cela ne se tourne-t-il pas contre les intérêts des capitalistes eux-mêmes. Comment remplacer ce qui s'use rapidement ? - La vente organisée des esclaves à l'intérieur des Elats-Unis a élevé à la hauteur d'un principe économique l'usure rapide des esclaves; de même en Europe pour l'importation des ouvriers en provenance des districts agricoles, etc. P. 239 [277-278/261]. Pocrhousesupply45. P. 240 [278-279/261-262]. Le capitaliste ne voit que la surpopulation à tout moment disponible et la consomme. La race en dépérit-elle ? Après moi le déluge46. Le capital ne se soucie donc nullement de la santé de la vie de l'ouvrier, à rhoins d'y être forcé par la société... et, par suite de la libre concurrence, les lois immanentes de la production capitaliste valent pour chaque capitaliste comme lois externes coercitives. P. 243 [281-282/264-265].

 

    La fixation d'une journée de travail normale [est le] résultat d'une lutte de plusieurs siècles entre le capitaliste et l'ouvrier.
    Au début, les lois [sont] faites pour prolonger le temps de travail, aujourd'hui [pour] l'abaisser. P. 244 [282-283/265266]. Le premier Statut of labourers 47  23 Edouard III [en]48 1349 fut promulgué sous le prétexte que la peste avait tellement décimé la population que chacun devait travailler davantage. Aussi, la loi fixait-elle [le] maximum des salaires et [la] limite de la journée de travail. En 1496, sous Henri VIII, la journée de travail des ouvriers agricoles et de tous les artisans (artificers) en été - mars à septembre - va de 5 a. m. à 7 et 8 p. m.49, avec une heure, 1 h 1/2 et 1/2 heure = 3 heures de pause. En hiver de 5 a.m. jusqu'à la nuit. Ce statut [n'a] jamais [été] rigoureusement appliqué.

 

   Au XVIIIe siècle, la semaine de travail complète n'est encore pas à la disposition du capital (sauf chez les ouvriers agricoles). Voir polémique du temps. P. 248-251 [284-286/266-268]. C'est seulement la grande industrie qui y parvint et au delà elle abattit toutes les barrières et exploita l'ouvrier de la façon la plus éhontée. Le prolétariat résista dès qu'il se fut repris. Les cinq lois de 1802 à 1833 [sont purement] nominales, car [elles ne prévoient] pas d'inspecteur50. C'est seulement la loi de 1833 qui créa une journée de travail normale dans les quatre industries textiles : de 5,30 a.m. à 8,30 p.m:., temps durant lequel [les] young persons51 [de] 13-18 ans ne peuvent être occupés que 12 heures avec 1 h. 1/2 de pause. Enfants de 9-13 ans: 8 heures seulement, et travail de nuit des enfants et des young persons interdit. P. 253-255 [291-293/272-273].
    Système des relais et abus destinés à le tourner. P. 256 [293. 294/273-276]. Enfin, loi de 1844 qui assimile les femmes de tous les âges aux young persons, réduit [le temps de travail des] enfants 6 h. 1/2, et met un frein au système des relais. Mais, en revanche, [les] enfants de 8 ans [sont] désormais tolérés. En 1847, enfin, le bill des dix heures pour les femmes et les young persons. P. 259 [296/277]. Tentatives des capitalistes contre [cette loi]. P. 260-268 [297-305/277-286]. Un flaw52 dans la loi de 47 permit ensuite la loi de compromis de 1850, p. 269 [306/286], qui fixe la journée de travail (les young persons et women53 à 5 journées de 10 h. 1/2, une journée de 7 h. 1/2 = 60heures par semaine, et cela entre 6 [heures du matin] et 6 heures [du soir]. Ainsi, la loi de 1847 est en vigueur pour les enfants. - L'exception de l'industrie de la soie, v[oir] p. 270 [306-307/286-287]. En 1853, le temps de travail pour les enfants est également limité entre 6 et 6 heures,P. 272 [308-288]
___________

 

44 Lois sur les fabriques. (N. T.)
45 Fourniture d'ouvriers par tes maisons de pauvres. (N. T.)
46 En français dans le texte. (N. T.)
47 Loi sur les ouvriers. (N T )
48 23. Edouard III, 1349 est entre parenthèses, dans le texte de Marx. Cela signifie : loi promulguée dans la vingt-troisième année du règne d'Edouard 111, en 1349 (N.T )
49 Ante meridiem et post meridiem, avant midi et après-midi, c'est-à-dire de 5 h. du matin à 7 et 8 h. du soir. (N. T.)
50 Marx écrit : « De 1802 à 1833. le Parlement émit cinq lois sur le travail mais il eut bien soin de ne pas voter un centime pour les faire exécuter aussi restèrent-elles lettre morte. » (N. T.)
51 Jeunes gens. (N T.)
52 Défaut. (N. T.)
53 Femmes. (N. T.)

 


    Le Printworks Act54, 1845, ne limite presque rien. Enfants et femmes peuvent travailler 16 heures !
[Les] blanchisseries et teintureries [en] 1860, [les] fabriques de dentelles [en] 1861, [les] poteries et de nombreuses autres branches [en] 1863 [tombent] (sous le coup de la loi sur les fabriques ; lois spéciales promulguées la même année pour les blanchisseries en plein air et les boulangeries). P. 274 [310/290].
    La grande industrie crée donc tout d'abord la besoin de limitation du temps de travail, mais il se trouve ensuite que le même surmenage s'est étendu peu à peu aussi à toutes les autres branches P. 277 [312/292].

 

    L'histoire montre en outre que, notamment avec l'introduction du travail des femmes et des enfants, l'ouvrier « libre » isolé est sans défense contre le capitaliste et succombe, de sorte qu'ici s'engage la lutte de classe entre ouvriers et capitalistes. P. 278[313 / 293].
    En France, la loi de 12 heures pour tous les ouvriers et [toutes les] branches de travail [est promulguée] seulement en 1848. (Voir toutefois p. 253 [291/2721 note concernant la loi française sur le travail des enfants [promulguée] en 1841 et qui ne fut réellement appliquée qu'en 1853, dans le seul département du Nord d'ailleurs.) En Belgique, «liberté du travail » totale ! En Amérique, le mouvement des 8 heures. P. 279 [315/294].
    L'ouvrier sort donc du processus de production tout autrement qu'il y est entré. Le contrat de travail n'a pas été l'acte d'un agent libre; le temps pour lequel il lui est loisible de vendre sa force de travail est en réalité le temps pour lequel il est forcé de la vendre, et seule l'opposition de masse des ouvriers leur conquiert une loi d'État qui les empêche eux-mêmes de se vendre au Capital par un libre contrat, et de se vouer, eux et leurs descendants, à la mort et à l'esclavage. Le catalogue pompeux des inaliénables droits de l'homme est remplacé par la modeste magna charte55 de la loi sur les fabriques. P. 280-281 [316/295-296].

 


V. Taux et masse de la plus-value.
    Avec le taux [de la plus-value] est donnée en même temps sa masse. Si la valeur journalière d'une force de travail est de 3 sh[illings] et si le taux de la plus-value = 100 %,sa masse journalière [de la plus-value] = donc 3 sh pour un ouvrier.
    1. Comme le capital variable est l'expression monétaire de la valeur de toutes les forces de travail occupées simultanément par un capitaliste, la masse de la plus-value produite par eux = le capital variable multiplié par le taux de la plus-value. Les deux facteurs peuvent varier, d'où la possibilité de diverses combinaisons. La masse de la plus-value peut changer, même avec un capital variable en diminution lorsque le taux monte, donc, quand la journée de travail est prolongée. P. 282 [318-319/298-299].
    2. Cette augmentation du taux de la plus-value se heurte à des limites absolues en ce sens que la journée de travail ne peut jamais être portée jusqu'à 24 heures pleines, la valeur totale du produit quotidien d'un ouvrier ne pouvant donc jamais être à la valeur de 24 heures de travail. Pour obtenir la même masse de plus-value, le capital variable ne peut donc être remplacé; à l'intérieur de ces limites, que par une exploitation accrue du travail. Important pour expliquer divers phénomènes qui résultent de la tendance contradictoire du capital :1. Réduire le capital variable et le nombre des ouvriers occupéset -2. Produire néanmoins la plus grande masse possible de plus-value. P. 283284 [319-320/299].
__________________________________________
54 Loi concernant les impressions sur coton. (N. T.)
55 Droits fondamentaux du peuple anglais, conquis dans la révolution du xii- siècle. (N. R )

    3. Les masses de valeur et de plus-value produites par divers capitalistes pour une valeur donnée et un même degré d'exploitation de la force du travail sont en raison directe des grandeurs des parties variables de ces capitaux. P. 285 [321/300]. Cela [est] en apparence contraire à tous les faits.
    Pour une société donnée et une journée de travail donnée, la plus-value ne peut être augmentée que par l'augmentation du nombre des ouvriers; c'[est]-à-dire] de la population ; pour un nombre d'ouvriers donné, [elle ne peut être augmentée] que par la prolongation de la journée de travail. Toutefois, cela n'est important que pour la plus-value absolue.
    Il apparaît maintenant que toute somme d'argent ne peut pas être transformée en capital, qu'il existe un minimum : le prix de revient d'un ouvrier unique et des moyens de travail nécessaires.
Pour vivre lui-même comme ouvrier, il lui faudrait, avec un taux de plus-value de 100 %, avoir déjà deux ouvriers; et il ne pourrait encore faire aucune économie. Même avec huit [ouvriers], il est toujours un petit patron. C'est pourquoi au moyen âge, les gens [étaient] violemment empêchés de se transformer de maîtres ouvriers en capitalistes, grâce à la limitation du nombre des compagnons susceptibles d'être employés par un maître. Le minimum de richesse nécessaire pour former un véritable capitaliste varie avec les diverses époques et branches économiques. P. 288 [322-324/301-3031].
    Le capital est arrivé à primer le travail et veille à ce qu'il soit travaillé convenablement et intensivement. Il oblige, en outre, les ouvriers à effectuer plus de travail qu'en exige leur entretien et, pour l'extorsion de la plus-value, il est supérieur à tous les systèmes de production antérieurs reposant sur le travail forcé pur et simple.
    Le capital a repris le travail avec les conditions techniques existantes et n'y change rien tout d'abord. Le processus de production [étant] donc considéré comme processus de travail, l'ouvrier se comporté à l'égard des moyens de production non pas comme à [l'égard] du capital, mais comme [à l'égard] des moyens de sa propre activité utile. Mais [si le processus de production est] considéré comme processus de mise en valeur [il en va] autrement. Les moyens de production deviennent des moyens d'absorption du travail d'autrui. Ce n'est plus l'ouvrier qui emploie les moyens de production, ce sont ceux-ci qui emploient celui-là. P. 289 [325/304]. Au lieu d'être consommé par lui, ils le consomment lui-même comme le ferment de leur propre processus vital, et le processus vital du capital n'est que le mouvement du capital en tant que valeur créant de la plus-value... La simple transformation de l'argent en moyens de production confère à ces derniers un titre juridique et coercitif au travail et au surtravail d'autrui.

 



 



 



 



 

 

 

 

 

   QUATRIÈME PARTIE

 

                LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE
                                     I. Notion de la plus-value relative.

 


  Pour une journée de travail donnée, le surtravail ne peut être accru que par la diminution du travail nécessaire; mais ce résultat abstraction faite de l'abaissement du salaire au-dessous de la valeur [de sa force du travail] ne peut être atteint que par la réduction de la valeur du travail, donc par l'abaissement du prix des denrées de subsistance nécessaires. P. 291-292 [327-329/7-8]56. Cette dernière, de son côté, ne peut être obtenue que par l'augmentation de la force productive de travail, par un bouleversement57 2 du mode de production lui-même.
    La plus-value produite par la prolongation de la journée de travail est [de la plus-value] absolue : celle produite par raccourcissement du temps de travail nécessaire est de la plus-value relative. P. 295 [330/9].
Pour abaisser la valeur du travail, l'augmentation de la force productive doit porter sur des branches d'industrie dont les produits déterminent la valeur de la force de travail, moyens de subsistance habituels, succédanés, leurs matières premières, etc. Démonstration de la façon dont la concurrence fait apparaître la force productive accrue dans le bas prix des marchandises. P. 296-299 [330- 334/10-13].
    La valeur de la marchandise est en raison inverse de la force productive du travail et il en est ainsi également de la valeur de la force de travail puisqu'elle est déterminée par le prix des marchandises. Par contre, la plus-value relative est en raison directe de la force productive de travail. P. 299 [13].
    Ce n'est pas la valeur absolue de la marchandise qui intéresse le capitaliste, mais seulement la plus-value qui y est enfermée. La réalisation de la plus-value implique le remplacement de la valeur avancée. Mais comme d'après P. 299 [334/131 le même processus qui accroît la force productive abaisse le prix des marchandises et augmente la plus-value qu'elles renferment, on s'explique comment le capitaliste, pour lequel il ne s'agit que de produire de la valeur d'échange aspire sans cesse à réduire la valeur d'échange de la marchandise. Voir Quesnay. P. 300 [335/14].
    Dans la production capitaliste, l'économie de travail obtenue par le développement de la force productive de travail ne poursuit donc nullement une diminution de la journée de travail. Cette dernière peut même être prolongée. Dans les ouvrages des économistes à la Mac-Culloch, Ure, Senior et tutti quanti, on peut donc lire à telle page que l'ouvrier doit de la gratitude au Capital pour le développement des forces productives58, et, à la page suivante, qu'il doit manifester cette gratitude en travaillant à l'avenir 15 heures par jour au lieu de 10. Ce développement des forces productives ne vise à réduire que le travail nécessaire et à prolonger le travail pour le capitaliste. P. 301 [336/15].

 

_______________________________________

 

56 Les références à l'édition du « Capital » se rapporte à partir d'ici au tome II.
57 Engels emploie ici le mot de Umwaelzung, qui signifie bouleversement, révolution. Marx emploie directement le mot révolution. (N. T.)
58 que le temps de travail nécessaire s'en trouve abrégé, précise Marx IN. T.)

 


II. La coopération
    D'APRES la p. 288 [323/1-302], un capital individuel assez important pour employer simultanément un grand nombre d'ouvriers appartient59 à la production capitaliste; c'est seulement quand il est lui-même complètement affranchi du travail que l'employeur devient intégralement capitaliste. La collaboration d'une foule d'ouvriers, travaillant en même temps et dans le même lieu sous les ordres du même capitaliste, et en vue de la production de la même espèce de marchandise, constitue le point de départ historique et formel de la production capitaliste. P. 302 [337/16].
    Il n'y a donc tout d'abord qu'une différence quantitative par rapport à ce qui était auparavant, quand le même employeur occupait moins d'ouvriers. Mais une modification [survient] bientôt.
Déjà le grand nombre d'ouvriers garantit que l'employeur reçoit véritablement du travail moyen, ce qui n'est pas le cas chez le petit patron, tenu néanmoins de payer la valeur moyenne du travail dans sa petite entreprise ; les inégalités se compensent [donc] pour la société, mais pas pour le patron isolé. La loi de la productiosn de valeur en général ne s'applique donc complètement pour chaque producteur qu'à partir du moment où il produit en tant que capitaliste, occupe simultanément beaucoup d'ouvriers et met d'emblée en mouvement du travail social moyen. P. 303304 [337-339/16-17].
    Mais, d'autre part : Economie des moyens de production par la seule grande entreprise, moindre cession de valeur des parties constantes du capital, résultant seulement de sa consommation [du capital constant] commune dans le processus de travail du grand nombre [d'ouvriers]. Et ainsi les moyens de production acquièrent un caractère social, avant que l'acquière le processus de travail lui-même (jusqu'ici simple juxtaposition de processus identiques). P. 305 [340/18].
    Ne considérer ici l'économie des moyens de production que dans la mesure où elle fait baisser le prix des marchandises et, par là, réduit la valeur du travail. La façon dont elle modifie le rapport de la plus-value au capital total avancé (v + c) ne sera étudiée qu'au livre III. Ce découpage [du sujet] est tout à fait dans l'esprit de la production capitaliste; présentant les conditions de travail à l'ouvrier comme indépendantes de lui, son économie apparaît également comme une opération particulière, qui ne le regarde pas et qui est, par conséquent, distincte des méthodes par lesquelles est accrue la productivité de la force de travail consommée par le capital.
    La forme de travail dans laquelle beaucoup d'ouvriers travaillent côte à côte et ensemble, d'après un plan général, dans un même processus de production ou dans des processus de production connexes s'appelle coopération. P. 306 [340/18]. (Concours de forces. Destutt de Tracy.)
    La somme de la force mécanique des ouvriers isolés diffère essentiellement du potentiel de force mécanique qui se déploie lorsque de nombreuses mains coopèrent en même temps dans la même opération indivise (levier et fardeau, etc.). La coopération crée par avance une force productive qui est en elle-même et pour elle-même une force de masse.
    En outre, dans la plupart des travaux productifs, le simple contact social engendre une émulation qui augmente le rendement individuel, de telle sorte que 12 ouvriers, au cours d'une journée de travail commune de 144 heures, fournissent un produit plus grand que 12 ouvriers en 12 [heures de travail] séparées, ou un ouvrier en douze journées de travail consécutives. P. 307 [341/19].
    Bien que de nombreux ouvriers accomplissent la même besogne ou une besogne analogue, le travail individuel de chacun peut représenter une phase différente du processus de travait (chaîne de gens qui se passent un objet60), la coopération épargnant à nouveau du travail. De même, quand une construction est commencée de divers côtés à la fois. L'ouvrier combiné ou l'ouvrier total a des mains et des yeux devant et derrière et possède à un certain degré le don d'ubiquité. P. 308 [342/20].

 

_______________________________________
59 Dans le texte de Marx : « La production capitaliste ne commence... en-fait à s'établir que là où un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois. a(N. T.)
60 Marx donne l'exemple des maçons qui forment la chaîne pour faire passer des pierres du pied d'un échafaudage au sommet: k Chacun d'eux exécute la même manaeuvre, et néanmoins toute.; les manceuvres individuelles, parties continues d'une opération d'ensemble, forment diverses phases par lesquelles doit passer chaque pierre et les vingt-quatre mains du travailleur collectif la font passer plus vite que ne le feraient les deux mains de chaque ouvrier isolé montant et descendant l'échafaudage ». (N. T.)

 


    Dans les processus de travail compliqués, la coopération permet de répartir les opérations séparées, de les accomplir simultanément et ainsi de réduire le temps de travail pour la fabrication du produit total. P. 308 [343/20].
    Dans de nombreuses sphères de production, il existe des moments critiques où beaucoup d'ouvriers sont nécessaires, par exemple les récoltes, la pêche au hareng, etc. Ici, seule, la coopération est de mise. P. 309 [343/21].
    D'une part, la coopération étend le champ de la production et devient par suite une nécessité pour les travaux qui s'appliquent à de grandes étendues (assèchements, construction des routes, etc., construction de digues) ; d'autre part, elle le contracte en concentrant les ouvriers dans un seul local, épargnant ainsi des frais. P. 310 [344/21].
    Dans toutes ces formes, la coopération est la force productive spécifique de la journée de travail combinée, la force productive sociale du travail. Elle découle de la coopération même. En collaborant avec d'autres selon un plan, l'ouvrier se débarrasse des limites posées à son individualité et développe ses possibilités créatrices.
    Or, des ouvriers salariés ne peuvent pas coopérer sans que le même capitaliste les emploie simultanément, les paye et les munisse de moyens de travail. Le degré de coopération dépend donc de la quantité de capital que possède un capitaliste. La condition exigeant une quantité déterminée de capital pour muer son propriétaire en capitaliste, devient maintenant condition matérielle pour la transformation des nombreux travaux individuels disséminés et indépendants les uns des autres en un processus de travail social combiné.
    De même, la primauté du capital sur le travail [qui n'était] jusqu'ici que la conséquence formelle du rapport entre les capitalistes et les ouvriers [devient] maintenant condition nécessaire pour le processus de travail même, le capitaliste représente la combinaison dans le processus de travail. Dans la coopération, la direction du processus de travail devient [la] fonctionn du capital et à ce titre elle [la fonction] acquiert des caractères spéciaux. P. 312.[346/23].
    Conformément au but de la production capitaliste (mise en valeur aussi grande que possible du capital) cette direction a en même temps, pour fonction l'exploitation aussi grande que possible d'un processus de travail social et [est], par conséquent, conditionnée par l'antagonisme inévitable entre exploiteurs et exploités. En outre, le contrôle de la juste utilisation des moyens de travail. Enfin, la connexion des fonctions des divers ouvriers se trouve en dehors d'eux, dans le capital, de sorte que leur propre unité leur apparaît comme l'autorité du capitaliste, comme une volonté étrangère. La direction capitaliste est donc double [par son contenu]. (1. processus de travail social pour la fabrication d'un produit, 2. processus de mise en valeur d'un capital) et est despotique par sa forme. Ce despotisme développe maintenant ses formes particulières : Le capitaliste qui vient tout juste d'être délivré personnellement du travail cède maintenant la surveillance subalterne à une bande organisée d'officiers et de sous officiers qui sont eux-mêmes les salariés du Capital. Dans l'esclavage, les économistes comptent ces frais de surveillance parmi les faux-frais61 de la production dans la production capitaliste, ils identifient la [fonction de] direction, dans la mesure où elle est conditionnée par l'exploitation, avec la [cette] même fonction dans la mesure où elle découle de la nature du processus de travail social. P. 313-314 [346-348/23-25].
    Le commandement suprême dans l'industrie devient l'attribut du Capital, comme, au temps de la féodalité, le commandement suprême à la guerre et dans les tribunaux était l'attribut de la propriété foncière. P. 314 [348/25].
______________________________________________________
61 En français dans les textes de Marx et d'Engels. (N. T.)

 

p58
    Le capitaliste achète 100 forces de travail individuelles et reçoit en échange une force de travail combinée de 100. Il ne paye pas la force de travail combinée de 100 En entrant dans le processus de travail combiné, les ouvriers ont déjà cessé de s'appartenir, ils sont incorporés au capital. C'est ainsi que la force productive sociale du travail apparaît comme une force productive immanente au capital. P. 315 [349/25].
    Exemples de coopération chez les Egyptiens de l'antiquité. P. 316 [349-350/261.
    La coopération naturelle au début de la civilisation chez les peuples chasseurs, les nomades ou les communautés indiennes repose : 1. sur la propriété commune des conditions de production ; 2. sur l'adhérence naturelle de l'individu à la tribu ou à la communauté primitive. - La coopération sporadique, dans l'antiquité, au moyen âge, et dans les colonies modernes repose sur la domination directe et la violence, la plupart du temps sur l'esclavage. La coopération capitaliste, par contre, présuppose [l'existence de] l'ouvrier salarié libre. Historiquement, elle apparaît en opposition directe à l'économie paysanne et à l'entreprise artisanale indépendante (corporative ou non) et ainsi comme une forme historique propre au processus de production capitaliste et le distinguant [des autres]. Elle est la première modification que subit le processus de travail, par sa subordination au Capital. Ici, apparaissent aussitôt : 1. le mode de production capitaliste en tant que nécessité historique pour la transformation du processus de travail en processus social, ensuite 2. cette forme sociale de processus de travail en tant que méthode du Capital en vue de l'exploiter d'une façon plus rémunératrice par l'augmentation de ses forces productives, P. 317 [351/26-27].
    La coopération, pour autant qu'elle a été considérée jusqu'ici, sous sa forme simple, coïncide avec la production sur une grande échelle, mais ne constitue pas la forme fixe caractéristique d'une époque particulière de la production capitaliste, et elle subsiste encore aujourd'hui là où le Capital opère sur une grande échelle sans que la division du travail ou le machinisme y jouent un rôle important. Aussi, bien que la coopération [soit] la forme fondamentale de toute la production capitaliste, sa forme simple apparaît elle-même ou en tant que forme particulière à côté de ses formes plus développées. P, 318 [351/27].

 


                               III. Division du travail et manufacture.
    La manufacture, forme classique de la coopération fondée sur la division du travail, prédomine de 1550 à 1770 environ. Elle naît :
1. Soit par la réunion de divers artisans dont chacun effectue une opération partielle (p [ar]- ex [emple] : manufacture de voitures), l'artisan individuel perdant très vite son aptitude à exercer son métier tout entier, mais [n'en devenant] que plus habile dans son métier partiel; le processus est donc transformé en une fragmentation de l'opération globale dans ses diverses parties. P. 318 [352/28].
2. Ou encore un grand nombre d'artisans qui font le même travail ou un travail similaire sont réunis dans la même fabrique et, peu à peu, les diverses opérations, au lieu d'être accomplies successivement par le même ouvrier, sont séparées et accomplies simultanément par des ouvriers différents (aiguilles, etc). Au lieu d'être l'oeuvre d'un artisan, le produit est maintenant l'oeuvre d'une association d'artisans dont chacun n'accomplit qu'une opération partielle. P. 319-320, [353-354/29].
    Dans les deux cas, son résultat est : un mécanisme de production dont les organes sont des hommes. L'exécution [du travail] reste professionnelle; chaque processus partiel traversé par le produit doit être exécutable manuellement, donc toute analyse véritablement scientifique du processus de production est exclue62.Justement, à cause de la nature professionnelle [du travail], chaque ouvrier se trouve enchaîné aussi complètement à une fonction partielle. P. 321 [354/30].

 

    De la sorte, dutravail [est] économisé par rapport à l'artisan, et cela [ce phénomène est] encore accentué par [la] transmission à [la] génération suivante. De la sorte, la division manufacturière du travail correspond à la tendance des sociétés antérieures à rendre les métiers héréditaires : castes, corporations, etc. P. 322 [355-356/30-31].
   Subdivision63 des outils par l'adaptation aux divers travaux partiels : 500 variétés de marteaux à Birmingham. P. 323-324 1357-358/32-331.
______________________________
62 Dans Marx : « Composée ou simple, l'exécution ne cesse de dépendre de la force, de l'habileté, de la promptitude et de la sûreté de main de l'ouvrier dans le maniement de son outil. Le métier reste toujours la base Cette base technique n'admet l'analyse de la besogne à faire que dans des limites très étroites. » (N. T.)

 

63 Marx parle de différenciation et de spécialisation des instruments de travail. (N. T.)

 

    Du point de vue du mécanisme global de la manufacture, cette dernière revêt deux aspects : montage purement mécanique de produits partiels indépendants (montre) ou séries des processus interdépendants dans un atelier (aiguille).
Dans la manufacture, chaque groupe ouvrier fournit à l'autre sa matière première. D'où condition fondamentale : chaque groupe doit fabriquer en un temps donné, une quantité donnée, il en résulte donc une continuité, régularité, uniformité et intensité du travail tout autres [bien supérieures] que dans la coopération elle-même. Ici donc, loi technologique du processus de production : le travail doit être du travail socialement nécessaire.P. 329 [36236].
    L'inégalité du temps nécessaire pour les diverses opérations fait que les différents groupes d'ouvriers sont de force et de grandeur différentes (dans la fonte de caractères d'imprimerie; 4 fondeurs et 2 casseurs pour 1 frotteur). La manufacture crée donc un rapport mathématique ferme pour l'importance quantitative des divers organes de l'ouvrier global, et la production ne peut être étendue qu'à la condition d'embaucher un multiple du groupe global. En outre, le fait de rendre certaines fonctions indépendantes - surveillance, transport des produits de local à local, etc. - ne devient rémunérateur qu'à partir du moment où la production atteint un certain niveau. P. 329-330 [362-363/36-37].
    La liaison de diverses manufactures en une manufacture globale se produit également, mais continue de manquer de la véritable unité technologique, qui ne prend naissance qu'avec la machine. P. 331 [36438].
    De bonne heure, les machines font déjà leur apparition dans la manufacture - sporadiquement - moulin à farine, moulin à bocarder, etc., mais seulement en tant qu'accessoire. La principale machine de la manufacture est l'ouvrier collectif combiné, qui possède une perfection beaucoup plus grande que l'ancien ouvrier individuel routinier, et dans lequel toutes les imperfections, qui sont souvent développées par la nécessité chez l'ouvrier partiel, apparaissent comme une perfection. P. 333 [366/40]. La manufacture développe des différences parmi ces ouvriers partiels, skilled et unskilled64 voire une hiérarchie achevée des ouvriers. P. 334 1366-367,/40-411.
    La division du travail [est] 1. générale (dans agriculture, industrie, navigation, etc.), 2.spéciale (en genres et espèces65) 3. de détail [ou individuelle] (dans l'atelier).Cette division sociale du travail a également des points de départ variés. 1. Au sein de la famille et de la tribu, [on a] une division naturelle du travail d'après le sexe et l'âge, à quoi [s'ajoute] l'esclavage par la violence contre les voisins qui l'étend [qui étend la division du travail]. P. 335 [368-369/41-42]. 2. Diverses communautés, suivant la situation, le climat, le degré de civilisation obtiennent des produits divers et ces derniers sont échangés là où ces communautés entrent en contact. L'échange avec les com-munautés étrangères est, par la suite, pour chaque communauté un des principaux moyens de surmonter sa dépendance à l'égard de la nature par l'approfondissement de la division naturelle du travail. P. 336 [369/42].

 

    La division manufacturière du travail présuppose, d'une part, un certain degré de développement de la division sociale du travail, d'autre part, elle approfondit cette dernière - c'est là la division territoriale du travail. P. 337-338 [370-371/43-44].
___________________________________
64 Qualifié, non qualifié. (N. T.)
65 Artrn und Unternrten : peut se traduire différemment suivant le contexte. Il faut surtout retenir ici l'idée de classification analogue à la clsslification zoologique ou botanique en embranchements, classes. ordres. (N. T.)

 

    Toutefois, [il y al toujours entre la division sociale et [la division] manufacturière du travail, cette différence que la première produit nécessairement des marchandises tandis que dans la seconde l'ouvrier partiel ne produit pas de marchandises66. D'où, dans celle-ci, [la division manufacturière] organisation concentrée67, dans celle-là morcellement et désordre de la concurrence. P. 339-341 [372-374/45-461..
    Sur l'organisation antique de la communauté indienne. P. 341342 [374-376/46-471. La corporation. P. 343-344 [376-377/48]. Tandis que dans toutes [les formations économiques] existe cette division du travail dans la société, la division manufacturière du travail est une création spécifique du mode de production capitaliste.
    Le corps de travail qui fonctionne dans la manufacture, est, comme dans la coopération, une forme d'existence du capital. La force productive résultant de la combinaison des travaux apparaît donc comme force. productive du capital. Mais tandis que la coopération ne modifie en rien le mode de travail de l'individu, la manufacture le révolutionne ; elle estropie l'ouvrier68, incapable d'effectuer une production indépendante, puisqu'il n'est plus qu'un accessoire de l'atelier du capitaliste. Les puissances spirituelles du travail disparaissent du côté du plus grand nombre pour se développer du côté d'un seul [individu]69. C'est la division manufacturière du travail qui oppose les puissances spiri-tuelles du processus du travail aux ouvriers [à qui elles apparaissent] comme [la] propriété d'autrui et [comme des forces] qui les dominent. Ce processus de scission qui commence déjà dans la coopération se développe dans la manufacture, se complète dans la grande industrie, qui sépare la science du travail en tant que puissance productrice indépendante et l'oblige à se mettre au service du capital. P. 346 [379/50].
Passages à l'appui. P. 347 [379-380/51-52].
    La manufacture [qui est] par un côté une organisation déterminée du travail social, n'est, par l'autre côté, qu'une méthode particulière de production de plus-value relative. P. 350 [382383/53]. Signification historique [traitée dans] le même passage.
Obstacles au développement, de la manufacture même pendant sa période classique: limitation du nombre des ouvriers maladroits par la prédominance des [ouvriers] adroits. Le travail des femmes et des enfants se heurte souvent à la résistance des hommes qui se prévalent jusqu'au bout des laws of apprenticeship70 même là où [elles sont] superflues ; insubordination continuelle des ouvriers, car l'ouvrier global ne possède pas encore de squelette indépendant71 des ouvriers [individuels]. - Emigration des ouvriers. P. 353-354 [386-387/55-56].
    En outre, elle [la manufacture] n'était pas en mesure de bouleverser ou seulement de dominer toute la production sociale. Sa base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production créés par elle-même. La machine devenait nécessaire, et la manufacture avait justement appris déjà à la construire. P. 355 [387/56-57].
_________________________________________________________________
66 Marx ajoute « Ce n’est que leur produit collectif qui devient marchandise. » (N.T.)
67 Marx - « La division manufacturière du travail suppose une concentration de moyens de production dans la main du capitaliste. s (N. T.)
68 Au sens figuré, Marx écrit: « Elle estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail en sacrifiant tout un monde de dispositions et d'instincts producteurs. » (N. T.)
69 Formulation un peu différente chez Marx : »Les puissances intellectuelles de la production se développent d'un seul côté parce qu'elles disparaissent sur tous les autres. » (N. T.)
70 Lois sur l'apprentissage. (N. T:)
71 Marx montre que malgré la division des opérations, l'habileté manuelle reste la base de la manufacture. Lé où l'ouvrier est professionnellement adroit, il est insubordonné ; l'ouvrier global que constitue la manufacture n'a pas encore de squelette, c'est-à-dire d'armature mécanique (machines) permettant de plier l'ouvrier. (N. T.)

 


                                      IV. Machinisme et grande-industrie.

                                        

 

TABLE DES MATIERES


NOTE DES EDITEURS......................................................................................................................................3
LE « CAPITAL » DE MARX............................................................................................................................5
EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL ».................................................13
RESUME DU CAPITAL LE PROCES DE LA PRODUCTION DU CAPITAL (LIVRE PREMIER)......15
PREFACE........................................................................................................................................................15
PREMIERE PARTIE LA MARCHANDISE ET L'ARGENT..........................................................................17
I. La marchandise en soi..............................................................................................................................17
II. Procès d'échange de la marchandise.......................................................................................................18
III. La monnaie ou la circulation des marchandises.....................................................................................20
DEUXIEME PARTIE LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL..........................................26
I. Formule générale du capital.................................................................................................................26
II. Contradiction de la formule générale.......................................................................................................28
III. Achat et vente de la force de travail........................................................................................................30
TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE..............................................32
I. Processus de travail et processus de mise en valeur.............................................................................32
II. Capital constant et capital variable.........................................................................................................33
III. Le taux de la plus-value..........................................................................................................................34
IV. La journée de travail..............................................................................................................................35
V. Taux et masse de la plus-value.................................................................................................................37
QUATRIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE..........................................39
I. Notion de la plus-value relative.................................................................................................................39
II. La coopération........................................................................................................................................39
III. Division du travail et manufacture..........................................................................................................42
IV. Machinisme et grande-industrie..............................................................................................................45
V. Nouvelles recherches sur la production de la plus-value.........................................................................51
COMPLÉMENT ET SUPPLEMENT AU IIIE LIVRE DU « CAPITAL »...................................................52
1. LOI DE LA VALEUR ET TAUX DE PROFIT. « PROFIT-RATE »................................................................52
2. LA BOURSE ..................................................................................................................................................62
FRANZ MEHRING : « LE CAPITAL »..........................................................................................................65
I. LES DOULEURS DE L’ENFANTEMENT...............................................................................................................65
II. LE PREMIER LIVRE........................................................................................................................................67
ROSA LUXEMBOURG :..................................................................................................................................76
III. LES DEUXIEME ET TROISIEME LIVRES...........................................................................................................76

NOTE DES EDITEURS

 

������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������

ETUDES SUR LE CAPITAL-Suivi de deux études de - Franz MEHRING - Rosa LUXEMBOURG


  engels_capital  L’ETUDE du Capital de Marx présente certaines difficultés. L'imprévu de la méthode, la profondeur de l'analyse, la multiplicité des points de vue nouveaux déroutent et, parfois, exigent du lecteur non averti un effort certain.
Il est préférable de commencer l'étude de la science marxiste par des ouvrages plus accessibles, mais, même pour ceux qui possèdent les premiers éléments de celle science, la lecture du Capital demande quelque peu de persévérance. Il est déjà possible de la rendre plus aisée, en prenant tout d'abord connaissance des commentaires autorisés que nous devons au cofondateur de la doctrine, à Engels lui-même.
La collection « les Eléments du communisme» se devait de s'efforcer de préparer les étudiants du marxisme à l'élude de son ouvrage essentiel. C'est dans ce but que nous avons réuni en une seule brochure quatre travaux d'Engels se rapportant à l'étude du Capital.
1. L'article « Le Capital de Marx » paru, les 21 et 28 mars 1868, dans le Demokratisches Wochenblatt de Leipzig, qui constitue une magistrale exposition du premier livre du Capital.
2. Un «Extrait de la préface au deuxième livre du Capital», consacré spécialement à la découverte de la plus-value.
3. Le « Résumé du Capital », où Engels, chapitre par chapitre, résume et commente la plus grande partie du livre premier du Capital. La rédaction de ce travail, enrichi de nombreuses notes explicatives, a été effectuée par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine de Moscou.
4. Le «Complément et supplément au troisième livre du Capital »,paru en 1895 dans le Devenir social et qui est introuvable aujourd'hui. Nous en donnons une nouvelle version soigneusément revue et améliorée. Ce travail constitue l'introduclion indispensable à l'étude du troisième livre;

5;vient ensuite une étude sur « La Bourse ». Elle consiste en des remarques complémentaires sur le troisième livre du Capital. Nous donnons ce travail d'après la copie photographique, de l'Institut Marx-En gels-Lénine.
Nous avons cru utile d'ajouter en annexe un extrait de l'ouvrage classique de Franz Mehring : Karl Marx : Geschichte seines Lebens (Karl Marx, histoire de sa vie), où le grand publiciste expose la genèse du Capital et en analyse le premier livre, et quelques passages du méme ouvrage, dus à la plume de Rosa Luxembourg et dans lesquels la célèbre militante avec sa clarté coutumière, nous donne la substance des deuxième et troisième livres du Capital.
Nous avons la conviction que, ainsi composé, ce petit ouvrage pourra rendre de réels services à tous ceux. qui désirent entreprendre l'étude sérieuse du Capital.
Un mot encore. Le «Résumé du Capital» n'a pas été préparé par Engels pour l'impression ; Un travail d'élaboration était donc nécessaire. Nous avons complété les mots abrégés en mettant la partie complémentaire entre crochets [ ]. Nous avons, en plus, donné en notes, in-extenso, maints passages de Marx analysés par Engels.
A la fin de certains paragraphes figurent trois chiffres; le premier indique la pagination de l'édition allemande du Capital dont s'est servi Engels; des deux chiffres entre crochets, le premier indique la pagination de l'édition allemande moderne du Capital (Verlag für Literatur und Politik, Wien-Berlin S. W, 61, 1932), le deuxième se réfère à l'édition française en cours de parution aux Edition s Sociales.
Les notes non signées sont d'Engels.
Les notes des éditeurs sont signées (N. R.), celles du traducteur (N. T. ).

                                                                           LE « CAPITAL » DE MARX

Depuis qu'il y a des capitalistes et des ouvriers dans le monde, il n'est pas paru de livre qui fût de pareille importance pour les ouvriers que celui-ci. Les rapports entre le Capital et le Travail, l'axe autour duquel tourne tout notre système social actuel, y sont pour la première fois développés scientifiquement, et cela avec une profondeur et une netteté possibles seulement à un Allemand. Si précieux que soient et que resteront les écrits d'un Owen, d'un Saint-Simon, d'un Fourier, ïl était réservé à un Allemand d'atteindre la hauteur d'où l'on peut embrasser clairement, d'un seul coup d'oeil le domaine tout entier des rapports sociaux modernes, de même façon qu'apparaissent aux yeux du spectateur, debout sur la plus haute cime, les sites montagneux moins élevés.
L'économie politique nous enseigne jusqu'à maintenant que le travail est la source de toute richesse et la mesure de toutes les valeurs, de telle façon que deux objets dont la production a coûté le même temps de travail ont aussi la même valeur et que des valeurs égales étant généralement seules échangeables entre elles, ils doivent aussi être nécessairement échangés les uns contre les autres.
Mais elle enseigne en même temps qu'il existe une espèce de travail emmagasiné qu'elle appelle capital ; que ce capital grâce aux ressources qu'il renferme, multiplie par cent et par mille la productivité du travail vivant et réclame pour cela une certaine compensation qu'on appelle profit ou bénéfice. Comme nous le savons tous, les choses se présentent en réalité de la façon suivante : les profits du travail mort, accumulé, constituent une masse de plus en plus grande, les capitaux des capitalistes prennent des proportions de plus en plus colossales, alors que le salaire du travail vivant devient de plus en plus infime, et la masse des ouvriers vivant uniquement de salaire de plus en plus nombreuse et de plus en plus pauvre. Comment résoudre cette orientation?
Comment peut-il rester un profit au capitaliste si l'ouvrier reçoit la valeur entière du travail qu'il ajoute à son produit?
Et pourtant, puisque seules des valeurs égales sont échangeables, il devrait bien en être ainsi. D'autre part, comment des valeurs égales peuvent-elles être échangées, comment l'ouvrier peut-il recevoir la valeur entière de son produit, si, comme il est concédé par beaucoup d'économistes, ce produit est partagé entre les capitalistes et lui ?
L'économie reste jusqu'ici perplexe devant cette contradiction,écrit ou balbutie des formules embarrassées et vides. Même les critiques socialistes de l'économie n'ont pas été capables jusqu'ici de faire autre chose que de souligner cette contradiction; aucun ne l'a résolue jusqu'au moment où, enfin, Marx, poursuivant le processus de la formation de ce profit jusqu'à son lieu de naissance, a fait sur le tout la pleine lumière.
    Dans le développement du capital, Marx part du fait simple et notoire que, les capitalistes font valoir leur capital au moyen de l'échange ; ils achètent de la marchandise pour leur argent et la revendent ensuite pour une somme plus élevée qu'elle ne leur a coûté. Un capitaliste achète, par exemple, du coton pour mille thalers et le revend pour 1.100 thalers, « gagnant » ainsi 100 thalers. C'est cet excédent de 100 thalers sur le capital initial que Marx appelle plus-value. D'où provient cette plus-value ?
D'après l'hypothèse des économistes, seules des valeurs égales sont échangeables, et, dans le domaine de la théorie abstraite, la chose est juste aussi. L'achat du coton et sa revente ne peuvent donc pas plus fournir de plus-value que l'échange d'un thaler d'argent contre 30 gros d'argent et un nouvel échange de cette monnaie de compte contre le thaler d'argent, opération où on ne s'enrichit ni on ne s'appauvrit.
Mais la plus-value peut tout aussi peu provenir du fait que les vendeurs vendent les marchandises au-dessus de leur valeur, ou que les acheteurs les achètent au-dessous de leur valeur, car chacun d'eux à son tour étant tantôt acheteur, tantôt vendeur, il y a, par
conséquent, compensation. Cela ne peut pas plus provenir du fait que les acheteurs et les vendeurs s'exploitent réciproquement, car cela ne produirait pas de nouvelle valeur ou plus-value, mais ne ferait, au contraire, que répartir autrement le capital existant entre les capitalistes. Or, bien que le capitaliste achète et revende les marchandises à leur valeur, il en tire plus de valeur qu'il n'y en a mis. Comment cela se produit-il ?
    Dans les conditions sociales actuelles, le capitaliste trouve sur le marché une marchandise qui a cette propriété particulière que sa consommation est une source de nouvelle valeur, crée une nouvelle valeur, et cette marchandise c'est la force da travail.
Qu'est-ce que la valeur de la force de travail? La valeur de chaque marchandise est mesurée par le travail qu'exige sa production. La force de travail existe sous la forme de l'ouvrier vivant qui a besoin, pour vivre, ainsi que pour entretenir sa famille qui assure la persistance de la force de travail aussi après sa mort, d'une somme déterminée de moyens de subsistance. C'est donc le temps de travail nécessaire à la production de ces moyens de subsistance qui représente la valeur de la force de travail. Le capitaliste paye l'ouvrier par semaine et achète ainsi l'emploi de son travail pour une semaine. Messieurs les économistes seront jusque-là assez d'accord avec nous sur la valeur de la force du travail.
A ce moment, le capitaliste met son ouvrier au travail. Dans un temps déterminé, l'ouvrier aura livré autant de travail que son salaire hebdomadaire en représentait.
    A supposer que le salaire hebdomadaire d'un ouvrier représente trois journées de travail, l'ouvrier qui commence le lundi a rendu au capitaliste le mercredi soir la valeur entière du salaire payé. Mais cesse-t-il ensuite de travailler ? Pas du tout. Le capitaliste a acheté son travail pour une semaine, et il faut que l'ouvrier travaille encore les trois derniers jours de la semaine. Ce surtravail de l'ouvrier, au delà du temps nécessaire pour le remplacement de son salaire est la source de la plus-value, du profit, du grossissement toujours croissant du capital.
    Qu'on ne dise pas que c'est une supposition gratuite d'affirmer que l'ouvrier fait sortir de son travail en trois jours le salaire qu'il a reçu et que les trois autres jours il travaille pour le capitaliste. Qu'il ait besoin de juste trois jours pour restituer son salaire, ou de deux, ou de quatre, c'est d'ailleurs ici une chose tout à fait indifférente, et qui varie aussi selon les circonstances ; mais la chose principale, c'est que le capitaliste, à côté du travail qu'il paye, obtient encore du travail qu'il ne paye pas, et il n'y a pas là de supposition arbitraire, car le jour où le capitaliste ne recevrait continuellement de l'ouvrier qu'autant qu'il lui paye en salaire, ce jour-là, il fermerait son atelier, car tout son profit s'envolerait.
    Et voilà que nous avons résolu toutes ces contradictions. La formation de la plus-value (dont le profit du capitaliste constitue une partie importante) est maintenant tout à fait claire et naturelle. La valeur de la force du travail est payée, mais cette valeur est de beaucoup inférieure à celle que le capitaliste sait tirer de la force de travail, et la différence, le travail non payé, constitue précisément la part du capitaliste, ou plus exactement, de la classe capitaliste. Car même le profit que, dans l'exemple cité plus haut, le marchand de coton a tiré de son coton, doit nécessairement consister en travail non payé si les prix du coton n'ont pas augmenté. Il faut que le marchand ait vendu à un fabricant de cotonnades qui, outre ces cent thalers, puisse tirer encore pour soi un bénéfice de sa fabrication, et qui partage par conséquent avec lui le travail non payé qu'il a empoché. C'est ce travail non payé qui, en général, entretient tous les membres de la société ne travaillant pas. C'est avec lui qu'on paye les impôts d'Etat et des communes dans la mesure où ils atteignent la classe capitaliste, les rentes foncières des propriétaires terriens, etc. C'est sur lui que repose tout l'état social existant.
    D'autre part, il serait ridicule de supposer que le travail non payé ne s'est formé que dans les conditions actuelles où la production est le fait d'un côté des capitalistes et de l'autre des salariés. Au contraire, de tout temps la classe opprimée a dû faire du travail non payé. Pendant toute la longue période où l'esclavage fut la forme dominante de l'organisation du travail, les esclaves ont été obligés de travailler beaucoup plus qu'on leur donnait sous forme de moyens de subsistance. Sous la domination du servage et jusqu'à l'abolition de la corvée paysanne, il en fut de même ; et là apparaît même, de façon tangible, la différence entre le temps où le paysan travaille pour sa propre subsistance et celui où il fait du sur6travail pour le seigneur, parce que ces deux formes de travail s'accomplissent de façon séparée.La forme est maintenant différente, mais la chose est restée, et tant qu'

    une partie de la société possède le monopole des moyens de production, le travailleur, libre ou non, est forcé d'ajouter au temps de travail nécessaire à son propre entretien un surplus destiné à produire la subsistance du possesseur des moyens de production.1
___________________
1 Capital, t. 1, p, 231.
                                                                                               II


    Dans l'article précédent, nous avons vu que chaque ouvrier qui est occupé par le capitaliste, fait un double travail : pendant une partie de son temps de travail, il restitue le salaire que lui a avancé le capitaliste, et cette partie de son travail est appelée par Marx le travail nécessaire. Mais ensuite, il doit encore continuer à travailler et produire pendant ce temps la plus-value pour le capitaliste, dont le profit constitue une partie importante. Cette partie du travail s'appelle le surtravail.
    Supposons que l'ouvrier travaille trois jours de la semaine pour restituer son salaire et trois jours pour produire de la plus-value pour le capitaliste. Cela veut dire, en d'autres termes, qu'il travaille, dans une journée de douze heures, six heures par jour pour son salaire et six heures pour créer de la plus-value. Mais on ne peut tirer de la semaine que six jours et même en y ajoutant le dimanche, sept jours seulement, alors que de chaque jour on peut tirer six, huit, dix, douze, quinze et même plus d'heures de travail. L'ouvrier a vendu pour son salaire une journée de travail au capitaliste. Mais qu'est-ce qu'un jour de travail ? Huit heures ou dix-huit ?
    Le capitaliste a intérêt à faire la journée de travail aussi longue que possible. Plus elle est longue, plus elle crée de plus-value. L'ouvrier a le juste sentiment que chaque heure de travail qu'il fait au-delà de la restitution de son salaire, lui est prise de façon illégitime; c'est sur son propre corps qu'il doit sentir ce que cela signifie de travailler un temps trop long. Le capitaliste lutte pour son profit, l'ouvrier pour sa santé, pour quelques heures de repos quotidien, pour pouvoir, en dehors du travail, du sommeil et du manger se manifester encore, en tant qu'homme.
Remarquons en passant qu'il ne dépend pas de la bonne volonté des capitalistes pris isolément qu'ils veuillent ou non s'engager dans cette lutte, car la concurrence contraint le plus philanthrope d'entre eux à se rallier à ses collègues et à faire accomplir une aussi longue journée de travail que ceux-ci.
    La lutte pour cette fixation de la journée de travail date de la première apparition d'ouvriers libres dans l'histoire et dure jusqu'aujourd'hui. Dans diverses industries, règnent des coutumes diverses concernant la journée de travail ; mais, en réalité, elles sont rarement observées.
C'est seulement là où la loi fixe la journée de travail et en contrôle l'observation, c'est là seulement qu'on peut vraiment dire qu'il existe une journée de travail normale. Et jusqu'à maintenant, ce n'est presque le cas que dans les districts industriels d'Angleterre. Là, la journée de travail est fixée à dix heures (10 heures et demie pendant cinq jours et 7 heures et demie le samedi) pour toutes les femmes et pour les garçons de 13 à 18 ans, et comme les hommes ne peuvent travailler sans ces derniers, ils tombent, eux aussi, sous la loi de la journée de dix heures. Cette loi, les ouvriers des fabriques d'Angleterre, l'ont conquise par de longues années de persévérance, par la lutte la plus tenace, la plus obstinée contre les fabricants, par la liberté de la presse, par le droit de coalition et de réunion, ainsi que par l'utilisation habile des divisions au sein de la classe régnante elle-même.
Elle est devenue la sauvegarde des ouvriers anglais, elle a été élargie peu à peu à toutes les grandes branches d'industrie et étendue, l'année dernière, à presque tous les métiers, du moins à tous ceux où sont occupés des femmes et des enfants. Sur l'histoire de cette réglementation légale de la journée de travail en Angleterre, l'ouvrage présent contient une documentation extrêmement détaillée.Le prochain « Reichstag de l'Allemagne du Nord » aura également à discuter une loi industrielle, et, par conséquent, à réglementer le travail dans les fabriques. Nous espérons que pas un des députés qui ont dû leur élection à des ouvriers allemands, n'ira à la discussion de cette loi sans s'être auparavant familiarisé complètement avec le livre de Marx. On peut obtenir beaucoup. Les divisions dans les classes régnantes sont plus favorables aux ouvriers qu'elles le furent jamais en Angleterre, parce que le suffrage universel contraint les classes dominantes à rechercher la faveur des ouvriers. Dans ces circonstances, quatre ou cinq représentants du prolétariat sont une puissance, s'ils savent utiliser leur situation, s'ils savent avant tout de quoi il s'agit; ce que les bourgeois ne savent pas. Et pour cela le livre de Marx leur met en mains la documentation toute prête.

    Nous laisserons de côté une série d'autres recherches très belles d'un intérêt plus théorique et nous nous contenterons d'en venir au chapitre final qui traite de l'accumulation du capital. On y prouve d'abord que la méthode de production capitaliste, c'està-dire, réalisée par des capitalistes d'une part et des salariés d'autre part, non seulement reproduit constamment son capital au capitaliste, mais produit toujours aussi en même temps la misère des ouvriers; de sorte que l'on veille à ce que, d'une façon constante et renouvelée, existent d'un côté des capitalistes qui sont les possesseurs de tous les moyens de subsistance, de toutes les matières premières et de tous les instruments de travail, et, de l'autre côté, la grande masse des ouvriers qui sont contraints de vendre leur force de travail à ces capitalistes pour une certaine quantité de moyens de subsistance, suffisants tout au plus, dans le meilleur des cas, pour les maintenir en état de travailler et pour faire grandir une nouvelle génération de prolétaires aptes au travail.
Mais le capital ne se contente pas d'être reproduit : il est continuellement augmenté et grossi et avec lui, sa puissance sur la classe non possédante des ouvriers. Et de même qu'il est reproduit lui-même dans des proportions de plus en plus grandes, le mode de production capitaliste moderne reproduit également à une échelle toujours plus grande, et en nombre toujours croissant, la classe des ouvriers qui ne possèdent rien.

    L'accumulation du capital reproduit les rapports du capital à une échelle plus large, plus de capitalistes ou de plus gros capitalistes à un pôle, plus d'ouvriers salariés à l'autre... L'accumulation du capital est donc l'augmentation du prolétariat.

    Mais comme pour faire la même quantité de produits, il faut toujours moins d'ouvriers par suite du progrès du machinisme, de l'amélioration de l'agriculture, etc., comme ce perfectionnement, c'est-à-dire, cet excédent d'ouvriers grandit plus rapidement que le capital lui-même, qu'advient-il de ce nombre toujours plus grand d'ouvriers ? Ils forment une armée de réserve industrielle qui, pendant les périodes d'affaires mauvaises ou médiocres, est payée au-dessous de la valeur de son travail et est occupée irrégulièrement ou encore tombe à la charge de l'assistance publique, mais est indispensable à la classe capitaliste pour les moments d'activité particulièrement vive des affaires, comme cela apparaît de façon tangible en Angleterre, mais qui, en tout état de cause, sert à briser la force de résistance des ouvriers occupés régulièrement et à maintenir leurs salaires à un bas niveau.

    Plus la richesse sociale est grande..., plus est grande la surpopulation relative ou l'armée de réserve industrielle. Mais plus cette armée de réserve est grande par rapport à l'armée ouvrière active [occupée régulièrement] et plus massive est la surpopulation consolidée [permanente], c'est-à-dire les couches d'ouvriers dont la misère est en proportion inverse de la peine de leur travail. Plus, enfin, la couche de la classe ouvrière partageant le sort de Lazare et l'armée de réserve industrielle sont grandes, plus est grand le paupérisme officiel. Telle est la loi générale, absolue de l'accumulation capitaliste.

    Telles sont, prouvées d'une façon rigoureusement scientifique - et les économistes officiels se gardent bien de tenter seulement de les réfuter - quelques-unes des lois principales du système social capitaliste moderne. Mais avec cela avons-nous tout dit ? Pas du tout. Avec la même netteté que Marx souligne les mauvais côtés de la production capitaliste, il prouve, de façon aussi claire, que cette forme sociale était nécessaire pour développer les forces productives de la société à un niveau qui permette le même développement vraiment humain pour tous les membres de la société. Toutes les formes sociales antérieures ont été trop pauvres pour cela. Seule, la production capitaliste crée les richesses et les forces de production nécessaires à cette fin, niais elle crée en même temps, avec la masse des ouvriers opprimés, la classe sociale qui, de plus en plus, est contrainte de revendiquer l'utilisation de ces richesses et de ces forces productives pour toute la société et non, comme aujourd'hui, pour une classe monopoliste.
(Demokratisches Wochenblatt, de Leipzig, 21-28 mars 1868.)

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

_______________________________________________________________________________________________________

                                             EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL »


    Vers la fin du siècle dernier, régnait encore, comme chacun sait, la théorie phlogistique, d'après laquelle la nature de toute combustion consistait en ce que du corps en combustion il se détachait un autre corps, un corps hypothétique, une matière combustible absolue à qui on donnait le nom de phlogiston. Cette théorie suffisait à expliquer la plupart des phénomènes chimiques alors connus, non sans toutefois, dans certains cas, faire violence aux faits. Or, voici qu'en 1774, Priestley produisit une espèce d'air « qu'il trouva si pur ou si exempt de phlogiston que, par comparaison, l'air ordinaire paraissait déjà vicié » Il l'appela : air déphlogistisé. Peu dé temps après, Scheele produisit, en Suède, la même espèce d'air et prouva qu'il existait dans l'atmosphère. Il constata également qu'il disparaissait quand on brûle un corps dans son sein ou dans l'air ordinaire. Il l'appela donc « air à feu ».

    De ces résultats, il tira la conclusion que la combinaison qui naît de l'alliance du phlogiston avec un des éléments de l'air [c'est-à-dire dans la combustion], n'était que du feu ou de la chaleur qui s'échappait du verre2.

    Priestley et Scheele avaient tous deux produit l'oxygène, mais sans savoir ce qu'ils avaient sous la main. Ils « ne pouvaient se dégager des catégories « phlogistiques », telles qu'ils les trouvaient établies.» L'élément qui allait renverser toute la conception phlogistique et révolutionner la chimie restait, entre leurs mains, frappé de stérilité.
Mais Priestley avait immédiatement communiqué sa découverte à Lavoisier, à Paris, et celui-ci, partant de ce fait nouveau, soumit à l'investigation toute la chimie phlogistique ; c'est alors qu'il découvrit que la nouvelle sorte d'air était un élément chimique nouveau, que, dans la combustion d'un corps, ce n'est pas le mystérieux phlogiston qui s'échappe, mais bien ce nouvel élément qui se combine avec le corps, et il mit ainsi sur ses pieds toute la chimie qui, sous sa forme phlogistique, était mise à l'envers.
Et s'il n'est pas exact, contrairement à ce qu'il a prétendu par la suite, qu'il ait produit l'oxygène en même temps que Priestley et Scheele et indépendamment d'eux, il n'en reste pas moins celui qui a vraiment découvert l'oxygène par rapport aux deux autres qui l'avaient simplement produit, sans avoir la moindre. idée de ce qu'ils avaient produit.
    Marx est à ses prédécesseurs, quant à la théorie de la plus-value, ce que Lavoisier est à Priestley et à Scheele. Longtemps avant Marx on avait établi l'existence de cette partie de la valeur du produit que nous appelons maintenant plus-value ; on avait également énoncé plus ou moins clairement en quoi elle consiste : à savoir dans le produit du travail pour lequel l'acquéreur ne donne pas d'équivalent.Mais on n'allait pas plus loin. Les uns, les économistes bourgeois classiques, étudiaient tout au plus le rapport suivant lequel le produit du travail est réparti entre l'ouvrier et le possesseur des moyens de production. Les autres, les socialistes, trouvaient cette répartition injuste et cherchaient des moyens utopiques à mettre fin à cette injustice. Ni les uns ni les autres ne réussissaient à se dégager des catégories économiques qu'ils avaient trouvées établies.
    Alors Marx vint. Et il prit le contrepied direct de tous ses prédécesseurs. Là où ceux-ci avaient vu une solution, il ne vit qu'un problème. Il s'aperçut qu'il n'y avait ici ni « air déphlogistisé » ni « air à feu », mais de l'oxygène ; qu'il ne s'agissait ici ni de la simple constationd'un fait économique, ni du conflit de ce fait avec la justice éternelle et la vraie morale, mais d'un fait appelé à bouleverser toute l'économie, et qui, pour la compréhension de toute la production capitaliste, offrait la clef à qui savait s'en servir. Partant de ce fait, il examina toutes les catégories existantes, de même que Lavoisier partant de l'oxygène, avait examiné les catégories existantes de la chimie phlogistique.

______________

2 ROSCOE-SCHORLEMMER : Manuel complet de chimie, Brunswick, 1877 I, p. 3-18 (Note d'Engels.)
 ____________________________________________________________________________________________________

_____________________________________________________________________________________________________


                                                 RESUME DU CAPITAL

                      Le procès de la production du capital (Livre Premier)


Préface à l'édition allemande

CINQUANTE années se sont écoulées depuis la mort de Karl Marx. Alors que cette période a suffi pour faire sombrer dans l'oubli total les oeuvres d'écrivains fort connus de leurs contemporains elle n'a été pour le Capital de Karl Marx qu'une marche triomphale, à travers le monde entier. Le résumé de cette oeuvre par Engels, que nous pouvons pour la première fois faire lire en langue allemande au prolétariat allemand, revêt donc, pour cette raison, une importance particulière.
Engels entreprit ce travail quand, à la demande de Marx, il écrivit pour la Fortnightly Review, revue libérale de gauche paraissant à Londres, un article sur le premier tome du Capital. Mais le rédacteur de la Fortnightly Review, renvoya à l'auteur la première partie de l'article, et Engels cessa d'y travailler.
Engels qui préparait son travail avec beaucoup de soin, avait commencé suivant en cela les directives précises de Marx par prendre des extraits du Capital ; le résumé que nous publions aujourd'hui en est le résultat.
Le 17 avril 1868, Engels écrivait à Marx

    Avec le temps limité dont je dispose, la dissection de ton livre me donne plus d'ouvrage que je ne le prévoyais ; car enfin3, une fois qu'on s'attelle à ce travail il faut au moins le faire à fond et pas seulement en vue de cet objectif spécial.

    Ce travail, Engels l'a effectué vraisemblablement dans la première moitié de l'année 1868 il n'a pas dépassé la quatrième partie. la Production de la plus-value relative, chapitre XIII : « Machinisme et grande industrie », sous-chapitre 6. Le résumé n'a pas été achevé Cependant, même sous cette forme, il rendra de précieux services au prolétariat, car, il résume magistralement en termes propres, les idées fondamentales du Capital. Engels nous montre la voie à suivre pour se pénétrer des enseignements du Capital. Aussi, le résumé sera-t-il un guide important dans l'étude de l'économie politique marxiste.

    Ce travail est, par endroits, difficile à comprendre. C'est qu'il n'est pas destiné à remplacer l'étude préalable d'oeuvres économiques marxistes élémentaires comme Travail salarié et capital , Salaires, prix et profits, comme les parties économique de l'article sur Karl Marx de Lénine et de l'Anti-Dahring d'Engels ; il doit seulement permettre au lecteur prolétarien de passer de l'étude de ces ouvrages, facilement compréhensibles, à celle du Capital.

    Seul Engels, le génial collaborateur de Marx, co-fondateur du matérialisme historique et du communisme scientifique, qui a lui-même exploré le domaine de l'économie politique, pouvait, dans son résumé, restituer le contenu du Capital sous une forme aussi claire et aussi condensée. Son art de la popularisation repose sur une maîtrise absolue de la méthode du màtérialisme dialectique. Le résumé est un modèle de recherche et
______________________________
3 En français dans le texte (N.T.)


d'exposition matérialistes. Les catégories économiques sont montrées dans leur développement historique. Engels n'a omis, dans son résumé aucune des transitions révélées par le Capital. Alors que les falsificateurs idéalistes du marxisme contestent la base matérielle qui sert d'assise aux catégories marxistes de l'économie politique, Engels, matérialiste, part toujours des conditions de production. Voilà pourquoi son résumé est une arme contre la déformation menchévik de l'économie marxiste dans le sens idéaliste.

    Le résumé est centré sur la théorie de la plus-value. Quand, en 1884, Deville fit paraître en France l'abrégé populaire du Capital, Engels lui reprocha, en particulier, d'y avoir mis des choses «inutiles pour l'intelligence de la théorie de la plus-value et de ses conséquences (et c'est cela justement qui importe pour un abrégé populaire) ». Engels étudie avec une attention particulière les lois de la production de la plus-value, car la production de plus-value, l'exploitation des ouvriers, éveille dans le prolétariat les forces de l'indignation, de la révolte. Par ailleurs, la production de plus-value aboutît à un tel épanouissement des forces productives que le cadre du mode de production capitaliste devient trop étroit, que le renversement de la bourgeoisie, l'instauration de la dictature prolétarienne, l’édîfication du socialisme deviennent possibles et néssaires.
    C'est dans la façon dont Engels met la production de la plus-value au centre de son travail qu'en apparaît le caractère rêvolutionnaire. Il traite des contradictions économiques de la production des marchandises, depuis la contradiction entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, jusqu'à sa forme la plus élevée dans le capitalisme.
Dans la contradiction économique, il découvre la contradiction de classe il montre les classes en tant que supports des contradictions économiques. Soit par des citations de Marx, soit par des formulations personnelles, Engels met justement en relief le côté révolutionnaire et « révolutionnarisant » du capitalisme :

    La plus-value est le surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Le capital ne se soucie donc nullement de la santé et de la vie de l'ouvrier, à moins d'y être forcé par la société.

Engels souligne que

    devant les ouvriers se dressent les puissances spirituelles du processus de travail en tant que propriété étrangère et force qui les domine.

    Combien lamentables paraissent à côté du résumé d'Engels les innombrables tentatives faites par les économistes bourgeois et social-démocrates (Kautsky, Borchardt, etc.) pour populariser et abréger le Capital, c'est-à-dire pour le vulgariser - au pire sens du mot - et le falsifier.

    II est regrettable qu'Engels n'ait pu terminer son travail. Cependant, même sous cette forme inachevée, il sera pour le lecteur un guide indispensable à travers le Capital.

    Le texte a été établi sur la base d'une vérification minutieuse du texte original, d'après les copies photographiques qui se trouvent à l'Institut Marx-Engels-Lénine. Nos additions, qui se bornent essentiellement à l'explication de mots étrangers, ont été placées entre crochets. Les indications paginales données par Engels se rapportent à la première édition allemande du Capital, tome I, Editions Otto Meissner ;les chiffres ajoutés entre crochets se rapportent à l'édition établie par les soins de l'Institut Marx-Engels-Lénine.
L'édition du résumé que nous publions aujourd'hui a été préparée par Horst Frochlich. INSTITUT MARX-ENGELS-LÉNINE.

                           LIVRE PREMIER

                              Le procés de la production du capital

                                                          PREMIERE PARTIE

                                                LA MARCHANDISE ET L'ARGENT


I. La marchandise en soi

La richesse des sociétés dans lesquelles règne la production capitaliste consiste, en marchandises. La marchandise est une chose qui possède une valeur d'usage ; cette dernière existe dans toutes les formes sociales, mais, dans la société capitaliste, la valeur d'usage est en même temps le support matériel de la valeur d'échange.

    La valeur d'échange présuppose un tertium comparationis4 auquel elle est mesurée : le travail, la substance sociale commune des valeurs d'échange, plus précisément le temps de travail socialement nécessaire qui y est matérialisé.

    De même que la marchandise [revêt] un double aspect valeur d'usage et valeur d'échange, de même, le travail contenu en elle [est] doublement déterminé: d'une part comme activité productive déterminée, travail du tisserand, du tailleur, etc., « travail utile », d'autre part, comme simple dépense de force de travail humaine, travail cristallisé, abstrait. Le premier produit de la valeur d'usage, le second de la valeur d'échange ; seul, ce dernier est quantitativement comparable (la distinction entre travail skilled [qualité] et unskilled [non qualifié], travail composé et travail simple, le confirme).

    [La] substance de la valeur d'échange [est] donc le travail abstrait. Sa grandeur [se mesure] au temps employé. [Reste] encore à considérer la forme de la valeur d'échange.

    1. x marchandise A = y marchandise B, la valeur d'une marchandise exprimée en valeur d'usage d'une autre [marchandise] est sa5 valeur relative. L'expression de l'équivalence de deux marchandises est la forme simple de la valeur relative. Dans l'équation ci-dessus, y marchandise B est l'équivalent. En lui, x marchandise A reçoit sa forme valeur par opposition à sa6 forme naturelle, alors que y marchandise B reçoit en même temps, dans sa propre forme naturelle, la propriété de pouvoir être directement échangé.
La valeur d'échange est imprimée à la valeur d'usage de la marchandise par des conditions historiques déterminées. Elle ne peut donc l'exprimer dans sa propre valeur d'usage, mais seulement dans la valeur d'usage d'une autre marchandise. C'est seulement dans la mise en égalité de deux produits concrets du travail que le travail concret contenu dans l'un et dans l'autre révèle sa qualité de travail humain abstrait ; c'est-à-dire qu'une marchandise peut se comporter comme simple matérialisation de travail abstrait, non pas envers le travail concret contenu en elle-même, mais envers le travail concret contenu dans une autre espèce de marchandise.
    L'équation x marchandise A = y marchandise B implique. nécessairement que x marchandise A puisse être également exprimé dans d'autres marchandises, donc :
    2. x marchandise A = y marchandise B = z marchandise C =v mimarchandise D = u marchandise E . etc., etc.
C'est là la forme développée de la valeur relative. Ici, x marchandise A, en tant que simple matérialisation du travail qui y est contenu, ne se rapporte plus à une marchandise, mais à toutes. Mais par simple inversion, elle conduit à

4 Terme de comparaison. (N. T.)
5 Se rapporte à l'expression « x marchandise A,». (N. R.)
6 Se rapporte au- mot « marchandise ». (N. R.)
3. la deuxième forme, réfléchie, de la valeur relative.
y marchandise B = x marchandise A
z marchandise C = x marchandise A
v marchandise D = x marchandise A
u marchandise E = x marchandise A
etc., etc.
   Ici, les marchandises reçoivent la forme de valeur relative générate, dans laquelle, en tant que marchandiises, elles s’abstraient de leur valeur d'usage pour s'identifier, en tant que matérialisation du travail abstrait, dans [l’expression] x marchandise A. L'expression x marchandise A est la forme générique de l'équivalent pour toutes les autres marchandises, elle est leur équivalent général; le travail qui y est matérialisé vaut simplement comme réalisation de travail abstrait, comme travail général. Mais maintenant :
4. Chaque marchandise de la série peut prendre le rôle d'équivalent général; mais, simultanément, elles ne peuvent prendre [pour équivalent général] qu'une des marchandises [de la série] car si toutes les marchandises étaient des équivalents généraux, chacune en exclurait l'autre à nouveau.
La forme 3 n'est pas engendrée par x marchandise A, mais par les autres marchandises, objectivement. Il faut donc qu'une marchandise déterminée prenne le rôle [d'équivalent général] - elle peut changer pour l'instant - et c'est par là seulement que la marchandise devient intégralement marchandise. Cette marchandise particulière avec la forme naturelle [de laquelle] se confond la forme de l'équivalent général, est l'argent.
La difficulté de la marchandise réside en ce que, comme toutes les catégories du mode de production capitaliste, elle représente sous une enveloppe matérielle un rapport entre individus. Les producteurs rapportent leurs divers travaux les uns aux autres comme travail humain général, tandis qu'ils rapportent leurs produits entre eux en tant que marchandises, sans l'entremise des choses ils ne sauraient y parvenir. Le rapport entre les individus apparaît donc comme un rapport entre les choses.
Pour une société où prédomine la production des marchandises, le christianisme, [et plus] spécialement le protestantisme, [est] la religion appropriée.


II. Procès d'échange de la marchandise.

DANS l'échange, la marchandise démontre qu'elle est marchandise. Les possesseurs de deux marchandises doivent avoir la volonté d'échanger leurs marchandises resp[ectives] et, par conséquent, se reconnattre mutuellement la qualité de propriétaires privés. Ce rapport juridique, dont la forme est le contrat, n'est que le rapport de volontés, dans lequel se reflète le rapport économique. Le contenu de ce rapport [de droit et de volontés] est donné par le rapport économique même, P. 45 (90/95).

    La marchandise est valeur d'usage pour celui qui ne la possède pas, elle n'est pas valeur d'usage pour son possesseur7. D'où le besoin d'échange. Mais chaque possesseur de marchandise veut acquérir des valeurs d'usage qui lui soient spécifiquement utiles - en ce sens l'échange est un processus individuel. Par ailleurs, il veut réaliser sa marchandise comme valeur, par conséquent dans n'importe quelle marchandise, que sa [propre] marchandise soit ou non valeur d'usage pour le possesseur de l'autre marchandise. En ce sens, l'échange est pour lui un processus social général. Mais le même processus ne peut pas être pour tous les propriétaires de marchandises à la fois individuel et social général.Chaque possesseur de marchandise considère sa [propre] marchandise comme l'équivalent général, et toutes les autres marchandises comme autant d'équivalents particuliers de la sienne. Comme tous les possesseurs de marchandises font de même, aucune marchandise n'est équivalent général : par suite, aucune marchandise ne revêt la forme générale de valeur relative, dans laquelle toutes les valeurs s'égaleraient et pourraient être comparées comme grandeurs de valeurs. Elles ne se rapportent donc pas les unes aux autres comme marchandises, mais seulement comme produits. P. 47 [92/97].

_________________

7 Engels emploie les mots de non-possesseur et non-valeur d'usage et dit littéralement : « La marchandise est valeur d'usage pour son non-possesseur, elle est non-valeur d'usage pour son possesseur. « (N. T.)

    Les marchandises ne peuvent se rapporter les unes aux autres comme valeurs, et par suite comme marchandises, que si elles se rapportent toutes à une autre marchandise quelconque comme équivalent général. Mais seul le fait social peut muer une marchandise déterminée en équivalent général : l'argent.

    La contradiction immanente de la marchandise en tant qu'unité directe de valeur d'usage et valeur d'échange, en tant que produit du travail privé utile... et en tant que matérialisation directe et sociale de travail humain abstrait, cette contradiction n'a pas de cesse avant d'avoir abouti au dédoublement de la marchandise en marchandise et argent. P. 48 [92-93/97].

    Toutes les autres marchandises n'étant que des équivalents particuliers de l'argent et celui-ci étant leur équivalent général, elles se comportent comme marchandises particulières à l'égard de l'argent, marchandise générale. Le processus d'échange donne à la marchandise qu'il transforme en argent non pas sa valeur, mais sa forme-valeur. P. 53 [97-98/100.
Fétichisme : une marchandise ne semble pas devenir argent parce que les autres marchandises expriment en elle leurs valeurs, mais ces dernières semblent au contraire exprimer leurs valeurs en elle parce qu'elle est argent.

III. La monnaie ou la circulation des marchandises.


                                     A. Mesure des valeurs (or = monnaie supposée).8


    LA monnaie comme mesure de la valeur est la forme sous laquelle se manifeste nécessairement la mesure de la valeur immanente des marchandises : le temps de travail. La simple expression de la valeur relative de la marchandise en argent, x marchandise A = y argent, est son prix. P. 55 [99-100/105].
Le prix de la marchandise, sa forme argent, est exprimé en monnaie idéale ; c'est donc seulement l'argent idéal qui mesure les valeurs. P. 57 {101/105].

   Une fois réalisée la transformation de la valeur en prix, il devient techniquement nécessaire de développer davantage encore la mesure des valeurs pour aboutir à l'étalon des prix ; c'est-à-dire qu'une quantité d'or est fixée qui sert de mesure aux diverses [autres] quantités d'or. Le tout est essentiellement distinct de la mesure des valeurs qui, elle-même, dépend de la valeur de l'or ; quant à cette dernière, elle est indifférente pour la mesure des prix. P, 59 [l05-106/108].
Les prix étant formulés en appellations arithmétiques de l'or9, l'argent sert [alors] de monnaie de compte.
Si le prix, comme exposant de la grandeur de valeur de la marchandise est l'exposant de son rapport d'échange avec la monnaie, il ne s'ensuit pas réciproquement que l'exposant du rapport d'échange avec la monnaie soit nécessairement le rapport de sa grandeur de valeur.
    En supposant que des circonstances permettent ou imposent de vendre une marchandise au dessus ou au-dessous de sa valeur, ces prix de vente, s'ils ne correspondent pas à sa valeur, n'en sont pas moins le prix de la marchandise, car ils sont :
1. la forme de sa valeur, l'argent, et
2. les exposants de ses rapports d'échange avec l'argent.
La possibilité de désaccord quantitatif entre le prix et la grandeur de valeur est donc donnée dans la forme prix elle-même. Cela ne constitue pas une défectuosité de cette forme ; celle-ci devient au contraire ainsi la forme adéquate d'un mode de production où la règle ne peut prévaloir qu'en tant que loi moyenne, à l'action aveugle, de l'irrégularité.
La forme prix peut ce[pendant aussi] dissimuler [une] contradiction qualitative, de sorte que le prix cesse, d'une façon générale, d'être expression de valeur... La conscience, l'honneur, etc., peuvent... par leur prix acquérir la forme marchandise. P. 60-61 [107/112].
La mesure des valeurs en argent, la forme prix, implique la nécessité de l'aliénation [vente] ; la mesure idéale des prix [implique] la [mesure] réelle. D'où la circulation.
                                                  B. Moyens de circulation.
                                                      a) La métamorphose des marchandises.


Forme simple : M-A-M (marchandise-argent-marchandise), dont le contenu matériel =M-M. Abandon de valeur d'échange, appropriation de valeur d'usage.

___________

8 Le texte de Marx dit, plus clairement : « Dans un but de simplification, nous supposons que l'or est la marchandise qui remplit les fonctions de monnaie. » (N. T.)

2. C'est-à-dire en noms monétaires ; livre, franc, ducat... (N, T.)

1. Première phase : M-A = vente, avec deux éventualités :celle de la non-réussite [de la vente] ou celle de la vente au-dessous de la valeur ou au-dessous du prix de revient, si la valeur sociale de la marchandise se modifie.

    La division du travail transforme le produit du travail en marchandise et nécessite par cela même sa transformation en argent.
En même temps elle remet au hasard la réussite de cette trans-substantiation. P. 60-67 [111-113/115-116]. Pour considérer ici le phénomène en lui-même, M-A présuppose que le possesseur de l’A (au cas où il n'est pas producteur d'or) a auparavant échangé d'autres M contre son A (la possession de l'A résulte pour lui de la vente antérieure d'autres M) : pour l'acheteur, le phénomène n'est donc pas seulement l'inverse = A-M, mais [encore] il présuppose de sa part une vente antérieure, etc., de sorte que nous nous trouvons dans une série infinie d'achats et de ventes.

   2 . La même chose se produit dans la deuxième phase, A-M. Achat, qui est en même temps une vente pour l'autre participant.
3. Le processus d'ensemble est donc un cycle d'achats et de ventes. Circulation des marchandises.
Cette dernière [est] toute différente de l'échange direct des produits ; d'une part les limites locales et individuelles de l'échange direct des produits sont brisées, la permutation du travail humain [est]développée ; d'autre part, il apparaît ici déjà que tout le processus est conditionné par des rapports naturels sociaux indépendants des personnes qui interviennent dans ces opérations. P. 72 [117/120].
L'échange simple s'est éteint dans le seul acte d'échange au cours duquel chacun [des partenaires] a échangé de la non-valeur d'usage pour de la valeur d'usage ; [mais] la circulation continue indéfiniment.

    P. 73 [118/121]. Voici un dogme économique faux : La circulation des marchandises exigerait nécessairement l'équilibre des achats et des ventes, chaque achat étant vente et vice-versa - ce qui reviendrait à dire que chaque vendeur amène son [propre] acheteur sur le marché.
1. L'achat et la vente constituent d'une part, un acte identique de deux personnes polariquement opposées, d'autre part, deux actes polariquement opposés d'une [même] personne. L'identité entre l'achat et la vente implique donc que la marchandise est inutile, quand elle n'est pas vendue, donc aussi que cette éventualité peut survenir.
2. M-A en tant que processus partiel est en même temps, un processus indépendant et implique que l'acquéreur de l'A peut choisir le moment où il transformera à nouveau cet A en M. Il peut attendre. L'unité intérieure des processus indépendants, M-A et A-M se meut, justement du fait de l'indépendance de ces processus, dans des contradictions extérieures, et lorsque la tendance qu'ont ces processus dépendants à devenir indépendants atteint une certaine limite, l'unité s'impose par une crise, dont la possibilité [est] par conséquent donnée ici même. En tant qu'intermédiaire de la circulation des marchandises, la monnaie est moyen de circulation.


                                                     b) Mouvement de la monnaie.
Chaque marchandise individuelle entre et sort de la circulation par l'intermédiaire de la monnaie ; la monnaie, elle, y reste toujours. Bien que, par suite, le mouvement de la monnaie ne soit que l'expression de la circulation des marchandises, cette dernière n'en apparaît pas moins comme le résultat du mouvement de la monnaie. Comme l'argent reste constamment dans la sphère de la circulation, la question se pose de la quantité d'argent qui y est contenue.
______________________________________________
10 Lettres grecques dans le texte d'Engels. (N. R.)

     La masse de l'argent circulant est déterminée par la somme des prix des marchandises (pour une valeur constante de la monnaie), et cette somme des prix par la masse des marchandises en circulation. Cette masse de marchandises étant supposée donnée, la masse de l'argent circulant varie avec les fluctuations de prix des marchandises. La même pièce de monnaie servant à la conclusion d'un certain nombre d'affaires dans un temps donné, on a pour un laps de temps déterminé :
somme des prix des marchandises par nombre de cycles d'une pièce de monnaie=masse de la monnaie fonctionnant comme moyen de circulation. P. 80 [125/126].

     Par suite, le papier-monnaie peut évincer l'or quand il est jeté dans une circulation saturée.
    Comme dans le mouvement de la monnaie n'apparaît que le processus de circulation des marchandises, la rapidité de ce mouvement révèle aussi celle de ses métamorphoses [les métamorphoses de la circulation des marchandises], son ralentissement [révèle] la séparation entre l'achat et la vente, le ralentissement des échanges sociaux. La circulation ne nous indique pas la cause de ce ralentissement; elle ne nous montre que le phénomène. Le philistin l'explique par la quantité insuffisante de moyens de circulation. P. 81 [125-126/126-127].
Ergo1:
1. Les prix des marchandises restant constants, la masse de la monnaie circulante augmente quand augmente la masse des marchandises en circulation ou que se ralentit le mouvement de la monnaie; et elle diminue vice versa [quand la masse des marchandises en circulation diminue ou que le mouvement de la monnaie s'accélère].

   2. Les prix des marchandises subissant une hausse générale, la masse de la monnaie circulante reste constante si la masse des marchandises diminue ou si la rapidité de la circulation augmente dans la même mesure.

    3. Les prix des marchandises subissant une baisse générale, - inverse de 2.
    Dans l'ensemble, on trouve une moyenne assez constante à laquelle seules les crises pour ainsi dire font subir des perturbations importantes.
                                                        c) Numéraire. Signe de valeur.


    L'étalon des prix est fixé par l'Etat, de même que l'appellation donnée à la pièce d'or déterminée - le numéraire et sa fabrication. Sur le marché mondial, les uniformes nationaux respectifs sont retirés (il est fait abstraction ici du trésor accumulé de la Monnaie), de sorte que le numéraire et les lingots12 ne se distinguent que par la forme.
- Mais la monnaie s'use dans la circulation, l'or en tant que moyen de circulation se différencie de l'or en tant qu'étalon des prix; le numéraire devient de plus en plus [le] symbole de son contenu officiel.

    Par là se trouve donnée d'une façon latente la possibilité de remplacer l'argent métallique par des jetons ou des symboles. D'où :
1. Monnaie divisionnaire de cuivre ou d'argent, dont la fixation par rapport à la monnaie or réelle est empêchée par la limitation de la quantité dans laquelle elle constitue un legal tender13. Son contenu purement arbitraire [est] fixé par la loi et sa fonction du numéraire devient ainsi indépendante de sa valeur. D'où le progrès possible vers des signes absolument sans valeur.
2. Papier-monnaie, c'est-à-dire papier-monnaie d'Etat avec cours forcé (la monnaie de crédit ne sera pas encore traitée ici). Dans la mesure où ce papier-monnaie circule réellement à la place de la monnaie d'or, il est soumis aux lois de la circulation monétaire. Seul, le rapport dans lequel ce papier remplace l'or peut faire l'objet d'une loi spéciale, à savoir: l'émission de papier-monnaie doit être limitée à la quantité dans laquelle l'or qu'il symbolise circulerait réellement14. Il est vrai que le degré de saturation de la circulation oscille, mais partout l'expérience fait apparattre un minimum au-dessous duquel il ne tombe jamais. Ce minimum peut être émis. En outre, quand le degré de saturation s'abaisse au minimum, une partie [du papier-monnaie] devient immlédiatement superflue. En pareil cas, la quantité totale de papier au sein du monde des marchandises ne symbolise cependant que la quantité d'or déterminée par ses lois immanentes, donc seule capable d'être symbolisée15. [Si] donc la masse de papier [constitue] le double de la masse d'or absorbée, chaque morceau de papier se déprécie [et tombe] à la moitié de sa valeur nominale. Tout comme si l'or avait subi une modification dans sa fonction de mesure des prix, dans sa valeur. P. 89 (133/133-134).

______________
11 Donc. (N.T.)
12 L'or monnayé et l'or en barres. (N. T.)
13 Moyen de paiement légal. (N. R.)


          C. La monnaie ou l'argent-monnaie.
                                                            a) La thésaurisation.


    Avec le premier développement de la circulation des marchandises se développe la nécessité et la passion de retenir le produit de M-A, l'A. Au lieu de servir simplement d'intermédiairé des échanges, cette métamorphose devient un but en elle-même. L'argent se pétrifie, devient trésor, et le vendeur se change en thésauriseur. P. 91 [135-136/135-136].

    Cette forme prédominante [prédomine] justement aux débuts de la circulation des marchandises. Asie. Avec le développement de la circulation des marchandises, chaque producteur de marchandises doit s'assurer le nervus rerum16, le gage social de la force, l'A Ainsi se constituent partout des hoards17.Le développement de la circulation des marchandises augmente la puissance de la monnaie, forme toujours disponible et absolument sociale de la richesse. P. 92 [1.36-137/136-138]. L'instinct de thésaurisation est par essence illimité. Au point de vue de la qualité ou de forme, la monnaie n'a point de limites et reste le représentant général de la richesse matérielle, parce qu'elle peut directement se transformer en n'importe quelle marchandise. Mais au point de vue de la quantité, toute somme réelle est limitée et n'a donc, comme moyen d'achat, qu'une action limitée. Cette contradiction ramène sans cesse le thésauriseur à son travail de Sisyphe de l'accumulation.

    A côté de cela, l'accumulation d'or et d'argent en plate18, [constitue] à la fois [un] nouveau marché pour ces métaux, et [une] source latente de monnaie.

    La thésaurisation sert de canal abducteur et adducteur de l'argent circulant dans les oscillations permanentes du degré de saturation de la circulation. P. 93 [139-140/139].

____________
14 Dans le texte de Marx « L'émission du papier-monnaie doit être proportionnée à la quantité d'or (ou d'argent) dont il est le symbole et qui devrait réellement circuler. » (N T)
15 Dans le texte de Marx : Le papier-monnaie n'est donc signe de valeur qu'autant qu'il représente des quantités d'or qui, comme toutes les autres quantités de marchandises, sont aussi des quantités de valeur. » (N. T.)
16 Le nerf des choses. (N. T.)
17 Trésors. (N. T.)
18 Objets précieux..(N. T.)


                                                          b) Moyen de paiement.
    Le développement de la circulation des marchandises fait surgir de nouvelles, conditions: l'aliénation de la marchandise peut être séparée chronologiquement de la réalisation de son prix.
La production des diverses marchandises nécessite des durées diverses; elles sont fabriquées à des saisons différentes; maintes marchandises doivent, être expédiées vers des marchés lointains, etc. X19 peut donc être vendeur avant que Y, l'acheteur, soit solvable. La pratique règle les conditions de paiement de la façon suivante : X devient créancier, Y débiteur, l'argent devient moyen de paiement. Le rapport entre le créancier et le débiteur est donc d'ores et déjà antagoniste. (Il peut en être ainsi indépendamment de la circulation des marchandises, par exemple dans l'antiquité et au moyen âge.) P. 97 -[140-141/1140-141].

    Dans ce rapport, l'argent fonctionne :
1. comme mesure de valeur pour la détermination des prix des marchandises vendues;
2. comme moyen d'achat idéal.
En tant que trésor, A avait été soustrait à la circulation ici, en tant que moyen de paiement20, A entre dans la circulation, mais seulement quand M en est sortie. L'acheteur-débiteur vend pour pouvoir payer, sous peine d'être saisi. A devient donc maintent le but même de la vente, par une nécessité sociale découlant des conditions mêmes de la circulation. P. 97-98 [141-142/141].

    La non-simultanéité des achats et des ventes, qui donne naissance à la fonction de l'argent comme moyen de paiement, apporte21, en même temps, une économie de moyens de circulation, la concentration des paiements en un endroit déterminé.
(Virements à Lyon, au moyen àge, espèce de clearing house où seul [était] payé le solde des créances réciproques. P. 98 [;143/ 142].

    Tant que les paiements se balancent, la monnaie ne fonctionne, que d'une manière idéale comme monnaie de compte ou mesure de valeur. Dès qu'il faut effectuer des paiements réels, elle ne se présente plus comme moyen de circulation, comme simple forme éphémère servant d'intermédiaire aux échanges; elle devient l'incarnation individuelle du travail social, la réalisation indépendante de la valeur d'échange, une marchandise absolue. Cette contradiction directe éclate, lors des crises industrielles et commerciales, au moment qui s'appelle la crise monétaire. Elle ne se produit que là, où se sont complètement développés l'enchaînement progressif des paiements et un système artificiel d'équilibre entre eux. Ce mécanisme subit-il, pour une raison quelconque, des perturbations d'ordre général, la monnaie renonce brusquement et sans transition à sa forme idéale de monnaie de compte pour devenir espèces sonnantes et trébuchantes. Elle ne peut plus être remplacée par des marchandises vulgaires. P. 99 [143-144/143].

    La monnaie de crédit résulte de la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, les certificats de dettes circulent à leur tour et déplacent les créances. Avec le système de crédit s'étend à nouveau la fonction de la monnaie comme moyen de paiement, comme telle elle acquiert des formes d'existence propres, dans lesquelles elle hante la sphère des grandes transactions commerciales, tandis que la monnaie [métallique] est surtout refoulée dans la sphère du commerce de détail. P. 101, [145/144-145].

    Quand la production de marchandises atteint un certain niveau et une certaine étendue, la fonction de la monnaie-moyen de paiement dépasse la sphère de la circulation des marchandises, elle devient la marchandise générale des contrats. De versement en nature, les rentes, impôts, etc., se transforment en versement d'argent. Voir la France de Louis XIV (Boisguillebert et Vauban), par contre l'Asie, la Turquie, le Japon, etc. P. 102 [146/145].

    La transformation de l'argent en moyen de paiement exige - une accumulation d'argent pour les jours d'échéance - la thésaurisation qui disparaît dans le développement social continu comme forme indépendante d'enrichissement, reparaît à nouveau comme fonds de réserve des moyens de paiement. P. 103 [148/147].

_____________________________________________

19 Dans le texte d'Engels l’acheteur et le vendeur sont désignés par A et B. Nous avons remplacé par X et Y pour éviter la confusion avec l'argent A (G. en allemand) (N. T.)
20 Marx écrit : « Le moyen de circulation s'est transformé en trésor, parce que le mouvement de la circulation s'était arrêté à sa première moitié. Le moyen de paiement entre dans la circulation, mais seulement après que la marchandise en est sortie » (N. T.)
21 Dans le manuscrit d'Engels.: donnent et apportent. (N- T.)


                                                                               c) La monnaie universelle.
Dans la circulation universelle, les formes locales du numéraire, de la monnaie divisionnaire, des signes de valeur se dépouillent et seule la forme de l'argent [métal] en barres sert de monnaie universelle. C'est seulement sur le marché mondial que la monnaie fonctionne pleinement comme la marchandise dont la forme naturelle est, en même temps, la réalisation sociale immédiate du travail humain in abstracto22. Sa manière d'être devient adéquate à son concept. P. 103-104 (Détails, 105) [148. Détails149-151/147-150].
__________________
22 En général. (N.. T.)

 

   DEUXIEME PARTIE

 

                     LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL
                                           I. Formule générale du capital.

 


    La circulation des marchandises est le point de départ du capital. La production des marchandises, leur circulation et son développement, le commerce, sont donc partout les facteurs historiques qui font naître le capital. C'est de la création du commerce moderne et du marché mondial au XVIe siècle que date l'histoire moderne du capital. P. 106 (153/151).

 

    Pour ne considérer que les formes économiques engendrées par la circulation des marchandises, [nous constatons que] son dernier produit est l'argent et c'est là la première forme d'apparition du capital. Historiquement, le capital se dresse toujours en face de la propriété foncière sous forme de fortune monétaire, de capital marchand ou de capital usuraire, et, actuellement encore, tout nouveau capital entre en scène sous forme d'argent qui doit se transformer en capital au moyen de processus déterminés.

 

    L'argent en tant qu'argent et l'argent en tant que capital ne se distinguent tout d'abord que par la forme de leur circulation. A côté de M-A-M survient également la forme A-M-A, acheter pour vendre. L'argent, qui décrit dans ce mouvement cette forme de circulation, devient du capital, est déjà en lui-même, c'[est]-à-d[ire] par sa destination, du capital.

 

    Le résultat de A-M-A est A-A, échange indirect d'argent , contre argent. J'achète pour 100 livres sterling du coton que je revends 110 livres ; en fin de compte j'ai échangé 100 livres contre 110, de l'argent contre de l'argent.

 

    Si ce processus aboutissait à la même valeur monétaire qui y fut jetée initialement - 100 livres [issus] de 100 livres - ce [il] serait absurde. Mais que de, ses 100 livres le marchand tire 100, 110 ou seulement 50 livres, son argent n'en a pas moins décrit un mouvement particulier, tout à fait différent de la circulation des marchandises M-A-M. L'analyse des différences de forme qui distinguent ce mouvement de M-A-M permettra également de discerner la différence de contenu.

 

    Les deux phases du processus sont respectivement les mêmes que dans M-A-M. Mais il existe une grande différence dans son ensemble. Dans M-A-M, l'argent est l'intermédiaire, la marchandise le point de départ et l'aboutissant ; ici, c'est M qui est l'intermédiaire, A le point de départ et l'aboutissant. Dans M-A-M, l'argent est définitivement dépensé, dans A-M-A, il est seulement avancé et doit être retrouvé. Il revient à son point de départ - [il y a] donc ici déjà une différence sensible et palpable entre la circulation de l'argent en tant que monnaie et de l'argent en tant que capital.

 

    Dans M-A-M l'argent ne peut refluer à son point de départ que par la répétition de tout le processus, par la vente de marchandises fraîches, [nouvelles] ; le reflux est donc indépendant du processus lui-même. Dans A-M-A, par contre, il est conditionné d'avance par la structure même du processus, qui est incomplet s'il ne réussit pas. P. 110 [156/153].

 

    M-A-M, a pour but final la valeur d'usage, A-M-A, la valeur d'échange [en] elle-même.

 

    Dans M-A-M, les deux extrêmes ont la même forme économique23. Ce sont tous deux des marchandises et de même valeur. Mais ce sont en même temps des valeurs d'usage qualitativement différentes et le processus a pour contenu l'échange social. Dans A-M-A, l'opération paraît de prime abord tautologique, vide de contenu. Il semble absurde d'échanger 100 livres sterling contre 100 livres sterling, et par un détour au surplus. Une somme d'argent ne peut se distinguer d'une autre que par la grandeur; A-M-A ne reçoit son contenu que par la différence quantitative des extrêmes. On retire de la circulation plus d'argent qu'on n'y en avait jeté. Le coton acheté 100 livres est vendu par exemple 100 livres + 10 livres; le processus prend donc la forme A-M-A', où A' = A + ΔA.
Ce ΔA, cet incrément [accroissement] est de la plus-value. La valeur avancée initialement non seulement se maintient dans la circulation, mais encore s'accroît d'une plus-value, se valorise, et ce mouvement transforme l'argent en capital.

 

   Dans M-A-M, il peut, certes, également exister une différence de valeur entre les extrêmes, mais elle est purement fortuite dans cette forme de circulation et M-A-M ne devient pas absurde quand les extrêmes sont de valeur identique - au contraire, c'est même plutôt la condition d'un fonctionnement normal.
   La répétition de M-A-M trouve sa mesure et sa raison d'être dans un but final extérieur à la vente, et qui est la consommation, la satisfaction de besoins déterminés. Dans A-M-A, au contraire, le début et la fin sont identiques - de l'argent - et de ce seul fait, le mouvement est indéfini. Toutefois, A + ΔA est une quantité différente de A, mais néanmoins une somme d'argent limitée; si elle était dépensée elle cesserait d'être du capital; si elle était retirée de la circulation, elle [resterait] stationnaire sous forme de trésor24. Une fois donné le besoin de mise en valeur de la valeur, il existe aussi bien pour A' que pour A et le mouvement du capital est illimité parce qu'à la fin du processus son but est tout aussi peu atteint qu'au début. P. 111 [1b6-159/153-156]. En tant que support de ce processus, le possesseur d'argent devient capitaliste.

 

    Si dans la circulation des marchandises la valeur d'échange arrive tout au plus à une forme indépendante [celle de l'argent] par rapport à la valeur d'usage de la marchandise, ici elle apparaît brusquement comme une substance processive25, douée d'un mouvement propre et pour laquelle la marchandise et l'argent ne sont que de simples formes; bien plus, en temps que valeur originale, elle se distingue d'elle-même considérée comme plus-value. Elle devient de l'argent processif26 et, à ce titre, du capital. P. 116 [162/158].
A-M-A' semble, il est vrai, n'être qu'une forme propre au seul capital commercial [marchand]. Mais le capital industriel est également de l'argent qui se transforme en marchandise et, par la vente [de la marchandise], se retransforme en une somme d'argent supérieure. Des actes qui peuvent se passer entre l'achat et la vente, hors de la sphère de la circulation, n'y changent rien. Dans le capital portant intérêt, enfin, le processus se présente, directement [sous la forme] A-A', valeur qui est en même temps plus grande qu'elle-même27. P. 117 [162-163/158-159].

 

_______________________________

 

23 Marx emploie seulement le mot « forme » Engels emploie Formbes limmtheit. difficilement traduisible : certitude, précision de forme, l'idée étant rigoureusement la même forme (N. T.)
24 Marx écrit : « Si elles sont dérobées à la circulation, elles -[ces sommes, se pétrifient sous forme trésor et ne grossissent pas d'un liard quand elles dormiraient là jusqu'au jugement-dernier » (N. T.)
25 Engels reproduit ici le mot employé par Marx : prozessierende Substanz, c'est-à-dire substance en voie de processus, en mouvement continu. (N. T.)
26 idem que 25
27 Marx écrit : « Enfin, par rapport au capital usuraire, la forme est réduite à ses deux extrêmes sans terme moyen ; elle se résume, en style lapidaire, en A-A', argent qui vaut plus d'argent, valeur qui est plus grande qu'elle-même. » (N. T.)

 


                            II. Contradiction de la formule générale.

 


    La forme de circulation par laquelle l'argent devient capital contredit toutes les lois développées ci-dessus relatives à la nature de la marchandise, de la valeur, de l'argent et de la circulation elle-même. Est-ce la différence purement formelle de l'ordre de succession [des deux phases opposées, la vente et l'achat inversé] qui a pu produire ce résultat ?

 

    Plus encore Cette inversion n'existe que pour une des trois personnes [pour un des trois contractants]. Capitaliste, j'achète de la marchandise à A et je la revends à B, A et B n'interviennent simplement que comme acheteur et vendeur de marchandises. Dans les deux cas, je ne suis à leur égard que simple possesseur d'argent ou simple possesseur de marchandises à l'égard de l'un [j'agis] comme acheteur ou argent, à l'égard de l'autre comme vendeur ou marchandise, mais à l'égard d'aucun, je ne suis capitaliste ou représentant de quelque chose qui serait plus que de l'argent ou de la marchandise.Pour A l'affaire a commencé par une vente, pour B, elle s'est terminée par un achat, par conséquent exactement comme dans la circulation des marchandises. De même, si je fondais le droit à la plus-value sur chacune des séries28 isolées, A pourrait vendre directement à B, et la chance de la plus-value tomberait.

 

    Supposons que A et B s'achètent directement des marchandises. En ce qui concerne la valeur d'usage, tous deux peuvent gagner. A peut même produire de sa marchandise plus que B n'en pourrait produire dans le même temps et vice-versa, de sorte que tous deux y gagnent. Mais [il en va] différemment avec la valeur d'échange. Ici, sont échangées des grandeurs de valeurs égales, même lorsque l'argent intervient comme moyen de circulation. P. 119 [164-165/161].
    Au point de vue abstrait, il ne se produit, dans la circulation simple des marchandises, outre le remplacement d'une valeur d'usage par une autre, qu'un changement de forme [métamorphose] de la marchandise. Dans la mesure où elle [la circulation des marchandises] n'amène qu'un changement de forme de sa valeur d'usage, elle [n'] entraîne, lorsque ce phénomène se réalise dans toute sa pureté [qu'] un échange d'équivalents. Il peut certes arriver que des marchandises soient vendues à des prix différents de leur valeur, mais seulement lorsque la loi de l'échange des marchandises a été violée. Dans sa forme pure, il [cet échange] est un échange d'équivalents ; [il ne représente] donc pas un moyen de s'enrichir. P. 120 [165-166/162].

 

    D'où l'erreur de toutes les tentatives de faire dériver la plus-value de la circulation des marchandises. Condillac, p. 121. [166/162-163]. Newmann, p. 122 [167/163].

 

    Mais admettons que l'échange n'ait pas lieu sous sa forme pure, que des non-équivalents soient échangés. Admettons que chaque vendeur vende sa marchandise 10% au-dessus de sa valeur. Tout demeurant égal, ce que chacun gagne comme vendeur, il le reperd comme acheteur. Tout comme si la valeur de l'argent s'était modifiée de 10% - De même si les acheteurs achetaient tout 10% au-dessous de la valeur. P. 123 [168169/164] (Torrens).

 

    L'hypothèse que la plus-value naît d'une hausse sur les prix présuppose qu'il existe une classe qui achète sans vendre, c'est-à-dire consomme sans produire, [une classe] à laquelle l'argent afflue sans cesse, gratuitement29. Vendre à cette classe des marchandises au-dessus du prix, c'est regagner en partie, par des moyens frauduleux, de l'argent qu'on avait donné sans rien recevoir en échange. (Asie mineure et Rome). Néanmoins, le vendeur reste toujours frustré et ne peut pas de cette façon s'enrichir, produire de la plus-value.

 

    Prenons le cas de l'escroquerie. A vend à B du vin qui vaut 40 livres contre du blé qui envaut 50. A gagne 10 [livres]. Mais A et B n'ont ensemble que 90. A a 50 et B [n'a] plus que 40. La valeur est déplacée, mais non créée. Dans son ensemble, la classe capitaliste d'un pays ne peut pas se léser elle-même. P. 126 [170/166].
___________________________________
28 La série est ici l'ensemble des deux transactions : achat de la marchandise à A et vente de la marchandise à B. (N. T.)
29 Marx écrit « l'argent avec lequel une telle classe achète constamment doit constamment revenir du coffre des producteurs dans le sien, gratis, sans échange, de gré ou en vertu d'un droit acquis. » (N. T.)

 

    Donc, si l'on échange des équivalents, il ne se produit pas de plus-value; si l'on échange des non-équivalents, il ne se produit pas davantage de plus-value. La circulation des marchandises ne crée pas de nouvelle valeur.
    C'est pourquoi nous laissons de côté ici les formes les plus anciennes et les plus populaires du capital, le capital commercial et le capital usuraire. Si l'on ne veut pas expliquer la mise en valeur du capital commercial par la simple escroquerie, il faut recourir à de nombreux termes intermédiaires qui manquentt encore ici. Plus encore pour le capital usuraire et le capital portant intérêts. Plus tard, tous deux apparaîtront comme des formes dérivées; [on verra] également pourquoi ils apparaissent historiquement avant le capital moderne.
    La plus-value ne peut pas naître de la circulation. Mais en dehors d'elle. En dehors d'elle, le possesseur de marchandises est un simple producteur de sa marchandise, dont la valeur dépend de la quantité - mesurée d'après une loi sociale déterminée - de son propre travail qui y est contenu ; cette valeur est exprimée en monnaie de compte, par exemple dans un prix de 10. Mais cette valeur n'est pas en même temps une valeur de 11 livres; son travail crée des valeurs, mais pas de valeurs qui s'accroissent de leur propre chef30. Il peut ajouter de la valeur à une valeur existante, mais cela uniquement en y ajoutant du travail. Le producteur de marchandise ne peut donc pas produire de la plus-value, en dehors de la sphère de la circulation, sans entrer en contact avec d'autres possesseurs de marchandises.
    Le capital doit, par conséquent, surgir à la fois dans la circulation des marchandises et non en elle31. P. 128 [173/168].
Donc la transformation de l'argent en capital, doit être développée sur la base des lois immanentes à l'échange des marchandises, de façon telle que l'échange d'équivalents serve de point de départ. Notre possesseur d'argent, qui n'existe plus qu'à l'état de chrysalide capitaliste, doit acheter les marchandises à leur valeur, les vendre à leur valeur et néanmoins tirer à la fin du processus plus de valeur qu'il y en a jetée. Sa métamorphose en papillon doit se produire dans la sphère de la circulation et en même temps hors de cette sphère. Telles sont les données du problème. Hic Rhodus, hic salta !32. P. 129 [173174/168-169].

 

___________________________________
30 Engels reprend le mot de Marx sich verwerlende Werte, « des valeurs qui se mettent en valeur »(N. T.)
31 Marx écrit : « Le capital ne peut donc pas résulter de la circulation, et il ne peut pas davantage ne pas résulter de la circulation. Il doit surgir à la fois en elle et non en elle. Un double résultat a été ainsi obtenu ». Ce passage n'existe pas dans la traduction Roy. (N. T. )
32 C'est ici Rhodes, ici saute ! C'est-à-dire Ici tu as l'occasion de montrer tes talents (N. R.)

 


                                 III. Achat et vente de la force de travail.

 


    La modification de valeur de l'argent, qui doit se muer en capital, ne peut pas se produire en cet argent lui-même, car il ne réalise dans l'achat que le prix de la marchandise; par ailleurs, aussi longtemps qu'il reste argent, sa valeur, ne change pas et, dans la vente, la marchandise ne fait que se transformer de sa forme naturelle en sa forme argent.
La transformation doit donc se produire dans la marchandise [au cours] du [processus] A-M-A, mais pas avec sa valeur d'échange, puisqu'on échange des équivalents; elle [cette transformation] ne peut donc naître que de sa valeur d'usage [de la marchandise] comme telle, c'est-à-dire, de sa consommation [de son utilisation].A cet effet, il faut une marchandise dont la valeur d'usage ait la propriété d'être source de valeur d'échange, et cette marchandise existe: [c'est] la force de travail. P. 130 [174-175/170].

 

    Mais pour que le possesseur d'argent trouve la force de travail en tant que marchandise sur le marché, il faut qu'elle soit vendue par son propre possesseur, c'est-à-dire qu'elle soit de la force de travail libre. Mais comme tous deux, l'acheteur et le vendeur, sont, en qualité de contractants, des personnes juridiquement égales, la force de travail ne doit être vendue que temporairement, car, dans la vente en bloc33, le vendeur ne reste pas vendeur et devient lui-même marchandise. Mais alors, au lieu de pouvoir vendre des marchandises où se trouve matérialisé son travail, il faut que le possesseur soit en mesure de vendre sa force de travail elle-même en tant que marchandise. P. 131 [175-176/1711.
    La transformation de l'argent en capital exige donc que le possesseur d'argent trouve sur le marché le travailleur libre, et libre à à un double point de vue. Il faut d'abord que le travailleur puisse disposer, en personne libre, de sa force de travail comme d'une marchandise lui appartenant, il faut ensuite qu'il n'ait pas d'autre marchandise à vendre et que, libre dans tous les sens du mot, il ne possède aucun des objets nécessaires pour réaliser sa force de travail. P. 132 [176/172].
    Notons en passant que le rapport entre le possesseur d'argent et le possesseur de la force de travail n'est pas un rapport naturel ou commun à toutes les époques, social, mais un rapport historique, le produit de nombreuses transformations économiques.
Ainsi, les catégories économiques considérées jusqu'ici portent également leur cachet historique. Pour devenir marchandise, le produit ne doit pas être fabriqué comme moyen de subsistance immédiat; la masse des produits ne peut prendre la forme marchandise qu'au sein d'un mode de production déterminé, le mode capitaliste, bien que la production des marchandises et la circulation puissent déjà avoir lieu là où la masse des produits ne devient jamais marchandise. L'argent dito34 peut exister à toutes les époques qui sont parvenues à un certain niveau de la circulation des marchandises ; les formes particulières de l'argent, depuis le simple équivalent jusqu'à la monnaie mondiale, présupposent des étapes différentes du développement; néanmoins, une circulation des marchandises très faiblement développées peut les produire toutes. Par contre, le capital ne surgit que lorsque se trouve donnée la condition définie plus haut, et cette condition embrasse [toute] une [période de l'] histoire universelle. P. 133 [177-178/173].
    La force de travail possède une valeur d'échange qui est déterminée, comme celle de toutes les marchandises par le temps de travail nécessaire pour sa production, donc aussi sa reproduction. La valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance nécessaires à la conservation de son propriétaire, à sa conservation dans un
________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
état où il garde une capacité de travail normale. Celle-ci se juge d'après le climat, les conditions naturelles, etc., ainsi que d'après le standard of life35, donné historiquement dans chaque pays. Elles [ces conditions] varient,, mais sont fixes pour un pays déterminé et une période déterminée. Elle [la somme des moyens de subsistance nécessaires] comporte également les moyens de subsistance des hommes de remplacement, c'est-là-dire des enfants, de telle sorte que la race de ces possesseurs particuliers de marchandises se perpétue. De plus, pour le travail habile, elle [ idem] comprend également les frais d'apprentissage. P. 135 [178-180/174475].
La limite minimum de la valeur de la force de travail est la valeur des moyens de subsistance physiquement indispensables. Si le prix de la force de travail tombe à ce minimum, elle descend alors au-dessous de sa valeur, car cette dernière présuppose une qualité normale, non réduite, de la force de travail. P. 136 [180-181/175-176].

 

    La nature du travail implique que la force de travail ne soit consommée qu'après la conclusion du contrat et comme, pour de telles marchandises, la monnaie est le moyen de paiement le plus fréquent, elle [la force de travail] n'est payée, dans tous les pays du mode de production capitaliste, qu'après avoir été fournie. Partout, par conséquent, l'ouvrier crédite le capitaltiste36. P. 137 [181-182/176-177].
    Le processus de consommation de la force de travail est, en même temps, processus de production, de marchandise et de plus-value et cette consommation se déroule en dehors de la sphère de la circulation. P. 140 [183-184/178].

 

_____________________________________
33 En Français dans le texte. (N. T.)
34 Pareillement. (N. T.)
35 Niveau de vie. (N. T.)
36 Marx écrit : « Dans tous les pays où règne le mode de production capitaliste, la force de travail n'est donc pavée que lorsqu'elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat. Le travailleur fait donc partout au capitaliste l'avance de la valeur usuelle de sa force ; il la laisse consommer par l'acheteur avant d'en obtenir le prix ; en un mot il lui fait partout crédit. » (N. T.)

 



 

TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE
                     I. Processus de travail et processus de mise en valeur.

 


L 'acheteur de la force de travail la consomme en faisant travailler le vendeur. Ce travail, pour réaliser de la marchandise, doit d'abord réaliser de la valeur d'usage et, en cette qualité, il est indépendant des rapports spécifiques entre les capitalistes et les ouvriers. [Suit] une description du processus de travail en tant que tel. P. 141-149 [185-132/180 186].
   Le processus de travail, sur la base capitaliste, revêt deux particularités :
1. l'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste ;
2. le produit est la propriété du capitaliste, car le processus de travail n'est plus qu'un processus [mettant en jeu] de deux choses achetées par le capitaliste : la force de travail et le moyen de production. P. 150 [193-194/187].
   Cependant, le capitaliste exige la valeur d'usage non pas pour elle-même, mais en tant que support de la valeur d'échange et plus spécialement de la plus-value. Le travail, dans ces conditions où la marchandise est unité de valeur d'usage et de valeur d'échange [est à la fois valeur d'usage et valeur d'échange], devient donc unité de processus de production et de processus de mise en valeur [devient donc à la fois processus de production et processus de mise en valeur]. P. 151 [194-195/188].
   Donc, étudier la quantité de travail matérialisée dans le produit.
   Par exemple, le fil. Dans sa fabrication sont nécessaires 10 livres de coton, mettons 10 sh. [shillings], et 2 sh. pour les moyens de travail, pour la broche, dont l'usure nécessaire dans le filage est ici dénommée brièvement « fraction de broche ». Il est donc entré dans le produit 12 sh. de moyens de production, c'[est]-à-[dire] à partir du moment où ce produit est devenu une véritable valeur d'usage, du fil en l'occurrence, et 2 sh. dès lors que seul le temps de travail socialement nécessaire a été représenté dans ces moyens de travail. Combien le filage lui ajoute-t-il [au produit] ?
    Ici, le processus de travail [est] donc considéré sous un tout autre angle ; dans la valeur du produit, les travaux du planteur de coton, du constructeur de broches, etc., et du fileur sont, en tant que parties comparables, qualitativement identifiées au travail humain général, nécessaire, générateur de valeur et n'y entrent, par conséquent, qu'au seul point de vue quantitatif ; pour cette raison justement, ils sont quantitativement mesurables par le temps employé, étant bien entendu qu'il est du temps de travail socialement nécessaire puisque seul ce dernier est générateur de valeur.
Si l'on suppose que la valeur journalière de la force de travail = 3 sh. et que cette valeur journalière représente six heures de travail, qu'on fabrique par heure 1 2/3 livre de fil, donc en 6 heures, 10 livres de fil avec 10 livres de coton (comme plus haut), on constate qu'il est ajouté en 6 heures, 3 sh. de valeur et que le produit vaut 15 sh. (10 sh. + 2 + 3 sh.) ou 1 sh. 6 d. [d. le penny = 1/12 de shilling] par livre de fil.

 

    Mais ici, pas de plus-value. Cela ne peut pas servir au capitaliste.
(Inepties de l'économie vulgaire. P. 157 [200/192])
    Nous avons admis que la valeur journalière de la force de travail était de 3 sh. parce qu' 1/2 journée de travail ou 6 heures y [était] matérialisée. Mais cette 1/2 journée de travail [est] nécessaire seulement pour maintenir l'ouvrier pendant 24 heures, [ce qui] ne l'empêche nullement de travailler 1 /1 journée. La valeur de la force de travail et sa mise en valeur37 sont 2 grandeurs différentes. Sa propriété utile [de la force de travail] n'était qu'une condition sine qua non, mais ce qui a été décisif, c'est la valeur d'usage spécifique de la force de travail, source de plus de valeur d'échange qu'elle en possède elle-même. P. 159 [201-202'/193-194].

 

    L'ouvrier travaille donc 12 heures par jour, file 20 livres de coton = 20 sh., use 4 sh. de broches, et le travail coûte 3 sh. = 27 sh. Mais dans le produit sont matérialisées : 4 journées de travail de [dans les] broches et de [le] coton, 1 journée de travail du fileur = 5 journées à 6 sh. = 30 sh., valeur du produit. Voilà la plus-value de 3 sh. : l'argent s'est transformé en capital. P. 160 [202-203/194-195]. Toutes les conditions du problème sont remplies. (Détails p. 160 [203/195].)

 

    Le processus de mise en valeur est le processus de travail en tant que processus générateur de valeur à partir du moment où il est prolongé au delà du point où il fournit simplement un équivalent pour la valeur payée de la force de travail 38.
Le processus générateur de valeur se distingue du simple processus de travail en ce que ce dernier est considéré qualitativement, le premier quantitativement, et cela seulement dans la mesure où il contient du temps de travail socialement nécessaire. P. 161 [204/29-30]. Détail p. 162 [204-205/195].
    En tant qu'unité du processus de travail et du processus de formation de valeur, le processus de production est production de marchandises; en tant qu'unité du processus de travail et du processus de mise en valeur [de production de plus-value], il est processus de production capitaliste de marchandises. - P. 163 [2'06/196-1971.
    Réduction du travail composé au [travail] simple. P. 163-165 [206-207/197-1981.

 


II. Capital constant et capital variable.
    Le processus de travail ajoute à l'objet du travail une valeur nouvelle et reporte en même temps la valeur de l'objet de travail sur le produit, donc la conserve par simple addition de la valeur nouvelle. Ce double résultat est atteint de la façon suivante : le caractère qualitatif, spécifiquement utile, du travail, transforme une valeur d'usage en une autre valeur d'usage et conserve ainsi la valeur mais le caractère abstrait général, quantitatif, générateur de valeur, ajoute de la valeur. P. 166 [207-209/199-2001.
P. ex. supposons que la productivité du filage sextuple. En tant que travail utile (qualificatif), il conserve en même temps six fois plus de moyens de travail. Mais, en nouvelle valeur, il ajoute seulement la même quantité qu'il ajoutait antérieurement; c.-à-d. que, dans chaque livre de fil on ne trouve que le 1/6 de la nouvelle valeur ajoutée auparavant. En tant que travail générateur de valeur il ne fait pas plus qu'avant P. 167 [209/200-201]. Inversement [c'est l'inverse qui se produit] quand la productivité du filage reste constante mais que la valeur des moyens de travail augmente. P. 168 [210/201].

 

    Le moyen de travail ne cède au produit que la valeur qu'il perd lui-même. P. 169 [211-202]. C'est le cas à des degrés divers. Le charbon, les lubrifiants, etc., sont intégralement consommés. Les matières premières revêtent une forme nouvelle. Les instruments, les machines, etc. ne cèdent que lentement et partiellement leur valeur et l'usure est évaluée par expérience. P. 169-170 [211-212/202-203].
    Mais ici l'instrument reste continuellement et en entier dans le processus de travail. Le même instrument compte donc entièrement dans le processus de travail et en partieseulement dans le processus. de mise en valeur39, de sorte que la différence entre les deux processus se reflète ici dans des facteurs matériels. P. 171 [213/203]:
Inversement, la matière première qui fait des déchets, s'en va entièrement dans le processus de mise en valeur et [seulement en partie] dans le processus de travail, puisqu'elle réapparaît dans le produit moins les déchets.

 

____________________________
37 Verwertung, mise en valeur ou, plus simplement, exploitation (N. T.)
38 Ce passage étant un des plus importants de ce résumé, nous citons ici le texte même de Marx : « La production de plus-value n'est donc autre chose que la production de valeur prolongée au-delà d'un certain point Si le procès de travail ne dure, que jusqu'au point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production de valeur; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value » (N. T.)

 

    Mais, en aucun cas, le moyen de travail ne peut céder plus de valeur d'échange qu'il n'en possède lui-même, il ne sert dans le processus de travail que comme valeur d'usage et ne peut, par conséquent, céder que la valeur d'échange qu'il possédait déjà antérieurement. P. 172 [214/204].
    Cette conservation de la valeur [est] très précieuse pour le capitaliste, ne lui coûte rien. P. 173-174 [215/205].
    Donc, la valeur conservée ne fait que réapparaître; elle était présente, et seul le processus de travail ajoute de la valeur nouvelle. Et, en vérité, dans la production capitaliste [il y a] plus-value, excédent de la valeur du produit sur la valeur des générateurs de produits consommés (moyens de production et forces de travail). P. 175-176 [216-217/206-207].
    Ici, se trouvent décrites les formes d'existence que revêt la valeur initiale du capital lorsqu'elle se dégage de sa forme argent pour se muer en facteurs du processus de travail :
1. dans l'achat de moyens de travail et
2. dans l'achat de force de travail.
    Le capital investi dans les moyens de travail ne change donc pas de valeur dans le processus de production nous l'appelons capital constant.
    La partie investie dans la force de travail change de valeur, produit 1. sa propre valeur et 2. de la plus-value40[nous l'appelons] capital variable. P. 176 [217-218/207].
    Le capital n'est constant que par rapport au processus de production spécial au cours duquel il ne se modifie pas; il peut se composer tantôt de plus tantôt de moins de moyens de travail et la valeur des moyens de travail achetée peut monter ou baisser, mais cela n'affecte pas ses rapports [les rapports du capital] avec le processus de production. P. 177 [218-219/207208]. De même, peut varier la proportion dans laquelle un capital déterminé se divise en [capital] constant et [capital] variable, mais dans chaque cas donné, le c reste constant et le v variable. P. 178[219/208-209].

 


III. Le taux de la plus-value.

 


C = 500 £ = 410 + 90.41 (= c+v) . A la fin du processus de travail, où v s'est transformé une fois en force de travail, on obtient42.
c +v+ p= 590
410 + 90 + 90 = 590
Admettons que c se compose de 312 [livres sterling] de matières premières, de 44 [livres] de matières auxiliaires et de 54 [livres] d'usure de machines = 410. [Supposons que] la valeur de toute la machinerie se monte à 1.054 [livres]. Si cette dernière entrait tout entière dans le calcul, on obtiendrait pour c 1.410 des deux côtés, et la plus-value resterait toujours 90. P. 179 [220-221/210-211].
comme la valeur de c ne fait que réapparaître dans le produit, la valeur des produits obtenue est différente de la valeur engendrée dans le processus43. Cette dernière n'est donc pas c + v+ p, mais : v + p. La grandeur de c est donc indifférente pour le processus de mise en valeur, c'[est]-à-d[ire- que] c =0. P. 180 [221-222/211-212].

 


_______________________________________________
39 Marx donne l'exemple d'une machine qui s'userait en 1 000 jours. Elle cède journellement 1/1000é de sa valeur. Mais elle fonctionne cependant dans sa totalité. Donc dans le processus de travail, on compte avec une machine entière et dans le processus de mise en valeur avec 1/1000e de machine par jour. (N. T.)
40 Elle reproduit sa propre valeur plus un excédent : la plus-value. (N. T.)
41 c=410 v = 90
42 C est le capital initial, c le capital constant, v le capital variable et p la plus-value. (N. T.)
43 Marx écrit : « La valeur réellement nouvelle, engendrédans le cours de la production même, est donc

 

    C'est aussi ce qui se passe pratiquement, ainsi qu'on peut le voir dans le calcul commercial ; p[ar] ex[emple] dans la détermination du bénéfice que tire un pays de son industrie, on déduit [les sommes payées pour] les matières premières importées. P. 181 [222-223/213]. Sur le rapport de la plus-value avec le capital total [voir] le nécessaire au livre III.
Donc : taux de la plus-value =p/v, plus haut 90/90 = 100%
Le temps de travail durant lequel l'ouvrier reproduit la valeur de sa force de travail - dans des conditions capitalistes ou autres - est du travail nécessaire; le travail effectué en sus, qui produit de la plus-value pour le capitaliste, [est du] surtravail. P. 183-184 [224-225/214]. La plus-value est du surtravail cristallisé et seule la forme de son extorsion distingue les diverses formations sociales.
Exemples de l'erreur qu'il y a à faire entre c dans les calculs. P. 185-196 [226-237/215-225] (Senior).
La somme du travail nécessaire et du surtrav-ail = la journée du travail.

 


IV. La journée de travail
    Le temps de travail nécessaire est constant. Le surtravail est variable, mais dans certaines limites. Il ne peut jamais être [à] 0, sinon la production capitaliste cesserait.
Il ne peut jamais atteindre 24 heures pour des raisons physiques et la limite maximum est, en outre, toujours affectée par des causes morales. Mais ces limites sont très élastiques. L'économie exige que la journée de travail ne soit pas plus longue qu'il ne convient pour user normalement l'ouvrier. Mais que signifie normalement ? Il y a une antinomie et seule la violence peut décider. D'où la lutte entre la classe ouvrière et la classe capitaliste pour la journée de travail normale. P. 198-202 [239243/227-231].

 

    Le surtravail dans les époques sociales antérieures. Tant que la valeur d'échange n'est pas plus importante que la valeur d'usage, le surtravail [est] plus modéré, p [ar] ex [emple] chez les anciens : là seulement où était produite directement de la valeur d'échange - argent et or - [on trouve un surtravail effroyable]. P. 203 [244/231-232]. De même dans les Etats esclavagistes d'Amérique jusqu'à la production de masses de coton pour l'exportation. De même, corvée, p [ar] ex [emple] en Roumanie.

 

    [La] corvée [est le] meilleur moyen de comparaison avec l'exploitation capitaliste, car elle fixe le surtravail sous forme d'un temps de travail à fournir spécialement. Règlement organique de la Valachie. P. 204-206 [244-247/232-233].

 

    De même qu'il s'agit là d'une expression positive de la soif de surtravail, de même les Factory-Acts44 en sont des expressions négatives.
    Les FactoryActs. Celui de 1850. P. 207[248/235]. 10 h 1/2 et 7 h 1/2 le samedi – 60 heures par semaine. Profit des fabricants obtenu en tournant la loi. P. 208-211 [249-252/236-239].
    Exploitation dans les branches non limitées ou limitées seulement plus tard : industrie de la dentelle, p. 212 [252/239] ; poterie, p. 213 [253 et 254/240-241] ; allumettes, p. 214 [255/242] ; papiers peints, p. 214-217 [256-257/242-244] ; boulangeries, p. 217-222 [257-262/244-248] ; cheminots, p. 223 [262 et 263/248-249]; couturières, p. 223-225[263-265/249-250] ; forgerons, p. 226 [265-266/251] ; travail de jour et travail de nuit in shifts [système des relèves] : a) métallurgie p. 227-236 [266-274/251-258].

 

différente de la valeur du produit obtenu. Elle n'est pas, comme il semblerait au premier coup d'oeil ;
c + v + p ou 410 liv, sterl. + 98 liv. sterl. + 90 liv. Sterl. Mais v + p ou 90 liv. sterl. + 90 liv. sterl. ; elle n’est pas 590 , mais 180 liv. sterl. (N.T.)

    Ces faits démontrent que le capital ne considère pas l'ouvrier comme autre chose que de la force de travail, dont tout le temps est du temps de travail à réaliser partout où cela est possible, que la longévité de la force de travail est indifférente aux capitalistes. P. 236-238 [275-27x/259-260]. Mais cela ne se tourne-t-il pas contre les intérêts des capitalistes eux-mêmes. Comment remplacer ce qui s'use rapidement ? - La vente organisée des esclaves à l'intérieur des Elats-Unis a élevé à la hauteur d'un principe économique l'usure rapide des esclaves; de même en Europe pour l'importation des ouvriers en provenance des districts agricoles, etc. P. 239 [277-278/261]. Pocrhousesupply45. P. 240 [278-279/261-262]. Le capitaliste ne voit que la surpopulation à tout moment disponible et la consomme. La race en dépérit-elle ? Après moi le déluge46. Le capital ne se soucie donc nullement de la santé de la vie de l'ouvrier, à rhoins d'y être forcé par la société... et, par suite de la libre concurrence, les lois immanentes de la production capitaliste valent pour chaque capitaliste comme lois externes coercitives. P. 243 [281-282/264-265].

 

    La fixation d'une journée de travail normale [est le] résultat d'une lutte de plusieurs siècles entre le capitaliste et l'ouvrier.
    Au début, les lois [sont] faites pour prolonger le temps de travail, aujourd'hui [pour] l'abaisser. P. 244 [282-283/265266]. Le premier Statut of labourers 47  23 Edouard III [en]48 1349 fut promulgué sous le prétexte que la peste avait tellement décimé la population que chacun devait travailler davantage. Aussi, la loi fixait-elle [le] maximum des salaires et [la] limite de la journée de travail. En 1496, sous Henri VIII, la journée de travail des ouvriers agricoles et de tous les artisans (artificers) en été - mars à septembre - va de 5 a. m. à 7 et 8 p. m.49, avec une heure, 1 h 1/2 et 1/2 heure = 3 heures de pause. En hiver de 5 a.m. jusqu'à la nuit. Ce statut [n'a] jamais [été] rigoureusement appliqué.

 

   Au XVIIIe siècle, la semaine de travail complète n'est encore pas à la disposition du capital (sauf chez les ouvriers agricoles). Voir polémique du temps. P. 248-251 [284-286/266-268]. C'est seulement la grande industrie qui y parvint et au delà elle abattit toutes les barrières et exploita l'ouvrier de la façon la plus éhontée. Le prolétariat résista dès qu'il se fut repris. Les cinq lois de 1802 à 1833 [sont purement] nominales, car [elles ne prévoient] pas d'inspecteur50. C'est seulement la loi de 1833 qui créa une journée de travail normale dans les quatre industries textiles : de 5,30 a.m. à 8,30 p.m:., temps durant lequel [les] young persons51 [de] 13-18 ans ne peuvent être occupés que 12 heures avec 1 h. 1/2 de pause. Enfants de 9-13 ans: 8 heures seulement, et travail de nuit des enfants et des young persons interdit. P. 253-255 [291-293/272-273].
    Système des relais et abus destinés à le tourner. P. 256 [293. 294/273-276]. Enfin, loi de 1844 qui assimile les femmes de tous les âges aux young persons, réduit [le temps de travail des] enfants 6 h. 1/2, et met un frein au système des relais. Mais, en revanche, [les] enfants de 8 ans [sont] désormais tolérés. En 1847, enfin, le bill des dix heures pour les femmes et les young persons. P. 259 [296/277]. Tentatives des capitalistes contre [cette loi]. P. 260-268 [297-305/277-286]. Un flaw52 dans la loi de 47 permit ensuite la loi de compromis de 1850, p. 269 [306/286], qui fixe la journée de travail (les young persons et women53 à 5 journées de 10 h. 1/2, une journée de 7 h. 1/2 = 60heures par semaine, et cela entre 6 [heures du matin] et 6 heures [du soir]. Ainsi, la loi de 1847 est en vigueur pour les enfants. - L'exception de l'industrie de la soie, v[oir] p. 270 [306-307/286-287]. En 1853, le temps de travail pour les enfants est également limité entre 6 et 6 heures,P. 272 [308-288]
___________

 

44 Lois sur les fabriques. (N. T.)
45 Fourniture d'ouvriers par tes maisons de pauvres. (N. T.)
46 En français dans le texte. (N. T.)
47 Loi sur les ouvriers. (N T )
48 23. Edouard III, 1349 est entre parenthèses, dans le texte de Marx. Cela signifie : loi promulguée dans la vingt-troisième année du règne d'Edouard 111, en 1349 (N.T )
49 Ante meridiem et post meridiem, avant midi et après-midi, c'est-à-dire de 5 h. du matin à 7 et 8 h. du soir. (N. T.)
50 Marx écrit : « De 1802 à 1833. le Parlement émit cinq lois sur le travail mais il eut bien soin de ne pas voter un centime pour les faire exécuter aussi restèrent-elles lettre morte. » (N. T.)
51 Jeunes gens. (N T.)
52 Défaut. (N. T.)
53 Femmes. (N. T.)

 


    Le Printworks Act54, 1845, ne limite presque rien. Enfants et femmes peuvent travailler 16 heures !
[Les] blanchisseries et teintureries [en] 1860, [les] fabriques de dentelles [en] 1861, [les] poteries et de nombreuses autres branches [en] 1863 [tombent] (sous le coup de la loi sur les fabriques ; lois spéciales promulguées la même année pour les blanchisseries en plein air et les boulangeries). P. 274 [310/290].
    La grande industrie crée donc tout d'abord la besoin de limitation du temps de travail, mais il se trouve ensuite que le même surmenage s'est étendu peu à peu aussi à toutes les autres branches P. 277 [312/292].

 

    L'histoire montre en outre que, notamment avec l'introduction du travail des femmes et des enfants, l'ouvrier « libre » isolé est sans défense contre le capitaliste et succombe, de sorte qu'ici s'engage la lutte de classe entre ouvriers et capitalistes. P. 278[313 / 293].
    En France, la loi de 12 heures pour tous les ouvriers et [toutes les] branches de travail [est promulguée] seulement en 1848. (Voir toutefois p. 253 [291/2721 note concernant la loi française sur le travail des enfants [promulguée] en 1841 et qui ne fut réellement appliquée qu'en 1853, dans le seul département du Nord d'ailleurs.) En Belgique, «liberté du travail » totale ! En Amérique, le mouvement des 8 heures. P. 279 [315/294].
    L'ouvrier sort donc du processus de production tout autrement qu'il y est entré. Le contrat de travail n'a pas été l'acte d'un agent libre; le temps pour lequel il lui est loisible de vendre sa force de travail est en réalité le temps pour lequel il est forcé de la vendre, et seule l'opposition de masse des ouvriers leur conquiert une loi d'État qui les empêche eux-mêmes de se vendre au Capital par un libre contrat, et de se vouer, eux et leurs descendants, à la mort et à l'esclavage. Le catalogue pompeux des inaliénables droits de l'homme est remplacé par la modeste magna charte55 de la loi sur les fabriques. P. 280-281 [316/295-296].

 


V. Taux et masse de la plus-value.
    Avec le taux [de la plus-value] est donnée en même temps sa masse. Si la valeur journalière d'une force de travail est de 3 sh[illings] et si le taux de la plus-value = 100 %,sa masse journalière [de la plus-value] = donc 3 sh pour un ouvrier.
    1. Comme le capital variable est l'expression monétaire de la valeur de toutes les forces de travail occupées simultanément par un capitaliste, la masse de la plus-value produite par eux = le capital variable multiplié par le taux de la plus-value. Les deux facteurs peuvent varier, d'où la possibilité de diverses combinaisons. La masse de la plus-value peut changer, même avec un capital variable en diminution lorsque le taux monte, donc, quand la journée de travail est prolongée. P. 282 [318-319/298-299].
    2. Cette augmentation du taux de la plus-value se heurte à des limites absolues en ce sens que la journée de travail ne peut jamais être portée jusqu'à 24 heures pleines, la valeur totale du produit quotidien d'un ouvrier ne pouvant donc jamais être à la valeur de 24 heures de travail. Pour obtenir la même masse de plus-value, le capital variable ne peut donc être remplacé; à l'intérieur de ces limites, que par une exploitation accrue du travail. Important pour expliquer divers phénomènes qui résultent de la tendance contradictoire du capital :1. Réduire le capital variable et le nombre des ouvriers occupéset -2. Produire néanmoins la plus grande masse possible de plus-value. P. 283284 [319-320/299].
__________________________________________
54 Loi concernant les impressions sur coton. (N. T.)
55 Droits fondamentaux du peuple anglais, conquis dans la révolution du xii- siècle. (N. R )

    3. Les masses de valeur et de plus-value produites par divers capitalistes pour une valeur donnée et un même degré d'exploitation de la force du travail sont en raison directe des grandeurs des parties variables de ces capitaux. P. 285 [321/300]. Cela [est] en apparence contraire à tous les faits.
    Pour une société donnée et une journée de travail donnée, la plus-value ne peut être augmentée que par l'augmentation du nombre des ouvriers; c'[est]-à-dire] de la population ; pour un nombre d'ouvriers donné, [elle ne peut être augmentée] que par la prolongation de la journée de travail. Toutefois, cela n'est important que pour la plus-value absolue.
    Il apparaît maintenant que toute somme d'argent ne peut pas être transformée en capital, qu'il existe un minimum : le prix de revient d'un ouvrier unique et des moyens de travail nécessaires.
Pour vivre lui-même comme ouvrier, il lui faudrait, avec un taux de plus-value de 100 %, avoir déjà deux ouvriers; et il ne pourrait encore faire aucune économie. Même avec huit [ouvriers], il est toujours un petit patron. C'est pourquoi au moyen âge, les gens [étaient] violemment empêchés de se transformer de maîtres ouvriers en capitalistes, grâce à la limitation du nombre des compagnons susceptibles d'être employés par un maître. Le minimum de richesse nécessaire pour former un véritable capitaliste varie avec les diverses époques et branches économiques. P. 288 [322-324/301-3031].
    Le capital est arrivé à primer le travail et veille à ce qu'il soit travaillé convenablement et intensivement. Il oblige, en outre, les ouvriers à effectuer plus de travail qu'en exige leur entretien et, pour l'extorsion de la plus-value, il est supérieur à tous les systèmes de production antérieurs reposant sur le travail forcé pur et simple.
    Le capital a repris le travail avec les conditions techniques existantes et n'y change rien tout d'abord. Le processus de production [étant] donc considéré comme processus de travail, l'ouvrier se comporté à l'égard des moyens de production non pas comme à [l'égard] du capital, mais comme [à l'égard] des moyens de sa propre activité utile. Mais [si le processus de production est] considéré comme processus de mise en valeur [il en va] autrement. Les moyens de production deviennent des moyens d'absorption du travail d'autrui. Ce n'est plus l'ouvrier qui emploie les moyens de production, ce sont ceux-ci qui emploient celui-là. P. 289 [325/304]. Au lieu d'être consommé par lui, ils le consomment lui-même comme le ferment de leur propre processus vital, et le processus vital du capital n'est que le mouvement du capital en tant que valeur créant de la plus-value... La simple transformation de l'argent en moyens de production confère à ces derniers un titre juridique et coercitif au travail et au surtravail d'autrui.

 



 



 



 



 

 

 

 

 

   QUATRIÈME PARTIE

 

                LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE
                                     I. Notion de la plus-value relative.

 


  Pour une journée de travail donnée, le surtravail ne peut être accru que par la diminution du travail nécessaire; mais ce résultat abstraction faite de l'abaissement du salaire au-dessous de la valeur [de sa force du travail] ne peut être atteint que par la réduction de la valeur du travail, donc par l'abaissement du prix des denrées de subsistance nécessaires. P. 291-292 [327-329/7-8]56. Cette dernière, de son côté, ne peut être obtenue que par l'augmentation de la force productive de travail, par un bouleversement57 2 du mode de production lui-même.
    La plus-value produite par la prolongation de la journée de travail est [de la plus-value] absolue : celle produite par raccourcissement du temps de travail nécessaire est de la plus-value relative. P. 295 [330/9].
Pour abaisser la valeur du travail, l'augmentation de la force productive doit porter sur des branches d'industrie dont les produits déterminent la valeur de la force de travail, moyens de subsistance habituels, succédanés, leurs matières premières, etc. Démonstration de la façon dont la concurrence fait apparaître la force productive accrue dans le bas prix des marchandises. P. 296-299 [330- 334/10-13].
    La valeur de la marchandise est en raison inverse de la force productive du travail et il en est ainsi également de la valeur de la force de travail puisqu'elle est déterminée par le prix des marchandises. Par contre, la plus-value relative est en raison directe de la force productive de travail. P. 299 [13].
    Ce n'est pas la valeur absolue de la marchandise qui intéresse le capitaliste, mais seulement la plus-value qui y est enfermée. La réalisation de la plus-value implique le remplacement de la valeur avancée. Mais comme d'après P. 299 [334/131 le même processus qui accroît la force productive abaisse le prix des marchandises et augmente la plus-value qu'elles renferment, on s'explique comment le capitaliste, pour lequel il ne s'agit que de produire de la valeur d'échange aspire sans cesse à réduire la valeur d'échange de la marchandise. Voir Quesnay. P. 300 [335/14].
    Dans la production capitaliste, l'économie de travail obtenue par le développement de la force productive de travail ne poursuit donc nullement une diminution de la journée de travail. Cette dernière peut même être prolongée. Dans les ouvrages des économistes à la Mac-Culloch, Ure, Senior et tutti quanti, on peut donc lire à telle page que l'ouvrier doit de la gratitude au Capital pour le développement des forces productives58, et, à la page suivante, qu'il doit manifester cette gratitude en travaillant à l'avenir 15 heures par jour au lieu de 10. Ce développement des forces productives ne vise à réduire que le travail nécessaire et à prolonger le travail pour le capitaliste. P. 301 [336/15].

 

_______________________________________

 

56 Les références à l'édition du « Capital » se rapporte à partir d'ici au tome II.
57 Engels emploie ici le mot de Umwaelzung, qui signifie bouleversement, révolution. Marx emploie directement le mot révolution. (N. T.)
58 que le temps de travail nécessaire s'en trouve abrégé, précise Marx IN. T.)

 


II. La coopération
    D'APRES la p. 288 [323/1-302], un capital individuel assez important pour employer simultanément un grand nombre d'ouvriers appartient59 à la production capitaliste; c'est seulement quand il est lui-même complètement affranchi du travail que l'employeur devient intégralement capitaliste. La collaboration d'une foule d'ouvriers, travaillant en même temps et dans le même lieu sous les ordres du même capitaliste, et en vue de la production de la même espèce de marchandise, constitue le point de départ historique et formel de la production capitaliste. P. 302 [337/16].
    Il n'y a donc tout d'abord qu'une différence quantitative par rapport à ce qui était auparavant, quand le même employeur occupait moins d'ouvriers. Mais une modification [survient] bientôt.
Déjà le grand nombre d'ouvriers garantit que l'employeur reçoit véritablement du travail moyen, ce qui n'est pas le cas chez le petit patron, tenu néanmoins de payer la valeur moyenne du travail dans sa petite entreprise ; les inégalités se compensent [donc] pour la société, mais pas pour le patron isolé. La loi de la productiosn de valeur en général ne s'applique donc complètement pour chaque producteur qu'à partir du moment où il produit en tant que capitaliste, occupe simultanément beaucoup d'ouvriers et met d'emblée en mouvement du travail social moyen. P. 303304 [337-339/16-17].
    Mais, d'autre part : Economie des moyens de production par la seule grande entreprise, moindre cession de valeur des parties constantes du capital, résultant seulement de sa consommation [du capital constant] commune dans le processus de travail du grand nombre [d'ouvriers]. Et ainsi les moyens de production acquièrent un caractère social, avant que l'acquière le processus de travail lui-même (jusqu'ici simple juxtaposition de processus identiques). P. 305 [340/18].
    Ne considérer ici l'économie des moyens de production que dans la mesure où elle fait baisser le prix des marchandises et, par là, réduit la valeur du travail. La façon dont elle modifie le rapport de la plus-value au capital total avancé (v + c) ne sera étudiée qu'au livre III. Ce découpage [du sujet] est tout à fait dans l'esprit de la production capitaliste; présentant les conditions de travail à l'ouvrier comme indépendantes de lui, son économie apparaît également comme une opération particulière, qui ne le regarde pas et qui est, par conséquent, distincte des méthodes par lesquelles est accrue la productivité de la force de travail consommée par le capital.
    La forme de travail dans laquelle beaucoup d'ouvriers travaillent côte à côte et ensemble, d'après un plan général, dans un même processus de production ou dans des processus de production connexes s'appelle coopération. P. 306 [340/18]. (Concours de forces. Destutt de Tracy.)
    La somme de la force mécanique des ouvriers isolés diffère essentiellement du potentiel de force mécanique qui se déploie lorsque de nombreuses mains coopèrent en même temps dans la même opération indivise (levier et fardeau, etc.). La coopération crée par avance une force productive qui est en elle-même et pour elle-même une force de masse.
    En outre, dans la plupart des travaux productifs, le simple contact social engendre une émulation qui augmente le rendement individuel, de telle sorte que 12 ouvriers, au cours d'une journée de travail commune de 144 heures, fournissent un produit plus grand que 12 ouvriers en 12 [heures de travail] séparées, ou un ouvrier en douze journées de travail consécutives. P. 307 [341/19].
    Bien que de nombreux ouvriers accomplissent la même besogne ou une besogne analogue, le travail individuel de chacun peut représenter une phase différente du processus de travait (chaîne de gens qui se passent un objet60), la coopération épargnant à nouveau du travail. De même, quand une construction est commencée de divers côtés à la fois. L'ouvrier combiné ou l'ouvrier total a des mains et des yeux devant et derrière et possède à un certain degré le don d'ubiquité. P. 308 [342/20].

 

_______________________________________
59 Dans le texte de Marx : « La production capitaliste ne commence... en-fait à s'établir que là où un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois. a(N. T.)
60 Marx donne l'exemple des maçons qui forment la chaîne pour faire passer des pierres du pied d'un échafaudage au sommet: k Chacun d'eux exécute la même manaeuvre, et néanmoins toute.; les manceuvres individuelles, parties continues d'une opération d'ensemble, forment diverses phases par lesquelles doit passer chaque pierre et les vingt-quatre mains du travailleur collectif la font passer plus vite que ne le feraient les deux mains de chaque ouvrier isolé montant et descendant l'échafaudage ». (N. T.)

 


    Dans les processus de travail compliqués, la coopération permet de répartir les opérations séparées, de les accomplir simultanément et ainsi de réduire le temps de travail pour la fabrication du produit total. P. 308 [343/20].
    Dans de nombreuses sphères de production, il existe des moments critiques où beaucoup d'ouvriers sont nécessaires, par exemple les récoltes, la pêche au hareng, etc. Ici, seule, la coopération est de mise. P. 309 [343/21].
    D'une part, la coopération étend le champ de la production et devient par suite une nécessité pour les travaux qui s'appliquent à de grandes étendues (assèchements, construction des routes, etc., construction de digues) ; d'autre part, elle le contracte en concentrant les ouvriers dans un seul local, épargnant ainsi des frais. P. 310 [344/21].
    Dans toutes ces formes, la coopération est la force productive spécifique de la journée de travail combinée, la force productive sociale du travail. Elle découle de la coopération même. En collaborant avec d'autres selon un plan, l'ouvrier se débarrasse des limites posées à son individualité et développe ses possibilités créatrices.
    Or, des ouvriers salariés ne peuvent pas coopérer sans que le même capitaliste les emploie simultanément, les paye et les munisse de moyens de travail. Le degré de coopération dépend donc de la quantité de capital que possède un capitaliste. La condition exigeant une quantité déterminée de capital pour muer son propriétaire en capitaliste, devient maintenant condition matérielle pour la transformation des nombreux travaux individuels disséminés et indépendants les uns des autres en un processus de travail social combiné.
    De même, la primauté du capital sur le travail [qui n'était] jusqu'ici que la conséquence formelle du rapport entre les capitalistes et les ouvriers [devient] maintenant condition nécessaire pour le processus de travail même, le capitaliste représente la combinaison dans le processus de travail. Dans la coopération, la direction du processus de travail devient [la] fonctionn du capital et à ce titre elle [la fonction] acquiert des caractères spéciaux. P. 312.[346/23].
    Conformément au but de la production capitaliste (mise en valeur aussi grande que possible du capital) cette direction a en même temps, pour fonction l'exploitation aussi grande que possible d'un processus de travail social et [est], par conséquent, conditionnée par l'antagonisme inévitable entre exploiteurs et exploités. En outre, le contrôle de la juste utilisation des moyens de travail. Enfin, la connexion des fonctions des divers ouvriers se trouve en dehors d'eux, dans le capital, de sorte que leur propre unité leur apparaît comme l'autorité du capitaliste, comme une volonté étrangère. La direction capitaliste est donc double [par son contenu]. (1. processus de travail social pour la fabrication d'un produit, 2. processus de mise en valeur d'un capital) et est despotique par sa forme. Ce despotisme développe maintenant ses formes particulières : Le capitaliste qui vient tout juste d'être délivré personnellement du travail cède maintenant la surveillance subalterne à une bande organisée d'officiers et de sous officiers qui sont eux-mêmes les salariés du Capital. Dans l'esclavage, les économistes comptent ces frais de surveillance parmi les faux-frais61 de la production dans la production capitaliste, ils identifient la [fonction de] direction, dans la mesure où elle est conditionnée par l'exploitation, avec la [cette] même fonction dans la mesure où elle découle de la nature du processus de travail social. P. 313-314 [346-348/23-25].
    Le commandement suprême dans l'industrie devient l'attribut du Capital, comme, au temps de la féodalité, le commandement suprême à la guerre et dans les tribunaux était l'attribut de la propriété foncière. P. 314 [348/25].
______________________________________________________
61 En français dans les textes de Marx et d'Engels. (N. T.)

 

p58
    Le capitaliste achète 100 forces de travail individuelles et reçoit en échange une force de travail combinée de 100. Il ne paye pas la force de travail combinée de 100 En entrant dans le processus de travail combiné, les ouvriers ont déjà cessé de s'appartenir, ils sont incorporés au capital. C'est ainsi que la force productive sociale du travail apparaît comme une force productive immanente au capital. P. 315 [349/25].
    Exemples de coopération chez les Egyptiens de l'antiquité. P. 316 [349-350/261.
    La coopération naturelle au début de la civilisation chez les peuples chasseurs, les nomades ou les communautés indiennes repose : 1. sur la propriété commune des conditions de production ; 2. sur l'adhérence naturelle de l'individu à la tribu ou à la communauté primitive. - La coopération sporadique, dans l'antiquité, au moyen âge, et dans les colonies modernes repose sur la domination directe et la violence, la plupart du temps sur l'esclavage. La coopération capitaliste, par contre, présuppose [l'existence de] l'ouvrier salarié libre. Historiquement, elle apparaît en opposition directe à l'économie paysanne et à l'entreprise artisanale indépendante (corporative ou non) et ainsi comme une forme historique propre au processus de production capitaliste et le distinguant [des autres]. Elle est la première modification que subit le processus de travail, par sa subordination au Capital. Ici, apparaissent aussitôt : 1. le mode de production capitaliste en tant que nécessité historique pour la transformation du processus de travail en processus social, ensuite 2. cette forme sociale de processus de travail en tant que méthode du Capital en vue de l'exploiter d'une façon plus rémunératrice par l'augmentation de ses forces productives, P. 317 [351/26-27].
    La coopération, pour autant qu'elle a été considérée jusqu'ici, sous sa forme simple, coïncide avec la production sur une grande échelle, mais ne constitue pas la forme fixe caractéristique d'une époque particulière de la production capitaliste, et elle subsiste encore aujourd'hui là où le Capital opère sur une grande échelle sans que la division du travail ou le machinisme y jouent un rôle important. Aussi, bien que la coopération [soit] la forme fondamentale de toute la production capitaliste, sa forme simple apparaît elle-même ou en tant que forme particulière à côté de ses formes plus développées. P, 318 [351/27].

 


                               III. Division du travail et manufacture.
    La manufacture, forme classique de la coopération fondée sur la division du travail, prédomine de 1550 à 1770 environ. Elle naît :
1. Soit par la réunion de divers artisans dont chacun effectue une opération partielle (p [ar]- ex [emple] : manufacture de voitures), l'artisan individuel perdant très vite son aptitude à exercer son métier tout entier, mais [n'en devenant] que plus habile dans son métier partiel; le processus est donc transformé en une fragmentation de l'opération globale dans ses diverses parties. P. 318 [352/28].
2. Ou encore un grand nombre d'artisans qui font le même travail ou un travail similaire sont réunis dans la même fabrique et, peu à peu, les diverses opérations, au lieu d'être accomplies successivement par le même ouvrier, sont séparées et accomplies simultanément par des ouvriers différents (aiguilles, etc). Au lieu d'être l'oeuvre d'un artisan, le produit est maintenant l'oeuvre d'une association d'artisans dont chacun n'accomplit qu'une opération partielle. P. 319-320, [353-354/29].
    Dans les deux cas, son résultat est : un mécanisme de production dont les organes sont des hommes. L'exécution [du travail] reste professionnelle; chaque processus partiel traversé par le produit doit être exécutable manuellement, donc toute analyse véritablement scientifique du processus de production est exclue62.Justement, à cause de la nature professionnelle [du travail], chaque ouvrier se trouve enchaîné aussi complètement à une fonction partielle. P. 321 [354/30].

 

    De la sorte, dutravail [est] économisé par rapport à l'artisan, et cela [ce phénomène est] encore accentué par [la] transmission à [la] génération suivante. De la sorte, la division manufacturière du travail correspond à la tendance des sociétés antérieures à rendre les métiers héréditaires : castes, corporations, etc. P. 322 [355-356/30-31].
   Subdivision63 des outils par l'adaptation aux divers travaux partiels : 500 variétés de marteaux à Birmingham. P. 323-324 1357-358/32-331.
______________________________
62 Dans Marx : « Composée ou simple, l'exécution ne cesse de dépendre de la force, de l'habileté, de la promptitude et de la sûreté de main de l'ouvrier dans le maniement de son outil. Le métier reste toujours la base Cette base technique n'admet l'analyse de la besogne à faire que dans des limites très étroites. » (N. T.)

 

63 Marx parle de différenciation et de spécialisation des instruments de travail. (N. T.)

 

    Du point de vue du mécanisme global de la manufacture, cette dernière revêt deux aspects : montage purement mécanique de produits partiels indépendants (montre) ou séries des processus interdépendants dans un atelier (aiguille).
Dans la manufacture, chaque groupe ouvrier fournit à l'autre sa matière première. D'où condition fondamentale : chaque groupe doit fabriquer en un temps donné, une quantité donnée, il en résulte donc une continuité, régularité, uniformité et intensité du travail tout autres [bien supérieures] que dans la coopération elle-même. Ici donc, loi technologique du processus de production : le travail doit être du travail socialement nécessaire.P. 329 [36236].
    L'inégalité du temps nécessaire pour les diverses opérations fait que les différents groupes d'ouvriers sont de force et de grandeur différentes (dans la fonte de caractères d'imprimerie; 4 fondeurs et 2 casseurs pour 1 frotteur). La manufacture crée donc un rapport mathématique ferme pour l'importance quantitative des divers organes de l'ouvrier global, et la production ne peut être étendue qu'à la condition d'embaucher un multiple du groupe global. En outre, le fait de rendre certaines fonctions indépendantes - surveillance, transport des produits de local à local, etc. - ne devient rémunérateur qu'à partir du moment où la production atteint un certain niveau. P. 329-330 [362-363/36-37].
    La liaison de diverses manufactures en une manufacture globale se produit également, mais continue de manquer de la véritable unité technologique, qui ne prend naissance qu'avec la machine. P. 331 [36438].
    De bonne heure, les machines font déjà leur apparition dans la manufacture - sporadiquement - moulin à farine, moulin à bocarder, etc., mais seulement en tant qu'accessoire. La principale machine de la manufacture est l'ouvrier collectif combiné, qui possède une perfection beaucoup plus grande que l'ancien ouvrier individuel routinier, et dans lequel toutes les imperfections, qui sont souvent développées par la nécessité chez l'ouvrier partiel, apparaissent comme une perfection. P. 333 [366/40]. La manufacture développe des différences parmi ces ouvriers partiels, skilled et unskilled64 voire une hiérarchie achevée des ouvriers. P. 334 1366-367,/40-411.
    La division du travail [est] 1. générale (dans agriculture, industrie, navigation, etc.), 2.spéciale (en genres et espèces65) 3. de détail [ou individuelle] (dans l'atelier).Cette division sociale du travail a également des points de départ variés. 1. Au sein de la famille et de la tribu, [on a] une division naturelle du travail d'après le sexe et l'âge, à quoi [s'ajoute] l'esclavage par la violence contre les voisins qui l'étend [qui étend la division du travail]. P. 335 [368-369/41-42]. 2. Diverses communautés, suivant la situation, le climat, le degré de civilisation obtiennent des produits divers et ces derniers sont échangés là où ces communautés entrent en contact. L'échange avec les com-munautés étrangères est, par la suite, pour chaque communauté un des principaux moyens de surmonter sa dépendance à l'égard de la nature par l'approfondissement de la division naturelle du travail. P. 336 [369/42].

 

    La division manufacturière du travail présuppose, d'une part, un certain degré de développement de la division sociale du travail, d'autre part, elle approfondit cette dernière - c'est là la division territoriale du travail. P. 337-338 [370-371/43-44].
___________________________________
64 Qualifié, non qualifié. (N. T.)
65 Artrn und Unternrten : peut se traduire différemment suivant le contexte. Il faut surtout retenir ici l'idée de classification analogue à la clsslification zoologique ou botanique en embranchements, classes. ordres. (N. T.)

 

    Toutefois, [il y al toujours entre la division sociale et [la division] manufacturière du travail, cette différence que la première produit nécessairement des marchandises tandis que dans la seconde l'ouvrier partiel ne produit pas de marchandises66. D'où, dans celle-ci, [la division manufacturière] organisation concentrée67, dans celle-là morcellement et désordre de la concurrence. P. 339-341 [372-374/45-461..
    Sur l'organisation antique de la communauté indienne. P. 341342 [374-376/46-471. La corporation. P. 343-344 [376-377/48]. Tandis que dans toutes [les formations économiques] existe cette division du travail dans la société, la division manufacturière du travail est une création spécifique du mode de production capitaliste.
    Le corps de travail qui fonctionne dans la manufacture, est, comme dans la coopération, une forme d'existence du capital. La force productive résultant de la combinaison des travaux apparaît donc comme force. productive du capital. Mais tandis que la coopération ne modifie en rien le mode de travail de l'individu, la manufacture le révolutionne ; elle estropie l'ouvrier68, incapable d'effectuer une production indépendante, puisqu'il n'est plus qu'un accessoire de l'atelier du capitaliste. Les puissances spirituelles du travail disparaissent du côté du plus grand nombre pour se développer du côté d'un seul [individu]69. C'est la division manufacturière du travail qui oppose les puissances spiri-tuelles du processus du travail aux ouvriers [à qui elles apparaissent] comme [la] propriété d'autrui et [comme des forces] qui les dominent. Ce processus de scission qui commence déjà dans la coopération se développe dans la manufacture, se complète dans la grande industrie, qui sépare la science du travail en tant que puissance productrice indépendante et l'oblige à se mettre au service du capital. P. 346 [379/50].
Passages à l'appui. P. 347 [379-380/51-52].
    La manufacture [qui est] par un côté une organisation déterminée du travail social, n'est, par l'autre côté, qu'une méthode particulière de production de plus-value relative. P. 350 [382383/53]. Signification historique [traitée dans] le même passage.
Obstacles au développement, de la manufacture même pendant sa période classique: limitation du nombre des ouvriers maladroits par la prédominance des [ouvriers] adroits. Le travail des femmes et des enfants se heurte souvent à la résistance des hommes qui se prévalent jusqu'au bout des laws of apprenticeship70 même là où [elles sont] superflues ; insubordination continuelle des ouvriers, car l'ouvrier global ne possède pas encore de squelette indépendant71 des ouvriers [individuels]. - Emigration des ouvriers. P. 353-354 [386-387/55-56].
    En outre, elle [la manufacture] n'était pas en mesure de bouleverser ou seulement de dominer toute la production sociale. Sa base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production créés par elle-même. La machine devenait nécessaire, et la manufacture avait justement appris déjà à la construire. P. 355 [387/56-57].
_________________________________________________________________
66 Marx ajoute « Ce n’est que leur produit collectif qui devient marchandise. » (N.T.)
67 Marx - « La division manufacturière du travail suppose une concentration de moyens de production dans la main du capitaliste. s (N. T.)
68 Au sens figuré, Marx écrit: « Elle estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail en sacrifiant tout un monde de dispositions et d'instincts producteurs. » (N. T.)
69 Formulation un peu différente chez Marx : »Les puissances intellectuelles de la production se développent d'un seul côté parce qu'elles disparaissent sur tous les autres. » (N. T.)
70 Lois sur l'apprentissage. (N. T:)
71 Marx montre que malgré la division des opérations, l'habileté manuelle reste la base de la manufacture. Lé où l'ouvrier est professionnellement adroit, il est insubordonné ; l'ouvrier global que constitue la manufacture n'a pas encore de squelette, c'est-à-dire d'armature mécanique (machines) permettant de plier l'ouvrier. (N. T.)

 


                                      IV. Machinisme et grande-industrie.

                                        

 

TABLE DES MATIERES


NOTE DES EDITEURS......................................................................................................................................3
LE « CAPITAL » DE MARX............................................................................................................................5
EXTRAIT DE LA PRÉFACE AU DEUXIÈME LIVRE DU « CAPITAL ».................................................13
RESUME DU CAPITAL LE PROCES DE LA PRODUCTION DU CAPITAL (LIVRE PREMIER)......15
PREFACE........................................................................................................................................................15
PREMIERE PARTIE LA MARCHANDISE ET L'ARGENT..........................................................................17
I. La marchandise en soi..............................................................................................................................17
II. Procès d'échange de la marchandise.......................................................................................................18
III. La monnaie ou la circulation des marchandises.....................................................................................20
DEUXIEME PARTIE LA TRANSFORMATION DE L'ARGENT EN CAPITAL..........................................26
I. Formule générale du capital.................................................................................................................26
II. Contradiction de la formule générale.......................................................................................................28
III. Achat et vente de la force de travail........................................................................................................30
TROISIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE..............................................32
I. Processus de travail et processus de mise en valeur.............................................................................32
II. Capital constant et capital variable.........................................................................................................33
III. Le taux de la plus-value..........................................................................................................................34
IV. La journée de travail..............................................................................................................................35
V. Taux et masse de la plus-value.................................................................................................................37
QUATRIÈME PARTIE LA PRODUCTION DE LA PLUS-VALUE RELATIVE..........................................39
I. Notion de la plus-value relative.................................................................................................................39
II. La coopération........................................................................................................................................39
III. Division du travail et manufacture..........................................................................................................42
IV. Machinisme et grande-industrie..............................................................................................................45
V. Nouvelles recherches sur la production de la plus-value.........................................................................51
COMPLÉMENT ET SUPPLEMENT AU IIIE LIVRE DU « CAPITAL »...................................................52
1. LOI DE LA VALEUR ET TAUX DE PROFIT. « PROFIT-RATE »................................................................52
2. LA BOURSE ..................................................................................................................................................62
FRANZ MEHRING : « LE CAPITAL »..........................................................................................................65
I. LES DOULEURS DE L’ENFANTEMENT...............................................................................................................65
II. LE PREMIER LIVRE........................................................................................................................................67
ROSA LUXEMBOURG :..................................................................................................................................76
III. LES DEUXIEME ET TROISIEME LIVRES...........................................................................................................76

NOTE DES EDITEURS

 

����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LA PROTECTION SOCIALE DANS LA FRANCE CAPITALISTE

  Le surendettement de nombreux états n' est plus à démontrer et aujourd'hui c' est toute la partie concernant la protection soc...