Nous
publions ici un texte largement basé sur la traduction d'un article
"El mito de los derechos y libertades democraticas" publié
dans notre revue centrale en langue espagnole: Comunismo (1)(1).
Ce texte s'inscrit pleinement dans notre souci de toujours: la
critique impitoyable de ce qui est et en particulier la
critique/démolition de la
démocratie
comme expression la plus pure de la dictature terroriste du capital.
*
* *
Le prolétariat
dans sa tendance à s'organiser en classe autonome, a besoin de se
réunir, de développer la presse ouvrière, de s'associer, de mener
des grèves, des occupations d'usines, d'organiser l'action directe,
de libérer des camarades emprisonnés, de s'armer,... Ces taches ont
été assumées avec différents résultats à toutes les époques de
sa lutte historique, indépendamment de la forme de domination de la
bourgeoisie: bonapartiste ou parlementaire, républicaine ou
fasciste.
La
politique de la bourgeoisie à l'égard du prolétariat consiste à
présenter ces besoins comme identiques à l'ensemble des
institutions et libertés démocratiques (droit de presse, liberté
d'association, amnistie). Ce ne sont pas seulement les libéraux
bourgeois classiques qui essaient de nous convaincre que la
démocratie est meilleure, mais c'est la totalité des partis
pseudo-ouvriers (socialistes, staliniens, trotskistes,...) qui basent
leur politique contre-révolutionnaire sur l'affirmation que la
classe ouvrière se rapprocherait du socialisme par la conquête et
la défense de la totalité des droits et libertés.
En
réalité, il existe une opposition irrémédiable entre l'ensemble
des libertés démocratiques bourgeoises et les besoins du
prolétariat de s'organiser sur son terrain de classe. Les positions
que le prolétariat conquiert sur ce terrain ne peuvent jamais être
confondues avec les prétendues "libertés ouvrières".
De
la même manière qu'existent deux classes antagoniques, existent
deux conceptions fondamentales de la lutte ouvrière. L'une
bourgeoise, où l'on critique le manque d'égalité, de démocratie,
où il faudrait lutter pour plus de droits, de libertés,... L'autre
prolétarienne, basée sur la compréhension que les racines mêmes
de toutes ces libertés, égalités et droits sont essentiellement
anti-ouvrières, qui implique pratiquement la destruction de fond en
comble de l'état démocratique avec son cortège d'égalités, de
libertés et de droits. Ces deux conceptions antagoniques expriment
en fait la contradiction entre d'une part la critique passive
d'amélioration, de réforme et donc de renforcement du système
d'exploitation et d'autre part la critique active, la nôtre, la
destruction de ce système d'exploitation.
Quand
la "droite" nous dit que la "gauche" est
dictatoriale et antidémocratique, que lorsque la gauche est au
gouvernement elle ne respecte plus les droits de l'homme et que pour
cela notre intérêt serait de brandir le drapeau de la démocratie,
de lutter sous son aile protectrice pour la démocratie pure: est-ce
un mythe ou a-t-elle un réel intérêt objectif à la
démocratisation? Quand la gauche nous dit au nom du "marxisme"
que la "bourgeoisie" et "le capitalisme" ne
respectent pas les libertés démocratiques, que nous devons, les
défendre contre l'attaque fasciste, que nous devons les réclamer là
où elles sont inexistantes, que c'est la voie vers le socialisme:
n'est-ce qu'un ensemble de mots d'ordre opportunistes, ou
lutte-t-elle réellement pour la démocratie?
La
bourgeoisie a toujours tenté d'utiliser le prolétariat (alors
ouvriers atomisés, pris comme citoyens) comme base sociale, comme
chair à canon pour servir ses propres intérêts de classe
dominante. En ce sens, nous comprenons déjà en quoi la bourgeoisie
essaie toujours de faire combattre les ouvriers pour des intérêts
qui ne sont pas les leurs (ceci répond partiellement à la
question). Mais les bourgeoisies de "droite" comme de
"gauche" aspirent-elles ou non à la démocratie? Le conte
des libertés et de l'homme, est-ce seulement une mystification sans
aucune base matérielle ou existe-t-il une réalité objective qui
produise la mystification démocratique? Doit-on conclure qu'aucune
fraction de la bourgeoisie n'a intérêt à voir appliquer ces droits
et libertés des citoyens? (Le corollaire à cette position serait
donc que le prolétariat pourrait ne pas tomber sous la domination
bourgeoise s'il luttait vraiment pour la défense de la démocratie).
Ou faut-il conclure au contraire, que la lutte des bourgeois pour le
paradis des droits démocratiques correspond réellement à
l'aspiration suprême de la bourgeoisie?
Evidemment
la critique marxiste révolutionnaire que nous développons ici
reprend cette dernière thèse: l'ensemble des droits de l'homme et
du citoyen correspond parfaitement à la forme idéale de la
reproduction de l'oppression capitaliste. Voyons en quoi consiste et
d'où émerge cette forme idéale de la démocratie.
Le
paradis des droits de l'homme et du citoyen
Le parti de
l'ordre, le parti général du capital, où si l'on veut l'ensemble
des partis bourgeois, est absolument incapable d'affronter le
prolétariat constitué en classe et par cela en parti. C'est
pourquoi le secret central de la domination bourgeoise consiste à
empêcher cette constitution du prolétariat en force autonome et il
n'y a rien de plus efficace pour la bourgeoisie que l'ensemble des
libertés et droits de l'homme et du citoyen pour noyer le
prolétariat, pour l'asphyxier dans le peuple. En effet, lorsque le
prolétariat n'existe plus en tant que classe, que chaque ouvrier est
un bon citoyen, avec ses libertés, droits et devoirs qui dérivent
de sa citoyenneté, il accepte l'ensemble des règles du jeu qui
l'atomise et qui le dilue dans le peuple où ses intérêts
spécifiques de classe ne trouvent aucune place. Comme citoyen égal
à tous, il n'existe pas comme classe. C'est précisément la
condition du meilleur fonctionnement de la démocratie.
Mais
ce règne de la démocratie que nous promettent la "gauche"
et la "droite" au nom du socialisme et/ou de la liberté,
où n'existent pas de classes mais des citoyens et des hommes libres,
comme toute forme idéologique de la bourgeoisie, ne surgit pas du
néant et ne se maintient pas comme idée pure en dehors du monde.
D'un coté, ce monde, "paradis terrestre" des droits de
l'homme et du citoyen, obéit à une réalité matérielle bien
précise, le règne de la circulation des marchandises duquel tous
les avocats du capital extraient ses catégories et ses conclusions;
de l'autre coté l'ensemble des formes mentales, idéologies, qui
dérivent de ce même règne sont acceptées par la société et sont
donc objectives: la dissolution du prolétariat dans le monde amorphe
du citoyen n'a rien d'immatériel, même si elle se base sur le monde
mystique de la marchandise on pourrait croire que les millions de
pages écrites par des marxologues et autres juristes du capital,...
les constitutions des Etats bourgeois, les chartes, les
déclarations,... ne servent que passivement la bourgeoisie, que
celle-ci en tient ou non compte en fonction des circonstances. Mais
c'est oublier que ces mêmes chiffons de papier reflètent et
consolident la réalité, qu'ils font partie de l'idéologie
dominante et que celle-ci se transforme en force matérielle
qui renforce et assure la reproduction de la société. Les lois et
autres paperasseries sont des produits idéologiques de la dictature
bourgeoise qui deviennent autant de remparts la défendant.
Dans
la sphère de la circulation de la marchandise, il n'existe pas de
classes; tout le monde est citoyen, chacun apparaît comme acheteur
et vendeur de marchandises, égal, libre et propriétaire.
Même dans le cas de l'achat et de la vente de la force de travail,
on se trouve dans le paradis des droits de l'homme et du citoyen.
Chacun vise ses propres intérêts privés dans le règne de
l'égalité, la liberté et la propriété privée.
Liberté:
parce que l'acheteur et vendeur des marchandises, dont la force de
travail, n'obéit à aucune autre loi que celle de sa libre
volonté.
Egalité:
parce que dans le monde des marchandises, tous sont acheteurs et
vendeurs et chacun reçoit une valeur égale aux valeurs
contenues dans les marchandises qu'il vend, échangeant équivalent
contre équivalent.
Propriété:
Parce que chacun se présente dans le monde de l'échange comme
propriétaire de sa marchandise et il ne peut disposer que de
ce qui lui est propre.
Tous
les citoyens contractent en tant qu'hommes libres, égaux et
propriétaires, relations d'où émerge naturellement une
fraternité qui est le reflet juridique garantissant les libertés,
l'égalité, les possibilités identiques d'accès à la propriété
des marchandises pour tous les hommes. Tout achat et vente de
marchandises est le résultat d'un accord de volonté entre les
hommes (l'expression juridique en est le contrat) qui, du fait de la
marchandise, sont propriétaires, libres, égaux et fraternels.
De
ce monde fétiche de la marchandise où les classes n'ont pas de
place mais où se retrouvent les hommes et les citoyens émerge
l'ensemble des libertés et droits qui leur permet
comme tels de décider dans la société de la régulation et
l'amélioration de ce monde. Il est non seulement permis de voter et
de choisir comme citoyen, mais il est également possible
d'avoir ses représentants dans les organes démocratiques
pour lesquels les libertés de réunion, de presse et
d'association, d'expression, etc. sont assurées. Les citoyens
peuvent s'associer comme électeurs et éligible (dans les partis
bourgeois) ou comme acheteurs et vendeurs de marchandises (dans les
syndicats). Rien de plus naturel donc que les citoyens puissent se
constituer en partis politiques, aspirer à obtenir des postes dans
le gouvernement, dans les ministères, les parlements ou les
"soviets". Pour cela, pas besoin non plus de montrer un
certificat de noblesse, en tant que citoyen, n'importe qui,
indépendamment de sa condition sociale (dont le monde du droit fait
abstraction) peut être député, ministre ou président. De même,
en tant qu'acheteurs et vendeurs de marchandises, ils peuvent
s'associer et se syndiquer, refuser de vendre ou d'acheter si
l'affaire n'est pas convenable. A ceci correspond un autre ensemble
de droits et de libertés comme celui qui régit les sociétés
anonymes ou les syndicats pseudo-ouvriers. Les vendeurs et acheteurs
de marchandises (force de travail) associés comme tels (jamais comme
ouvriers ou comme bourgeois étant donné que dans le monde de la
circulation des marchandises personne ne travaille ni ne s'approprie
le travail d'un autre), peuvent même suspendre la livraison des
valeurs d'usage, c'est le droit de grève. De même, le
citoyen qui achète la dite marchandise peut décider d'en acheter
une autre équivalente, c'est la liberté de travail (ce
serait profaner le sacro-saint règne de la marchandise que de parler
des jaunes, briseurs de grève ou des moutons). Ou encore, le citoyen
peut refuser de continuer à acheter la dite-marchandise, c'est la
liberté d'entreprise (sous ce règne, il n'existe pas de
lock-out!). Sans oublier les droits des prisonniers, ni
l'amnistie générale qui n'existent qu'avec la condition préalable
que tout le monde se comporte en bon citoyen, en bon acheteur et
vendeur, comme le profèrent Amnesty International et autres
humanistes!
On
nous fera remarquer que nulle part existent de tels droits et
libertés que partout existent des prisonniers, que partout on limite
le droit de grève, qu'en tel pays on limite le droit à la
propriété, que dans tel autre on ne permet que le parti unique,
etc. Tout cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Cependant, dans tous
ces pays il existe toujours une fraction bourgeoise qui critique les
carences dans la démocratie de ces différents régimes et pour le
faire, elle doit nécessairement avoir un système de référence:
l'idéal démocratique. C'est précisément celui-ci que nous voulons
expliciter et dénoncer. C'est la seule manière pour pouvoir rompre
avec la critique bourgeoise de la démocratie et reconnaître
l'ennemi dans tous les défenseurs de la démocratie pure et
parfaite. En effet, de même que celle-ci est le produit et le
reflet de la base mercantile de la société capitaliste, elle est
aussi le cadre de référence de toutes les critiques bourgeoises qui
ne visent qu'à corriger les imperfections de la démocratie et où
convergent, en périodes de crises révolutionnaires, toutes les
forces de la contre-révolution.
Mais
est-il possible que l'idéologie bourgeoise arrive à s'imaginer, une
telle société? où il n'existerait pas de prisonniers parce que
personne ne volerait ou/et parce qu'aucun groupe ouvrier ne
s'organiserait, où toute grève dans le cadre strict du droit, de
"grève", où toute association ne tendrait qu'à regrouper
des acheteurs et vendeurs pour assurer que les marchandises
s'échangent à leur juste prix? Evidemment oui. Il y a plus de deux
siècles, les démocrates n'avaient pas de problèmes à reconnaître
que la république démocratique devait correspondre au "peuple
des dieux", comme le disait Rousseau. Aujourd'hui encore, la
bourgeoisie, dans son apothéotique décomposition, incapable de
comprendre sa perspective historique bornée, s'agrippe à toute
bouée aussi mystique soit-elle. Si la bourgeoisie a eu besoin et a
été capable d'intégrer, d'assimiler toute religion qu'hier elle
combattait au nom de la Raison et de la Science, si elle a eu besoin
et a été capable de canoniser, sanctifier le "marxisme-léninisme"
qu'hier elle affrontait, comment douter qu'elle n'aspire pas
"honnêtement" à son paradis démocratique qu'elle a
toujours défendu?
L'homme
imagine dieu comme l'image parfaite de lui-même, donc épurée de
ses contradictions. Le capital s'imagine un règne éternel et
parfait, en se basant sur la conviction qu'il est le pôle positif de
la société, épuré de ses aspects antagoniques. Il est incapable
de se comprendre lui-même comme réalité contradictoire
(richesse/misère, croissance/entrave dans le développement des
forces productives, "développement/sous-développement",
égalité/oppression). Il ne se comprend que comme identique à son
pôle positif (richesse, croissance, égalité, liberté,
démocratie,...). Par exemple, il entretient une conception tout à
fait a-historique et mystique de la valorisation du capital qu'il
voit sans destruction périodique, massive et croissante des forces
productives sociales que le capital se nomme ou non socialisme,
s'auto-proclame ou non communisme, il construit toujours ses
catégories, son analyse, sa vision du monde, en ignorant sa propre
réalité contradictoire, en méconnaissent l'unité et
l'opposition indissociable entre le travail salarié et le
capital. On ne doit donc pas du tout s'étonner que dans ce monde
démocratique il n'existe personne qui se fasse exploiter, qui soit
emprisonné, qu'il n'existe que capital, richesse, égalité,
justice, croissance et liberté.
L'unité
contradictoire de la prosaïque réalité
Abandonnons
maintenant le monde des idées et des catégories du capital, celui
de la circulation et du citoyen et retournons à celui de tous les
jours, celui de la production et de la valorisation du capital. Le
vendeur de la force de travail, qu'il le veuille ou non, qu'il croit
au père Noël ou à la démocratie, dans l'usine, c'est un ouvrier
et là, il doit travailler, donner du rendement, cracher de la
valeur, suer du capital. Dans l'usine il n'est l'égal de
personne, ni libre de rien, ni propriétaire de rien, même pas de ce
qu'il manipule. S'il veut, le prolétaire peut s'imaginer que sa
citoyenneté n'est que suspendue, que ses égalité, liberté et
propriété, il les a laissées à la porte de l'usine et qu'il les
récupérera à la sortie. Mais il se trompe lourdement Si dans les
huit heures ou plus, il consomme des matières premières et des
machines pour produire des valeurs d'usage qui restent propriétés
du capital, dans les seize restantes, durant les congés, les
vacances, il consomme nourriture, bière, football ou télévision
pour encore produire une valeur d'usage: sa force de travail qui ne
sera à nouveau utilisée que pour la valorisation du capital. En
dehors du paradis mystique et fugace de la circulation et des
élections libres, l'ouvrier est, qu'il le veuille ou non, un
ouvrier; même quand il fornique que ce soit par plaisir ou pour
augmenter sa progéniture (la prole, origine du mot prolétaire), il
n'est plus que force de travail et valorisation du capital. Comme
tel, il n'est ni libre, ni égal, ni citoyen, ni propriétaire et ce
pas même un moment de sa vie il n'est qu'esclave salarié. Même
avant de tendre à s'organiser pour défendre ses intérêts
d'ouvrier il a déjà toute la légalité, la propriété, la
liberté contre lui.
Cependant,
pour pénétrer la réelle signification de l'ensemble des droits et
libertés bourgeois, il faut non seulement passer de la circulation à
la production (comprises dans une unité contradictoire), mais encore
capter l'essence même des contradictions de classes de la société.
Ainsi, on comprend que la première liberté qu'a le prolétariat
est celle contenue dans sa propre définition, être libre de
toute propriété. En effet, les ancêtres de l'actuel
prolétariat ont été libérés par la violence physique de
toute autre propriété que celle, de leur progéniture et de leur
propre capacité à travailler pour un autre. Cette liberté
de toute propriété est la plus importante qui détermine toutes les
autres. Grâce à cette liberté, le prolétaire n'est pas
seulement libre de vendre, sa force de travail, mais il a
aussi le droit de mourir de faim (lui et sa progéniture), s'il ne
trouve pas d'acheteur. L'égalité existante dans le règne de la
circulation des marchandises (cf. supra) permet à l'ouvrier de
recevoir une valeur égale à celle de sa force de travail et c'est
précisément celle qui le prive du produit de son propre travail et
assure l'exploitation capitaliste. La fraternité n'est pas non plus
un mot d'ordre bourgeois vide de sens. Il a signifié dans la
pratique, la fraternisation des bourgeois contre le prolétariat,
sous la forme de fraternité nationale et démocratique a servi à
lier pieds et mains des prolétaires à leurs exploiteurs respectifs,
a mener au massacre de frères de classe dans les champs de guerres
impérialistes.
La
liberté, l'égalité, la propriété, et la fraternité réelles de
la démocratie implique donc une situation permanente de violence
anti-prolétarienne. La répression, non seulement ne constitue
aucune rupture avec la démocratie, mais elle constitue un de ses
éléments indispensables d'imposition de reproduction et
d'extension. Il y a déjà longtemps que
Marx dénonçait la trinité sacrée, "Liberté,
Egalité, Fraternité", comme
équivalent de "Infanterie,
Cavalerie, Artillerie". Plus
encore, la tendance au paradis de la démocratie pure (où personne
ne se plaindrait de ces liberté, égalité, propriété, fraternité)
implique le passage au niveau supérieur de réalisation de la
démocratie, ce qui implique aussi le plein fonctionnement de la
machine terroriste de l'état
démocratique avec des formes
variées. Pour cela, par exemple, entre
la forme libérale et fasciste de l'état, il ne s'opère aucune
modification organique, mais un processus de purification de l'état
dans sa tendance, à réaliser l'inaccessible démocratie (cf.
article "fasciste ou antifasciste, la dictature du capital c'est
la démocratie" in Le Communiste No.9).
Examinons
maintenant d'autres droits et libertés démocratiques: le droit
électoral consiste en ceci que tous les 4, 5, 6, 7,... ans,
l'ouvrier peut s'habiller en citoyen pour aller choisir
librement ses oppresseurs. Cela suppose évidemment d'un côté une
libre campagne électorale, c'est-à-dire la liberté pour
chaque fraction bourgeoise d'investir à cette fin selon ses
capacités, et pour les autres, la liberté de s'imaginer que la
société pourrait changer avec l'accession de tel ou tel parti au
gouvernement de l'état bourgeois. Les dits droits et libertés
octroient même aux ouvriers le "privilège" de choisir
entre les partis autoproclamés ouvriers: de choisir celui qui serait
le plus capable de diriger l'état du capital et d'organiser le
massacre des prolétaires qui auraient tendance à méconnaître les
directives des grands partis "ouvriers", qui rejetteraient
ce que la sacro-sainte majorité a décidé. La liberté de presse
et de propagande consiste aussi à assurer la libre
entreprise de telle manière que ce soit seulement le potentiel
économique et la capacité financière des différents partis qui
assurent le contrôle et la domination de l'opinion publique,
qui garantissent la libre application du principe majoritaire.
Face à tout cet appareil économico-politique de la classe
dominante, les ouvriers ont comme alternative: soit la liberté,
le droit et le devoir de se résigner, soit la force et la
volonté de s'organiser en classe, ce pour quoi aucun droit,
aucune liberté ne sera jamais octroyé!
Les
prétendues "libertés ouvrières"
"Nous sommes
d'accord en théorie que la démocratie bourgeoise est le système de
domination de la bourgeoisie", répondraient les socialistes de
gauche, les staliniens, les trotskistes, etc. "mais, ce dont il
s'agit aujourd'hui, c'est de revendiquer les droits et les libertés
qui servent l'organisation de la classe ouvrière: droit à
l'association, de réunion, de syndicalisation, de grève, l'amnistie
pour les prisonniers politiques,... là où ces droits n'existent
pas, et de les défendre là où le fascisme les attaque,...".
"Ce que vous ne comprenez pas", ajouteraient-ils, "c'est
qu'on ne pourrait, lutter pour le socialisme sans ces droits"!
Laissons
de côté, parce que trop évident, le fait que toutes ces forces du
capital dissimulent bien cette "théorie" qu'ils promettent
de ressortir le jour du jugement dernier, mais voyons en quoi
consiste la pratique des droits et libertés inscrits dans le
programme que les dits partis appellent "minimum" ou
"transitoire". (De tous ces droits, nous n'examinons ici
que ceux supposés être des libertés ouvrières. Par exemple, au
sujet du droit d'association, nous n'analyserons pas le rôle des
S.A. ou SPRL... dans la centralisation et concentration du capital.)
"Le
droit de réunion, d'association, de syndicalisation, la liberté de
presse", nous dit la bourgeoisie (de droite comme de gauche),
"sont des droits concédés aux ouvriers, sont des conquêtes de
la classe ouvrière". Voyons la réalité. Après avoir craché
tous les jours de la valeur au service du capital, en y laissant leur
force, leurs bras, leur cerveau, leur sueur, leur sang,... leur vie,
les ouvriers ont non seulement le droit d'aller au football ou de se
saouler au café pour se distraire, pour être en forme et redonne un
bon rendement le lendemain, mais encore, la bourgeoisie leur octroie
le droit discuter, de se syndicaliser et d'envoyer leurs
"représentants" pour négocier le prix auquel ils vendront
leur peau. Il est tout à fait logique qu'un vendeur essaie de vendre
sa marchandise le plus cher possible et le capital accepte avec
plaisir que les syndicats transforment les exigences "excessives"
des ouvriers en "justes revendications salariales". La
"juste revendication" est celle qui permet une augmentation
du taux d'exploitation suffisante pour contrer la tendance à la
baisse du taux de profit! Et elle est même considérée "légitime"
par l'ensemble de la bourgeoisie quand elle ne porte pas atteinte à
la compétitivité de la sacro-sainte économie nationale. Il n'y a
pas de doute quant à la spécialité des syndicats de formuler de
"justes" et "légitimes" revendications qui ne
portent pas atteinte au profit du capital. Que peut-il être compris
d'autre d'ans ces droits octroyés par la bourgeoisie? RIEN,
absolument rien de plus!
Face
à une association ouvrière réelle qui se situe sur la défense des
intérêts ouvriers, luttant pour une réduction réelle du temps de
travail, pour une augmentation effective du salaire relatif, le
capital n'a aucun intérêt à reconnaître le droit d'association,
de réunion, de presse et de syndicalisation parce que ceux-ci
portent nécessairement atteinte au taux de profit et à l'économie
nationale. Dans ce cas la démocratie n'a pas d'autre option que de
sortir ses griffes répressives: flics, corps de choc syndicaux,...
Les partis n'hésitent pas à recourir à la terreur blanche contre
l'organisation classiste des ouvriers, et ce au nom de la démocratie,
de la liberté, du droit au travail, du respect des décisions
syndicales,... A n'en pas douter, il se passera la même chose chaque
fois que sera assumée l'association, ouvrière comme école du
communisme, que les problèmes du socialisme cesseront, d'être un
problème de mots et que le combat sera mené, non plus uniquement
pour l'amélioration des salaires, mais pour l'abolition du salariat.
Il
doit être bien clair que les associations ouvrières, leurs presses,
leurs réunions, leurs actions,... qui ont comme unique fondement les
intérêts immédiats et historiques du prolétariat se situent
ouvertement contre le capital, son profit et son économie nationale.
Et au nom du respect des syndicats légaux, de la lutte contre la
subversion, de l'unité contre les provocateurs, de la défense de la
sûreté nationale, ce seront les prétendues libertés ouvrières,
de réunion, d'association,... qui seront brandies comme force
répressive contre les organisations de classe. Et cette pratique
n'est pas en rupture avec la démocratie, la répression est
démocratique parce qu'elle se fait quand les ouvriers abandonnent
leur costume de citoyen et agissent en tant que classe, quand ils
n'acceptent plus d'être l'armée bien disciplinée de la
valorisation du capital pour laquelle la bourgeoisie leur avait
octroyé ces droits et ces libertés. Cela prouve que, contrairement
ce que dit la bourgeoisie, aucun droit n'est accordé à la classe
ouvrière agissant comme classe et que tous ces droits ne sont
octroyés qu'aux citoyens vendeurs de marchandises. La terreur
répressive pour tous ceux qui n'acceptent pas de se comporter en
bons citoyens répond de manière absolument cohérente à
l'aspiration bourgeoise au paradis démocratique. Il n'y a de paradis
démocratique que pour ceux qui respectent la démocratie!! Dès
qu'une force -le prolétariat organisé en classe- tente de remettre
la dictature capitaliste en question, la démocratie montre son
visage terroriste; tant que sa dictature se maintient fermement, la
démocratie peut présenter aux peuples abrutis son visage libéral.
Ce doux visage des droits et libertés n'est donc réservé qu'au
citoyen, celui qui se plie pacifiquement à la violence
quotidienne des rapports de production capitalistes: le salariat.
Avec
le droit de grève, présenté par la gauche bourgeoise comme
ayant une valeur en soi antagonique à la superstructure juridique
capitaliste, il en est de même. Il n'existe pas un droit octroyé à
la classe, aux ouvriers en lutte, mais aux vendeurs de marchandises.
Tant que les ouvriers acceptent de se maintenir comme simple force de
valorisation du capital, ils ont tous les droits d'adopter l'attitude
de tout vendeur de marchandises: réclamer la juste valeur de sa
marchandise, refuser de vendre, suspendre la livraison des valeurs
d'usage, etc. Et évidemment, en contre partie de ces droits,
correspondent ceux de l'acheteur: la liberté du travail qui
signifie chômage, lock-out, les jaunes briseurs de grèves,... Avec
cette liberté, comme avec les autres, ceux qui en ressortent encore
plus exploités, plus asservis, le cuir tanné par des années
d'esclavage salarié, ce sont les ouvriers.
Et
quand se réalise une véritable grève qui se passe de tout droit,
où les intérêts bourgeois sont vraiment attaqués, il n'y a pas de
droits qui jouent: tout de suite, les grévistes sont accusés
d'agents provocateurs, de voyous, d'agents de l'extérieur, la réelle
grève de classe est déclarée illégale, antisyndicale,...
ce qu'elle est en réalité! Consciemment ou non, toute lutte de
classe se situe contre la légalité du règne de la
marchandise et pour sa destruction. Et pour cela, elle ne peut
accepter ni moutons, ni jaunes, ni liberté de travail, ni droit
de grève, ni conventions syndicales. Sur le terrain de
l'affrontement au capital qui passe toujours par l'action directe
contre les syndicalistes au service du patronat, les ouvriers n'ont
aucun droit qui garantisse quoi que ce soit. Il faut être naïf ou
aveugle pour croire que la légalisation de la grève opérée non
par nous, mais par nos ennemis de classe, offre une seule garantie
pour la gagner ou pour nous protéger contre la répression étatique.
Au contraire, la légalisation de la de grève est une tentative de
la bourgeoisie d'amenuiser la force de classe de la grève.
Un
autre exemple est celui de "l'amnistie pour les prisonniers
politiques" que réclame Amnesty, de concert avec les pacifistes
de tous bords, les trotskistes, les sociaux-démocrates et les
gouvernements. "Amnistie pour les prisonniers politiques"
répètent en choeur les staliniens, les démocrates, les curés, les
humanistes, ces partis de l'un ou l'autre camp impérialiste, à
condition qu'ils aient été faits prisonniers par l'Etat du camp
adverse. Chaque Etat s'arrange bien pour garder ses propres
prisonniers tout en dénonçant, au nom des droits de l'homme, ceux
de ses voisins. De plus, à l'heure où les conventions
internationales telles que l'espace judiciaire européen relèguent
systématiquement au rang de délits de "droit commun" tous
les actes de violence prolétarienne, ces humanistes de gauche se
targuent de ne s'occuper que des prisonniers "politiques".
Et le summum de leurs campagnes, c'est que tous, les comités
d'exilés chiliens, argentins, uruguayens ou salvadoriens; les
groupes de soutien à la RAF, à l'IRA,... se fixent comme but de
recueillir la signature de l'humaniste social-démocratie dont
l'allemande qui ne retient que fort peu de prisonniers politiques,...
puisqu'elle les a déjà éliminés un à un et comme dans les
guerres impérialistes, chaque Etat est prêt à négocier un peu de
chair humaine contre des investissements ou des camions,... ils
échangent des espions russes contre des sionistes, etc. Et dans tous
ces répugnants trafics de viande humaine, la bourgeoisie mêle
habilement tous les prisonniers, y noyant, camouflant les prisonniers
ouvriers nos camarades qui sont tombés en combattant l'Etat
bourgeois, quelles que soient ses couleurs. Et ils nous parlent
d'"amnistie". Si une junte tombe, si un président change,
il y a alors "une grande amnistie générale", si tel ou
tel autre parti gagne, il octroiera une large "amnistie
populaire". Et ils prétendent que le meilleur moyen de se
solidariser avec nos prisonniers serait de collecter des signatures
de démocrates, de collaborer avec les campagnes par chèques et
télégrammes que réalisent Amnesty, les partis, les gouvernements
respectueux des droits de l'homme, etc.
Nous
savons que toute cette confusion se trouve diamétralement opposée à
la solidarité qu'attendent et qu'exigent de nous les camarades
emprisonnés, que l'unique solidarité qui existe est la
solidarité de classe, que celle-ci ne passe pas par des discours
humanitaires et ne se joue pas sur l'échiquier des droits de l'homme
du côté des Etats-Unis, de l'URSS ou de Cuba, qu'elle ne s'obtient
pas avec des lettres de protestation envoyées aux tortionnaires pour
qu'ils torturent un peu moins, mais par contre, qu'elle passe par
la contre la bourgeoisie de chaque pays. Seule l'action directe
de la classe ouvrière avec tous les moyens qui lui sont propres:
grèves, occupations, sabotage de la production et de l'ensemble de
l'économie de chaque nation nous rendra capables d'imposer un
rapport de forces, qui n'a rien à voir avec la revendication d'un
droit ou d'une grâce, pour non seulement arracher les actuels
prisonniers ouvriers des griffes de l'Etat, mais aussi, pour établir
les bases organisatives de son propre pouvoir de classe, de sa propre
dictature qui balaiera de l'histoire tous les Etats et tous les
prisonniers.
Comme
les autres droits et libertés, l'amnistie parlementaire ou
gouvernementale n'a rien à voir avec la lutte ouvrière pour
arracher des camarades des cachots, parce que, tant que se maintient
le système d'exploitation, d'oppression et de misère capitalistes,
il y aura toujours des prisonniers et particulièrement des
prisonniers ouvriers. Il ne faut pas seulement affirmer que contre la
prison et la torture aucune garantie de droit et de liberté existe,
mais il faut encore savoir que l'utilisation de la prison et de la
torture se fera toujours au nom de la défense des droits et
libertés. De la même façon que le capitalisme, tout ouvrier
est potentiellement un chômeur, tout prolétaire qui n'accepte pas
l'ensemble des règles du jeu du citoyen -droit, devoir et liberté-
est potentiellement un prisonnier. La répression physique
ouverte, la torture, ou l'assassinat ne sont que l'application de la
démocratie.
De
plus, la signification même de l'amnistie implique le pardon cher à
tous les curés du monde. Cela veut dire que les personnes graciées
sont excusées, sont pardonnées des actions qu'elles avaient menées
et qu'en corollaire à ce pardon, les accusés d'hier renient les
actes pour lesquels ils avaient été condamnés, ou au moins, qu'ils
expriment que ces actes valables hier, ne le sont plus aujourd'hui...
Ainsi l'amnistie permet après coup, au nom du "pardon
chrétien", la récupération d'actions qui si à l'origine
attaquaient l'Etat bourgeois, deviennent avec le temps ou avec le
changement d'une faction bourgeoise au gouvernement, des actions
"certes exagérées mais compréhensibles dans le cadre de la
lutte contre la dictature..." (cf. tous les beaux discours des
avocats démocrates).
Un
bon exemple de ce processus est l'amnistie accordée dernièrement
par "la jeune démocratie espagnole". Celle-ci gracia
quelques "militants antifascistes pour surtout cacher le fait
que de nombreux ouvriers emprisonnés luttaient à la fois contre
Franco et contre ses cousins antifascistes: contre la
globalité de l'Etat bourgeois. Certains de ces "anarchistes",
de ces "incontrôlés" sont toujours dans les geôles
"redevenues" démocratiques (cf. "Appels de la prison
de Ségovie" par la coordination des groupes autonomes
d'Espagne, éditions Champ Libre).
Pour
nous, par contre, la libération de nos frères de classe emprisonnés
se fait par la revendication de leurs actions héroïques.
Nous n'attendons ni grâce ni pitié d'une classe qui démontre
quotidiennement qu'elle ne s'embarrasse pas de monceaux de cadavres
d'ouvriers pour faire avancer sa civilisation. Nous savons que seul
notre force organisée et armée peut faire sortir nos
camarades des geôles fascistes comme de celles antifascistes. Et
cela justement parce que notre force s'inscrit, en parfaite
continuité avec, les actions pour lesquelles nos camarades sont
tombés. C'est pourquoi, non seulement nous ne revendiquons pas
l'amnistie pour nos camarades, mais au contraire, nous revendiquons
ce pour quoi ils ont été réprimés! K. Marx défendait déjà
cette position lorsqu'il répondait à ses juges: "Nous ne
demandons ni excuses, ni pitié; n'en attendez pas non plus de nous
demain!"
Vis-à-vis
du capital tous les prolétaires sont subversifs. Le fait même de
"ne pas se soumettre" à son emprise ou de lutter pour sa
destruction. C'est pourquoi, avec toutes les victimes du capital
"politique" ou de "droit commun",... nous crions:
"Nous sommes tous subversifs"!! Nous sommes tous
coupables de vouloir détruire ce monde inhumain.
Pour
tout cela, la position des communistes face aux libertés
d'association, de presse, de grève, de réunion, l'amnistie,... face
à toute la légalité, est d'affirmer sans aucune ambiguïté que
l'organisation du prolétariat n'est basée sur aucune loi, sur
aucune liberté,... concédé par son ennemi; mais se base, par
contre, nécessairement sur le terrain illégal, celui de
l'organisation révolutionnaire pour la destruction de l'esclavage
salarié. Comme le disait Marx: "Nous
ne l'avons jamais dissimulé: le terrain sur lequel on agit n'est pas
le terrain légal, mais le terrain révolutionnaire."
Cela
ne signifie pas qu'on abandonne une grève parce qu'elle est déclarée
légale, qu'on ne diffuse pas ou qu'on ne publie pas la presse
révolutionnaire parce qu'elle circule légalement, à telle époque,
dans tel pays, ou qu'on refuse de sortir de prison parce qu'un juge
ou Amnesty nous donne la liberté. Cela reviendrait à se placer
antithétiquement sur le même terrain que le légalisme!
Il
ne faut pas non plus identifier illégalité avec clandestinité.
Toute véritable grève ouvrière est illégale mais n'est pas
clandestine même s'il y a des préparatifs clandestins.
L'organisation des ouvriers dans des associations classistes:
conseils révolutionnaires, soviets,... se situe entièrement sur le
terrain de l'illégalité (indépendamment du fait que les
gouvernements tentent de la légaliser), mais elle développe un
ensemble d'activité publique et non clandestines. Le meilleur
exemple en est la destruction de l'armée bourgeoise par le
prolétariat. Quand les soldats s'unifient avec le reste de la classe
ouvrière, grâce à un long travail communiste d'action et de
propagande clandestines, commencent à utiliser leurs armes contre
les officiers, à détruire l'armée bourgeoise, ils ne le font pas
nécessairement d'une façon clandestine, mais ouvertement.
Cependant, c'est l'acte le plus illégal que l'on puisse s'imaginer.
Se
placer sur le terrain de l'illégalité implique donc assumer la
totalité des tâches indépendamment des droits et libertés
démocratiques, ce qui signifie bien comprendre que toutes ces
libertés et droits sont des décisions de l'ennemi et que comme
telles elles ne peuvent être autre chose qu'une tactique de la
bourgeoisie pour nous combattre.
Corrélation
des forces entre les classes et formalisation juridique d'une
situation de fait inévitable
Ecoutons encore
une fois les avocats du capital: "Nous sommes des marxistes et
nous savons très bien que tous ces droits sont des droits
démocratiques bourgeois, mais la bourgeoisie est incapable des les
accorder ou de les maintenir, on doit donc les imposer et les
arracher" et d'appeler à "lutter aujourd'hui pour le droit
de grève, l'assemblée constituante, l'amnistie des prisonniers
politiques, la liberté de réunion, les élections libres la liberté
de presse, etc." A cela quelques-uns ajouteront "qu'il faut
maintenir l'autonomie de la classe ouvrière (!?) pour réaliser la
révolution permanente" et les autres "qu'il s'agit
seulement d'une étape".
Où
a-t-on vu une classe qui puisse maintenir son autonomie, ce qui veut
dire, si on ne joue pas avec les mots, lutter pour ses propres
intérêts de classe, tout en luttant précisément pour la
purification de l'Etat démocratique, pour les intérêts de son
ennemi de classe? Cette question n'a pas de réponse de la part
des "marxistes" trotskistes et autres staliniens. Selon
leur vision démocratique de l'histoire le prolétariat ne serait
plus la première classe de l'histoire à être en même temps
opprimée et à avoir la capacité d'être révolutionnaire, mais
serait par contre en même temps que classe dominée la classe la
moins autonome et la plus servile de toute l'histoire. Alors que dans
leurs révoltes passées, les esclaves attaquaient l'esclavage et les
esclavagistes, les serfs attaquaient toutes les institutions
médiévales, l'Eglise et les seigneurs, d'après ces "marxistes",
le prolétariat devrait quant à lui d'abord lutter pour des
objectifs bourgeois, avec des méthodes bourgeoises pour, par la
suite (?!) préparer sa propre révolution!!!
Mais
quelle est la relation qui existe entre une avance ouvrière, des
forces défavorables pour la bourgeoisie et la concession de tel
droit ou de telle liberté? Prenons un exemple: la situation en
Argentine en 1973. Durant des années, d'énormes et glorieuses
luttes ouvrières ont arraché les prisonniers des prisons. Au même
moment, les péronistes "bureaucratiques" et
"anti-bureaucratiques", les trotsko-morénistes du PST
appelaient les ouvriers à attendre les décrets d'amnistie dont
personne ne connaissait encore la validité générale ou non, s'ils
incluraient ou non la libération de ceux qui commirent de "graves
délits". La lutte ouvrière a vidé Villa Devoto (grand centre
pénitencier) et a permis la réintégration de beaucoup de camarades
dans l'inébranlable lutte du prolétariat. Comment interpréter les
faits? Pour les partis bourgeois classiques, la sortie des
prisonniers est toujours une conséquence de ce qu'ils décrètent
légalement; pour les partis bourgeois autoproclamés ouvriers, c'est
l'opposé: les décrets d'amnistie sont la grande victoire ouvrière.
Ces deux types de partis de l'ordre sont d'accord pour caractériser
comme fondamentale la formalisation juridique. Il existe bien
une différence entre ces deux tendances, mais il s'agit de tendances
d'une même classe: la bourgeoisie. Les désaccords perdent
seulement sur le choix des voies à prendre pour mieux liquider et
récupérer le mouvement ouvrier, pour intégrer démocratiquement et
justifier juridiquement la situation.
Mais
pour tous les communistes révolutionnaires, au contraire, la
victoire obtenue par la classe ne consiste pas à obtenir des
décrets, mais d'exprimer dans la fortification organisative de la
classe, dans l'affirmation pratique de son autonomie et dans le fait
que les prisonniers rejoignent leurs frères de classe dans la rue.
Et
l'amnistie? Dénonçons-la pour ce qu'elle est: une manoeuvre
juridique de la bourgeoisie qui tente d'intégrer dans la légalité,
dans l'état démocratique, ce qui se passe dans la rue et qu'elle ne
peut éviter. Son objectif est évident: transformer un rapport
de force conjoncturellement favorable à son ennemi historique en son
contraire en reprenant les rênes de la situation. La formalisation
juridique permet de déguiser la sortie des prisonniers en amnistie
(la gauche et la droite apportent les costumes pour l'occasion), de
cacher derrière la liberté des citoyens tout ce qui peut sembler
sympathique à l'ensemble des ouvriers.
Entre
le droit de presse et l'existence de la presse ouvrière autonome, il
existait la même opposition. Indépendamment des cas plus généraux
déjà analysés ou la liberté de presse ne garantit la liberté
d'entreprise et où l'aspect financier et prédominant, dans
certaines circonstances la liberté de presse peut englober la presse
ouvrière tant que celle-ci n'a pas d'impact et par ce qu'en la
laissant circuler légalement, la bourgeoisie vise à la contrôler.
Mais dans une société où tout ce qui se vend est marchandise, où
tout tend à se diluer dans le monde de l'échange, de l'argent, de
la consommation, il ne faut pas se faire d'illusion, sur ce terrain,
la presse ouvrière ne pourra jamais se développer.
La
même chose se produit avec le droit de grève. Laissons le cas déjà
analysé de la grève qui n'attaque pas le taux de profit de la
bourgeoisie. La grève est seulement reconnue légalement lorsque la
bourgeoisie prise dans un rapport de force qui lui est défavorable
n'a d'autre solution pour tenter de briser la grève que de la
légaliser. Les deux cas apparaissent indissociablement unis dans la
pratique, mais dans aucun cas, la légalisation n'apporte quoi que ce
soit de nouveau au prolétariat en lutte. Sa force est seulement
sa force organisée et consciente, c'est tout ce dont dispose le
prolétariat avant et après la légalisation.
Encore
une question à laquelle les "marxistes" ne pourront
répondre: si ce n'est pas pour ces deux raisons: un rapport de force
qui lui est défavorable, une tentative de briser la lutte en isolant
des grèves sauvages, pourquoi la bourgeoisie octroierait-elle un
droit, non au citoyen anonyme, mais à son ennemi historique, le
prolétariat? Et les questions sans réponse pourraient se suivre à
l'infini...
S'il
était vrai que le fonctionnement de l'ensemble des droits et des
libertés favoriserait la révolution, pourquoi dans les pays à
longue tradition démocratique, comme par exemple aux Etats-Unis, ne
s'est-il pas produit une insurrection ouvrière digne de ce nom?
Comment a-t-il été possible que la crise révolutionnaire se
développe dans un pays comme la Russie qui ne connaissait que le
tsarisme "antidémocratique" pendant des siècles et la
"démocratie" que pendant quelques mois? Et comment se
fait-il en plus que l'insurrection d'octobre s'est justement
déclenchée contre le régime le plus "démocratique" de
toute l'histoire de la Russie, celui du social-démocrate Kerensky?
Sur quels droits et quelles libertés les ouvriers du pétrole et les
autres se basaient-ils pour défendre leur grève et leur lutte en
'78, '79 en Iran? Nous pourrions de la même manière demander à
tous les apologistes sans fard des grèves en Pologne ce que la
reconnaissance du syndicat "Solidarité" a apporté à
l'extension/généralisation du mouvement, et plus particulièrement
si cette reconnaissance/légalisation n'est pas justement intervenue
à un moment de recul de la lutte (accords de Gdansk,
septembre/octobre 80) pour tenter de récupérer le mouvement, de
l'étouffer définitivement, en le détournant de ses objectifs
anti-capitalistes et donc internationaliste et autonome, pour
l'orienter vers la réforme/démocratisation du système
d'exploitation, sous la bénédiction conjuguée du pape et de
Brejnev. (Pour l'analyse des grèves en Pologne, nous renvoyons nos
lecteurs aux articles parus dans Le Communiste No. 7 et 8).
Et
tant qu'on y est, pourquoi ne pas réclamer le droit à
l'insurrection?
En
réalité, il ne s'agit pas que de questions sans réponse, mais
d'intérêts matériels de classe antagoniques à ceux de la classe
ouvrière. Et il est absolument normal que la bourgeoisie
démocratique de droite ou de gauche essaie d'imposer ses droits de
l'homme et du citoyen et confonde sciemment l'amnistie et la
libération des prisonniers, le droit de grève et la grève, l'axe
centrale de toute la mystification consiste à considérer la
formalisation juridique (liberté ou droit) comme la victoire
ouvrière alors qu'elle n'est en réalité qu'une arme de la
bourgeoisie.
Deux
façons d'interpréter l'histoire
Pour se
reproduire, la contre-révolution a interprété l'histoire à son
gré. Pour cette raison, chaque fois que nous clamons quatre ou cinq
vérités, elle essaie de nous faire taire en nous disant qu'on
méconnaît l'histoire, que la classe ouvrière a mené une longue
lutte pour obtenir le suffrage universel, le droit syndical,... Tous
les partis pseudo-ouvriers réduisent l'histoire des luttes ouvrières
à la conquête des droits démocratiques, ce qui leur permet à
chaque coup de justifier leur pratique passée, présente et à
venir.
Ces
lèches-culs du pouvoir utilisent comme méthode "d'interprétation",
en fait de révision et de falsification, non les antagonismes de
classes et les intérêts spécifiques de la classe ouvrière en
lutte, mais ce que les masses encore soumises à l'idéologie
bourgeoise inscrivent sur leur drapeau à chaque moment. Entre
l'interprétation des partis pseudo-ouvriers et la position
communiste, il y a un abîme de classe. Toutes les racailles
démocrates visent à prouver que les combats prolétariens ont
chaque fois plus rapproché les ouvriers du règne de la démocratie
pure et par là, ils falsifient l'histoire de notre classe et tuent
une seconde fois les milliers de cadavres d'ouvriers massacrés
démocratiquement! Ainsi, ils essaient de justifier leur fonction de
"représentants" dans les appareils du pouvoir bourgeois
(parlement, gouvernement, armée,...). Mais toutes leurs
"interprétations" s'effondrent si l'on replace les
problèmes sur leurs véritables bases: les intérêts immédiats et
historiques du prolétariat irrémédiablement opposés à ceux
bornés de la bourgeoisie. Les combats ouvriers sont en effet
incompréhensibles si on ne les replace pas chaque fois en continuité
avec leur passé et avec leur but historique: l'abolition de la
société de classes, quelle que soit la conscience momentanée des
prolétaires qui vivent ces luttes. "Peu importe ce que tel ou
tel prolétaire ou même ce que le prolétariat tout entier s'imagine
être son but, momentanément, ce qui importe, c'est ce qu'il est
réellement et historiquement contraint de faire conformément à son
être." (Marx) Ce qui nous intéresse dans l'histoire des
combats ouvriers, ce n'est pas tel ou tel drapeau encore confus qui
flotte sur la lutte, mais les gigantesques efforts que fait chaque
lutte pour s'organiser et affronter la totalité de la bourgeoisie.
Il
est donc tout à fait logique que pendant que les pseudo-marxistes
considèrent le suffrage universel comme une conquête ouvrière,
vous considérions que toute réforme de l'état est une tentative de
perfectionner les méthodes de domination capitaliste conte la classe
ouvrière. La véritable conquête ouvrière est l'expérience de sa
lutte, son exemple pour le prolétariat mondial, son autonomie et son
organisation croissantes à travers l'histoire. Les seuls acquis des
luttes sont donc les leçons politiques que des minorités d'ouvriers
peuvent tirer des ces événements, les théoriser pour peu à peu
comprendre qui sont les ennemis du prolétariat, indépendamment de
la couleur dont ils revêtent leurs intentions. Et c'est uniquement
grâce à cette "mémoire ouvrière" mise en actions dans
les luttes par la minorité communiste que le mouvement parvient à
ne pas à chaque fois refaire les mêmes erreurs et à aller de
l'avant. Par contre, l'interprétation de l'histoire basée sur les
conquêtes démocratiques successives des "ouvriers"
conduit inévitablement les apôtres de cette vision au Parlement et
au ministère. Tout cela ne doit pas nous étonner! Il ne faut pas
oublier que la classe capitaliste est la première classe dominante
de l'Histoire où les privilèges de sang ne joue pas un rôle
déterminant même s'ils ne sont pas négligeables. C'est pourquoi,
tout individu citoyen, même "ouvrier" est peut-être
amené, en fonction de ses capacités, du point de vue bourgeois, à
accéder à cette classe: c'est la promotion sociale! Le mécanisme
démocratique permet ainsi de recruter les meilleurs éléments pour
la gestion du capital et donc d'incorporer à la classe dominante des
individus d'origine ouvrière qui, du fait de cette origine, on une
plus grande capacité à contrôler les mouvements ouvriers. Nous
pouvons citer comme exemple de ce processus, l'ouvrier Noske devenu
ministre et massacreur en chef de l'insurrection de Berlin en 1919,
responsable de l'assassinat de Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Leo
Jogiches,... et de milliers d'autres ouvriers révolutionnaires.
C'est la voie qui a non seulement permis à tel ou tel ouvrier
d'arriver à un poste d'oppression de ses ex- frères de classe, mais
qui a carrément abouti à ce que des partis ouvriers entiers ait été
cooptés par le capital pour consolider sa gestion (cf. les partis de
la IIème Internationale). Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que
ces partis interprète l'histoire du mouvement ouvrier comme un
ensemble de réformes triomphales vers le parlementarisme et la
démocratie.
En
synthèse, nous dirons que les deux façons d'interpréter l'histoire
correspondent aux intérêts de deux classes antagoniques qui de la
société: soit à la lutte du prolétariat pour la révolution
communiste, soit à la défense bourgeoise de la démocratique
dictature du capital.
A
quoi aspirent les pseudo-marxistes?
Laissons
maintenant de coté les postes parlementaires, les ministères, la
participation à la propriété et à la gestion du capital à partir
des gouvernements, des syndicats, des directions de société,...
intéressons-nous à la question suivante: à quelle "classe
ouvrière" aspire la gauche du capital, quel serait le résultat
de ces mots d'ordre, quelle situation sociale vise-t-elle à imposer?
Accepter
leur consigne implique mener les grèves ouvrières pour la défense
du droit syndical, liberté de réunion, la défense du droit de
grève et d'autres libertés, s'associer au nom du droit
d'association (avec eux et sous leur direction), parler au nom du
droit à la parole, ou du droit d'expression de la "libre
pensée", voter pour les députés "ouvriers" au nom
du "parlementarisme ouvrier" ou pour défendre le droit de
vote, le suffrage universel; et pourquoi n'irions-nous pas en prison
au nom du droit des prisonniers et de l'amnistie, ne risquerions-nous
pas notre peau au nom du droit sacré de l'homme et du citoyen?
Exagérerions-nous? Pas du tout: combien d'ouvriers qui les ont cru
ne sont-ils pas mort ou allés en prison pour avoir écrit sur un mur
le mot d'ordre de leur propre soumission: "Vive la démocratie,
à bas la dictature!"? L'objectif est évident: arracher la
classe ouvrière de son terrain de classe, faire pourrir et dévier
vers la défense de la démocratie tout ce que la classe ouvrière
tente de réaliser: grèves, réunions, presses, discussions,... sa
dictature de classes pour l'abolition du travail salarié.
Si
elle atteint cet objectif, la bourgeoisie assurerait dans le détail
le contrôle de son système de domination et c'est ce qui s'est
effectivement passé historiquement. Chaque fraction de la
bourgeoisie trop "usée" par l'exercice du pouvoir aime
bien souffler quelques temps grâce à une formule de rechange qui
lui permet de se recrédibiliser: la cure d'opposition. La droite,
loin d'avoir le monopole de la répression, pourrait ainsi tuer,
réprimer les grèves ouvrières, emprisonner des prolétaires,...
tandis que la gauche aurait réussi à canaliser tout le
mécontentement vers la défense des droits de l'homme et des
libertés démocratiques. Nous pouvons même imaginer un moment où
il ne viendrait même plus à l'idée des ouvriers de faire grève
pour leurs "intérêts matériels mesquins", où il n'y
aurait plus aucun groupe d'"enragés" qui aurait la
"maléfique" idée de lutter contre la démocratie et
encore moins de préparer l'insurrection. La gauche aurait alors sa
"très estimable" contribution à la construction du
paradis terrestre de la démocratie pure dont rêve tous les
bourgeois, en réussissant à "convaincre" les ouvriers que
le but de leur lutte est l'obtention des droits démocratiques. Mais
comme naturellement, pour "convaincre" ces prolétaires,
les mots ne suffisent pas toujours, la gauche aura d'autres moyens.
Pour défendre la démocratie "tous les moyens sont bons"...!
Et de voir ainsi nos humanistes de gauche pratiquer l'assassinat bien
entendu uniquement contre les "provocateurs", les agents de
l'extérieur... ou de la CIA. La gauche a dans le domaine de la
répression anti-ouvrière une aussi grande expérience que la
droite! Aucune fraction de la bourgeoisie n'a le privilège de la
répression, toutes assument en période de crise, le cannibalisme de
la contre-révolution.
Cependant,
ce paradis terrestre bourgeois ne peut pas durer éternellement même
avec le concours de la gauche. On accusait Lénine d'être un espion
allemand, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés
par des socialistes au nom de la défense de la démocratie, la
démocratie, la torture sous le régime d'Allende était aussi
férocement organisés par des socialistes au nom du gouvernement des
travailleurs et la sacro-sainte liberté que sous le règne de
Pinochet. Mais ce que tous ces bourgeois ne peuvent, ni ne pourront
jamais éviter, c'est que des "têtes brûlées", des
"ingrats de la nation", des "anarchistes"
continuent à resurgir chaque fois avec plus de force, en détruisant
toutes les illusions démocratiques. Et nous, prolétaires, nous
n'accepterons plus de faire "grève" pour tel ou tel droit,
nous ne ferons grève que pour nos propres intérêts historiques de
notre classe, nous lutterons pour arracher nos camarades prisonniers
des griffes capitalistes, mais cela ne signifie à aucun instant,
pour nous, faire des concessions avec le parlementarisme ou
participer aux campagnes d'amnistie.
Les
pseudo-marxistes, dans leur lutte pour la purification de la
démocratie, n'aspirent qu'à la soumission totale de la classe
ouvrière, autrement dit à sa disparition, son atomisation en bons
citoyens ou bourgeois (citoyen = habitant de la cité, -du bourg =
bourgeois).
Les
droits démocratiques ne sont jamais une victoire ouvrière, mais
sont toujours une arme de la bourgeoisie
Tout au long de
ce texte, nous avons considéré de manière distincte, pour des
motifs d'exposition, les différents aspects des droits et libertés
démocratiques qui, en réalité, se combinent:
A/
La démocratie pure, l'idéologie du capital où il n'existe pas de
tentative d'organisation classiste, mais seulement des citoyens.
B/
Pratiquement, la tendance à la purification de la démocratie réelle
qui se concrétise historiquement par l'atomisation du prolétariat
en citoyens, lorsque gauche et droite les font lutter pour la défense
des droits et libertés, et par le terrorisme étatique exécuté
dans le cadre strict de la démocratie contre ceux qui la violent:
toute organisation de la classe porte atteinte à la démocratie.
C/
la formalisation juridique des droits et libertés d'une situation de
fait inévitable.
D/
cette formalisation tendant à renverser le rapport de force en
faveur de la bourgeoisie.
Il
était évident qu'aucun de ses aspects n'est favorable au
prolétariat et que tous sont inséparables: étant donné que le
cadre de références (A) peut seulement se concrétiser par une
situation de relative stabilité démocratico-terroriste (B) et que
des grèves sauvages sont trop nombreuses, que des pamphlets et
autres feuillets subversifs sont incontrôlables, que les périodiques
ouvriers circulent dans le prolétariat comme poisson dans l'eau; la
bourgeoisie a besoin de légaliser la situation (C). Elle autorise
donc quelques publications, elle relâche quelques prisonniers qui
n'ont pas commis de "délit de droit commun ou graves",
elle légalise quelques grèves,... il est évident qu'elle vise à
briser (D) l'unité des "agents provocateurs du désordre, de
ceux qui ne respectent pas la démocratie" (ce qui est vrai) et
ne trouvera pas d'autre solution que de les tuer: "maintenant
que l'on permet des grèves, il faut être très sévère avec ceux
qui ne respectent pas le droit au travail et qui, en continuant à
mener des grèves sauvages, ne tiennent même pas compte des intérêts
de la nation" (ce qui est vrai), etc. Quant aux autres, elle
essaiera de les amadouer avec des miettes "en accord avec les
intérêts de la nation" (ce qui est vrai): le droit de "grève",
d'"expression", le droit des travailleurs "à la
dignité nationale"! Combien de fois n'a-t-on pas vécu cette
situation!!!
Chaque
fois que la bourgeoisie se trouve confrontée à une situation
complexe très lointaine de son paradis démocratique (A), elle
formalise juridiquement certaines situations de fait (C), ce qui
constitue une arme décisive (D) pour obtenir au moins une situation
de démocratie normalisée (B). Dans cette démocratie recomposée
(même si elle est pourrie depuis longtemps), les démocrates
libéraux, les syndicalistes, les staliniens, les trotskistes, les
maoïstes, les socialistes, pourront encore se congratuler dans les
couloirs du Parlement et des chambres de conciliation: "les
droits de l'homme et du citoyen ont été sauvés,... les
ouvriers rentrent normalement au travail et bientôt ils pourront
exercer leurs droits civiques!"
Il
ne faut pas arriver à une situation de crise politique totale de la
bourgeoisie pour constater l'articulation de tous ces éléments.
Cependant, c'est dans ces conditions extrêmes que se pose avec
acuité pour le prolétariat l'alternative: ou accepter la démocratie
et le désastre contre-révolutionnaire est inévitable -les exemples
historiques foisonnent-, ou balayer la démocratie -de cela il
n'existe qu'un seul exemplee historique limité: celui de
l'insurrection d'octobre 1917 en Russie-!
Note
:
1.
cf. Comunismo No.1 centré sur la lutte historique des
communistes contre la démocratie: "Contra la democracia".
Nous renvoyons aussi les lecteurs intéressés aux textes suivants:
"Fasciste ou antifasciste, la dictature du capital c'est la
démocratie" in Le Communiste No.9; "La démocratie
nous assassine" in Le Communiste No.5; "Crève la
démocratie" in Le Communiste No.2.
Le
Communiste No.10/11
Lisez
aussi: "Communisme contre Démocratie"
"Thèses
sur la démocratie"
Mémoire
ouvrière: "La mystification démocratique" (Invariance)
Julian Assange est libre, mais la lutte pour la
défense des droits démocratiques se poursuit
il y a un jour
Lundi, Julian Assange a été libéré de la prison
britannique de Belmarsh après cinq ans d’emprisonnement et près
de 15 ans de persécution par une cabale de gouvernements
impérialistes dirigés par les États-Unis qui l’ont traqué pour
avoir divulgué leurs crimes. Cet après-midi, un tribunal américain
des îles Mariannes du Nord a entériné un accord de plaidoyer,
mettant fin à la tentative américaine d’extrader Assange, qui
retourne en Australie.
Julian Assange quitte le tribunal fédéral de Saipan, dans les
îles Mariannes, le mercredi 26 juin 2024. [AP Photo/Eugene Hoshiko]
Assange sera à jamais considéré par les générations futures
comme un militant pour la liberté d’expression et les droits
démocratiques. Sa persécution sera perçue comme l’une des
chasses aux sorcières les plus brutales de l’histoire moderne.
Le World Socialist Web Site adresse ses plus chaleureuses
salutations et félicitations à Julian Assange pour sa libération.
Nous félicitons également tous ceux qui ont joué un rôle
remarquable dans la lutte contre la persécution de Julian Assange.
Au premier rang de ces personnes figurent sa femme, Stella Assange,
son père, John Shipton, et son frère, Gabriel Shipton.
Parmi les principaux défenseurs publics d’Assange figurent le
musicien Roger Waters et le militant des droits de l’homme Craig
Murray. Nous notons avec tristesse que le courageux journaliste John
Pilger, qui s’est battu sans relâche pour la libération
d’Assange, est décédé avant d’avoir pu célébrer cet
événement, tout comme le célèbre lanceur d’alerte Daniel
Ellsberg.
La décision du gouvernement Biden de libérer Assange est un
recul politique majeur et une admission de fait par le gouvernement
américain que l’affaire contre lui était un coup monté dès le
début. La Maison-Blanche a évalué qu’un procès politique monté
de toutes pièces contre un journaliste courageux aux États-Unis
démasquerait la fraude de l’impérialisme américain qui fait la
guerre dans le monde entier au nom de la «démocratie».
La persécution d’Assange a pris la forme d’une campagne de
mensonges et de diffamation. Quatre gouvernements présidentiels
successifs, dont Bush, Obama, Trump et Biden, ont cherché à faire
taire ce journaliste courageux.
Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006, après l’invasion
illégale de l’Irak et de l’Afghanistan par les États-Unis dans
le cadre de la «guerre contre le terrorisme». WikiLeaks était une
initiative audacieuse et efficace qui vise à utiliser les
technologies de l’information pour faire ce que les journalistes
sérieux sont censés faire: faire la lumière sur les actes illégaux
que le gouvernement veut garder cachés.
En 2010, Julian Assange et WikiLeaks ont publié une série de
documents révélant les crimes de guerre commis par l’armée
américaine. Les «Iraq War Logs» (Journaux de la guerre en Irak) et
l’«Afghan War Diary» (Dossier sur la guerre en Afghanistan) ont
constitué les révélations les plus complètes sur la criminalité
impérialiste depuis les «Pentagon Papers» des années 1970.
Les Journaux de la guerre en Irak décrivent en détail le meurtre
de 66.081 civils par les forces américaines dans le cadre de
l’invasion et de l’occupation de l’Irak. WikiLeaks a également
publié la vidéo «Collateral Murder», qui montre le massacre de
plus d’une dizaine de civils non armés, dont deux journalistes de
Reuters, par les forces américaines en Irak.
En novembre 2010, WikiLeaks a commencé à publier des extraits de
centaines de milliers de câbles diplomatiques américains. Ceux-ci
ont mis à nu l’illégalité quotidienne de la politique
impérialiste, y compris la préparation de coups d’État, la
formation de politiciens étrangers en tant qu’agents secrets des
États-Unis et d’autres attaques contre la démocratie dans le
monde entier.
En réaction, les agences de renseignement américaines ont lancé
une campagne de destruction de Julian Assange dans le cadre d’un
effort systématique qui visait à purger les médias indépendants
et à orchestrer l’intégration totale des médias à l’appareil
de sécurité nationale américain.
Assange a été visé dans le cadre d’une machination opérée
par l’État. Les moyens par lesquels cela a été entrepris
revêtent une importance particulière. Afin de créer une base
d’appui pour la persécution d’Assange, ils ont entrepris de
noircir complètement sa réputation. L’État a utilisé à bon
escient la politique de genre de la pseudo-gauche de la classe
moyenne aisée, qui a insisté sur le fait que les allégations
d’agression sexuelle devaient être crues même lorsqu’il
s’agissait de coups montés évidents fomentés par l’État.
Le journal britannique The Guardian, qui a servi
d’exutoire aux couches de la classe moyenne éprises de politique
identitaire, a fait tout ce qu’il a pu pour donner une légitimité
à ces allégations.
En décembre 2010, des procureurs suédois ont ouvert une
procédure contre Assange sur la base d’allégations d’inconduite
sexuelle fabriquées de toutes pièces, qui ont toutes été
abandonnées par la suite. Les efforts des autorités suédoises pour
extrader Assange – d’où il pourrait être extradé vers les
États-Unis – l’ont contraint à se réfugier dans l’ambassade
de l’Équateur à Londres en 2012.
L’International Socialist Organization a demandé en 2012 que le
public «prenne au sérieux ces allégations de viol à l’encontre
d’Assange». Socialist Alternative a insisté sur le fait que «les
graves allégations de viol» contre Assange «doivent faire l'objet
d’une enquête».
La chasse aux sorcières contre Julian Assange s’est déroulée
parallèlement à la campagne vindicative qui visait à arrêter et à
poursuivre Edward Snowden, qui n’a échappé au sort d’Assange
qu’en s’enfuyant en Russie, et Chelsea Manning, qui a été
emprisonnée pendant sept ans par le gouvernement Obama.
En 2016, WikiLeaks a publié les courriels Podesta, qui
documentent les efforts systématiques du Parti démocrate pour
truquer les primaires de 2016 au détriment de Bernie Sanders et au
profit d’Hillary Clinton. En réaction à ces révélations, Debbie
Wasserman Schultz, la présidente du Comité national démocrate, a
démissionné en disgrâce.
Mais le Parti démocrate a lancé une contre-attaque, accusant
faussement WikiLeaks de «collusion» avec le gouvernement russe pour
influencer l’élection présidentielle de 2016. Après la défaite
d’Hillary Clinton face à Donald Trump en 2016, l’establishment
démocrate et les médias américains sont devenus, si cela est
possible, encore plus brutalement hostiles à Assange.
La campagne systématique menée depuis des années par les médias
américains et la pseudo-gauche pour empoisonner l’opinion publique
contre Assange a créé les conditions permettant au gouvernement
Trump d’accuser officiellement Assange d’espionnage en 2018. En
avril 2019, la police britannique a fait irruption dans l’ambassade
équatorienne et a traîné Assange dehors, pour l’emmener à la
prison de Belmarsh, où il a été emprisonné pendant cinq ans.
Le New York Times, le Washington Post et le Wall
Street Journal ont tous approuvé avec enthousiasme
l’arrestation d’Assange et son extradition vers les États-Unis.
Le Washington Post de Jeff Bezos a été le plus explicite,
déclarant qu’Assange avait «depuis longtemps besoin de rendre des
comptes personnellement». Le New York Times a fait l’éloge
de son arrestation, déclarant: «Le gouvernement a bien commencé en
inculpant M. Assange d’un crime incontestable. Le Guardian
a mené la meute dans la calomnie vindicative, affirmant faussement
et absurdement qu’Assange avait tenu des réunions avec Paul
Manafort, conseiller de la campagne Trump.
Tous les grands journaux bourgeois ont eu recours au pire
sensationnalisme pour discréditer Assange, imprimant des mensonges
sur ordre du gouvernement. Aucune dénonciation n’était trop
grotesque.
Jeremy Corbyn, qui se présente comme un partisan et un défenseur
d’Assange, est resté presque totalement silencieux sur
l’incarcération d’Assange à la prison de Belmarsh lorsqu’il
était chef du Parti travailliste, de 2015 à 2020.
Contrairement aux organisations de la pseudo-gauche qui ont
rejoint la chasse aux sorcières ou n’ont rien dit, le mouvement
trotskiste – le World Socialist Web Site (WSWS) et le
Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) – a
lancé une campagne pour mobiliser le soutien au sein de la classe
ouvrière à l’échelle internationale. En tant que mouvement ayant
subi d’immenses persécutions, nous nous sommes immédiatement
solidarisés avec Assange. Nous sommes immensément fiers de notre
contribution à sa défense.
Dans des centaines d’articles, le WSWS a fait la lumière sur la
chasse aux sorcières de la droite contre Assange. Nos articles sur
la persécution d’Assange ont été lus des centaines de milliers
de fois. Le WSWS et le CIQI ont organisé des rassemblements dans le
monde entier, impliquant des centaines de participants et des
journalistes de premier plan, tels que Pilger, en tant
qu’intervenants. En 2018, nous avons organisé le webinaire
«Organiser la résistance à la censure sur Internet», auquel
Assange a envoyé ses salutations peu avant que son accès à
Internet à l'ambassade d’Équateur ne soit coupé.
Bien qu’Assange soit libre, l’offensive capitaliste mondiale
contre les droits démocratiques ne fait que s’accélérer. Chaque
recul tactique de l’impérialisme est suivi d’une contre-attaque
plus brutale. Il ne faut pas se faire d’illusion que la décision
du gouvernement Biden de libérer Assange était motivée par des
principes démocratiques ou que le danger pour les droits
démocratiques est passé. En réalité, tant que ces conditions
existeront, Assange ne sera jamais hors de danger.
En fait, en torturant un journaliste pour qu’il admette avoir
violé la loi sur l’espionnage en diffusant des informations
véridiques dans l’intérêt du public, le gouvernement Biden a
créé un nouveau précédent dangereux en matière d’attaque
contre la liberté de la presse.
Les conditions fondamentales qui ont motivé la persécution
d’Assange – la guerre mondiale et les niveaux extrêmes
d’inégalité sociale – non seulement persistent, mais
s’intensifient. Les États-Unis et les puissances de l’OTAN
appuient un génocide à Gaza qui a tué plus de 47.000 Palestiniens.
Les plans sont bien avancés pour une escalade massive de la guerre
des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, y compris
le déploiement direct de troupes de l’OTAN.
En Ukraine, Bogdan Syrotiuk, courageux militant socialiste et
opposant à la guerre, a été emprisonné pour s’être opposé au
régime de Zelensky. Le gouvernement Biden mène une campagne pour
criminaliser l’opposition au génocide à Gaza, procédant à des
milliers d’arrestations violentes de manifestants pacifiques.
Au cours de sa campagne pour la libération d’Assange, le WSWS a
expliqué que la lutte pour les droits démocratiques doit être
enracinée dans la classe ouvrière et liée à la lutte pour le
socialisme et contre la guerre impérialiste. Cette leçon centrale
prend de plus en plus d’importance dans un contexte d’escalade de
la guerre impérialiste mondiale: la lutte pour la défense des
droits démocratiques est inséparable de la lutte contre le système
capitaliste.
(Article paru en anglais le 26 juin 2024)